The Writings of Maria Valtorta

530. Une autre nuit de péché de Judas.

530. Another night of sin for Judas Iscariot.

530.1

Nobé tout entièr dort encore. C’est la première nuance du jour. L’aube, dans les lueurs apaisées de l’hiver, est d’une délicatesse de teintes irréelles. Ce n’est pas la lumière vert argenté des aurores d’été qui s’affirme rapidement et se change en or pâle, puis en un rouge de plus en plus accentué. Mais un vert jade, nuancé d’un gris bleu très léger, l’indique à l’orient par un petit demi-cercle, à la limite de l’horizon, en bas : un point d’une luminosité voilée, et pour ainsi dire lasse, comme celle de la pâle flamme du soufre allumé, derrière un rideau de fumée blanchâtre. Et elle hésite à s’allonger sur le ciel, qui reste gris, mais est serein et porte encore des étoiles qui regardent le monde. Elle hésite à repousser la grisaille pour faire place à sa précieuse couleur de pâle jade et au pur cobalt du ciel palestinien. Timide et frileuse, elle paraît s’arrêter à la limite de l’orient. Elle s’y attarde encore, dilatant insensiblement son demi-cercle de luminosité sulfureuse et à peine diluée de vert pâle en une couleur blanche mêlée d’un souvenir de jaune, quand elle doit s’effacer devant un rosé subit qui dégage le ciel du dernier voile de la nuit et le rend net et précieux comme un baldaquin de satin couleur de saphir. Un feu s’allume au bout de l’horizon comme si un mur venait de tomber pour mettre à découvert une fournaise ardente. Mais est-ce du feu ou un rubis allumé par un feu caché ? Non, c’est le soleil qui émerge : le voici. A peine pointe-t-il de la courbe de l’horizon que déjà il a trouvé moyen de peindre de corail rosé un flocon de nuages et de changer en diamants les gouttes de rosée à la cime des arbres à feuilles persistantes. Un grand rouvre, à l’extrémité du village, porte un voile de diamants sur ses feuilles couleur de bronze, tournées vers l’orient. On dirait autant de claires étoiles qui scintillent dans les branches de ce géant dont la cime plonge dans l’azur.

Peut-être, pendant la nuit, des étoiles sont-elles descendues trop bas sur le village pour murmurer quelque céleste secret aux habitants de Nobé, ou bien pour consoler par leur lumière pure l’Homme qui, éveillé, marche silencieusement là-haut, sur la terrasse de Jean.

Oui, parce que seul, dans Nobé endormi, Jésus est éveillé ; il arpente la terrasse de la maisonnette, les bras croisés sous son manteau bien serré qui le couvre tout entier pour le défendre du froid et qui lui sert aussi de capuchon. Chaque fois qu’il arrive à un bout de la terrasse, il regarde au dehors, en se penchant pour voir la rue qui traverse le centre du village ; mais elle est encore à demi obscure, vide, silencieuse. Alors, il se remet à faire les cent pas d’un côté à l’autre, lentement, en silence, la plupart du temps la tête penchée, méditatif, observant parfois le ciel de plus en plus lumineux et les couleurs vagues de l’aube et de l’aurore, ou en suivant du regard le vol frémissant du premier passereau, réveillé par la lumière, qui quitte la tuile hospitalière d’un toit voisin pour descendre becqueter au pied du vieux pommier de Jean, et puis s’envole de nouveau, après avoir vu Jésus, avec un cui-cui effrayé qui réveille les autres oiseaux nichés çà et là.

530.2

D’un enclos s’élève un bêlement de brebis qui se perd en tremblant dans l’air. De la rue provient un bruit de pas rapides.

Jésus se penche pour regarder, puis il descend vivement le petit escalier, entre dans la cuisine obscure et referme la porte derrière lui.

Les pas se rapprochent, résonnent maintenant dans le jardin à côté de la maison, s’arrêtent devant l’entrée de la cuisine ; une main essaie d’ouvrir, se rend compte que la clé n’est pas dans la serrure, actionne alors le verrou que l’on peut remuer du dehors aussi bien que de l’intérieur, et une voix dit en même temps :

« Quelqu’un serait-il déjà levé ? »

Une main encore ouvre la porte avec précaution sans la faire grincer. La tête de Judas se glisse par l’ouverture… Il regarde… Obscurité complète. Froid. Silence.

« Ils ont laissé la porte ouverte… Et pourtant… Elle me paraissait fermée… Ça n’a d’ailleurs aucune importance !… On ne vole pas les pauvres, et en est-il de plus misérables que nous… Mais espérons que… cela ne va pas durer. Où est ce maudit allume-feu ?… Je ne le trouve pas… Si je réussis à allumer le feu… c’est que je suis rentré tard, oui, vraiment trop tard… Mais où peut-il être ? Bien trop de mains le touchent. Sur le foyer ? Non… Sur la table ? Non… Sur les bancs ? Non… Sur l’étagère ?… Non plus… Cette porte vermoulue grince quand on l’ouvre… Bois rongé, gonds rouillés… Tout est vieux, moisi, horrible ici. Ah ! pauvre Judas ! Et il n’y est pas… Il me faudra vraiment entrer chez le vieux… »

Tout en parlant, il a marché à tâtons, çà et là, invisible dans l’ombre, prudent comme un voleur ou un oiseau de nuit pour éviter les obstacles qui pourraient faire du bruit…

530.3

Il se heurte à un corps et pousse un cri d’effroi étouffé.

« N’aie pas peur. C’est moi. Et l’allume-feu est dans ma main. Le voici. Allume, dit Jésus paisiblement.

– Toi, Maître ? Que faisais-tu ici, tout seul, dans le noir, dans le froid… Il y aura beaucoup de malades certainement aujourd’hui après le sabbat et deux jours de pluie, mais ils ne seront pas là de sitôt. C’est seulement maintenant qu’ils se mettent en marche des villes voisines, car ce n’est qu’à présent que l’on comprend qu’il ne pleuvra pas aujourd’hui. Le vent de la nuit a déjà essuyé les routes.

– Je le sais, mais allume. Il ne convient pas à des gens honnêtes de parler ainsi dans le noir, c’est bon pour des voleurs, des menteurs, des luxurieux et des assassins. Les complices de mauvaises actions aiment les ténèbres. Moi, je ne suis le complice de personne.

– Moi non plus, Maître. Je voulais préparer un bon feu, et c’est pour cela que je me suis levé de bonne heure… Que dis-tu, Maître ? Tu as murmuré quelque chose que je n’ai pas compris.

– Allume donc.

– Ah !… J’ai vu ainsi qu’il fait beau. Mais il fait froid. Tous auront plaisir à trouver un bon feu… Tu t’es levé en m’entendant remuer ici ou à cause du vieux qui… Il a encore ses douleurs ?… Voilà, enfin ! L’amadou et l’allume-feu paraissaient humides, au point qu’ils ne voulaient pas faire d’étincelle… Ils sont trempés… »

530.4

Une petite flamme se lève de la mèche d’une lampe, fluette, tremblante… mais suffisante pour voir les deux visages : le visage pâle du Christ, le visage brun et imperturbable de Judas.

« Maintenant, j’allume le feu… Tu es pâle comme un mort. Tu n’as pas dormi ! Tout ça à cause de ce vieux ! Tu es trop bon.

– C’est vrai : je suis trop bon… Envers tout le monde, même envers ceux qui ne le méritent pas. Mais le vieillard le mérite. C’est un homme honnête, un cœur fidèle. Toutefois, ce n’est pas pour lui que j’ai veillé, mais pour un autre. C’est vrai. L’amadou et le briquet étaient humides, mais ce n’était pas à cause d’une tasse renversée ou de quelque liquide répandu accidentellement, mais à cause de mes larmes qui sont tombées dessus. C’est vrai. Il fait beau, mais froid, et le vent a essuyé les routes ; mais vers l’aube, la rosée est tombée. Touche mon manteau, il en est humide… Et puis l’aube est venue montrer le temps serein, la lumière est venue me montrer une place vide, et le soleil de l’aurore est venu faire briller la rosée sur les feuilles et les larmes sur les cils. C’est vrai, il y aura aujourd’hui beaucoup de malades, mais ce n’étaient pas eux que j’attendais. Je t’attendais, toi. Car c’est pour toi que j’ai veillé toute la nuit. C’est pour toi que, ne pouvant rester enfermé ici à t’attendre, je suis monté sur la terrasse pour jeter au vent mon appel, montrer aux étoiles ma douleur, à l’aurore mes larmes. Ce n’est pas le vieillard malade, mais le jeune dévoyé, le disciple qui fuit le Maître, l’apôtre de Dieu qui préfère l’égout au Ciel et le mensonge à la vérité, qui m’a tenu debout toute la nuit pour t’attendre. Et quand j’ai entendu tes pas, je suis descendu ici… pour t’attendre encore. Non plus ta personne qui, maintenant, m’était proche et se déplaçait comme un voleur dans la cuisine obscure, mais ton sentiment… J’ai attendu une parole… Et tu n’as pas su la dire quand tu m’as senti debout contre toi. Celui auquel tu es en train de vendre ton âme ne t’a donc pas averti que je savais ? Mais non ! Il ne pouvait t’avertir ni te suggérer la seule parole que tu pouvais, que tu devais dire, si tu avais été un juste. Et il t’a suggéré des mensonges que je ne demandais pas, inutiles, offensants plus encore que ta fugue nocturne. Il te les a suggérés en ricanant, content de t’avoir fait descendre une marche de plus et de m’avoir causé une autre peine. C’est vrai. Il viendra beaucoup de malades, mais le plus grand malade ne viendra pas à son Médecin. Et le Médecin lui-même est malade de douleur pour ce malade qui ne veut pas guérir. C’est vrai. Tout est vrai, même que j’ai murmuré un mot que tu n’as pas compris. Après ce que je t’ai dit, tu le devines ? »

Jésus a parlé à voix basse, mais sur un ton si tranchant, si douloureux et en même temps si sévère que Judas qui, aux premiers mots, était souriant, bien droit, effronté, tout près de Jésus, s’est peu à peu éloigné et ratatiné comme si chaque mot lui assénait un coup, alors que Jésus s’est toujours plus redressé, vraiment Juge et vraiment tragique dans son attitude douloureuse.

Judas, bloqué maintenant entre une huche et le coin du mur, murmure :

« Mais… Je ne sais pas…

– Non ? Eh bien, je te le redis, car je ne crains pas de dire ce qui est vrai. Menteur ! Voilà ce que je t’ai dit. Et si l’on supporte encore les mensonges d’un enfant parce qu’il en ignore la portée et qu’on lui apprend à ne plus en dire, chez un homme, on ne le supporte pas, et chez un apôtre, disciple de la Vérité même, il provoque le dégoût. Un dégoût total. Voilà pourquoi je t’ai attendu toute la nuit et pourquoi j’ai pleuré en mouillant la table là où se trouvait l’allume-feu. Ensuite, j’ai pleuré en veillant et en t’appelant de toute mon âme à la lumière des étoiles, voilà pourquoi je suis trempé par la rosée comme l’amant[1] des Cantiques. Mais c’est en vain qu’elle couvre ma tête et que les gouttes de la nuit mouillent les boucles de mes cheveux ; c’est inutilement que je frappe à la porte de ton âme et que je lui dis : “ Ouvre-moi, car je t’aime, bien que tu ne sois pas immaculée. ” C’est même justement parce qu’elle est tachée que je veux entrer en elle et la purifier. C’est justement parce qu’elle est malade que je veux entrer pour la guérir. Fais attention, Judas ! Prends garde que l’Epoux ne s’éloigne, et pour toujours, et que tu ne puisses plus le trouver…

530.5

Judas, tu ne dis rien ?…

– Il est trop tard pour parler, désormais ! Tu l’as dit : je te dégoûte. Chasse-moi…

– Non. Les lépreux eux aussi me dégoûtent, mais j’ai pitié d’eux et, s’ils m’appellent, j’accours et je les purifie. Ne veux-tu pas être purifié ?

– Il est trop tard… c’est inutile. Je ne sais pas être saint. Chasse-moi, te dis-je.

– Je ne suis pas l’un de tes amis pharisiens qui déclarent impurs une infinité de choses et les fuient ou les chassent durement alors qu’ils pourraient les purifier par la charité. Je suis le Sauveur et je ne chasse personne… »

Un long silence s’établit. Judas reste dans son coin. Jésus appuie son dos à la table et, l’air fatigué, souffrant, il semble se soutenir grâce à elle… Judas lève la tête. Hésitant, il le regarde et murmure :

« Et si je te quittais, que ferais-tu ?

– Rien. Je respecterais ta volonté, en priant pour toi. Pourtant à mon tour, je t’affirme que même si tu me quittes, il est désormais trop tard.

– Trop tard pour quoi, Maître ?

– Pour quoi ? Tu le sais comme moi… Allume le feu, maintenant. On marche, au-dessus. Etouffons le scandale ici, entre nous. Pour tous, nous aurons eu un court sommeil… et nous aurons été réunis par un désir de chaleur… Mon Père !… »

Et pendant que Judas approche la flamme des branches déjà mises sur le foyer et souffle pour allumer des copeaux, Jésus lève les mains au-dessus de sa tête et s’en presse les yeux…

530.1

All Nob is asleep. It is daybreak. Dawn, in the smooth winter light is delicately coloured with unreal hues. It is not the silvery green light of summer dawns, the light which appears so rapidly and changes into pale gold and into pink that becomes brighter and brighter. But a jade green dissolving into a very faint greyblue, can be seen in the east in a small low semicircle above the horizon: a spot of a veiled, almost tired brightness, like a pale flame of sulphur burning behind a screen of whitish smoke. And it stretches with difficulty along the still grey sky, although it is clear with its stars still ogling at the world. It has difficulty in driving back the greyness to make room for its precious shade of pale jade and for the pure cobalt-blue of the Palestinian sky. It seems to be halting shyly, as if it were suffering from the cold, at the eastern border. And it delays there further, with its semicircle of sulphur brightness slightly expanded and just fading from pale green to white, veiled with a touch of yellow, when it is outshone by a sud­den pink hue that frees the sky from the last night veil and makes it as clear and precious as a canopy of sapphire-coloured satin and a fire is lit in the remote horizon, as if a wall had collapsed and a blazing furnace were revealed. But is it fire or a ruby lit up by a hidden fire? No. It is the rising sun. There it is. As soon as it rises from behind the curves of the horizon, it is ready to tinge a white woolly cloud with coral pink, and to change the dewdrops on the tops of perennials into diamonds. A tall oak, at the end of the village, has a veil of diamonds on its bronze leaves facing east. They look like stars glittering among the branches of the giant tree, whose top rises towards the blue sky.

Perhaps during the night, some stars have come too low over the village to whisper celestial secrets to the citizens of Nob, or perhaps to comfort with their pure light the sleepless Man Who is walking silently up there, on John’s terrace. Because Jesus only, in the whole town of Nob asleep, is awake and is walking slowly up and down the terrace of the little house, with folded arms, tightly wrapped in his large mantle that also covers his head like a hood, to protect Himself from the cold. Every time He arrives at the end of the terrace, He leans out to look at the street that runs through the centre of the town. A street that is still semi-dark empty and silent. He then resumes going up and down, slowly, silently, most of the time with his head lowered, pensive, sometimes looking at the sky that with the vague hues of dawn is beginning to grow clear. Or with his eyes He follows the whirring flight of the earliest sparrow, roused by daylight, as it leaves the hospitable tile of a nearby roof, descending to peck at the foot of John’s old apple-tree, then it flies away again, seeing Jesus, chirp­ing with fear and thus awaking other little birds in their nests here and there.

530.2

The bleating of a sheep is heard from a fold and it fades away trembling in the air. And the hurried shuffling of feet is heard coming from the street. Jesus leans out to look. He then runs down the staircase, He enters the dark kitchen closing the door.

The steps are approaching, they can be heard on the strip of the kitchen garden near the house, their noise stops before the kitchen door; a hand gropes for the lock, it feels that there is no key, it lifts the latch that can be moved both from outside and inside, and at the same time a voice says: «Is there someone up already?» A hand opens the door cautiously without letting it squeak. The head of Judas of Kerioth appears through the aperture… He looks… Pitch dark. Cold. Silence.

«They forgot to close the door… And yet… I thought it was closed… In any case, it does not matter!… Thieves do not rob poor people. And there is nobody poorer than we are… Eh!… But let us hope that… it will not be always like this. Where is that cursed tinder-box?… I cannot find it… If I manage to light the fire… because I am late, yes, too late… But where will it be? Too many people use it. By the fireside? No… On the table? No… On the benches? No. On the shelf? No… That worm-eaten door-squeaks when you open it… Worm-eaten wood… rusty hinges… Everything is old, mouldy, horrible here. Ah! poor Judas! And it isn’t here… I shall have to go into the old man’s room…»

While speaking, he has been groping all the time in the invisible darkness, as cautious as a thief or a night bird in avoiding obstacles which might make noise…

530.3

He knocks against a body and utters a faint cry of fear.

«Be not afraid. It is I. And the tinder-box is in my hand. Here it is. Light it» says Jesus calmly.

«You, Master? What were You doing here, all alone, in the dark, in this cold… There will certainly be many sick people today, after a Sabbath and two wet days, but they will not be here so early. They will be hardly moving from the nearby villages now, because only now they can see that it will not rain today. The wind has already dried the roads during the night.»

«I know. But light a lamp. It is not for honest people to speak in darkness, but it is typical of thieves, liars, lewd people and killers. Parties to evil deeds love darkness. I am no party to anybody.»

«Neither am I, Master. I wanted to light a good fire. So I was the first to get up… What did You say, Master? You mumbled between Your lips and I did not understand.»

«So light it.»

«Ah!… I saw that it’s a clear day. But it’s cold. They will all be pleased to find a good fire… Did You get up because You heard me bustle about or because of the old man who… Is he still in pain?… Here it is! At long last! The tinder and steel seemed to be damp, and they would not give a spark… They have got soaked…»

530.4

A little flame rises from the wick of a lamp. One only small trembling little flame… but sufficient to see the two faces: the pale face of Jesus, the swarthy fearless face of Judas.

«I will now light the fire… You are as white as death. You have had no sleep! And because of that old man! You are too good.»

«That is true. I am too good. To everybody. Also to those who do not deserve it. But the old man deserves it. He is an honest man, with a loyal heart. However, I did not keep watch for him, but for somebody else. It is true that the steel and tinder box were damp, but not because of a cup overturned, or of other liquid spread by accident, but because my tears dripped on them. It is true. It is a clear day but it is cold and the wind has dried the roads and at dawn dew fell. Feel my mantle. It is wet with it… Then dawn came to show the clear sky, light came to show an empty place, the sun rose to make dewdrops shine on leaves and tears on eyelashes. It is true. There will be many sick people today, but I was not waiting for them. I was waiting for you. I was awake all night for you. And as I could not stay in here waiting for you, I went up to the terrace, shouting my call to the wind, showing my grief to the stars, my tears to dawn. Not the old sick man, but the dissolute young one, the disciple who shuns the Master, the apostle of God who prefers a cloaca to Heaven and falsehood to the Truth, made Me stay up all night waiting for you. And when I heard your steps I came down here… waiting for you again. Not for your person, which was now close to Me wandering like a thief around the dark kitchen, but for your feelings… I was expecting a word… And you did not speak it when you felt that I was standing in front of you. Did he, to whom you are selling your spirit, not inform you that I was aware? Of course not! He could not warn you or suggest to you the only word that you could, that you should have said, if you were a just man. But he suggested the lies not requested, the useless lies, that are even more offensive than your night escapade. He suggested them grinning, rejoicing that he had made you descend a further step and that he had caused Me another sorrow. It is true. Many sick people will come. But the one who is most seriously ill will not come to his Doctor. And the Doctor Himself is sick with grief because of that patient who does not want to recover. It is true. Everything is true. Also that I whispered a word that you did not understand. After what I have told you, can you guess it?»

Jesus has spoken in a low voice, but so sharp and sorrowful and at the same time so severe, that Judas, who at the first words was smiling, standing straight, impudently, very close to Jesus, has slowly withdrawn and shrunk into himself, as if each word were a blow, whereas Jesus has stood more and more upright, truly a Judge and truly tragical in his sorrowful image.

Judas, by now confined between a kneading trough and a corner, whispers: «Well… I would not know…»

«No? Well, I will tell you because I am not afraid to say what is true. Liar! That is what I said. And if we can put up with an un­truthful child because he does not yet know the value of a lie and we teach him not to tell any more, we cannot bear that in a man in an apostle, because in a disciple of the very Truth it is disgusting. Absolutely disgusting. That is why I waited for you all night and I wept and my tears dampened the table where the tinder box was, and then I wept while keeping watch and calling you with all my soul in the starlight night, that is why I am covered with dew like the bridegroom[1] of the Song of Songs. But My head is covered in vain with dew and my locks with the drops of night, in vain I knock at the door of your soul saying: «Open the door to me for I love you although you are not spotless». Nay, it is just because it is stained that I want to go in and clean it. It is because it is ill that I want to go in and cure it. Be careful, Judas! Watch that the Bridegroom does not go away, and forever, and that you may not be able to find Him any more…

530.5

Judas, are you not speaking?…»

«It’s too late to speak! You have said it: I disgust You. Send me away…»

«No. Lepers also disgust Me. But I feel sorry for them. And if they call Me, I make haste to go to them and cleanse them. Do you not want to be cleansed?»

«It is late… and of no avail. I am not able to be holy. I tell You: send me away.»

«I am not one of your Pharisaic friends who state that numberless things are unclean and they shun them or drive them away har­shly, whereas they could cleanse them with charity. I am the Saviour and I do not drive anybody away…»

A long silence. Judas is in his corner, Jesus is leaning with His back against the table and seems to be resting on it, so tired and suffering as He looks… Judas raises his head. He looks at Him hesitantly and whispers: «And if I left You, what would You do?»

«Nothing. I would respect your will. Praying for you. But in my turn I say to you that even if you leave Me, it is by now too late.»

«For what, Master?»

«For what? You know as well as I do… Light the fire, now. I can hear footsteps upstairs. Let us stifle the scandal here, between us. With regard to the others we have not slept long… and the wish for warmth brought us together here… Father of Mine!…»

And while Judas sets the flame near the faggots already placed in the fireplace and he blows so that some light shavings may catch fire, Jesus lifts his hands above his head and then presses them against his eyes…


Notes

  1. comme l’amant : Ct 5, 2-6.

Notes

  1. bridegroom of: Song of Songs 5,2-6.