The Writings of Maria Valtorta

540. Jean sera un “ fils ” pour la Mère de Jésus.

540. John will be a “son” for the Mother of Jesus.

540.1

Dans une région qui se ressent déjà de la proximité de la mer Morte, ils se dirigent directement vers le nord-est, en dehors de toute piste. Si l’on ne tient pas compte de l’aspérité du terrain, rempli de pierres coupantes et de cristaux de sel, et couvert d’herbes basses et épineuses, la marche est bonne et surtout tranquille, car à perte de vue il n’y a pas âme qui vive, la température est douce et le terrain est sec.

Ils conversent. Ils doivent avoir trouvé des bergers, les jours précédents, et avoir séjourné parmi eux, parce qu’ils en discutent. Ils parlent aussi d’un enfant guéri. Doucement, en s’aimant. Même quand ils se taisent, ils échangent avec le cœur, en se regardant avec les yeux de quelqu’un qui est heureux d’être avec un ami bien-aimé. Ils s’asseyent pour se reposer et prendre un peu de nourriture, puis se remettent en route, toujours avec cet air serein dont la seule vue donne la paix à mon cœur.

« Voici Galgala » dit Jésus en montrant au loin un groupe de maisons qui reflètent leur blancheur au soleil, sur un monticule, au nord-est. « Désormais, nous nous approchons du fleuve.

– Nous entrons à Galgala pour la nuit ?

– Non, Jean. J’ai évité intentionnellement toute ville, et j’en ferai de même cette fois encore. Si nous trouvons quelque autre berger, nous irons avec lui. Si, près de la route que nous allons bientôt atteindre, nous rencontrons des caravanes sur le point de s’arrêter pour la nuit, nous demanderons à être accueillis sous leurs tentes. Les nomades du désert sont toujours hospitaliers, et nous sommes à l’époque où on les rencontre facilement. Si personne ne nous reçoit, nous dormirons à la belle étoile, unis tous les deux sous nos manteaux, et nous serons veillés par les anges.

– Oh ! oui. Tout sera mieux que la nuit de tristesse que j’ai passée à Bethléem !

– Mais pourquoi n’es-tu pas venu à moi tout de suite ?

– Parce que je me sentais coupable. Je me disais aussi : “ Jésus est si bon que, loin de me gronder, il me consolera ”, comme ça a été le cas. Mais la pénitence que je voulais faire, où aurait-elle été possible ?

– Nous l’aurions faite ensemble, Jean. Moi aussi, je suis resté sans nourriture et sans feu, malgré les aliments et le bois trouvés le matin.

– Oui. Mais quand on est avec toi, plus rien ne compte. Quand je suis avec toi, je ne souffre plus de rien. Je te regarde, je t’écoute, et je suis tout à fait heureux.

– Je le sais. Je sais aussi qu’en personne ma pensée ne s’imprime comme en mon Jean, et encore que tu sais comprendre et te taire quand il y a lieu. Tu me comprends, oui, parce que tu m’aimes.

540.2

Jean, écoute-moi. D’ici quelque temps…

– Quoi, Seigneur ? l’interrompt aussitôt Jean en le saisissant par le bras et en l’arrêtant pour le regarder en face, avec des yeux effrayés et interrogateurs. Il est blême.

– D’ici quelque temps, cela fera trois ans que j’évangélise. Tout ce qu’il fallait annoncer aux foules, je l’ai annoncé. Désormais, celui qui veut m’aimer et me suivre a tous les éléments pour le faire avec assurance. Quant aux autres… Quelques-uns seront persuadés par les faits, la plupart resteront sourds, même devant ceux-ci. Mais à ces derniers, j’ai peu de choses à dire. Et je les dirai. Car il faut que non seulement la miséricorde, mais également la justice soient sauvegardées. Jusqu’à présent, la miséricorde s’est tue bien des fois et sur beaucoup de points. Néanmoins, avant de se taire pour toujours, le Maître s’exprimera aussi avec la sévérité d’un juge. Mais ce n’est pas de cela que je voulais te parler. Je veux te révéler que, sous peu, ayant dit au troupeau tout ce qui était nécessaire pour qu’il m’appartienne, je me recueillerai beaucoup pour prier et me préparer. Et quand je ne prierai pas, je me consacrerai à vous. J’agirai à la fin de la même manière qu’au début. Les femmes disciples viendront, et ma Mère également. Nous nous préparerons tous à la Pâque. Jean, je te demande dès maintenant de te consacrer beaucoup à ces disciples. A ma Mère, en particulier…

– Mon Seigneur, mais que puis-je donner à ta Mère qu’elle ne possède déjà en surabondance et au point de pouvoir en déborder sur nous tous ?

– Ton amour. Pense que tu es pour elle comme un second fils. Elle t’aime et tu l’aimes. Vous êtes unis par un même amour : celui que vous avez pour moi. Moi, son Fils selon la chair et le cœur, je serai toujours plus… absent, absorbé par mes… occupations. Et elle souffrira, parce qu’elle sait… elle sait ce qui va arriver. Tu dois aussi la consoler à ma place, devenir tellement son ami qu’elle puisse pleurer sur ton cœur et y trouver du réconfort. Ma Mère n’est pas une inconnue. Tu as déjà vécu avec elle. Mais c’est une chose de le faire comme un disciple qui éprouve un amour respectueux pour la Mère de son Maître, ou autre chose de le faire en fils. Je veux que tu te comportes en fils pour qu’elle souffre un peu moins quand elle ne m’aura plus.

540.3

– Seigneur, tu vas mourir ? Tu parles comme un homme sur le point de mourir ! Tu me rends triste…

– Je vous ai annoncé plusieurs fois mon départ. C’est comme si je parlais à des enfants distraits ou qui n’arrivent pas à comprendre. Oui, je vais à la mort. Je le dirai aussi aux autres, mais plus tard. A toi, je le révèle dès maintenant. Souviens-t’en, Jean.

– Je m’efforce de toujours me rappeler tes paroles… Mais celle-là est si douloureuse…

– … que tu fais tout pour l’oublier, veux-tu dire ? Pauvre enfant ! Ce n’est pas toi qui oublies, toi qui te rappelles. Ce n’est pas ta volonté. C’est ton humanité même qui ne peut se souvenir de cette annonce trop importante pour qu’elle puisse la supporter. Or tu ne peux imaginer combien cette prédiction, qui t’étourdit comme une masse tombée de haut sur ta tête, concernera une réalité monstrueusement grande. Et pourtant, c’est ainsi : bientôt je vais aller à la mort et ma Mère restera seule. Je mourrai avec une goutte de douceur, dans mon océan de douleur, si je vois en toi un “ fils ” pour ma Mère…

– Oh ! mon Seigneur ! Si j’en suis capable… s’il ne m’arrive pas la même chose qu’à Bethléem, oui, je le ferai. Je veillerai sur elle avec un cœur de fils. Mais que pourrai-je lui donner qui la console, si elle te perd, toi ? Que pourrai-je lui offrir, si moi aussi je suis comme quelqu’un qui a tout perdu, que la douleur abrutit ? Comment ferai-je, moi qui n’ai pas su veiller et souffrir maintenant, dans le calme, pendant une nuit et pour un peu de faim ? Comment ferai-je ?

– Ne t’agite pas. Prie beaucoup en ce temps-ci. Je te garderai beaucoup avec moi et avec ma Mère. Jean, tu es notre paix, et tu le seras encore à ce moment-là. Ne crains rien, Jean. Ton amour fera tout.

– Oh oui, Seigneur ! Garde-moi beaucoup avec toi. Moi, tu le sais, je ne tiens pas à paraître, à faire des miracles, je veux — et je sais — seulement aimer… »

Jésus dépose encore un baiser sur son front du côté des tempes, comme dans la grotte…

540.4

Ils arrivent en vue de la route qui mène au fleuve. On y voit des pèlerins pousser leurs montures ou hâter le pas pour parvenir, avant la nuit, à un endroit où ils puissent faire étape. Mais tous sont bien emmitouflés car, après le coucher du soleil, le froid se fait vif ; personne ne remarque les deux voyageurs qui se dirigent rapidement vers le fleuve.

Un cavalier au trot soutenu, presque au galop, les rejoint et les dépasse. Quelques mètres plus loin, il doit s’arrêter à cause d’un encombrement d’ânes près d’un petit pont à cheval sur un gros ruisseau, qui veut se donner des airs de torrent et coule en écumant vers le Jourdain ou la mer Morte. Pendant qu’il attend son tour pour passer, le cavalier se retourne et a un geste de surprise. Il descend de selle et, tenant son cheval par les rênes, il revient sur ses pas vers Jésus et Jean, qui ne l’ont pas remarqué.

« Maître ! Comment se fait-il que tu sois ici ? Et seul avec Jean » demande-t-il en rejetant en arrière les bords de son couvre-chef, qui étaient baissés sur son visage pour servir de capuchon et, pour ainsi dire, de masque pour le protéger du vent et de la poussière. Le visage brun et viril de Manahen apparaît.

« Paix à toi, Manahen. Je vais vers le fleuve pour le traverser, mais je doute que je puisse le faire avant la nuit. Et toi, où allais-tu ?

– Dans cette tanière répugnante qu’est Machéronte. Tu ne sais pas où passer la nuit ? Viens avec moi. Je me hâtais vers une auberge sur la route des caravanes. Ou, si tu préfères, je vais dresser la tente sous les arbres du fleuve. J’ai sur la selle tout ce qu’il faut.

– Cela me plaît davantage. Mais toi, certainement, tu préférerais l’auberge.

– C’est toi que je préfère, mon Seigneur. Je considère comme une grande grâce de t’avoir rencontré. Allons-y donc. Je connais les rives du fleuve comme si c’étaient les couloirs de ma maison. Au pied des coteaux de Galgala, il y a un bois à l’abri des vents, avec de l’herbe en abondance pour ma monture et du bois pour faire du feu. Nous y serons bien. »

540.5

Quittant la route qui mène au gué ou à Jéricho, ils se dirigent rapidement vers l’orient et arrivent bientôt à la lisière d’un bois touffu qui descend des pentes du coteau et s’étend sur la plaine vers les rives.

« Je fais un détour par la maison que voilà. On me connaît. Je vais demander du lait et de la paille pour tous » dit Manahen en s’en allant à cheval.

Il revient vite, suivi de deux hommes qui portent des bottes de paille sur leurs épaules, ainsi qu’un petit seau de cuivre plein de lait.

Ils entrent dans le sous-bois sans parler. Manahen fait jeter la paille par terre et congédie les deux hommes. Des poches de la selle, il sort de l’amadou, un allume-feu, puis fait une flambée des nombreuses branches qui traînent sur le sol. Le feu réjouit et revigore. Placé sur deux pierres apportées par Jean, le chaudron chauffe. Pendant ce temps, Manahen, après avoir enlevé la selle du cheval, monte la tente moelleuse de poil de chameau, en la liant à deux piquets enfoncés dans le sol et en l’appuyant au tronc robuste d’un arbre centenaire. Il étend sur l’herbe une peau de brebis qui était aussi attachée à l’arçon, y place la selle et dit :

« Maître, viens. C’est un abri de cavalier du désert, mais il protège de la rosée et de l’humidité du sol. Pour nous, la paille suffira. Et je t’assure, Maître, que les tapis précieux et les baldaquins, les sièges du palais royal me semblent beaucoup moins beaux que ton trône, et que cette tente et cette paille ; de même, les plats succulents que j’ai dégustés plus d’une fois n’auraient jamais eu la saveur du lait et du pain que nous allons prendre ensemble là-dessous. Je suis heureux, Maître !

– Moi aussi, Manahen, et Jean également, c’est certain. La Providence nous a réunis ce soir pour notre commune joie.

– Ce soir, mais aussi demain, Maître, et après-demain, jusqu’à ce que je te sache en sûreté parmi tes apôtres. Je pense que tu vas les rejoindre…

– Oui, je vais les retrouver. Ils m’attendent à la maison de Salomon. »

540.6

Manahen le regarde, puis il dit :

« Je suis passé par Jérusalem… Et j’ai été informé par Béthanie. J’ai compris pourquoi tu ne t’y étais pas arrêté. Tu fais bien de te retirer. Jérusalem est un corps rempli de poison et de pourriture, plus que le pauvre Lazare…

– Tu l’as vu ?

– Oui. Il était abattu par les tourments du corps et par ceux du cœur, pour toi. Il meurt très affligé… Mais je voudrais mourir moi aussi plutôt que de voir le péché de nos compatriotes.

– La ville était-elle en pleine effervescence ? demande Jean, qui surveille le feu.

– Tout à fait. Elle est divisée en deux partis. Et, chose étrange, les Romains ont fait preuve de clémence envers certains hommes, arrêtés pour sédition la veille. On murmure en secret que c’est pour ne pas augmenter l’agitation. On dit aussi que le Proconsul viendra bientôt à Jérusalem, plus tôt que prévu. J’ignore si ce sera un bien. Je sais qu’Hérode l’imitera sans doute, et ce sera sûrement avantageux pour moi, car je pourrai être près de toi. Avec un bon cheval — les écuries de l’Antipas ont de rapides chevaux arabes —, ce sera vite fait d’aller de la ville au fleuve, si tu t’y arrêtes…

– Oui, je m’y arrête. Pour l’instant, du moins… »

Jean apporte le lait chaud dans lequel chacun trempe son pain, après que Jésus l’a offert et béni. Manahen offre des dattes, blondes comme du miel.

« Mais où avais-tu tant de provisions ? s’étonne Jean.

– La selle d’un cavalier est un petit marché, Jean. Il y a tout le nécessaire pour l’homme et sa monture » répond Manahen avec un franc sourire sur son visage brun.

540.7

Il réfléchit un instant, puis il demande : « Maître, est-il permis d’aimer les animaux qui nous servent et qui, si souvent, le font avec plus de fidélité que l’homme ?

– Pourquoi cette question ?

– Parce que j’ai récemment essuyé des mépris et des reproches de la part de certains qui m’ont vu recouvrir d’une couverture — qui maintenant nous sert de tente — mon cheval tout en sueur après la course qu’il avait faite.

– Et ils ne t’ont rien dit d’autre ? »

Manahen, interdit, regarde Jésus… et se tait.

« Parle avec sincérité. Ce n’est pas calomnier et ce n’est pas m’offenser de me rapporter ce qu’ils t’ont dit, pour lancer une nouvelle poignée de boue contre moi.

– Maître, tu sais tout. Vraiment, tu sais tout et il est inutile de vouloir te cacher nos pensées ou celles des autres. Oui, ils ont ajouté : “ On voit bien que tu es un disciple de ce Samaritain ! Tu es un païen comme lui, qui viole même les sabbats pour se rendre impur en touchant des animaux impurs. ”

– Ah ! c’était sûrement Ismaël ! s’écrie Jean.

– Oui, et d’autres avec lui. J’ai répliqué : “ Je vous comprendrais si vous me traitiez d’impur parce que je vis à la cour d’Hérode Antipas, et non parce que je prends soin d’un animal créé par Dieu. ” Or il y avait aussi des hérodiens dans le groupe — il est facile d’en voir depuis quelque temps, ce qui est des plus étonnants, car auparavant, il y avait entre eux une brouille sérieuse —. Ils m’ont répondu : “ Nous ne jugeons pas les actes d’Hérode, mais les tiens. Jean-Baptiste lui-même était à Machéronte, et il était en relation avec le roi. Mais il est toujours resté un juste. Toi, au contraire, tu es un idolâtre… ” Des passants s’attroupaient, et je me suis arrêté pour ne pas les exciter. Depuis quelque temps, cette excitation est entretenue par certains de tes faux fidèles qui les poussent à se révolter contre ceux qui s’opposent à toi, ou qui commettent des injustices en prétendant être tes disciples envoyés par toi…

– Mais c’en est trop ! Maître ? Jusqu’où iront-ils ? s’inquiète Jean.

– Pas au-delà de la limite que je leur ai fixée. Au-delà de cette limite, c’est moi seul qui m’avancerai ; la Lumière resplendira, et personne ne pourra plus douter que je suis le Fils de Dieu.

540.8

Mais venez ici auprès de moi et écoutez. Auparavant, alimentez le feu. »

Les deux hommes se jettent avec joie sur l’épaisse peau de brebis étendue sur le sol sous les pieds de Jésus. Ce dernier est assis sur la selle écarlate contre la tente, adossée au tronc de l’arbre. Manahen est presque allongé, le coude appuyé sur le sol, la tête contre la main, les yeux dans les yeux de Jésus. Jean est assis sur les talons, la tête posée contre la poitrine de Jésus, qu’il entoure d’un bras dans sa position habituelle.

« Après le septième jour de la Création, Dieu lui donna pour roi l’homme fait à son image et à sa ressemblance. Il montra à l’homme toutes les créatures, et il voulut que l’homme leur donne un nom pour les distinguer les unes des autres. Et on lit dans la Genèse que “ tout nom qu’Adam donna aux animaux était bon, c’était leur vrai nom. ” Il y est aussi écrit que, ayant créé l’homme et la femme, Dieu dit : “ Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance pour qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bêtes, et de toute la terre ainsi que des reptiles qui rampent sur elle. ”

Puis il créa une compagne pour Adam, la femme, faite comme lui à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et comme il ne convenait pas que la Tentation aux aguets corrompe encore plus hideusement le mâle créé à l’image de Dieu, Dieu ordonna à l’homme et à la femme : “ Croissez, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel et de tous les animaux qui se meuvent sur la terre. ” Et ajouta : “ Je vous ai donné toutes les plantes qui font une semence sur la terre et tous les arbres qui ont en eux la semence de leur espèce pour qu’ils vous servent de nourriture ainsi qu’aux animaux de la terre, aux oiseaux du ciel et à tout ce qui se meut sur la terre et a en soi une âme vivante, pour qu’ils aient la vie. ”

Les animaux, les plantes et tout ce que Dieu a créé pour l’utilité de l’homme représentent donc un don d’amour et un patrimoine confié par le Père à la garde de ses enfants, afin qu’ils s’en servent dans leur intérêt et avec gratitude envers celui de qui vient toute providence. Il faut donc les aimer et prendre soin d’eux.

Imaginez un fils auquel son père a donné vêtements, meubles, argent, champs et maisons en lui disant : “ Je te les remets pour toi-même et tes descendants, afin que vous ayez de quoi être heureux. Servez-vous-en avec amour, en mémoire de mon amour qui vous le donne. ” Que diriez-vous si ce fils ou ses descendants laissaient tout tomber en ruines ou dilapidaient ses biens ? Vous diriez qu’ils n’ont pas fait honneur à leur père ou ancêtre, qu’ils ne l’ont pas aimé, et ses dons non plus. Pareillement, l’homme doit prendre soin de ce que Dieu, dans sa providence, a mis à sa disposition.

Prendre soin ne veut pas dire idolâtrer, ni montrer un attachement exagéré pour les animaux ou les plantes, ou quelque bel objet. Prendre soin veut dire éprouver un sentiment de pitié et de reconnaissance pour les biens de moindre importance qui nous servent et qui ont leur vie propre, c’est-à-dire leur sensibilité.

540.9

L’âme vivante des créatures inférieures dont parle la Genèse n’est pas semblable à celle de l’homme. C’est la vie, simplement la vie : être sensible aux jouissances actuelles tant matérielles qu’affectives. Quand un animal est mort, il est insensible, car la mort, pour lui, c’est la vraie fin. Il n’y a pas d’avenir pour lui, mais tant qu’il est vivant, il souffre de la faim, du froid, de la fatigue, et il est vulnérable aux blessures, à la souffrance, à la jouissance, à l’amour, à la haine, à la maladie et à la mort. Et l’homme, en souvenir de Dieu qui lui a donné ce moyen pour rendre moins dur son exil sur la terre, doit se montrer humain envers ces serviteurs inférieurs que sont pour lui les bêtes. Dans le livre de Moïse, n’est-il pas prescrit[1] d’avoir des sentiments de pitié même pour les animaux, tant volatiles que quadrupèdes ?

En vérité, je vous dis qu’il faut savoir discerner avec justesse les œuvres du Créateur. Si on les regarde lucidement, on voit qu’elles sont “ bonnes ”. Et si tel est le cas, elles doivent être aimées. On voit qu’elles sont données pour une fin bonne et par un élan d’amour, et que comme telles nous pouvons, nous devons les aimer en reconnaissant, au-delà de la réalité finie, l’Etre infini qui les a créées pour nous. On voit qu’elles sont utiles et que, comme telles, elles doivent être aimées. Rien, rappelez-le-vous bien, n’a été fait sans but dans l’univers. Dieu ne perd pas sa parfaite puissance en des inutilités. Ce brin d’herbe n’est pas moins utile que le tronc puissant auquel s’appuie notre asile temporaire. La goutte de rosée, la petite perle de givre ne sont pas moins utiles que l’immense mer. Le moucheron n’est pas moins utile que l’éléphant, et le ver qui vit dans la boue n’est pas moins utile que la baleine. Il n’y a rien d’inutile dans la Création. Dieu a tout fait dans un bon but : par amour pour l’homme. L’homme doit user de tout avec une intention droite et avec amour pour Dieu, qui lui a donné tout ce qui existe sur la terre, pour que ce soit soumis au roi de la Création.

540.10

Tu as dit, Manahen, que l’animal sert souvent mieux les hommes que les hommes eux-mêmes. J’affirme, moi, que les animaux, les plantes, les minéraux, les éléments sont tous supérieurs à l’homme dans le domaine de l’obéissance, que ce soit en se conformant passivement aux lois de la Création, en suivant activement l’instinct qu’a mis en eux le Créateur, ou en se prêtant à la domestication dans le but pour lequel ils ont été créés. L’homme, qui devrait être la perle de la Création, en est trop souvent la laideur. Il devrait être la note qui répond le mieux au chœur des êtres célestes pour louer Dieu, au lieu de quoi il est trop souvent la note discordante qui lance des imprécations ou des blasphèmes, se révolte, ou dédie son chant à un éloge de la créature au lieu de l’adresser au Créateur. Ce qui est de l’idolâtrie, donc une offense, une souillure. Et cela, c’est le péché.

Sois donc en paix, Manahen. Ta pitié pour un cheval trempé de sueur après t’avoir servi, n’est pas un péché. Le péché, ce sont les larmes que l’on fait verser à ses semblables et les amours effrénées qui constituent une offense envers Dieu, alors qu’il est digne, lui, de tout l’amour de l’homme.

– Mais, en restant près d’Antipas, est-ce que je pèche ?

– Dans quel but y restes-tu ? Par plaisir ?

– Non, Maître. Pour veiller sur toi : tu le sais. J’y vais actuellement pour cette même raison, car je sais qu’ils ont envoyé des messagers à Hérode pour l’exciter contre toi.

– Alors, il n’y a pas de péché. Ne préférerais-tu pas rester avec moi, dans ma pauvreté de vie ?

– Pourquoi me poser cette question ? Je l’ai dit au début. Cette nuit sous la tente et la pauvre nourriture que nous avons mangée sont incomparables pour moi. Ah ! c’est bien parce que, pour écouter les sifflements des serpents, il faut rester près de leur tanière, sinon je resterais avec toi ! J’ai compris la vérité de ta mission. Je me suis trompé à un moment, mais cela m’a servi à comprendre, et je ne sortirai plus de la justice.

– Tu vois ! Il n’y a rien d’inutile. Pour celui qui tend au bien, même l’erreur sert au bien. L’erreur tombe comme l’enveloppe d’une chrysalide, et voilà que sort le papillon qui n’est pas difforme, qui ne sent pas mauvais, qui ne rampe pas, mais qui volette à la recherche des calices de fleurs et des rayons de lumière. Ainsi sont les âmes bonnes. Elles peuvent se laisser, pour un moment, envelopper par les misères et les difficultés mortifiantes, mais ensuite elles s’en dégagent et volent de fleur en fleur, de vertu en vertu, vers la Lumière, vers la Perfection. Louons le Seigneur pour ses œuvres de continuelle miséricorde, qui agissent même à l’insu de l’homme dans son cœur et autour de lui. »

540.11

Jésus prie, à genoux, car la tente, basse et étroite, ne permet pas d’autre position. Puis, après avoir alimenté le feu devant la tente et attaché le cheval, ils se préparent au repos, se promettant de veiller à tour de rôle sur le feu et l’animal, sur lequel Manahen a étalé la lourde toison pour lui servir de couverture et le protéger de la fraîcheur de la nuit.

Jésus et Manahen se jettent sur la litière de paille et s’enveloppent dans leurs manteaux pour dormir. Jean, craignant d’être pris par le sommeil, fait les cent pas dehors pour nourrir le feu et surveiller le cheval. Celui-ci le regarde d’un œil noir intelligent et bat le sol en mesure avec son sabot en secouant la tête, faisant tinter les chaînettes d’argent de son harnachement ; il broute les tiges aromatiques de fenouil sauvage qui ont poussé au pied de l’arbre auquel il est attaché. Et comme Jean lui en offre de plus belles, aperçues un peu plus loin, il hennit de plaisir et cherche à frotter ses naseaux doux et rosés contre le cou de l’apôtre.

Au loin, dans le grand silence de la nuit, on entend le paisible bruissement du fleuve.

540.12

Jésus dit :

« A son tour, la troisième année de vie publique prend fin. Maintenant arrive la période préparatoire à la Passion, celle où tout semble se borner à un petit nombre d’actions et à quelques personnes. C’est comme si ma figure et ma mission s’estompaient. En réalité, Celui qui paraissait vaincu et écrasé était le héros, qui se préparait à l’apothéose. Et autour de lui, ce n’étaient pas les personnes, mais leurs passions qui se concentraient et se portaient à leurs limites extrêmes.

Tout ce qui a précédé et qui, pour certains épisodes, a pu paraître sans but à des lecteurs mal disposés ou superficiels, s’éclaire ici d’une lumière sombre ou resplendissante, en particulier les figures les plus importantes, celles que beaucoup ne veulent pas reconnaître comme étant incontournables, justement parce qu’il s’y trouve des leçons pour les maîtres de maintenant : car ceux-ci ont, plus que jamais, besoin d’être instruits pour devenir de vrais maîtres spirituels. Comme je l’ai dit à Jean et à Manahen, rien n’est inutile de ce que Dieu fait, pas même un petit brin d’herbe. Ainsi, il n’est rien de superflu dans cette œuvre, ni les figures resplendissantes ni celles qui sont faibles et ténébreuses. Au contraire, pour les maîtres de l’esprit, ces dernières sont d’une plus grande utilité que les figures bien dessinées et héroïques.

Du sommet d’une montagne, on peut embrasser toute la configuration des monts et la raison d’être des bois, des torrents, des prés et des pentes, pour passer de la plaine au sommet, d’où l’œil étreint toute la beauté du panorama. Nous en sommes mieux qu’ailleurs persuadés que les œuvres de Dieu sont toutes utiles et superbes, que l’une sert et complète l’autre et que toutes concourent à la formation de la splendeur de la Création.

De la même façon, pour celui qui a l’esprit droit, la diversité des figures, des épisodes, des leçons, de ces trois années de vie évangélique, contemplées comme du haut du sommet de mon œuvre de Maître, servent à donner la vision exacte de ce complexe ensemble politique, religieux, social, collectif, spirituel, égoïste jusqu’au crime ou altruiste jusqu’au sacrifice, où je fus un Maître et où je suis devenu Rédempteur. Le caractère grandiose du drame n’apparaît pas en une seule scène, mais dans toutes. La figure de l’acteur principal émerge des lumières diverses dont l’éclairent les parties secondaires.

Désormais près du sommet — le sacrifice pour lequel je m’étais incarné, une fois dévoilés tous les replis secrets des cœurs et toutes les menées des sectes —, il n’y a qu’à faire comme le voyageur arrivé tout en haut : regarder, contempler toutes choses et tous les gens. Connaître le monde hébraïque. Connaître ce que j’étais : l’Homme au-dessus des sens, de l’égoïsme, de la rancœur, l’Homme qui a dû être tenté, par tout un monde, par la vengeance, le pouvoir, même les joies honnêtes du mariage et du foyer, qui a dû tout supporter pour vivre au contact du monde et en souffrir — car infinie était la distance entre l’imperfection et le péché du monde et ma perfection — et qui, à toutes les voix, à toutes les séductions, à toutes les réactions du monde, de Satan et du “ moi ”, a su répondre : “ Non ”, et rester pur, doux, fidèle, miséricordieux, humble, obéissant, jusqu’à la mort sur la Croix.

540.13

Comprendra-t-elle tout cela, la société d’aujourd’hui à qui je me fais connaître moi-même pour la rendre forte contre les assauts de plus en plus violents de Satan et du monde ?

Actuellement comme il y a vingt siècles, la contradiction s’installera parmi ceux pour qui je me révèle. Encore une fois, je suis un signe de contradiction. Mais non pas moi en tant que tel, mais en raison de ce que je suscite en eux. Les bons, les hommes de bonne volonté, auront la réaction des bergers et des humbles. Les autres auront des réactions mauvaises comme les scribes, les pharisiens, les sadducéens et les prêtres de ce temps. Chacun donne ce qu’il a. Le bon qui vient au contact des mauvais déchaîne en eux un bouillonnement de plus grande perversité. Et le jugement sera déjà fait pour les hommes, comme il le fut le vendredi de la Pa­rascève, d’après la manière dont ils auront jugé, accepté et suivi le Maître qui, dans une nouvelle tentative d’infinie miséricorde, s’est fait connaître une fois encore.

A ceux qui ouvriront les yeux, me reconnaîtront et diront[2] :

“ C’est lui ! Etait-ce pour cela que notre cœur brûlait dans notre poitrine pendant qu’il nous parlait et nous expliquait les Ecritures ? ”.

A eux et à toi, fidèle, affectueux petit Jean, je donne ma paix. »

Préparation

à la Passion de Jésus

540.1

They are already in the land influenced by the proximity of the Dead Sea, far from tracks for caravans and they are going straight north-eastwards. Apart from the ruggedness of the ground, spread with sharp stones, salt crystals, low thorny grass, they proceed quite well and above all peacefully, because there is not a single soul as far as the eye can see, the temperature is mild and the ground dry.

They are chattering to each other. During the previous days they must have met some shepherds and stayed with them, because they are speaking of them. They are also talking of a boy who has been cured. They proceed thus, peacefully, talking pleasantly to each other. Even when they are silent, they speak to each other with their hearts as they look at each other with the kind glances of those who are happy to be with a dear friend. They sit down to rest and take some food, they set off again, always with the peaceful appearance that gives peace to my heart only by seeing them.

«Gilgal is over there» says Jesus, pointing forward, to a group of white houses in the sunshine on a little hill to north-east.

«We are now close to the river.»

«Are we going to Gilgal for the night?»

«No, John. I have deliberately avoided all towns, and I am going to avoid this one as well. If we meet a shepherd, we shall stay with him. We shall soon reach the road and if we see caravans that are going to stop for the night, we shall ask them to receive us under their tents. The nomads of the desert are always hospitable. And we are likely to meet them at this time. If no one gives us hospital­ity, we shall sleep under the open sky, covered with our mantles and the angels will watch over us.»

«Oh! It will always be better than that gloomy night, the last night I had at Bethlehem!»

«But why did you not come to Me at once?»

«Because I felt that I was guilty. And I also said: Jesus is so kind that He will not scold me, on the contrary He will comfort me, as You actually did. So what would have happened to the penance I wanted to do?»

«We would have done it together, John. I was without food and fire as well, in spite of the foodstuffs and wood I found in the morning.»

«Yes, but when one is with You, nothing matters. When I am with You, I do not suffer for anything. I look at You. I listen to You. And I am happy.»

«I know. And I also know that in no one is my thought so deeply impressed as in my John. And I also know that you can understand and be quiet when it is necessary to be quiet. You understand Me, because you love Me.

540.2

John, listen to Me. Before long…»

«What, Lord?» asks John at once interrupting Him, getting hold of His arm, stopping Him to look at Him in the face, with fright­ened inquisitive eyes and looking very pale.

«Before long I shall have evangelized for three years. I have told the crowds what they were to be told. By now, whoever wants to love and follow Me has the necessary elements to do so with cer­tainty. The others… Some will be convinced by facts. The majority will turn a deaf ear even to facts. And I still have a few things to say to them. And I will tell them. Because justice also is to be served, not only mercy. So far mercy has been silent many times and has not said anything about many things. But before becoming silent forever the Master will speak also with the severity of a judge. But I do not want to speak to you about that. I want to tell you that before long, after I have told the flock what I had to say to make it Mine, I will very often withdraw collecting My thought in prayer and preparation. And when I do not pray, I will devote Myself to you all. I will do at the end what I did at the beginning. The women disciples will come. My Mother will come. We shall all prepare for Passover. John, as from this moment I ask you to devote yourself very much to the women disciples. And in par­ticular to My Mother…»

«My Lord! But what can I give Your Mother that She does not already possess plentifully, and so plentifully as to have what She can give us all?»

«Your love. Imagine to be a second son for Her. She loves you and you love Her. You have one only love uniting you: your love for Me. I, the Son of Her body and of Her heart, shall always be more and more… absent, engrossed in My… occupations. And She will suffer because She knows… She knows what is about to hap­pen. You must comfort Her also on My behalf, you must become so friendly with Her, that She may be able to weep on your heart and be consoled. You know My Mother. You have lived with Her. But there is a difference between doing so as a disciple who loves his Master’s Mother with reverential love, and doing it as a son. I want you to do so as a son, that She may suffer a little less when She no longer has Me.»

540.3

«Lord, are You going to die? You are speaking like one who is about to die! You are grieving me…»

«I have told you all several times that I must die. It is just as if I had talked to absent-minded children or to slow-witted people. Yes, I am going to die. I will tell the others as well. But later. I am telling you now. Remember that, John.»

«I strive to remember Your words, always… But this one is so grievous…»

«That you do everything to forget it, is that what you mean? Poor boy! It is not you who forget, it is not you who remember. You with your will. It is your very humanity that cannot remember this thing that is so much greater than its capability of endurance, the thing that is too great, and you do not even know exactly how great it will be and how monstrous, so great that it stuns you like a weight falling on your head from a height. And yet it is so. I shall die soon, and My Mother will be left alone. I shall die with a drop of sweetness in My ocean of sorrow, if I see you as a “son” for My Mother…»

«Oh! My Lord! If I am able… and if it does not happen to me as in Bethlehem. I will do so. I will watch with the heart of a son. What can I give Her to comfort Her if She loses You? What shall I be able to give Her, if I also am like one who has lost everything and has become insane with sorrow? How shall I be able, if I could not keep awake and suffer now, in the present calm, for one night and because of a little hunger? How shall I manage?»

«Do not get excited. You must pray very much during this period. I will keep you a good deal with Me and with My Mother. John, you are our peace. And you will be so even then. Be not afraid, John. Your love will do everything.»

«Oh! Lord! Keep me with You as much as possible. You know that I am not anxious to appear or to work miracles, I want, and I can only love…»

Jesus kisses his forehead again, towards his temple, as He did in the grotto…

540.4

They are in sight of the road that runs towards the river. There are some pilgrims who goad their mounts or quicken their paces to be in their resting places before night. But they are all muffled up because, as the sun has set, the air has become very cold and no one notices the two wayfarers who are striding towards the river.

A horseman, at a steady trot, almost at a gallop, overtakes them and stops after a few metres where some little donkeys have obstructed the road near a little bridge across a large stream, that gives itself the airs of a torrent and flows foaming towards the Jor­dan or the Dead Sea. While awaiting his turn to cross it, the horseman turns around and makes a gesture of surprise. He dis­mounts and holding the horse by the reins he goes back towards Jesus and John, who have not noticed him.

«Master! How come You are here? And all alone with John?» asks the horseman throwing back the edge of his headgear that he had pulled over his face like a hood, and I would say also as a mask to protect himself from the wind and the dust. The swarthy virile face of Manaen appears.

«Peace to you, Manaen. I am going towards the river to cross it. But I doubt whether I shall be able to do so before night falls. And where were you going?»

«To Machaerus. To the filthy den. Have You some place where to sleep? Come with me. I was hastening towards a hotel on the track of the caravans. Or, if You prefer, I will put up the tent under the trees on the river bank. I have everything on the saddle.»

«I prefer the tent. But you certainly prefer the hotel.»

«I prefer You, my Lord. I consider this meeting You a grace. Let us go. I know the banks of the river like the corridors of my house. At the foot of the Gilgal hill there is a wood sheltered from the winds, rich in grass for the horse and in wood for fires for men. We shall be comfortable.»

540.5

They walk away fast turning decidedly eastwards, departing. from the road to the ford or to Jericho. They soon reach the edge of a thick wood that spreads from the slopes of the hill along the plain towards the embankment.

«I am going to that house. They know me. I will ask for some milk and straw for all of us» says Manaen, going away on his horse, and he soon comes back with two men carrying bundles of straw on their shoulders and a little copper pail of milk.

They go into the wood without speaking. Manaen orders the two men to spread the straw on the ground and then dismisses them He takes a tinder box out of the saddle pockets and lights a fire with the many dry branches lying on the ground. The fire cheers them and warms them. The pot, placed on two stones carried there by John, warms up while Manaen, after unsaddling the horse, puts up the tent of soft camel-hair, tying it to two poles driven into the ground and fixing it to the robust trunk of an age-old tree. He lays on the grass a sheepskin that was also tied to the saddle, he places the saddle on it and says: «Come, Master. It is a shelter for horsemen of the desert. But it protects from the dew and from the dampness of the ground. Straw is quite enough for us. And I can assure You, Master, that the precious carpets and canopies, the chairs of the royal palace are less, much less beautiful than this throne of Yours, than this tent and this straw, and the rich food that I have several times tasted, never had the flavour of the bread and milk that we shall relish under this tent. I am happy, Master!»

«I am happy, too, Manaen, and the same certainly applies to John. Providence has gathered us together this evening for our reciprocal joy.»

«This evening, Master, and tomorrow, and the day after tomor­row, until I know that You are safe among Your apostles. I im­agine that You are going to join them…»

«Yes. I am going to them. They are waiting for Me at Solomon’s house.»

540.6

Manaen looks at Him. Then he says: «I came through Jerusalem… And I heard. From Bethany. And I understood why You did not stop there. You are quite right in withdrawing. Jerusalem is a body full of poison and putrefaction. More so than poor Lazarus…»

«Did you see him?»

«Yes, I did. He is afflicted with the tortures of his body and those of his heart, because of You. He is dying a very sad death… But I would rather die myself than see the sin of our fellow countrymen.»

«Was the town in a state of ferment?» asks John who is watching the fire.

«Very much so. Divided into two parties. And, what is strange the Romans have been merciful towards some people arrested for sedition on the previous day. It is secretly whispered that it was done to avoid increasing the ferment. They also say that the Proconsul will soon be coming to Jerusalem. Before the usual time. I do not know whether it is a good thing or not. I know that Herod will certainly imitate him. And that will certainly be a good thing as far as I am concerned, because I shall be able to be close to You. With a good horse – and Antipas’ stables have some very fast Arab horses – it will take no time to go from town to the river. If You are going to stop there…»

«Yes, I am. At least for the time being…»

John brings the warm milk into which each dips his bread after Jesus has offered and blessed it. Manaen offers some dates as golden as honey.

«Where did you have all these things?» asks John in amazement.

«The saddle of a horseman is a little market, John. There is everything for the rider and for the horse» replies Manaen with a frank smile on his swarthy face.

540.7

He thinks for a moment and then he asks: «Master, is it lawful to love the animals that serve us and very often do so more loyally than man?»

«Why that question?»

«Because I was recently derided and reproached by some people who saw me cover, with the blanket that is now turned into our tent, my horse wet with perspiration after a race.»

«And did they not say anything else?»

Manaen looks at Jesus disconcertedly… and is silent.

«Speak frankly. You do not backbite anybody or offend Me by telling Me what they said to throw more filth at Me.»

«Master. You know everything. You really know everything and it is useless to conceal our thought and those of other people from You. Yes, they said to Me: “One can see that you are a disciple of that Samaritan. You are a heathen like Him Who infringes the Sabbaths to become unclean by touching unclean animals”.»

«Ah! That was certainly Ishmael!» exclaims John.

«Yes. And those who were with him. And I replied: “I would understand you if you said that I am unclean because I live at Antipas’ Court, not because I take care of an animal created by God”. As in their group there were also some Herodians – which has become obvious for some time and it is very amazing, because previously they were in utter disagreement – they replied to me: “We are not judging Antipas’ actions, but yours. Also John the Baptist was at Machaerus and was in touch with the king. But he remained just. You instead are an idolater…”. As people were gathering around us, I controlled myself, as I did not want to ex­cite the people of the city. In fact for some time they have been aroused by some false followers of Yours, who incite the people to rebel against those who oppose You, and also by others who com­mit abuse of power saying that they are Your disciples and are sent by You…»

«That’s too much! Master? What will they come to?» John asks excitedly.

«They will not be able to go beyond the limit. I alone will pro­ceed beyond that limit, the Light will shine and no one will be able to doubt any more that I was the Son of God.

540.8

Come here near Me and listen. But add some wood to the fire first.»

The two are very happy to throw themselves on the thick sheep­skin spread on the ground under the feet of Jesus, Who is sitting on the scarlet saddle against the tent fastened to the trunk of the tree. Manaen is almost lying down, one elbow pressed against the ground, his head resting on his hand, looking at Jesus. John sits on his heels, leaning his head on Jesus’ chest, embracing Him with one arm, in his usual posture.

«When God created the world, and man, created in His image and likeness, was made its king, He showed all the creatures to man and wanted him to give a name to each of them, in order to be able to tell one from the other. And we read in Genesis “that each name given by Adam was good and was its true name”. And also in Genesis we read that God, after creating Man and Woman, said: “Let us make Man in our image and likeness, that he may be the master of the fish of the sea, of the birds of heaven, of the cattle, of all the Earth and of the reptiles that crawl on the Earth”. And when God created woman, Adam’s helpmate, like him made in the image and likeness of God, as it was not convenient that Tempta­tion, lying in wait, should tempt the male created in the image of God and corrupt him even more obscenely, God said to man and woman: “Be fruitful, multiply, fill the Earth and conquer it, and be masters of the fish of the sea, of the birds of heaven and of all living animals on the Earth”, and He also said: “See, I give you all the seed-bearing plants that are on the Earth, and all the trees with seed-bearing fruit, that they may serve as food for you and for all the animals of the Earth and for the birds of heaven and for everything that moves on the Earth and has in itself a living soul that they may live”.

The animals and plants, and everything the Creator made to be useful to man, are a gift of love and a patrimony committed to the care of His children by the Father, so that they may use it with profit and gratitude to the Giver of all providence. Therefore they are to be loved and treated with proper care. What would you say of a son, to whom the father gave clothes, furniture, money, fields, houses, saying: “I give you all this for yourself and your successors, that you may have what will make you happy. Use it with love, in memory of my love that gives it to you”, if they allowed everything to be destroyed or they squandered all their wealth? You would say that they did not honour their father, that they did not love him or his gift. Likewise man must take care of what God with providential love has placed at his disposal. Care does not mean idolatry or immoderate affection for animals or plants, or anything else. Care means feeling of compassion and gratitude for the minor things that serve us and have a life of their own, that is their sensitivity.

540.9

The living soul of inferior creatures mentioned by Genesis, is ­not the same as the soul of man. It is life, simply life, that is, being sensitive to real things, both material and emotional. When an animal dies it becomes insensitive because death is its real end. There is no future for it. But while it lives it suffers cold, hunger, fatigue, it is subject to injuries, to pain, to joy, to love, to hatred, to diseases and to death. And man, in remembrance of God, Who gave him such means to make his exile on the Earth less difficult, must be humane towards animals, his inferior servants. In the Mosaic Book is it not prescribed[1] to have feelings of humanity towards animals, whether they are birds or quadrupeds?

I solemnly tell you that the works of the Creator are to be con­templated with justice. If one looks at them with justice, one sees that they are “good”. And good things are to be always loved. We see that they are given for a good purpose and out of an impulse of love, and as such we can and must love them, seeing beyond the finite being, the Infinite Being, Who created them for us. One sees that they are useful, and are to be loved as such. Nothing, bear this in mind, was made without a purpose in the Universe. God does not waste His perfect Power in useless things. This blade of grass is not less useful than the mighty trunk to which our temporary shelter is fastened. The drop of dew, the little pearl of frost are just as useful as the immense sea. A midge is as useful as the elephant and the worm that lives in the mud is not less useful than a whale. There is nothing useless in Creation. God made everything with a good aim and with love for man. Man must use everything with upright purpose and with love for God, Who gave him everything on the Earth, that it may be subject to the king of Creation.

540.10

You said, Manaen, that animals often serve man better than men do. I say that animals, plants, minerals, elements exceed man in obeying, by passively following the laws of creation, or actively following the instinct instilled by the Creator, or surrendering to become tamed for the purpose for which they were created. Man, who should be the pearl of Creation, is too often the ugly thing in Creation. He should be the note most in harmony with the heaven­ly chorus in praising God, whereas he is too often the dissonant note that curses or blasphemes or rebels or dedicates his song to praise creatures instead of the Creator. It is therefore idolatry, of­fence, filth. And that is a sin.

So be at peace, Manaen. To have compassion for a horse, that has become wet with perspiration serving you, is not a sin. The tears one makes one’s fellow-creatures shed and the uncontrolled love that offends God, Who is worthy of all the love of man, are sins.»

«But do I commit sin by staying with Antipas?»

«Why do you stay there? To have a good time?»

«No, Master. To watch over You. You know: that is why I was go­ing there just now. Because I know that they sent messengers to Herod to incite him against You.»

«Then there is no sin. Would you not prefer to be with Me, shar­ing My poverty of life?»

«Are You asking me? I said so at the beginning. This night under the tent, the poor food we have relished has no comparison as far as I am concerned. Oh! if it were not necessary to be close to their den to listen to the hisses of snakes, I would stay with You! I have understood the truth of Your mission. I made a mistake one day. It served to make me understand and I will no longer leave justice.»

«See! Nothing is useless. Error also, for those tending to the Good, is a means of achieving the Good. An error falls off like the case of a chrysalis, and out comes a butterfly that is not misshapen, does not stink, does not crawl, but flies seeking calyces of flowers and sunbeams. Good souls are also like that. They may allow themselves to be enveloped by miseries and difficulties for a moment. Then they free themselves and fly from flower to flower, from virtue to virtue, towards Perfection. Let us praise the Lord for His works of continuous mercy, that are active, also unknown to man, in the heart of man and around him.»

540.11

And Jesus prays, on His knees, because the low limited tent does not allow any other posture. Then, after kindling the fire in front of the tent and hobbling the horse, they prepare for the night, and make arrangements to watch by turns the fire and the animal, on which Manaen throws the heavy fleece as a mantle to protect it from the night chill.

Jesus and Manaen lie down on the straw and cover themselves with their mantles to go to sleep. John, who is afraid of falling asleep, walks up and down outside the tent adding wood to the fire and watching the horse, which regards him with its intelligent dark eyes and stamps its hooves rhythmically, shaking its head, making the silver chains of the trappings jingly, and crushing aromatic stems of wild fennel growing at the foot of the tree to which it is tied. And as John offers it some which are more beautiful and have come up a little farther away, it neighs with satisfaction and tries to rub its soft pinkish nostrils on the apostle’s neck. From afar, in the dead silence of the night, the calm rustling noise of the river is heard.

540.12

Jesus says:

«And also the third year of My public life has come to its end. Now comes the preparatory period for My Passion. That is, the period in which everything seems confined to few actions and few people. It almost decries My figure and My mission. In actual fact He Who seemed defeated and rejected, was the hero getting ready for His apotheosis, and around Him were concentrated and elevated to this highest peak not people, but the passion of people.

Everything that preceded and that in certain episodes perhaps seemed aimless to ill-disposed or superficial readers, is now il­luminated by its gloomy or bright light. Particularly the most im­portant figures. Those that many will not admit are useful to know, just because they contain the lesson for the present masters, who more than ever are to be instructed to become true masters of the spirit. As I said to John and Manaen, nothing of what God does is useless not even a thin blade of grass. Thus nothing is superfluous in this work. Neither the magnificent figures nor the weak and gloomy ones. On the contrary, the weak and gloomy figures are more useful to the masters of the spirit than the perfected and heroic ones.

As from the height of a mountain, near its summit, it is possible to take in the whole structure of the mountain and the reasons for the existence of woods, torrents, meadow and slopes, to react the peak from the plain, and one can see all the beauty of the sight, and is more deeply convinced that the works of God are all useful and wonderful, and that one serves and completes another, and they are all present to form the beauty of Creation; thus, always with regard to those whose spirits are righteous, all the different figures, episodes, lessons of these three years of My life spent in evangelizing, contemplated from the height of the summit of My work as a Master, serve to give the right view of that complex, which is political, religious, social, collective, spiritual, selfish to the extent of being criminal, or unselfish to the point of sacrifice, in which complex I was a Master and in which I became the Redeemer. The grandeur of a drama is not seen in one scene, but in all its parts. The figure of the protagonist emerges from the dif­ferent lights by which secondary parts illuminate it.

We are now close to the summit, and the summit was the Sacrifice for which I became incarnate, and as all the most secret feelings of hearts and all the intrigues of sects have been disclosed, we can only do what the wayfarer does when he reaches the sum­mit, that is, to look at everything and everybody; to become ac­quainted with the Jewish world; to know what I was: the Man above senses, selfishness, hatred, the Man Who had to be tempted by all sorts of people to take vengeance, to seek power, to wish for the honest delights of marriage and family life, the Man Who had to put up with everything living in the world and suffer by it, because infinite was the distance between the imperfection and sin of the world and My Perfection, the Man Who replied “No” to all the voices, to all the allurements, to all the reactions of the world, of Satan and of My human ego. And I remained pure, loyal, mer­ciful, humble, obedient even to death on a Cross.

540.13

Will all this be understood by modern society, to which I grant this knowledge of Myself to strengthen it against the more and more powerful attacks of Satan and the world? Also nowadays, as twenty centuries ago, those to whom I reveal Myself will con­tradict one another. Once again I am the sign that is rejected. But not with regard to Myself, but with regard to what I stir up in them. Good people, those of goodwill, will have the good reactions of the shepherds and of humble people. The others will react in a wicked manner, like the scribes, the Pharisees, the Sadducees and priests of those days. One gives what one has. A good person who comes in touch with wicked people provokes a surge of greater wickedness in them. And judgement will be passed on men as it was done on Good Friday, according to how they have judged, ac­cepted and followed the Master, Who with a fresh attempt of in­finite mercy has made Himself known once again.

How many people’s eyes will open and how many will acknowledge Me saying[2]: “It is He. That is why our hearts burnt within us as He talked and explained the Scriptures to us”? my peace to them and to you, my little, faithful, loving John.»

Preparation

for the Passion of Jesus.


Notes

  1. prescrit : par exemple en Dt 22, 1-4, 6-7. Le discours sur la Création fait écho à Gn 1-2.
  2. diront : comme les disciples d’Emmaüs, en 625.11.

Notes

  1. prescribed, for example in: Deuteronomy 22,1-4.6-7. The speech on creation finds confirmation in: Genesis 1-2.
  2. saying, just like the disciple of Emmaus, in 625.11.