Dans une région qui se ressent déjà de la proximité de la mer Morte, ils se dirigent directement vers le nord-est, en dehors de toute piste. Si l’on ne tient pas compte de l’aspérité du terrain, rempli de pierres coupantes et de cristaux de sel, et couvert d’herbes basses et épineuses, la marche est bonne et surtout tranquille, car à perte de vue il n’y a pas âme qui vive, la température est douce et le terrain est sec.
Ils conversent. Ils doivent avoir trouvé des bergers, les jours précédents, et avoir séjourné parmi eux, parce qu’ils en discutent. Ils parlent aussi d’un enfant guéri. Doucement, en s’aimant. Même quand ils se taisent, ils échangent avec le cœur, en se regardant avec les yeux de quelqu’un qui est heureux d’être avec un ami bien-aimé. Ils s’asseyent pour se reposer et prendre un peu de nourriture, puis se remettent en route, toujours avec cet air serein dont la seule vue donne la paix à mon cœur.
« Voici Galgala » dit Jésus en montrant au loin un groupe de maisons qui reflètent leur blancheur au soleil, sur un monticule, au nord-est. « Désormais, nous nous approchons du fleuve.
– Nous entrons à Galgala pour la nuit ?
– Non, Jean. J’ai évité intentionnellement toute ville, et j’en ferai de même cette fois encore. Si nous trouvons quelque autre berger, nous irons avec lui. Si, près de la route que nous allons bientôt atteindre, nous rencontrons des caravanes sur le point de s’arrêter pour la nuit, nous demanderons à être accueillis sous leurs tentes. Les nomades du désert sont toujours hospitaliers, et nous sommes à l’époque où on les rencontre facilement. Si personne ne nous reçoit, nous dormirons à la belle étoile, unis tous les deux sous nos manteaux, et nous serons veillés par les anges.
– Oh ! oui. Tout sera mieux que la nuit de tristesse que j’ai passée à Bethléem !
– Mais pourquoi n’es-tu pas venu à moi tout de suite ?
– Parce que je me sentais coupable. Je me disais aussi : “ Jésus est si bon que, loin de me gronder, il me consolera ”, comme ça a été le cas. Mais la pénitence que je voulais faire, où aurait-elle été possible ?
– Nous l’aurions faite ensemble, Jean. Moi aussi, je suis resté sans nourriture et sans feu, malgré les aliments et le bois trouvés le matin.
– Oui. Mais quand on est avec toi, plus rien ne compte. Quand je suis avec toi, je ne souffre plus de rien. Je te regarde, je t’écoute, et je suis tout à fait heureux.
– Je le sais. Je sais aussi qu’en personne ma pensée ne s’imprime comme en mon Jean, et encore que tu sais comprendre et te taire quand il y a lieu. Tu me comprends, oui, parce que tu m’aimes.