The Writings of Maria Valtorta

575. Le mauvais accueil de Tersa.

575. Hostile reception in Tirzah. An extreme

575.1

Tersa est tellement environnée d’oliveraies luxuriantes qu’il faut en être bien proche pour remarquer que la ville est là. Une enceinte de jardins potagers d’une merveilleuse fertilité forme pour les maisons un dernier abri contre le vent. Dans les jardins, la chicorée, les salades, les légumes, les jeunes plants de cucurbitacées, les arbres fruitiers, les tonnelles, mêlent et entrelacent leurs verts de nuances variées. Les fleurs apportent la promesse des fruits et les tout jeunes fruits font espérer leurs délices. Les petites fleurs de la vigne et celles des oliviers plus précoces font pleuvoir, au passage d’un petit vent plutôt énergique, une neige blanc-verdâtre qui saupoudre le sol.

Au bruit des pas des arrivants, les huit apôtres envoyés en tête précédemment sortent de derrière un rideau de roseaux et de saules qui ont poussé près d’un canal desséché, mais au fond encore humide. Ils sont visiblement inquiets et affligés, et font signe de s’arrêter. Ils arrivent en courant. Quand ils sont assez proches pour être entendus sans avoir besoin de crier, ils s’exclament :

« Partez ! Partez ! Rebroussez chemin, allez dans la campagne. On ne peut entrer dans la ville. Pour un peu, ils nous lapideraient. Mettons-nous à l’écart dans ce bosquet, et nous allons parler… »

Impatients de s’éloigner sans être vus, ils poussent dans le fond du canal desséché Jésus, les trois apôtres, le petit garçon et les femmes :

« Qu’on ne nous voie pas ici. Partons ! Partons ! »

C’est en vain que Jésus, Jude et les deux fils de Zébédée cherchent à savoir ce qui est arrivé. C’est en vain qu’ils demandent :

« Mais qu’en est-il de Judas et d’Elise ? »

Les huit apôtres ne veulent rien entendre. Marchant dans le fouillis des tiges et des plantes aquatiques, les pieds lacérés par les joncs, le visage frappé par les saules et les roseaux, glissant sur la vase, s’accrochant aux herbes, s’appuyant aux bords, se couvrant de boue, ils s’éloignent ainsi, poussés par derrière par les huit hommes, qui marchent en se retournant sans cesse pour voir si quelqu’un sort de Tersa à leur poursuite. Mais il n’y a, sur la route, que le soleil qui commence à baisser, et un chien errant efflanqué.

575.2

Finalement, ils arrivent près d’un fourré de ronces qui sert de limite à une propriété. Derrière, se trouve un champ de lin dont le vent fait onduler les hautes tiges qui commencent à sortir leurs fleurs bleu ciel.

« Arrêtons-nous ici. Si nous restons assis, personne ne nous verra, et nous repartirons à la tombée de la nuit … dit Pierre en essuyant sa sueur.

– Où ? » questionne Jude. « Nous avons les femmes.

– Nous irons n’importe où. Du reste, les prés sont pleins de foin coupé, ça servira de lit. Pour les femmes, nous ferons des tentes avec nos manteaux et nous veillerons.

– Oui. Il suffit de ne pas être vus et de descendre à l’aube vers le Jourdain. Tu avais raison, Maître, de ne pas vouloir prendre la route de Samarie. Pour nous qui sommes pauvres, mieux vaut les voleurs que les Samaritains !… déclare Barthélemy, encore hors d’haleine.

– Que s’est-il donc passé ? C’est Judas qui a fait quelque… » demande Jude.

Thomas l’interrompt :

« Judas a certainement reçu des coups. J’en suis contrarié pour Elise…

– Tu l’as vu ?

– Moi, non. Mais il est facile d’être prophète. S’il s’est manifesté comme ton apôtre, il a sûrement été frappé.

575.3

Maître, ils ne veulent pas de toi.

– Oui, ils se sont tous révoltés contre toi.

– Ce sont de vrais Samaritains ! »

Ils parlent tous ensemble. Jésus impose le silence à tous et dit :

« Qu’un seul parle pour tous. Toi, Simon le Zélote, qui es le plus calme.

– Seigneur, c’est vite dit. Nous sommes entrés dans la ville, et personne ne nous a dérangés tant qu’on n’a pas su qui nous sommes, tant qu’on a cru que nous étions des pèlerins de passage.

Mais nous avons demandé — il le fallait bien ! — si un homme jeune, grand, brun, vêtu de rouge et avec un talit[1] à bandes rouges et blanches, accompagné d’une femme âgée, maigre, avec des cheveux plus blancs que noirs et un vêtement gris très foncé, étaient entrés en ville, et s’ils avaient cherché le Maître galiléen et ses compagnons. Ils se sont aussitôt mis en colère… Peut-être n’aurions-nous pas dû parler de toi. Nous nous sommes certainement trompés… Mais nous avions été si bien accueillis ailleurs que… Je ne comprends pas ce qui est arrivé !… Ceux qui, il y a trois jours seulement, étaient respectueux envers toi paraissaient être devenus des vipères ! »

Jude l’interrompt :

« Travail de juifs…

– Je ne crois pas, à cause des reproches qu’ils nous ont faits et de leurs menaces. Moi, je pense… Ou plutôt je suis sûr, nous sommes sûrs que la colère des Samaritains vient de ce que Jésus a repoussé leur offre de protection. Ils criaient : “ Fichez le camp ! Fichez le camp, vous et votre Maître ! Il veut aller adorer sur le mont Moriah. Eh bien, qu’il y aille, et qu’ils meurent, lui et tous les siens. Il n’y a pas de place parmi nous pour ceux qui ne nous considèrent pas comme amis, mais seulement comme des serviteurs. Nous ne voulons pas d’autres ennuis si ce n’est pas compensé par le profit. Au lieu de pain, ce sont des pierres que nous destinons au Galiléen, les chiens pour l’attaquer au lieu de maisons pour l’accueillir. ” Ainsi parlaient-ils, et ils en disaient davantage. Et comme nous insistions pour savoir au moins ce qu’il en était de Judas, ils ont ramassé des pierres pour nous frapper et ils ont réellement lancé les chiens. Et ils criaient entre eux : “ Plaçons-nous à toutes les entrées. Si ce Rabbi vient, nous nous vengerons. ” Nous nous sommes enfuis. Une femme — il y a toujours quelqu’un de bon, même parmi les mauvais — nous a poussés dans son jardin et, de là, nous a conduits par un sentier entre les jardins jusqu’au canal, qui était sans eau — on avait irrigué avant le sabbat —, et elle nous a cachés là. Puis elle nous a promis de nous donner des nouvelles de Judas. En réalité, elle n’est plus venue. Mais attendons-la ici, car elle a dit que si elle ne nous trouve pas dans le canal, elle viendrait ici. »

575.4

De nombreux commentaires fusent. Certains continuent à accuser les juifs. D’autres adressent à Jésus un léger reproche, un reproche voilé sous les mots :

« Tu as parlé trop clairement à Sichem, et puis tu t’es éloigné. Pendant ces trois jours, ils ont décidé qu’il était inutile de se faire des illusions et de risquer de se nuire à eux-mêmes pour quelqu’un qui ne les satisfait pas… et ils te chassent… ».

Jésus répond :

« Je ne regrette pas d’avoir dit la vérité et de faire mon devoir. Aujourd’hui, ils ne comprennent pas. D’ici peu, ils comprendront ma justice et me vénéreront plus que si je ne l’avais pas respectée. Elle est plus grande que l’amour que j’ai pour eux.

– La voilà ! Voilà la femme sur la route. Elle ose se faire voir… dit André.

– Ne va-t-elle pas nous trahir, hein ? s’interroge Barthélemy, soupçonneux.

– Elle est seule !

– Elle pourrait être suivie par des gens cachés dans le canal… »

Mais la femme, qui marche avec un panier sur la tête, continue sa route et dépasse les champs de lin où attendent Jésus et les apôtres, puis elle prend un sentier et sort de la vue… pour réapparaître à l’improviste derrière ceux qui l’attendent et qui se retournent, presque effrayés, en entendant le froissement des herbes.

La femme s’adresse aux huit hommes qu’elle connaît :

« Me voilà ! Pardonnez-moi si je vous ai fait beaucoup attendre… Je ne voulais pas qu’on me suive. J’ai prétendu que j’allais chez ma mère… Je sais… Et je vous ai apporté de quoi vous restaurer. Le Maître… Lequel d’entre vous est-ce ? Je veux le vénérer.

– Voici le Maître. »

La femme, qui a déposé son panier, se prosterne en disant :

« Pardonne la faute de mes concitoyens. S’il n’y avait pas eu des gens pour les exciter… Mais ils en ont influencé un grand nombre à propos de ton refus…

– Je n’ai pas de rancœur, femme.

575.5

Lève-toi et parle. As-tu des nouvelles de mon apôtre et de la femme qui était avec lui ?

– Oui. Chassés comme des chiens, ils sont en dehors de la ville, de l’autre côté, attendant qu’il fasse nuit. Ils avaient l’intention de retourner à Hennon pour te chercher. Ils voulaient venir ici, sachant que leurs compagnons y étaient. Je leur ai recommandé de ne pas le faire et de rester tranquilles, et je leur ai dit que je vous mènerais à eux dès le crépuscule. Par un heureux hasard, mon époux est absent et je suis libre de quitter la maison. Je vais vous conduire chez une de mes sœurs, mariée sur les terres de la plaine. Vous dormirez là, sans dire qui vous êtes, pas à cause de Mérod, mais à cause des hommes qui sont avec elle. Ce ne sont pas des Samaritains : ils sont de la Décapole, établis ici. Mais cela vaut mieux…

– Que Dieu te récompense. Les deux disciples ont-ils été blessés ?

– L’homme, un peu. La femme n’a rien. Le Très-Haut l’a certainement protégée car, fièrement, elle a protégé son fils de sa personne quand les habitants ont pris des pierres. Quelle femme courageuse ! Elle criait : “ C’est ainsi que vous frappez quelqu’un qui ne vous a pas offensés ? Et vous ne me respectez pas, moi qui le défends et qui suis mère ? N’avez-vous pas de mères, vous tous qui ne respectez pas une femme qui a engendré ? Etes-vous nés d’une louve, ou bien êtes-vous faits de boue et de fumier ? ” Et elle toisait ses agresseurs en tenant son manteau ouvert pour défendre l’homme ; en même temps, elle reculait en le poussant hors de la ville… Actuellement, elle le réconforte en disant : “ Veuille le Très-Haut, mon Judas, faire de ce sang répandu pour le Maître un baume pour ton cœur. ” Mais il est peu blessé. Il a peut-être eu plus de peur que de mal. Maintenant, prenez et mangez. Pour les femmes, il y a du lait qu’on vient de traire et du pain avec du fromage et des fruits. Je n’ai pas pu cuire de la viande, cela m’aurait demandé trop de temps. Et il y a là du vin pour les hommes. Mangez pendant que le soir descend puis, par des chemins sûrs, nous irons chercher les deux autres, pour partir ensemble chez Mérod.

– Que Dieu te récompense encore » dit Jésus

Il offre et distribue la nourriture, en mettant de côté deux parts pour Judas et Elise.

« Non, non. J’ai pensé à eux, et leur ai porté sous mes vêtements des œufs et du pain, avec un peu de vin et d’huile pour les blessures. Mangez, pendant que je surveille la route… »

575.6

Ils mangent, mais l’indignation dévore les hommes, et les femmes accablées sont très lasses. Toutes, sauf Marie de Magdala. Ce qui effraie et humilie les autres a toujours sur elle l’effet d’une liqueur qui excite les nerfs et son courage. Ses yeux lancent des éclairs vers la cité hostile. Seule la présence de Jésus, qui a déjà recommandé de ne pas avoir de rancœur, retient des propos méprisants. Ne pouvant ni parler ni agir, elle déverse sa colère sur le pain innocent, qu’elle mord d’une manière tellement significative que Simon le Zélote ne peut se retenir de le lui faire remarquer en souriant :

« Heureusement que les habitants de Tersa ne peuvent tomber entre tes mains ! Tu ressembles à un fauve enchaîné, Marie !

– J’en suis un. Tu as vu juste. Et aux yeux de Dieu, j’ai plus de mérite pour me retenir d’entrer là-bas, comme ils le méritent, que pour tout ce que j’ai fait jusqu’ici en expiation.

– Fais preuve de bonté, Marie ! Dieu t’a pardonné des fautes plus grandes que la leur.

– C’est vrai. Eux t’ont offensé, toi, mon Dieu, une fois, et sous l’influence d’autrui. Mais moi… de nombreuses fois… et par ma propre volonté… je ne puis être intransigeante ni orgueilleuse… »

Elle baisse les yeux sur son pain, sur lequel tombent deux larmes.

Marthe lui met la main sur les genoux en murmurant :

« Dieu t’a pardonné. Ne te mortifie plus… Rappelle-toi ce que tu as eu : notre Lazare…

– Je ne me mortifie pas. C’est de la reconnaissance, c’est de l’émotion… Et la constatation que je n’ai pas encore cette miséricorde que j’ai si largement reçue… Pardonne-moi, Rabouni ! dit-elle en levant ses yeux splendides auxquels l’humilité a rendu leur douceur.

– On ne refuse jamais le pardon à qui est humble de cœur, Marie. »

575.7

Le soir qui descend teinte l’air d’une délicate nuance de violet. Ce qui est un peu éloigné se confond. Les tiges de lin, dont la grâce était si visible, se mêlent à présent en une masse sombre. Les oiseaux se taisent dans les feuillages. La première étoile s’allume. La première cigale fait retentir son crissement dans l’air. C’est le soir.

« Nous pouvons y aller. Ici, dans les champs, on ne nous verra pas. Sentez-vous en sécurité. Je ne vous trahis pas. Je ne le fais pas pour en tirer quelque profit. Je demande seulement au Ciel la pitié, car de pitié, nous en avons tous besoin » soupire la femme.

Ils se lèvent, ils la suivent. Ils passent au large de Tersa, au milieu des champs et des jardins déjà obscurs, mais pas assez loin pour ne pas apercevoir les hommes autour des feux au point de départ des routes…

« Ils nous guettent… fait remarquer Matthieu.

– Maudits soient-ils ! » siffle Philippe entre ses dents.

Pierre reste silencieux, mais il agite ses bras vers le ciel en un geste d’appel ou de protestation muette.

Mais Jacques et son frère Jean qui se sont parlé sans arrêt, un peu en avant des autres, reviennent sur leurs pas pour demander :

« Maître, si, à cause de la perfection de ton amour, tu ne veux pas recourir au châtiment, veux-tu que nous le fassions ? Veux-tu que nous disions au feu du ciel de descendre et de consumer ces pécheurs ? Tu nous as appris que nous pouvions tout ce que nous demandions avec foi et… »

Jésus qui marchait un peu penché, comme s’il était fatigué, se redresse brusquement et les foudroie de ses yeux qui étincellent à la lumière de la lune. Les deux frères reculent en silence, effrayés devant ce regard. Sans cesser de les fixer, Jésus leur dit :

« Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Le Fils de l’homme n’est pas venu perdre les âmes, mais les sauver. Vous ne vous rappelez pas ce que je vous ai dit dans la parabole[2] du bon grain et de l’ivraie : “ Pour l’instant, laissez le bon grain et l’ivraie croître ensemble car, à vouloir les séparer maintenant, vous risqueriez d’arracher le bon grain avec l’ivraie. Laissez-les donc pousser ensemble jusqu’à la moisson. Alors je dirai aux moissonneurs : ramassez l’ivraie et liez-la en bottes pour la brûler, puis rentrez le bon grain dans mon grenier. ” »

575.8

Jésus a déjà modéré son indignation envers les deux apôtres qui, à cause d’une colère suscitée par leur amour pour lui, demandaient de punir les habitants de Tersa, et qui se tiennent maintenant tête basse devant lui. Il les prend par le coude, l’un à droite, l’autre à gauche, et se remet en route en les conduisant ainsi et en parlant à tous qui s’étaient groupés autour de lui quand il s’est arrêté.

« En vérité, je vous dis que le temps de la moisson est proche, ma première moisson, et pour beaucoup, il n’y en aura pas de seconde. Mais — louons-en le Très-Haut — certaines personnes qui, pendant mon temps, n’ont pas su devenir épi de bon grain, renaîtront avec une âme nouvelle après la purification du sacrifice pascal. Jusqu’à ce jour, je ne m’acharnerai contre personne… Après viendra la justice…

– Après la Pâque ? demande Pierre.

– Non. Après le temps. Je ne parle pas des hommes d’aujourd’hui. Je considère les siècles futurs. L’homme ne cesse de se renouveler comme les moissons dans les champs, et les récoltes se suivent. Et moi, je laisserai ce qu’il faut pour que ceux qui viendront puissent devenir du bon grain. S’ils s’y refusent, à la fin du monde, mes anges sépareront l’ivraie du bon grain. Alors viendra le Jour éternel de Dieu seul. Pour l’instant, dans le monde, c’est le jour de Dieu et de Satan. Le Premier semant le bien, le second jetant parmi les semences de Dieu son ivraie de damnation, ses scandales, ses iniquités, ses semences d’iniquité. Car il y aura toujours des gens pour exciter contre Dieu, comme ici, avec ceux-ci qui, en vérité, sont moins coupables que ceux qui les poussent au mal.

– Maître, chaque année nous nous purifions à la Pâque des Azymes, mais nous restons toujours les mêmes. Est-ce que ce sera différent, cette année ? demande Matthieu.

– Très différent.

– Pourquoi ? Explique-nous.

– Demain… Demain, ou lorsque nous serons en route, et que Judas sera parmi nous.

– Oh oui ! Tu nous le révéleras et nous nous rendrons meilleurs… En attendant, pardonne-nous, Jésus, implore Jean.

– C’est à juste titre que je vous ai surnommés “ les fils du tonnerre[3] ”. Mais le tonnerre ne fait pas de mal. La foudre, elle, peut tuer. Néanmoins, le tonnerre annonce souvent la foudre. C’est ce qui arrive à l’homme qui n’extirpe pas de son âme tout désordre contre l’amour. Aujourd’hui, il demande à pouvoir punir. Demain, il punira sans demander. Après-demain, ce sera sans la moindre raison. Il est facile de descendre… C’est pourquoi je vous conseille de vous dépouiller de toute forme de dureté de cœur envers votre prochain. Imitez-moi, et vous serez sûrs de ne pas vous tromper. M’avez-vous jamais vu me venger de quelqu’un qui m’afflige ?

– Non, Maître. Tu…

575.9

– Maître ! Maître ! Nous sommes ici, Elise et moi. Oh ! Maître, que de souci pour toi ! Et quelle peur de mourir… » dit Judas en débouchant de derrière des rangs de vigne et en courant vers Jésus.

Une bande lui entoure le front. Elise, plus calme, le suit.

« Tu as souffert ? Tu as eu peur de mourir ? La vie t’est-elle tellement chère ? demande Jésus en se libérant des bras de Judas, qui l’étreint et pleure.

– Pas la vie. Je craignais Dieu. Mourir sans ton pardon… Je ne cesse pas de t’offenser. J’offense tout le monde. Même elle… Et elle m’a répondu en me servant de mère. Je me suis senti coupable et j’ai redouté la mort…

– C’est une crainte salutaire, si elle peut te rendre saint ! Mais moi, je te pardonne toujours, tu le sais. Il suffit que tu aies la volonté de te repentir. Et toi, Elise, as-tu pardonné ?

– C’est un grand enfant déchaîné. Je sais être indulgente.

– Tu as été courageuse, Elise. Je le sais.

– Si elle n’avait pas été là ! Je ne sais pas si je t’aurais revu, Maître !

– Tu vois donc que ce n’est pas par haine, mais par amour qu’elle était restée près de toi… N’as-tu pas été blessée, Elise ?

– Non, Maître. Les pierres tombaient tout autour de moi sans me blesser, mais mon cœur a été très angoissé en pensant à toi…

– Tout est fini désormais. Suivons la femme qui veut nous conduire dans une maison sûre. »

Ils se remettent en route et prennent un petit chemin éclairé par la lune, en direction de l’orient.

575.10

Jésus a saisi Judas par le bras et il marche en avant avec lui. Il lui parle doucement. Il essaie de travailler son cœur secoué par la peur passée du jugement de Dieu :

« Tu vois, Judas, comme il est facile de mourir. La mort est toujours aux aguets autour de nous. Tu vois comme ce qui nous paraît négligeable tant que nous sommes pleins de vie prend une importance effroyable quand la mort nous effleure. Mais pourquoi vouloir éprouver ces terreurs, se les créer pour les trouver en face de soi au moment de mourir, alors qu’en menant une vie sainte, on peut ignorer l’épouvante du proche jugement de Dieu ? Ne te semble-t-il pas qu’il vaut la peine de vivre en juste pour avoir une mort paisible ? Judas, mon ami, la divine et paternelle miséricorde a permis cet événement pour qu’il soit un appel à ton cœur. Il est encore temps pour toi, Judas… Pourquoi ne veux-tu pas donner à ton Maître, qui va mourir, l’immense joie de te savoir revenu au bien ?

– Mais peux-tu encore me pardonner, Jésus ?

– Te parlerais-je ainsi, si je ne le pouvais pas ? Comme tu me connais peu encore ! Moi, je te connais. Je sais que tu es comme saisi par une pieuvre géante. Mais, si tu le voulais, tu pourrais encore te libérer. Certes, tu souffrirais. T’arracher à ces chaînes qui te mordent et t’empoisonnent serait douloureux. Mais ensuite, quelle joie, Judas ! Tu crains de ne pas avoir la force de réagir contre ceux qui t’influencent ? Moi, je puis t’absoudre à l’avance du péché de transgression du rite pascal… Tu es un malade. Pour les malades, la Pâque n’est pas obligatoire. Personne n’est plus malade que toi. Tu es comme un lépreux. Les lépreux ne montent pas à Jérusalem, aussi longtemps qu’ils le sont. Sois bien sûr, Judas, que comparaître devant le Seigneur avec une âme impure telle que la tienne, ce n’est pas l’honorer, mais l’offenser. Il faut d’abord…

575.11

– Dans ce cas, pourquoi, ne me purifies-tu pas et ne me guéris-tu pas ? demande Judas, déjà dur, récalcitrant.

– Je ne te guéris pas ! Quand quelqu’un est malade, il cherche à se guérir par lui-même, à moins que ce ne soit un petit enfant ou un sot qui ne sait pas décider…

– Traite-moi comme de telles personnes. Traite-moi en sot, et pourvois toi-même, à mon propre insu.

– Ce ne serait pas juste, parce que tu peux vouloir. Tu sais ce qui est bon et ce qui est mal pour toi. Et il ne servirait à rien que je te guérisse sans ta volonté de rester guéri.

– Donne-la-moi aussi.

– Te la donner ? T’imposer alors une volonté bonne ? Et ton libre arbitre ? Que deviendrait-il? Que serait ton moi d’homme, de créature libre ? Un esclave ?

– Comme je suis soumis à Satan, je pourrais l’être à Dieu !

– Comme tu me blesses, Judas ! Comme tu me transperces le cœur ! Mais pour ce que tu me fais, je te pardonne… Soumis à Satan, as-tu dit. Je ne parlais pas de quelque chose d’aussi redoutable…

– Mais tu le pensais parce que c’est vrai et que tu le sais, s’il est vrai que tu lis dans les cœurs des hommes. S’il en est ainsi, tu es conscient que je ne suis plus libre de moi… Il m’a pris et…

– Non. Il s’est approché de toi, en te tentant, en te mettant à l’essai, et tu l’as accueilli. Il n’y a pas de possession sans une adhésion précédente à quelque tentation satanique. Le serpent insinue sa tête entre les barreaux serrés mis pour défendre les cœurs, mais il n’entrerait pas si l’homme ne lui élargissait pas un passage pour admirer son aspect séducteur, pour l’écouter, pour le suivre… Alors seulement l’homme devient entièrement soumis, possédé, mais parce qu’il le veut. Dieu aussi envoie des Cieux les douces lumières de son amour paternel, et elles pénètrent en nous. Ou plutôt : Dieu, à qui tout est possible, descend dans le cœur des hommes. C’est son droit. Alors pourquoi l’homme qui est conscient qu’il devient esclave, soumis à l’Horrible, ne parvient-il pas à se rendre serviteur de Dieu, ou plutôt fils de Dieu, et pourquoi chasse-t-il son Père très saint ? Tu ne me réponds pas ? Tu ne me dis pas pourquoi tu as préféré Satan à Dieu, pourquoi tu as voulu Satan ? Mais il serait encore temps de te sauver !

575.12

Tu sais que je vais à la mort. Personne ne le sait mieux que toi… Je ne refuse pas de mourir… Je vais à la mort, parce que ma mort sera vie pour nombre d’hommes. Pourquoi ne veux-tu pas être de ceux-là ? Est-ce pour toi seulement, mon ami, mon pauvre ami malade, que ma mort sera inutile ?

– Elle sera inutile pour bien des gens, ne te fais pas d’illusions. Tu ferais mieux de fuir et de vivre loin d’ici, de profiter de la vie, d’enseigner ta doctrine, car elle est bonne, mais de ne pas te sacrifier.

– Enseigner ma doctrine ! Mais qu’est-ce que j’enseignerais désormais de vrai, si je faisais le contraire de ce que je professe ? Quel Maître serais-je si je prêchais l’obéissance à la volonté de Dieu et l’amour des hommes sans les mettre en pratique, et si, après avoir demandé le renoncement à la chair et au monde, j’aimais ma chair et les honneurs du monde, ou encore si je scandalisais non seulement les hommes, mais aussi les anges après avoir prôné le refus de scandaliser ? C’est Satan qui parle par toi en ce moment, comme il a parlé à Ephraïm, comme tant de fois il a parlé et agi, par ton intermédiaire, pour me troubler. Je reconnais toutes ces actions de Satan, accomplies par ta seule volonté, et je ne t’ai pas haï, je n’ai pas éprouvé de lassitude de toi, mais seulement de la peine, une peine infinie. Comme une mère qui suit les progrès d’un mal qui mène son enfant à la mort, j’ai observé la progression du mal en toi. Comme un père qui ne regrette rien pourvu qu’il trouve des remèdes pour son fils malade, je n’ai rien épargné pour te sauver, j’ai surmonté les répugnances, les indignations, les amertumes, les découragements… Comme un père et une mère désolés, désillusionnés de toute puissance terrestre, se tournent vers le Ciel pour obtenir la vie d’un enfant, j’ai gémi et je gémis encore pour implorer un miracle qui te sauve au bord de l’abîme qui déjà s’ouvre sous tes pieds.

575.13

Judas, regarde-moi ! D’ici peu, mon sang sera répandu pour les péchés des hommes. II ne m’en restera pas une goutte. La terre, les pierres, les herbes, les vêtements de mes persécuteurs et les miens le boiront…de même que le bois, le fer, les cordes, les épines du jujubier[4]… et aussi les âmes qui attendent le salut… Serais-tu le seul à refuser d’en boire ? Pour toi seul, je donnerais tout mon Sang. Tu es mon ami. Comme on meurt volontiers pour sauver son ami ! On se dit : “ Je meurs, mais je continuerai à vivre dans l’ami auquel j’ai donné la vie. ” Comme une mère, comme un père qui continuent à vivre dans leur descendance même après qu’ils se sont éteints. Judas, je t’en supplie ! Je ne demande rien d’autre en cette veille de ma mort. Au condamné, les juges et même les ennemis accordent une ultime grâce, ils exaucent son dernier désir. Moi, je te demande de ne pas te damner. Je ne le demande pas tant au Ciel qu’à toi, à ta volonté… Pense à ta mère, Judas. Que deviendra-t-elle, ensuite ? Qu’en sera-t-il du nom de ta famille ? Je fais appel à ton orgueil — il est plus fier que jamais — pour te défendre contre ton déshonneur. Ne te déshonore pas. Judas. Réfléchis. Les années et les siècles passeront, les royaumes et les empires tomberont, les étoiles perdront leur éclat, la configuration de la terre changera, et tu seras toujours Judas, comme Caïn est toujours Caïn, si tu persistes dans ton péché. Les siècles auront une fin, et il restera seulement le paradis et l’enfer. Au paradis et en enfer, pour les hommes ressuscités et accueillis avec leur âme et leur corps, pour l’éternité, là où il est juste qu’ils soient, tu seras toujours Judas, le maudit, le plus grand coupable, si tu ne te repens pas.

Je descendrai libérer les esprits des limbes, je les tirerai en foule du purgatoire, mais toi… je ne pourrai t’attirer là où je suis… Judas, je vais mourir, j’y vais joyeux, car l’heure que j’attendais depuis des millénaires est venue : l’heure de réunir les hommes à leur Père. Il y en a beaucoup que je ne réunirai pas. Mais le nombre des sauvés que je contemplerai en mourant me consolera du déchirement de mourir inutilement pour tant de personnes. Mais, c’est moi qui te le dis, il me sera terrible de te voir parmi ces derniers, toi, mon apôtre, mon ami. Ne me cause pas cette inhumaine douleur !… Je veux te sauver, Judas. Te sauver !

575.14

Regarde : nous descendons au fleuve. Demain, à l’aube, quand tous dormiront encore, nous le passerons tous les deux, et tu iras à Bozra, à Arbel, à Aéra, où tu veux. Tu connais les maisons des disciples. A Bozra, cherche Joachim et Marie, la lépreuse que j’ai guérie. Je te donnerai un mot pour eux. Je dirai que, pour ta santé, il te faut un repos tranquille dans un air différent. Et c’est la vérité, malheureusement, puisque tu es malade spirituellement et que l’air de Jérusalem te serait mortel. Mais eux croiront qu’il s’agit de ton corps. Tu resteras là jusqu’à ce que je vienne t’en tirer. Je m’occuperai de tes compagnons… Mais ne viens pas à Jérusalem. Tu vois ? Je n’ai pas voulu des femmes, hormis les plus courageuses et celles qui, par leur droit de mère, se doivent d’être auprès de leurs enfants.

– La mienne aussi ?

– Non. Marie ne sera pas à Jérusalem…

– C’est la mère d’un apôtre, elle aussi, et elle t’a toujours honoré.

– Oui, elle aurait le droit comme les autres d’être près de moi, elle qui m’aime avec une parfaite justice. Mais c’est justement pour cette raison qu’elle sera absente. Je lui ai dit de ne pas venir, et elle sait obéir.

– Pourquoi ne doit-elle pas être là ? Qu’a-t-elle de différent de la mère de tes frères et de celle des fils de Zébédée ?

– Toi. Et tu sais pourquoi je te dis cela. Mais si tu m’écoutes, si tu te rends à Bozra, j’enverrai prévenir ta mère et je la ferai accompagner pour qu’elle, qui est si bonne, t’aide à guérir.

575.15

Sois-en bien sûr : nous seuls t’aimons ainsi, sans mesure. Trois personnes t’aiment dans le Ciel : le Père, le Fils et l’Esprit Saint, qui t’ont contemplé et qui attendent ta décision pour faire de toi le joyau de la Rédemption, la plus grande proie arrachée à l’Abîme ; et trois autres se trouvent sur la terre : ta mère, ma Mère et moi. Rends-nous heureux, Judas ! Nous du Ciel, nous de la terre, ceux qui t’aiment d’un amour véritable.

– Tu le dis : il n’y en a que trois qui m’aiment ; les autres… non.

– Pas comme nous, mais ils t’aiment beaucoup. Elise t’a défendu. Les autres étaient inquiets pour toi. Quand tu es au loin, tous te portent dans leur cœur et ont ton nom sur leurs lèvres. Tu ne soupçonnes pas tout l’amour qui t’entoure… Ton oppresseur te le cache. Mais crois à ma parole.

– Je te crois, et je chercherai à te satisfaire. Mais je veux agir de moi-même. C’est de moi-même que j’ai erré, c’est de moi-même que je dois guérir du mal.

– Il n’y a que Dieu qui puisse agir de lui-même. Ta pensée est de l’orgueil. C’est encore Satan qui suscite l’orgueil. Sois humble, Judas. Prends cette main qui t’offre son amitié. Réfugie-toi sur ce cœur, qui s’ouvre pour te protéger. Ici, avec moi, Satan ne pourrait te faire aucun mal.

– J’ai essayé d’être avec toi… Je suis descendu toujours plus… C’est inutile !

– Ne dis pas cela ! Ne dis pas cela ! Repousse le découragement. Dieu peut tout. Serre-toi contre Dieu. Judas ! Judas !

– Tais-toi ! Que les autres n’entendent pas…

– Tu te préoccupes des autres et non de ton âme ? Pauvre Judas !… »

575.16

Jésus se tait, mais continue à rester auprès de l’apôtre jusqu’à ce que la femme, qui était en avant de quelques mètres, entre dans une maison qui émerge d’un bois d’oliviers. Alors il dit à son disciple :

« Je ne dormirai pas, cette nuit. Je prierai pour toi, et je t’attendrai… Que Dieu parle à ton cœur. Quant à toi, écoute-le… Je resterai ici pour prier, jusqu’à l’aube… Souviens-t’en. »

Judas ne lui répond pas. Les autres sont arrivés, et tous restent ensemble à attendre le retour de la Samaritaine. Elle ne tarde guère à revenir. Elle est accompagnée d’une autre femme qui lui ressemble et qui les salue en disant :

« Je n’ai pas beaucoup de pièces, car j’héberge déjà les moissonneurs, qui travaillent aux oliviers pour le moment. Mais j’ai un grand grenier avec beaucoup de paille. Pour les femmes, j’ai de la place. Venez.

– Allez-y ! Moi, je reste ici à prier. Paix à vous tous » dit Jésus. Et pendant que les autres s’en vont, il retient sa Mère pour lui confier : « Je reste à prier pour Judas, ma Mère. Aide-moi, toi aussi…

– Je t’aiderai, mon Fils. Peut-être la volonté renaît-elle en lui ?

– Non, Maman. Mais nous devons faire comme si… Le Ciel peut tout, Maman !

– Oui. Et moi, je peux encore avoir des illusions. Pas toi, mon Fils. Tu sais tout, mon saint Fils ! Mais moi, je t’imiterai toujours. Va et sois tranquille, mon amour ! Même quand tu ne pourras plus lui parler parce qu’il te fuira, j’essaierai de te l’amener. Que le Père très saint écoute ma souffrance… Me laisses-tu prier avec toi, Jésus ? Nous prierons ensemble, et ce sera autant d’heures à t’avoir pour moi seule…

– Reste, Maman. Je t’attends ici. »

575.17

Marie s’éloigne rapidement et revient de même. Ils s’asseyent sur leurs sacs, aux pieds des oliviers. Dans le grand silence de la nuit, on entend le bruissement du fleuve peu éloigné, et le chant des cigales semble puissant. Puis ce sont les trilles des rossignols. Une chouette rit et un petit duc pleure. Les étoiles se déplacent lentement dans le firmament où elles sont reines, maintenant que la lune, qui est couchée, ne les dissimule plus… Puis un coq rompt l’air tranquille de son cri vibrant. Beaucoup plus loin, à peine perceptible, un autre coq lui répond. Et le silence retombe, bientôt rompu par un arpège de gouttes qui tombent des tuiles d’une maison toute proche sur le pavé qui l’entoure. Et encore un nouveau bruissement dans les feuillages comme s’ils secouaient l’humidité de la nuit, puis le cri isolé d’un oiseau qui se réveille, et en même temps un changement dans le ciel, le retour de la lumière. C’est l’aube. Judas n’est pas venu…

Jésus regarde sa Mère, blanche comme un lys contre l’olivier sombre, et il lui dit :

« Nous avons prié, Mère. Dieu se servira de notre prière…

– Oui, mon Fils. Tu es pâle comme la mort. Vraiment, toute ta vitalité s’est exhalée pendant cette nuit, pour faire pression sur les portes des Cieux et sur les décrets de Dieu !

– Toi aussi, tu es pâle, Mère. Grande est ta fatigue.

– Grande est ma douleur, à cause de ta douleur. »

575.18

La porte de la maison s’ouvre avec précaution… Jésus tressaille. Mais ce n’est que la femme qui les a conduits, qui sort sans faire de bruit. Jésus soupire :

« J’avais espéré m’être trompé ! »

La femme s’avance avec son panier vide. A la vue de Jésus, elle le salue et allait poursuivre son chemin, mais lui l’appelle et lui dit :

« Que le Seigneur te récompense pour tout. Je voudrais en faire autant, mais je n’ai rien avec moi.

– Je n’aurais rien accepté, Rabbi, aucune compensation. Mais si je ne veux pas d’argent, il y a quelque chose que je souhaiterais. Et cela, tu peux me le donner !

– Quoi, femme ?

– Que le cœur de mon époux change. Cela, tu peux le faire parce que tu es vraiment le Saint de Dieu.

– Va en paix. Il te sera fait comme tu le demandes. Adieu. »

La femme s’éloigne rapidement vers sa maison, qui doit être bien triste. Marie remarque :

« Une autre malheureuse. C’est pour cela qu’elle est bonne !… »

575.19

Depuis le grenier, la tête ébouriffée de Pierre apparaît, et derrière elle, le visage lumineux de Jean, puis le profil sévère de Jude et la figure brunâtre de Simon le Zélote, enfin la maigre frimousse du jeune Benjamin… Ils sont tous réveillés. De la maison sort, la première de toutes, Marie de Magdala suivie par Nikê, puis par les autres. Quand tous sont réunis, la femme qui leur a accordé l’hospitalité apporte une seille de lait encore écumeux. Alors apparaît Judas. Il n’a plus sa bande, mais le bleu du coup qu’il a reçu lui colore la moitié du front, et son œil est encore plus sombre dans le cercle violacé.

Jésus le regarde. Judas regarde Jésus, puis détourne la tête.

Jésus lui dit :

« Achète à la femme ce qu’elle peut nous fournir. Nous reprenons la route. Rejoins-nous. »

Effectivement, Jésus s’éloigne après avoir salué la femme. Tous le suivent.

575.1

Tirzah is so surrounded by luxuriant olive-groves, that it is necessary to be very close to the town to realise that it is there. A belt of wonderful fertile vegetable gardens is the last screen of the houses. In the kitchen gardens chicory, salads, legumes, young plants of gourds, fruit-trees and bowers, blend and interlace their different green shades and their blossoms promising fruit or the little fruits promising delights. Vines and early olive-trees, blown by a rather strong breeze, shed their little blossoms spraying the ground with greenish-white snow.

From behind the screen of reeds and willows, which have grown near a dry canal, the bottom of which, however is still damp, appear the eight apostles who had been sent ahead, upon hearing the shuffling of the new-comers. They are openly upset and grieved and they beckon to the arrivals to stop. At the same time they rush forward.

When they are sufficiently close to be heard without having to shout, they say: «Come away! Away! Let’s go back, into the country. It is not possible to enter the town. They almost stoned us. Come away, to that thicket, and we shall speak…» And anxious as they are to go away without being seen, they push back Jesus, the three apostles, the boy and the women along the dry canal and they say: «We do not want to be seen here. Let’s go! Let’s go!»

In vain Jesus, Judas and Zebedee’s two sons try to find out what has happened. In vain they ask: «But what about Judas of Simon? What about Eliza?» The eight do not listen to them. Walking in the tangle of stalks and water-plants, their feet cut by bog grass, their faces hurt by willows and reeds, slipping on the mud in the bottom, getting hold of weeds, seeking support on the edges and getting bespattered with mud, they move away, pressed from behind by the eight who proceed with their heads almost turned around to see whether anyone from Tirzah is following them. But there is no one on the road but the sun, which is beginning to set, and a lean stray dog.

575.2

At long last they are near a large clump of bushes that delimit a property. Behind the shrubs there is a field of flax the long stems of which, undulating in the wind, are beginning to show their sky-blue flowers.

«Here, in here. If we sit down, no one will see us and when it gets dark we shall go away…» says Peter wiping his perspiration…

«Where?» asks Judas of Alphaeus. «The women are with us.»

«We shall go somewhere. In any case the meadows are full of hay cut recently. It will do as a bed. We will make tents with our mantles for the women and we will keep watch.»

«Yes. It is sufficient not to be seen and then to go down to the Jordan at dawn. You were right, Master, in not wanting to take the road through Samaria. For poor people like us, highwaymen are better than Samaritans…» says Bartholomew, who is still panting.

«But what happened, in a word? Has Judas done some…» says Thaddeus.

Thomas interrupts him saying: «Judas has certainly been beaten. I am sorry for Eliza…»

«Have you seen Judas?»

«I have not. But it is easy to prophesy right. If he said that he is your apostle, he certainly got a thrashing.

575.3

Master, they do not want You.»

«Yes. They have all revolted against You.»

«They are true Samaritans.»

They are all speaking at the same time.

Jesus imposes silence and says: «Let one only speak. You, Simon Zealot, as you are the calmest.»

«Lord, it is soon said. We entered the town and no one troubled us until they learned who we were, as long as they thought that we were pilgrims passing by. But when we asked – and we had to ask! – whether a young, tall, swarthy man, wearing a red mantel and a talith with white and red stripes, and an elderly thin woman, with almost white hair and dark grey clothes had entered the town and had looked for the Galilean Master and His companions, then they got angry at once… Perhaps we should not have spoken of You. We certainly made a mistake… But in the other places we had been received so well that… We do not understand what has happened!… Those who only three days ago were so respectful to You, are now like vipers!…»

Thaddeus interrupts him: «The work of Judaeans…»

«I do not think so. I do not think so because of what they said when they reproached and threatened us. I think… Nay, I am, we are sure that the fact that Jesus refused their offer of protection is the cause of the Samaritan fury. They were shouting: “Away! Go away, you and your Master! He wants to go and worship on the Moria. Well, let Him go and may He and all His followers die. There is no room among us for those who do not consider us as friends, but only as servants. We do not want further trouble unless there is profit as compensation. Stones, not bread for the Galilean. Our dogs should attack Him, instead of our homes receiving Him.” That, and even more than that, they were saying. And as we insisted on learning at least what had happened to Judas, they picked up stones to hit us and they really set their dogs on us. And they were shouting to one another: “Let us station ourselves at all the entrances. If He comes we will avenge ourselves.” We ran away. A woman – there is always a good soul among wicked people – pushed us into her kitchen garden and then she led us along a path through vegetable gardens to the canal, in which there was no water as they had irrigated before the Sabbath. And she hid us there. Then she promised to let us have news of Judas. But she has not come any more. But we are to wait for her here, because she said that if she does not find us in the canal, she will come here.»

575.4

There are many comments. Some continue to accuse the Judaeans. Some reproach Jesus lightly, a reproach concealed in their remarks: «You spoke too clearly at Shechem and then You went away. During the last three days they decided that there is no sense in deceiving oneself and causing damage to oneself for one who does not satisfy them… and they drive You away…»

Jesus replies: «I do not regret speaking the truth and doing My duty. They do not understand at present. They will shortly understand My justice and will worship Me more than if I had had no justice or if it had been greater than My love for them.»

«There! There is the woman on the road. She is so bold as to show herself…» says Andrew.

«She will not betray us, will she?» says Bartholomew suspiciously.

«She is alone!»

«But she may be followed by people hiding in the canal…» But the woman, who is coming forward carrying a basket on her head, goes on passing the fields of flax where Jesus and the apostles are waiting, then she takes a narrow path and disappears… reappearing suddenly behind those who were waiting and who turn around almost frightened when they hear the rustling of the vegetation.

The woman speaks to the eight men she knows: «Here I am! Forgive me for keeping you waiting so long… I did not want any­body to follow me. I said that I was going to my mother’s… I know… And I brought some food for you. The Master… Which is the Master? I would like to venerate Him.»

«That is the Master.»

The woman, who has laid down her basket, prostrates herself saying: «Forgive the sin of my fellow-citizens. If no one had instigated them… But many have taken advantage of Your refusal…»

«I have no grudge, woman.

575.5

Stand up and speak. Have you any news of My apostle and of the woman who was with him?»

«Yes, I have. Driven out like dogs, they are out of town, on the other side, waiting for night-time. They wanted to go back, towards Enon, looking for You. They wanted to come here, as they knew that their companions were here. I told them not to do that, and to remain quiet as I will take you to them. And I will do so as soon as it gets dark.

Fortunately my husband is away, so I am free to leave the house. I will take you to one of my sisters who is married down in the plain. You will sleep there, without saying who you are, not because of Merod, but because of the men who are with her. They are not Samaritans, they come from the Decapolis and are settled here. But it is always wise…»

«May God reward you. Have the two disciples been injured?»

«The man, a little. The woman, nothing. And the Most High certainly protected her because she is bold and she protected her son with her own body when the citizens began to pick up stones. Oh! what a strong woman! She shouted: “Is that how you strike a man who has not offended you? And will you not respect me, who am defending him and am a mother? Have you no mothers, since you do not respect a mother? Were you born of wolves or are you made of mud and manure?” and she looked at the assailers holding her mantle wide open to defend the man, and at the same time she was withdrawing pushing him out of town… And even now she comforts him saying: “May the Most High grant, o my Judas, that the blood you have shed for the Master may become the balm for your heart.” But it is a small wound. Perhaps the man is more frightened than hurt. But take some food now. Here is some fresh milk, for the women, and bread, cheese and fruit. I could not cook any meat. I should have been too late. And here is some wine for the men. Eat while it is getting dark. Then along safe roads we shall go to the two disciples and then to Merod’s house.»

«May God reward you again» says Jesus, and He offers and divides the food, putting some aside for the two who are not present.

«No. I have seen to them, as I took them eggs and bread, which I concealed under my clothes, and some wine and oil for the wounds. This is for you. Eat now, as I will watch the road…»

575.6

They eat, but the men are devoured by indignation and the women feel listless through depression. All of them, with the exception of Mary of Magdala, as what for the others is fear or dejection affects her like a liqueur that stimulates nerves and courage. Her eyes flash with anger as she looks at the hostile town. Only the presence of Jesus, Who has already said that He has no grudge, keeps her from uttering violent words. And as she cannot speak or act, she gives vent to her anger by snapping at her innocent piece of bread in such a meaningful way that the Zealot cannot help saying to her smiling: «Luckily for those of Tirzah they cannot fall into your hands! You look like a wild beast in chains, Mary!»

«I am. You are right. And in the eyes of God, this restraining myself from going in there, as they deserve, has more value than what I have done so far to expiate.»

«Be good, Mary! God has forgiven you sins graver than theirs.»

«That is true. They have offended You once, my God, and through the instigation of other people. I many times… and by my own will… and I cannot be intolerant and proud…» She lowers her eyes on her bread and two tears fall on it.

Martha lays her hand on her sister’s lap saying to her in a low voice: «God has forgiven you. Don’t lose heart any more… Remember what you have had: our Lazarus…»

«It is not dejection. It is gratitude. It is emotion… And it is also the ascertainment that I am still devoid of that mercy which I received so plentifully… Forgive me, Rabboni!» she says raising her wonderful eyes to which humbleness has restored kindness.

«Forgiveness is never denied to humble-hearted people, Mary.»

575.7

Night is falling tinging the air with a delicate fading violet hue. Also things not far away become confused. The stalks of flax, previously visible in their beauty, have blended into a uniform dark mass. The birds among leafy branches become silent. The first star begins to shine. The first cricket chirps in the grass. It is night-time.

«We can go. Here, in the fields, we shall not be seen. Come without being afraid. I am not betraying you. And I am not doing this for retribution. I only ask Heaven to have mercy on me, for we are all in need of mercy» says the woman with a sigh.

They stand up and set out after her. They pass round Tirzah at a distance, through fields and half-dark vegetable gardens, but not so far as not to be able to see men around fires at the entrances of roads…

«They are lying in wait for us…» says Matthew.

«Cursed!» whistles Philip between his teeth.

Peter does not speak but he shakes his arms towards the sky in a silent invocation or protest.

But James and John of Zebedee, who have been speaking to each other animatedly, a little ahead of the others, come back and say: «Master, if You do not want to have recourse to punishment because of Your perfect love, shall we have it? Shall we say to the fire of heaven to descend on these sinners and devour them? You told us that we can do everything that we ask with faith and…»

Jesus, Who was walking with His head bowed, as if He were tired, suddenly straightens Himself and casts withering glances at them as His eyes flash in the moonlight. The two withdraw and become silent, frightened as they are by His glances. Jesus, His eyes fixed on them all the time, says: «You do not know what spirits are within you. The Son of man has not come to lose souls, but to save them. Do you not remember what I told you? In the parable[1] of the wheat and the darnel I said: “For the time being let the wheat and the darnel grow together. Because if you tried to separate them now you might pull up also the wheat with the darnel. So leave them till the harvest. At harvest time I shall say to the reapers: collect the darnel now and tie it in bundles to be burnt, then gather the good wheat into my barn.”»

575.8

Jesus has already moderated His anger towards the two who, out of wrath excited by their love for Him, were asking to punish those from Tirzah and who are now standing with their heads lowered in front of Him. He takes them by their elbows, one on His right, the other on His left side and He resumes walking, leading them thus and speaking to everybody, as they have all gathered around Him when He stopped. «I solemnly tell you that harvest time is close at hand. My first harvest. And for many there will not be a second one. But – and let us praise the Most High for this – some people who were not able to become ears of good wheat in My time, after the purification of the Passover Sacrifice, will be born again with new souls. Until that day I shall not be pitiless towards anybody… Afterwards there will be justice…»

«After Passover?» asks Peter.

«No. After the time. I am not speaking of these men of the present. I am looking at future ages. Man is renewed continuously like crops in fields. And harvests follow one another. And I will leave what is necessary for future generations to become good wheat. If they do not want to do that, at the end of the world My angels will separate the darnel from the good wheat. Then it will be the eternal Day of God alone. At present in the world it is the day of God and of Satan. The Former sows Goodness, the latter throws his damned darnel, his scandals, his wickedness, his seeds that stir up wickedness and scandals, among the seeds of God. Because there will always be those who rouse people against God, as here, with these people, who are really less guilty than those who incite them to do wrong.»

«Master, every year we purify ourselves at the Passover of the Unleavened Bread, but we always remain what we were. Will it be different this year?» asks Matthew.

«Very different.»

«Why? Explain it to us.»

«Tomorrow… Tomorrow, or when we are on the way, and Judas of Simon is with us, I shall tell you.»

«Oh! yes. You will tell us and we shall become better… In the meantime forgive us, Jesus» says John.

«I really called you with the right name[2]. But thunder does no harm. A thunderbolt, yes, can kill. But thunder often is a forewarning of thunderbolts. The same happens to those who do not remove from their spirits every disorder that is against love. Today they ask to be allowed to punish. Tomorrow they punish without asking. The day after tomorrow they punish even without any reason. It is easy to descend… That is why I tell you to divest yourselves of all harshness against your neighbour. Do as I do and you will be certain of never doing wrong. Have you ever seen Me revenge Myself on those who grieve Me?»

«No, Master. You…»

575.9

«Master! Master! We are here. Eliza and I. Oh! Master, how worried we were about You! And how afraid I was of dying…» says Judas of Kerioth coming out from behind rows of vines and running towards Jesus. His forehead is bandaged. Eliza follows him more calmly.

«Have you suffered? Were you afraid to die? Is life so dear to you?» asks Jesus freeing Himself from Judas who embraces Him weeping.

«Not life. I was afraid of God, to die without being forgiven by You… I always offend You. I offend everybody. Also this woman… And she reacted acting as a mother to me. I felt I was guilty and I was afraid of death…»

«Oh! a beneficial fear, if it can make a saint of you! But I always forgive you, you know that, provided you are willing to repent. And what about you, Eliza? Have you forgiven him?»

«He is a big unruly boy. And I can be indulgent.»

«You have been brave, Eliza. I know.»

«If she had not been there, I do not know whether I would have seen You again, Master!»

«So you can see that she remained with you out of love, not out of hatred… Have you been injured, Eliza?»

«No, Master. The stones fell around me without hurting me. But my heart was in agony thinking of You…»

«It is all over now. Let us follow the woman who wants to take us to a safe house.»

They set forth again along a lane that is white in the moonlight and takes them eastwards.

575.10

Jesus has taken the Iscariot by the arm and has gone ahead with him. He speaks to him kindly. He tries to work upon his heart upset by his recent fear of God’s judgements: «You can see, Judas, how easily one can die. Death is always on the look-out around us. You can see how what seems negligible when we are full of life becomes important, fearfully important when death skims us. But why should one wish to have such frights, why should one create them to have them present at the moment of death, when with a holy life one can ignore the terror of the impending divine judgement? Do you not think that it is worth living a just life in order to have a peaceful death? Judas, My friend. The divine paternal mercy has allowed that to happen, so that it might be an appeal to your heart. You are still in time, Judas… Why do you not want to give your Master, Who is about to die, the great, the very great joy of knowing that you have come back to Good?»

«But can You still forgive me, Jesus?»

«And would I speak to you like this if I could not? How little you still know Me! I know you. I know that you are like one who is seized by a giant octopus. But if you wanted, you could still free yourself. Oh! you would certainly suffer. It would be painful to tear off those chains that torture and poison you. But later, how much joy, Judas! Are you afraid that you may not have enough strength to react against those who influence you? I can absolve you in advance of the sin of infringing the Passover rite… You are ill. Passover is not compulsory for sick people. No one is more sick than you are. You are like a leper. Lepers do not go up to Jerusalem, while they are such. You must realise, Judas, that to appear before the Lord with an unclean spirit, such as you have, does not honour Him, but it offends Him. First it is necessary…»

575.11

«Why do You not purify and cure me, then?» asks Judas, and he already sounds hard and indocile.

«I will not cure you! When a man is ill he seeks cure by himself, unless it is a child or a fool who are devoid of will-power…»

«Treat me as such. Treat me as a fool and see to it, without my being aware of it.»

«It would not be just because you can use your will-power. You know what is good and what is evil for you. And My curing you would be of no avail without your will to remain cured.»

«Give me such will as well.»

«Give you it? So should I impose a goodwill on you? And your free will? What would it become? What would your ego of a man, of a free creature be? Dominated?»

«As I am dominated by Satan, I may also be dominated by God!»

«How you hurt Me, Judas! You pierce My heart! But I forgive you what you do to Me… Dominated by Satan, you said. I did not mean such a dreadful thing…»

«But You were thinking of it because You know that it is true, and because You are aware of it, if it is true that You can read the hearts of men. If it is so, You know that I am no longer free to do what I like… He has seized me and…»

«No. He approached you, tempting you, testing you, and you received him. There is no possession if at the beginning there is no assent to some satanic temptation. The snake introduces his head between the bars closely placed to defend hearts, but he would not be able to enter if man did not widen a passage to admire his alluring aspect and listen to and follow him… Only then man becomes dominated, possessed, because he wants it. God also darts the very kind lights of His paternal love from the heavens, and His lights penetrate us. Or rather: God, to Whom everything is possible, descends into the hearts of men. It is His right. Since man knows how to become a slave dominated by the Dreadful one, why does he not know how to become a servant of God, nay a son of God, and he drives away his Most Holy Father? Are you not replying to Me? Are you not telling Me why you wanted Satan and preferred him to God? And yet, you would still be in time to save yourself!

575.12

You know that I am going to die. No one knows as well as you do… I do not refuse to die… I am going. I am going towards death because My death will be the Life for so many. Why do you not want to be one of them? Only for you, my friend, my poor sick friend, shall I die in vain?»

«Your death will be of no use for so many, do not delude Yourself. You had better run away and live far from here, enjoying life and teaching your doctrine, because it is a good one, but without sacrificing Yourself.»

«Teach my doctrine! What truth could I teach, if I did the opposite of what I teach? What Master should I be if I preached obedience to the will of God and I did not obey it, and love for men and I did not love them, to renounce flesh and the world and I loved both flesh and the honours of the world, not to give rise to scandals and I scandalised not only men, but also the angels, and so forth? Satan is speaking through you just now. As he spoke at Ephraim. As he spoke and acted many times through you, to upset Me. I have recognised all such actions of Satan, accomplished through you, and I did not hate you, I did not get tired of you, but I only felt sorry, infinitely sorry. Like a mother who watches the progress of an illness that will be the cause of her son’s death, I have watched the progress of evil in you. Like a father who does not regret anything provided he can find the medicines for his sick son, I regretted nothing in order to save you, I overcame disgust, anger, bitterness, dejection… Like a desolate father and mother, disappointed in all earthly power, turn to Heaven to obtain the life of their son, so I have moaned and I still moan imploring a miracle that may save you, may save you, may save you on the brink of the abyss that is already collapsing under your feet.

575.13

Judas, look at Me! Before long my Blood will be shed for the sins of men. Not one drop will be left in My veins. The clods of earth, the grass, the garments of My persecutors and Mine… the wood, the iron, the ropes, the thorns of the nabaca… and the spirits awaiting salvation will drink of it… You alone do not want to drink it? I would give all this Blood of Mine for you only. You are My friend. How willingly one dies for one’s friend! To save him! One says: “I shall die. But I shall continue to live in the friend to whom I gave life.” Like a father, like a mother, who continue to live in their offspring after they have passed away. Judas, I implore you! I am not asking for anything else in this eve of my death. A convict is granted a last grace by his judges and also by his enemies, and his last wish is satisfied. I ask you not to be damned. I do not ask so much Heaven as I ask you and your will… Think of your mother, Judas.

What will your mother be afterwards? And the name of your family? I appeal to your pride, which is as bold as ever, to defend you from dishonour. Do not disgrace yourself, Judas. Consider: years and ages will go by, kingdoms and empires will fall, the stars will lose their brightness, the configuration of the Earth will change, and you will always be Judas, as Cain is always Cain, if you persist in your sin. Time will come to an end, and only Paradise and Hell will remain. And in Paradise and in Hell, for the men raised from the dead and received forever with their souls and bodies where it is right for them to be, you will always be Judas, the cursed greatest culprit, if you do not mend your ways. I will descend to free the spirits from Limbo, I will lead multitudes of them out of Purgatory, and you… I shall not be able to take you where I am… Judas, I am going to die, I am going happily, because the hour I have been awaiting for millennia has come: the hour to reconcile men to their Father. I shall not reconcile many of them. But the number of those saved, whom I shall contemplate when dying, will console Me for the torture of dying in vain for so many. But, I tell you, it will be dreadful to see you, My apostle and friend, among the latter. Do not give Me such a cruel pain!… I want to save you, Judas.

575.14

Look. We are going down to the river. Tomorrow at dawn, when everybody is still sleeping, we will cross it, the two of us, and you will go to Bozrah, to Arbela, to Aera, wherever you wish. You know the houses of the disciples. At Bozrah look for Joachim and Mary, the woman I cured of leprosy. I will give you a note for them. I will say that a quiet rest in a different place is necessary for your health. It is the truth, unfortunately, because your spirit is diseased and the air of Jerusalem would be lethal to you. But they will think that your body is ill. You will remain there until I come to take you away. I will see to your companions… But do not come to Jerusalem. See? I did not want the women to come, except the strongest ones among them, and those who being mothers are entitled to be near their sons.»

«Also mine?»

«No. Mary will not be in Jerusalem…»

«She is the mother of an apostle as well, and she has always honoured You.»

«Yes. And she would be entitled like the others to be near Me, Whom she loves with perfect justice. But just because of that she will not be there. Because I told her not to come, and she knows how to obey.»

«Why is she not to be there? In what is she different from the mother of Your brothers and from the mother of Zebedee’s sons?»

«You. And you know why I am saying this. But if you listen to Me, if you go to Bozrah, I will send word to your mother and will have her brought to you, as being so good, she may help you to recover.

575.15

Believe Me, we are the only ones to love you thus, without limit. There are three who love you in Heaven: the Father, the Son, the Holy Spirit, Who have contemplated You and Who are awaiting your decision to make you the jewel of Redemption, the greatest prey snatched from the Abyss; and three on the Earth: your mother, My Mother and I. Make us happy, Judas! Both us in Heaven and us on the Earth, who love you with true love.»

«You have said it: only three love me; the others do not…»

«Not as we do. But they love you so much. Eliza defended you. The others were worried about you. When you are away from us, You are in everybody’s heart and your name is on everybody’s lips. You are not aware of all the love that surrounds you. Your oppressor conceals it from you. Believe My word.»

«I believe You. And I will try to please You. But I want to do it by myself. I made the mistake, by myself I must recover from evil.»

«God only can do by Himself. Your thought is a thought of pride. In pride there is still Satan. Be humble, Judas. Grasp this hand that is offered to you in a friendly way. Take shelter in this heart that opens to protect you. Here, with Me, Satan could do you no harm.»

«I have tried to be with You… I have descended lower and lower… It is useless!»

«Do not say that! Do not say that! React against discouragement. God can do everything. Cling to God. Judas! Judas!»

«Be quiet! Lest the others should hear…»

«And you are worried about the others, but not about your spirit? Poor Judas!…»

575.16

Jesus speaks no more. But He remains beside the apostle until the woman, who was a few metres ahead of them, goes into a house that appears in a thick olive-grove. Jesus then says to His disciple: «I will not sleep tonight. I will pray and wait for you… May God speak to your heart. Listen to Him… I will remain here, where I am now, to pray. Until dawn… Remember that.»

Judas does not reply to Him. The other apostles and the women have arrived and they all stop together waiting for the Samaritan woman to come back. She comes back soon.

She is with another woman, who is like her, and who greets them saying: «I have not got many rooms because the pruners are already here working at the olive-trees. But I have a large barn with plenty straw in it. I have room for the women. Come.»

«Go! I am staying here to pray. Peace to all of you» says Jesus. And while the others go away, He holds back His Mother saying to Her: «I am staying to pray for Judas, Mother. Will You help Me, too?»

«Yes, I will, Son. Is his goodwill reviving?»

«No, Mother. But we must act as if… Heaven can do everything, Mother!»

«Yes. And I can still delude Myself. But You cannot, Son. You know. My Holy Son! But I will always imitate You. Go peacefully, My darling! Even when You are no longer able to speak to him, because he shuns You, I will try to bring him back to You. And if the Most Holy Father will only listen to My grief… Will You let me stay with You, Jesus? We will pray together… and I shall have You for Me alone all those hours…»

«Yes, stay with Me, Mother. I will wait for You here.»

Mary goes away quickly, and She is soon back.

575.17

They sit on their sacks, under the olive-trees. In the deep silence one can hear the gurgling of the river not far away and the chirping of crickets sounds louder in the silence of the night. Then nightingales begin to sing. An owl hoots and a homed owl screeches. And the stars move slowly in the firmament, as bright as queens, now that the moon has set and no longer outshines them. Then a cock breaks the calm air with its sharp crowing. Much farther away a cock replies, hardly audible. Then the silence is broken again by the arpeggio of dew drops falling from the tiles of the next-door neighbour’s house on the pavement surrounding it. Then a fresh rustling of leafy branches shaking off the dampness of the night, and the isolated cry of a bird that awakes, and at the same time a change in the sky and the awakening of light. It is dawn.

But Judas has not come… Jesus looks at His Mother, as white as a lily against the dark olivetree and He says to Her: «We have prayed, Mother. God will make use of our prayer…»

«Yes, Son. You are as white as death. Your vitality has exhaled completely during the night, pressing the gates of Heaven and the decrees of God!»

«You are pale, too, Mother. Great is Your fatigue.»

«Great is My sorrow because of Your sorrow.»

575.18

The door of the house is opened cautiously… Jesus startles. But it is the woman who led them there, who comes out noiselessly. Jesus says with a sigh: «I was hoping I might have been wrong!»

The woman comes forward with her empty basket. She sees Jesus. She greets Him and is about to go on. But He calls her. He says to her: «May the Lord reward you for everything. I should like to reward you as well, but I have nothing with Me.»

«I do not want anything, Rabbi. I do not want any reward, but although I do not want money, there is one thing I should like. And You can give me it!»

«What, woman?»

«That the heart of my husband should change. And You can do that, because You really are the Holy Man of God.»

«Go in peace. It will be done to you as you wish. Goodbye.»

The woman goes away quickly towards her house that must really be a sad one.

Mary remarks: «Another unhappy woman. That is why she is good!…»

575.19

Peter’s ruffled head appears from the granary, followed by John’s bright one, and then by the severe profile of Thaddeus, the brownish face of the Zealot, and the thin one of young Benjamin… They are all awake. Mary of Magdala is the first woman to come out of the house, and is followed by Nike and then by the others.

When they are all together and the woman who gave them hospitality has brought a pail of milk still frothy, the Iscariot appears. His head is no longer bandaged, but the bruise of the blow tinges half of his forehead and his eye looks even more gloomy in the violaceous ring. Jesus looks at him. Judas looks at Jesus, then he turns his head round looking elsewhere.

Jesus says to him: «Buy of the woman whatever she can give us. We are going ahead. Join us.»

And Jesus, after greeting the woman, sets out. They all follow Him.


Notes

  1. talit : de nos jours encore encore, le talit, prononcé talèth dans les communautés juives d’Afrique du Nord, est un vêtement à quatre coins dont chacun est, en vertu de la prescription de Dt 22, 12, pourvu de franges appelées tsitsits.
  2. parabole qui se trouve en 181.3/4.
  3. les fils du tonnerre, en 330.3.
  4. Le jujubier de Palestine, ou Zizyphus nabeca (nabac) ou Zizyphus Spina Christi, est un arbre épineux que l’on trouve encore en Palestine

Notes

  1. parable, that is in 181.3/4.
  2. the right name, that of “sons of thunder”, in 330.3.