Los Escritos de Maria Valtorta

575. Le mauvais accueil de Tersa.

575. Mal recibimiento en Tersa.

575.1

Tersa est tellement environnée d’oliveraies luxuriantes qu’il faut en être bien proche pour remarquer que la ville est là. Une enceinte de jardins potagers d’une merveilleuse fertilité forme pour les maisons un dernier abri contre le vent. Dans les jardins, la chicorée, les salades, les légumes, les jeunes plants de cucurbitacées, les arbres fruitiers, les tonnelles, mêlent et entrelacent leurs verts de nuances variées. Les fleurs apportent la promesse des fruits et les tout jeunes fruits font espérer leurs délices. Les petites fleurs de la vigne et celles des oliviers plus précoces font pleuvoir, au passage d’un petit vent plutôt énergique, une neige blanc-verdâtre qui saupoudre le sol.

Au bruit des pas des arrivants, les huit apôtres envoyés en tête précédemment sortent de derrière un rideau de roseaux et de saules qui ont poussé près d’un canal desséché, mais au fond encore humide. Ils sont visiblement inquiets et affligés, et font signe de s’arrêter. Ils arrivent en courant. Quand ils sont assez proches pour être entendus sans avoir besoin de crier, ils s’exclament :

« Partez ! Partez ! Rebroussez chemin, allez dans la campagne. On ne peut entrer dans la ville. Pour un peu, ils nous lapideraient. Mettons-nous à l’écart dans ce bosquet, et nous allons parler… »

Impatients de s’éloigner sans être vus, ils poussent dans le fond du canal desséché Jésus, les trois apôtres, le petit garçon et les femmes :

« Qu’on ne nous voie pas ici. Partons ! Partons ! »

C’est en vain que Jésus, Jude et les deux fils de Zébédée cherchent à savoir ce qui est arrivé. C’est en vain qu’ils demandent :

« Mais qu’en est-il de Judas et d’Elise ? »

Les huit apôtres ne veulent rien entendre. Marchant dans le fouillis des tiges et des plantes aquatiques, les pieds lacérés par les joncs, le visage frappé par les saules et les roseaux, glissant sur la vase, s’accrochant aux herbes, s’appuyant aux bords, se couvrant de boue, ils s’éloignent ainsi, poussés par derrière par les huit hommes, qui marchent en se retournant sans cesse pour voir si quelqu’un sort de Tersa à leur poursuite. Mais il n’y a, sur la route, que le soleil qui commence à baisser, et un chien errant efflanqué.

575.2

Finalement, ils arrivent près d’un fourré de ronces qui sert de limite à une propriété. Derrière, se trouve un champ de lin dont le vent fait onduler les hautes tiges qui commencent à sortir leurs fleurs bleu ciel.

« Arrêtons-nous ici. Si nous restons assis, personne ne nous verra, et nous repartirons à la tombée de la nuit … dit Pierre en essuyant sa sueur.

– Où ? » questionne Jude. « Nous avons les femmes.

– Nous irons n’importe où. Du reste, les prés sont pleins de foin coupé, ça servira de lit. Pour les femmes, nous ferons des tentes avec nos manteaux et nous veillerons.

– Oui. Il suffit de ne pas être vus et de descendre à l’aube vers le Jourdain. Tu avais raison, Maître, de ne pas vouloir prendre la route de Samarie. Pour nous qui sommes pauvres, mieux vaut les voleurs que les Samaritains !… déclare Barthélemy, encore hors d’haleine.

– Que s’est-il donc passé ? C’est Judas qui a fait quelque… » demande Jude.

Thomas l’interrompt :

« Judas a certainement reçu des coups. J’en suis contrarié pour Elise…

– Tu l’as vu ?

– Moi, non. Mais il est facile d’être prophète. S’il s’est manifesté comme ton apôtre, il a sûrement été frappé.

575.3

Maître, ils ne veulent pas de toi.

– Oui, ils se sont tous révoltés contre toi.

– Ce sont de vrais Samaritains ! »

Ils parlent tous ensemble. Jésus impose le silence à tous et dit :

« Qu’un seul parle pour tous. Toi, Simon le Zélote, qui es le plus calme.

– Seigneur, c’est vite dit. Nous sommes entrés dans la ville, et personne ne nous a dérangés tant qu’on n’a pas su qui nous sommes, tant qu’on a cru que nous étions des pèlerins de passage.

Mais nous avons demandé — il le fallait bien ! — si un homme jeune, grand, brun, vêtu de rouge et avec un talit[1] à bandes rouges et blanches, accompagné d’une femme âgée, maigre, avec des cheveux plus blancs que noirs et un vêtement gris très foncé, étaient entrés en ville, et s’ils avaient cherché le Maître galiléen et ses compagnons. Ils se sont aussitôt mis en colère… Peut-être n’aurions-nous pas dû parler de toi. Nous nous sommes certainement trompés… Mais nous avions été si bien accueillis ailleurs que… Je ne comprends pas ce qui est arrivé !… Ceux qui, il y a trois jours seulement, étaient respectueux envers toi paraissaient être devenus des vipères ! »

Jude l’interrompt :

« Travail de juifs…

– Je ne crois pas, à cause des reproches qu’ils nous ont faits et de leurs menaces. Moi, je pense… Ou plutôt je suis sûr, nous sommes sûrs que la colère des Samaritains vient de ce que Jésus a repoussé leur offre de protection. Ils criaient : “ Fichez le camp ! Fichez le camp, vous et votre Maître ! Il veut aller adorer sur le mont Moriah. Eh bien, qu’il y aille, et qu’ils meurent, lui et tous les siens. Il n’y a pas de place parmi nous pour ceux qui ne nous considèrent pas comme amis, mais seulement comme des serviteurs. Nous ne voulons pas d’autres ennuis si ce n’est pas compensé par le profit. Au lieu de pain, ce sont des pierres que nous destinons au Galiléen, les chiens pour l’attaquer au lieu de maisons pour l’accueillir. ” Ainsi parlaient-ils, et ils en disaient davantage. Et comme nous insistions pour savoir au moins ce qu’il en était de Judas, ils ont ramassé des pierres pour nous frapper et ils ont réellement lancé les chiens. Et ils criaient entre eux : “ Plaçons-nous à toutes les entrées. Si ce Rabbi vient, nous nous vengerons. ” Nous nous sommes enfuis. Une femme — il y a toujours quelqu’un de bon, même parmi les mauvais — nous a poussés dans son jardin et, de là, nous a conduits par un sentier entre les jardins jusqu’au canal, qui était sans eau — on avait irrigué avant le sabbat —, et elle nous a cachés là. Puis elle nous a promis de nous donner des nouvelles de Judas. En réalité, elle n’est plus venue. Mais attendons-la ici, car elle a dit que si elle ne nous trouve pas dans le canal, elle viendrait ici. »

575.4

De nombreux commentaires fusent. Certains continuent à accuser les juifs. D’autres adressent à Jésus un léger reproche, un reproche voilé sous les mots :

« Tu as parlé trop clairement à Sichem, et puis tu t’es éloigné. Pendant ces trois jours, ils ont décidé qu’il était inutile de se faire des illusions et de risquer de se nuire à eux-mêmes pour quelqu’un qui ne les satisfait pas… et ils te chassent… ».

Jésus répond :

« Je ne regrette pas d’avoir dit la vérité et de faire mon devoir. Aujourd’hui, ils ne comprennent pas. D’ici peu, ils comprendront ma justice et me vénéreront plus que si je ne l’avais pas respectée. Elle est plus grande que l’amour que j’ai pour eux.

– La voilà ! Voilà la femme sur la route. Elle ose se faire voir… dit André.

– Ne va-t-elle pas nous trahir, hein ? s’interroge Barthélemy, soupçonneux.

– Elle est seule !

– Elle pourrait être suivie par des gens cachés dans le canal… »

Mais la femme, qui marche avec un panier sur la tête, continue sa route et dépasse les champs de lin où attendent Jésus et les apôtres, puis elle prend un sentier et sort de la vue… pour réapparaître à l’improviste derrière ceux qui l’attendent et qui se retournent, presque effrayés, en entendant le froissement des herbes.

La femme s’adresse aux huit hommes qu’elle connaît :

« Me voilà ! Pardonnez-moi si je vous ai fait beaucoup attendre… Je ne voulais pas qu’on me suive. J’ai prétendu que j’allais chez ma mère… Je sais… Et je vous ai apporté de quoi vous restaurer. Le Maître… Lequel d’entre vous est-ce ? Je veux le vénérer.

– Voici le Maître. »

La femme, qui a déposé son panier, se prosterne en disant :

« Pardonne la faute de mes concitoyens. S’il n’y avait pas eu des gens pour les exciter… Mais ils en ont influencé un grand nombre à propos de ton refus…

– Je n’ai pas de rancœur, femme.

575.5

Lève-toi et parle. As-tu des nouvelles de mon apôtre et de la femme qui était avec lui ?

– Oui. Chassés comme des chiens, ils sont en dehors de la ville, de l’autre côté, attendant qu’il fasse nuit. Ils avaient l’intention de retourner à Hennon pour te chercher. Ils voulaient venir ici, sachant que leurs compagnons y étaient. Je leur ai recommandé de ne pas le faire et de rester tranquilles, et je leur ai dit que je vous mènerais à eux dès le crépuscule. Par un heureux hasard, mon époux est absent et je suis libre de quitter la maison. Je vais vous conduire chez une de mes sœurs, mariée sur les terres de la plaine. Vous dormirez là, sans dire qui vous êtes, pas à cause de Mérod, mais à cause des hommes qui sont avec elle. Ce ne sont pas des Samaritains : ils sont de la Décapole, établis ici. Mais cela vaut mieux…

– Que Dieu te récompense. Les deux disciples ont-ils été blessés ?

– L’homme, un peu. La femme n’a rien. Le Très-Haut l’a certainement protégée car, fièrement, elle a protégé son fils de sa personne quand les habitants ont pris des pierres. Quelle femme courageuse ! Elle criait : “ C’est ainsi que vous frappez quelqu’un qui ne vous a pas offensés ? Et vous ne me respectez pas, moi qui le défends et qui suis mère ? N’avez-vous pas de mères, vous tous qui ne respectez pas une femme qui a engendré ? Etes-vous nés d’une louve, ou bien êtes-vous faits de boue et de fumier ? ” Et elle toisait ses agresseurs en tenant son manteau ouvert pour défendre l’homme ; en même temps, elle reculait en le poussant hors de la ville… Actuellement, elle le réconforte en disant : “ Veuille le Très-Haut, mon Judas, faire de ce sang répandu pour le Maître un baume pour ton cœur. ” Mais il est peu blessé. Il a peut-être eu plus de peur que de mal. Maintenant, prenez et mangez. Pour les femmes, il y a du lait qu’on vient de traire et du pain avec du fromage et des fruits. Je n’ai pas pu cuire de la viande, cela m’aurait demandé trop de temps. Et il y a là du vin pour les hommes. Mangez pendant que le soir descend puis, par des chemins sûrs, nous irons chercher les deux autres, pour partir ensemble chez Mérod.

– Que Dieu te récompense encore » dit Jésus

Il offre et distribue la nourriture, en mettant de côté deux parts pour Judas et Elise.

« Non, non. J’ai pensé à eux, et leur ai porté sous mes vêtements des œufs et du pain, avec un peu de vin et d’huile pour les blessures. Mangez, pendant que je surveille la route… »

575.6

Ils mangent, mais l’indignation dévore les hommes, et les femmes accablées sont très lasses. Toutes, sauf Marie de Magdala. Ce qui effraie et humilie les autres a toujours sur elle l’effet d’une liqueur qui excite les nerfs et son courage. Ses yeux lancent des éclairs vers la cité hostile. Seule la présence de Jésus, qui a déjà recommandé de ne pas avoir de rancœur, retient des propos méprisants. Ne pouvant ni parler ni agir, elle déverse sa colère sur le pain innocent, qu’elle mord d’une manière tellement significative que Simon le Zélote ne peut se retenir de le lui faire remarquer en souriant :

« Heureusement que les habitants de Tersa ne peuvent tomber entre tes mains ! Tu ressembles à un fauve enchaîné, Marie !

– J’en suis un. Tu as vu juste. Et aux yeux de Dieu, j’ai plus de mérite pour me retenir d’entrer là-bas, comme ils le méritent, que pour tout ce que j’ai fait jusqu’ici en expiation.

– Fais preuve de bonté, Marie ! Dieu t’a pardonné des fautes plus grandes que la leur.

– C’est vrai. Eux t’ont offensé, toi, mon Dieu, une fois, et sous l’influence d’autrui. Mais moi… de nombreuses fois… et par ma propre volonté… je ne puis être intransigeante ni orgueilleuse… »

Elle baisse les yeux sur son pain, sur lequel tombent deux larmes.

Marthe lui met la main sur les genoux en murmurant :

« Dieu t’a pardonné. Ne te mortifie plus… Rappelle-toi ce que tu as eu : notre Lazare…

– Je ne me mortifie pas. C’est de la reconnaissance, c’est de l’émotion… Et la constatation que je n’ai pas encore cette miséricorde que j’ai si largement reçue… Pardonne-moi, Rabouni ! dit-elle en levant ses yeux splendides auxquels l’humilité a rendu leur douceur.

– On ne refuse jamais le pardon à qui est humble de cœur, Marie. »

575.7

Le soir qui descend teinte l’air d’une délicate nuance de violet. Ce qui est un peu éloigné se confond. Les tiges de lin, dont la grâce était si visible, se mêlent à présent en une masse sombre. Les oiseaux se taisent dans les feuillages. La première étoile s’allume. La première cigale fait retentir son crissement dans l’air. C’est le soir.

« Nous pouvons y aller. Ici, dans les champs, on ne nous verra pas. Sentez-vous en sécurité. Je ne vous trahis pas. Je ne le fais pas pour en tirer quelque profit. Je demande seulement au Ciel la pitié, car de pitié, nous en avons tous besoin » soupire la femme.

Ils se lèvent, ils la suivent. Ils passent au large de Tersa, au milieu des champs et des jardins déjà obscurs, mais pas assez loin pour ne pas apercevoir les hommes autour des feux au point de départ des routes…

« Ils nous guettent… fait remarquer Matthieu.

– Maudits soient-ils ! » siffle Philippe entre ses dents.

Pierre reste silencieux, mais il agite ses bras vers le ciel en un geste d’appel ou de protestation muette.

Mais Jacques et son frère Jean qui se sont parlé sans arrêt, un peu en avant des autres, reviennent sur leurs pas pour demander :

« Maître, si, à cause de la perfection de ton amour, tu ne veux pas recourir au châtiment, veux-tu que nous le fassions ? Veux-tu que nous disions au feu du ciel de descendre et de consumer ces pécheurs ? Tu nous as appris que nous pouvions tout ce que nous demandions avec foi et… »

Jésus qui marchait un peu penché, comme s’il était fatigué, se redresse brusquement et les foudroie de ses yeux qui étincellent à la lumière de la lune. Les deux frères reculent en silence, effrayés devant ce regard. Sans cesser de les fixer, Jésus leur dit :

« Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Le Fils de l’homme n’est pas venu perdre les âmes, mais les sauver. Vous ne vous rappelez pas ce que je vous ai dit dans la parabole[2] du bon grain et de l’ivraie : “ Pour l’instant, laissez le bon grain et l’ivraie croître ensemble car, à vouloir les séparer maintenant, vous risqueriez d’arracher le bon grain avec l’ivraie. Laissez-les donc pousser ensemble jusqu’à la moisson. Alors je dirai aux moissonneurs : ramassez l’ivraie et liez-la en bottes pour la brûler, puis rentrez le bon grain dans mon grenier. ” »

575.8

Jésus a déjà modéré son indignation envers les deux apôtres qui, à cause d’une colère suscitée par leur amour pour lui, demandaient de punir les habitants de Tersa, et qui se tiennent maintenant tête basse devant lui. Il les prend par le coude, l’un à droite, l’autre à gauche, et se remet en route en les conduisant ainsi et en parlant à tous qui s’étaient groupés autour de lui quand il s’est arrêté.

« En vérité, je vous dis que le temps de la moisson est proche, ma première moisson, et pour beaucoup, il n’y en aura pas de seconde. Mais — louons-en le Très-Haut — certaines personnes qui, pendant mon temps, n’ont pas su devenir épi de bon grain, renaîtront avec une âme nouvelle après la purification du sacrifice pascal. Jusqu’à ce jour, je ne m’acharnerai contre personne… Après viendra la justice…

– Après la Pâque ? demande Pierre.

– Non. Après le temps. Je ne parle pas des hommes d’aujourd’hui. Je considère les siècles futurs. L’homme ne cesse de se renouveler comme les moissons dans les champs, et les récoltes se suivent. Et moi, je laisserai ce qu’il faut pour que ceux qui viendront puissent devenir du bon grain. S’ils s’y refusent, à la fin du monde, mes anges sépareront l’ivraie du bon grain. Alors viendra le Jour éternel de Dieu seul. Pour l’instant, dans le monde, c’est le jour de Dieu et de Satan. Le Premier semant le bien, le second jetant parmi les semences de Dieu son ivraie de damnation, ses scandales, ses iniquités, ses semences d’iniquité. Car il y aura toujours des gens pour exciter contre Dieu, comme ici, avec ceux-ci qui, en vérité, sont moins coupables que ceux qui les poussent au mal.

– Maître, chaque année nous nous purifions à la Pâque des Azymes, mais nous restons toujours les mêmes. Est-ce que ce sera différent, cette année ? demande Matthieu.

– Très différent.

– Pourquoi ? Explique-nous.

– Demain… Demain, ou lorsque nous serons en route, et que Judas sera parmi nous.

– Oh oui ! Tu nous le révéleras et nous nous rendrons meilleurs… En attendant, pardonne-nous, Jésus, implore Jean.

– C’est à juste titre que je vous ai surnommés “ les fils du tonnerre[3] ”. Mais le tonnerre ne fait pas de mal. La foudre, elle, peut tuer. Néanmoins, le tonnerre annonce souvent la foudre. C’est ce qui arrive à l’homme qui n’extirpe pas de son âme tout désordre contre l’amour. Aujourd’hui, il demande à pouvoir punir. Demain, il punira sans demander. Après-demain, ce sera sans la moindre raison. Il est facile de descendre… C’est pourquoi je vous conseille de vous dépouiller de toute forme de dureté de cœur envers votre prochain. Imitez-moi, et vous serez sûrs de ne pas vous tromper. M’avez-vous jamais vu me venger de quelqu’un qui m’afflige ?

– Non, Maître. Tu…

575.9

– Maître ! Maître ! Nous sommes ici, Elise et moi. Oh ! Maître, que de souci pour toi ! Et quelle peur de mourir… » dit Judas en débouchant de derrière des rangs de vigne et en courant vers Jésus.

Une bande lui entoure le front. Elise, plus calme, le suit.

« Tu as souffert ? Tu as eu peur de mourir ? La vie t’est-elle tellement chère ? demande Jésus en se libérant des bras de Judas, qui l’étreint et pleure.

– Pas la vie. Je craignais Dieu. Mourir sans ton pardon… Je ne cesse pas de t’offenser. J’offense tout le monde. Même elle… Et elle m’a répondu en me servant de mère. Je me suis senti coupable et j’ai redouté la mort…

– C’est une crainte salutaire, si elle peut te rendre saint ! Mais moi, je te pardonne toujours, tu le sais. Il suffit que tu aies la volonté de te repentir. Et toi, Elise, as-tu pardonné ?

– C’est un grand enfant déchaîné. Je sais être indulgente.

– Tu as été courageuse, Elise. Je le sais.

– Si elle n’avait pas été là ! Je ne sais pas si je t’aurais revu, Maître !

– Tu vois donc que ce n’est pas par haine, mais par amour qu’elle était restée près de toi… N’as-tu pas été blessée, Elise ?

– Non, Maître. Les pierres tombaient tout autour de moi sans me blesser, mais mon cœur a été très angoissé en pensant à toi…

– Tout est fini désormais. Suivons la femme qui veut nous conduire dans une maison sûre. »

Ils se remettent en route et prennent un petit chemin éclairé par la lune, en direction de l’orient.

575.10

Jésus a saisi Judas par le bras et il marche en avant avec lui. Il lui parle doucement. Il essaie de travailler son cœur secoué par la peur passée du jugement de Dieu :

« Tu vois, Judas, comme il est facile de mourir. La mort est toujours aux aguets autour de nous. Tu vois comme ce qui nous paraît négligeable tant que nous sommes pleins de vie prend une importance effroyable quand la mort nous effleure. Mais pourquoi vouloir éprouver ces terreurs, se les créer pour les trouver en face de soi au moment de mourir, alors qu’en menant une vie sainte, on peut ignorer l’épouvante du proche jugement de Dieu ? Ne te semble-t-il pas qu’il vaut la peine de vivre en juste pour avoir une mort paisible ? Judas, mon ami, la divine et paternelle miséricorde a permis cet événement pour qu’il soit un appel à ton cœur. Il est encore temps pour toi, Judas… Pourquoi ne veux-tu pas donner à ton Maître, qui va mourir, l’immense joie de te savoir revenu au bien ?

– Mais peux-tu encore me pardonner, Jésus ?

– Te parlerais-je ainsi, si je ne le pouvais pas ? Comme tu me connais peu encore ! Moi, je te connais. Je sais que tu es comme saisi par une pieuvre géante. Mais, si tu le voulais, tu pourrais encore te libérer. Certes, tu souffrirais. T’arracher à ces chaînes qui te mordent et t’empoisonnent serait douloureux. Mais ensuite, quelle joie, Judas ! Tu crains de ne pas avoir la force de réagir contre ceux qui t’influencent ? Moi, je puis t’absoudre à l’avance du péché de transgression du rite pascal… Tu es un malade. Pour les malades, la Pâque n’est pas obligatoire. Personne n’est plus malade que toi. Tu es comme un lépreux. Les lépreux ne montent pas à Jérusalem, aussi longtemps qu’ils le sont. Sois bien sûr, Judas, que comparaître devant le Seigneur avec une âme impure telle que la tienne, ce n’est pas l’honorer, mais l’offenser. Il faut d’abord…

575.11

– Dans ce cas, pourquoi, ne me purifies-tu pas et ne me guéris-tu pas ? demande Judas, déjà dur, récalcitrant.

– Je ne te guéris pas ! Quand quelqu’un est malade, il cherche à se guérir par lui-même, à moins que ce ne soit un petit enfant ou un sot qui ne sait pas décider…

– Traite-moi comme de telles personnes. Traite-moi en sot, et pourvois toi-même, à mon propre insu.

– Ce ne serait pas juste, parce que tu peux vouloir. Tu sais ce qui est bon et ce qui est mal pour toi. Et il ne servirait à rien que je te guérisse sans ta volonté de rester guéri.

– Donne-la-moi aussi.

– Te la donner ? T’imposer alors une volonté bonne ? Et ton libre arbitre ? Que deviendrait-il? Que serait ton moi d’homme, de créature libre ? Un esclave ?

– Comme je suis soumis à Satan, je pourrais l’être à Dieu !

– Comme tu me blesses, Judas ! Comme tu me transperces le cœur ! Mais pour ce que tu me fais, je te pardonne… Soumis à Satan, as-tu dit. Je ne parlais pas de quelque chose d’aussi redoutable…

– Mais tu le pensais parce que c’est vrai et que tu le sais, s’il est vrai que tu lis dans les cœurs des hommes. S’il en est ainsi, tu es conscient que je ne suis plus libre de moi… Il m’a pris et…

– Non. Il s’est approché de toi, en te tentant, en te mettant à l’essai, et tu l’as accueilli. Il n’y a pas de possession sans une adhésion précédente à quelque tentation satanique. Le serpent insinue sa tête entre les barreaux serrés mis pour défendre les cœurs, mais il n’entrerait pas si l’homme ne lui élargissait pas un passage pour admirer son aspect séducteur, pour l’écouter, pour le suivre… Alors seulement l’homme devient entièrement soumis, possédé, mais parce qu’il le veut. Dieu aussi envoie des Cieux les douces lumières de son amour paternel, et elles pénètrent en nous. Ou plutôt : Dieu, à qui tout est possible, descend dans le cœur des hommes. C’est son droit. Alors pourquoi l’homme qui est conscient qu’il devient esclave, soumis à l’Horrible, ne parvient-il pas à se rendre serviteur de Dieu, ou plutôt fils de Dieu, et pourquoi chasse-t-il son Père très saint ? Tu ne me réponds pas ? Tu ne me dis pas pourquoi tu as préféré Satan à Dieu, pourquoi tu as voulu Satan ? Mais il serait encore temps de te sauver !

575.12

Tu sais que je vais à la mort. Personne ne le sait mieux que toi… Je ne refuse pas de mourir… Je vais à la mort, parce que ma mort sera vie pour nombre d’hommes. Pourquoi ne veux-tu pas être de ceux-là ? Est-ce pour toi seulement, mon ami, mon pauvre ami malade, que ma mort sera inutile ?

– Elle sera inutile pour bien des gens, ne te fais pas d’illusions. Tu ferais mieux de fuir et de vivre loin d’ici, de profiter de la vie, d’enseigner ta doctrine, car elle est bonne, mais de ne pas te sacrifier.

– Enseigner ma doctrine ! Mais qu’est-ce que j’enseignerais désormais de vrai, si je faisais le contraire de ce que je professe ? Quel Maître serais-je si je prêchais l’obéissance à la volonté de Dieu et l’amour des hommes sans les mettre en pratique, et si, après avoir demandé le renoncement à la chair et au monde, j’aimais ma chair et les honneurs du monde, ou encore si je scandalisais non seulement les hommes, mais aussi les anges après avoir prôné le refus de scandaliser ? C’est Satan qui parle par toi en ce moment, comme il a parlé à Ephraïm, comme tant de fois il a parlé et agi, par ton intermédiaire, pour me troubler. Je reconnais toutes ces actions de Satan, accomplies par ta seule volonté, et je ne t’ai pas haï, je n’ai pas éprouvé de lassitude de toi, mais seulement de la peine, une peine infinie. Comme une mère qui suit les progrès d’un mal qui mène son enfant à la mort, j’ai observé la progression du mal en toi. Comme un père qui ne regrette rien pourvu qu’il trouve des remèdes pour son fils malade, je n’ai rien épargné pour te sauver, j’ai surmonté les répugnances, les indignations, les amertumes, les découragements… Comme un père et une mère désolés, désillusionnés de toute puissance terrestre, se tournent vers le Ciel pour obtenir la vie d’un enfant, j’ai gémi et je gémis encore pour implorer un miracle qui te sauve au bord de l’abîme qui déjà s’ouvre sous tes pieds.

575.13

Judas, regarde-moi ! D’ici peu, mon sang sera répandu pour les péchés des hommes. II ne m’en restera pas une goutte. La terre, les pierres, les herbes, les vêtements de mes persécuteurs et les miens le boiront…de même que le bois, le fer, les cordes, les épines du jujubier[4]… et aussi les âmes qui attendent le salut… Serais-tu le seul à refuser d’en boire ? Pour toi seul, je donnerais tout mon Sang. Tu es mon ami. Comme on meurt volontiers pour sauver son ami ! On se dit : “ Je meurs, mais je continuerai à vivre dans l’ami auquel j’ai donné la vie. ” Comme une mère, comme un père qui continuent à vivre dans leur descendance même après qu’ils se sont éteints. Judas, je t’en supplie ! Je ne demande rien d’autre en cette veille de ma mort. Au condamné, les juges et même les ennemis accordent une ultime grâce, ils exaucent son dernier désir. Moi, je te demande de ne pas te damner. Je ne le demande pas tant au Ciel qu’à toi, à ta volonté… Pense à ta mère, Judas. Que deviendra-t-elle, ensuite ? Qu’en sera-t-il du nom de ta famille ? Je fais appel à ton orgueil — il est plus fier que jamais — pour te défendre contre ton déshonneur. Ne te déshonore pas. Judas. Réfléchis. Les années et les siècles passeront, les royaumes et les empires tomberont, les étoiles perdront leur éclat, la configuration de la terre changera, et tu seras toujours Judas, comme Caïn est toujours Caïn, si tu persistes dans ton péché. Les siècles auront une fin, et il restera seulement le paradis et l’enfer. Au paradis et en enfer, pour les hommes ressuscités et accueillis avec leur âme et leur corps, pour l’éternité, là où il est juste qu’ils soient, tu seras toujours Judas, le maudit, le plus grand coupable, si tu ne te repens pas.

Je descendrai libérer les esprits des limbes, je les tirerai en foule du purgatoire, mais toi… je ne pourrai t’attirer là où je suis… Judas, je vais mourir, j’y vais joyeux, car l’heure que j’attendais depuis des millénaires est venue : l’heure de réunir les hommes à leur Père. Il y en a beaucoup que je ne réunirai pas. Mais le nombre des sauvés que je contemplerai en mourant me consolera du déchirement de mourir inutilement pour tant de personnes. Mais, c’est moi qui te le dis, il me sera terrible de te voir parmi ces derniers, toi, mon apôtre, mon ami. Ne me cause pas cette inhumaine douleur !… Je veux te sauver, Judas. Te sauver !

575.14

Regarde : nous descendons au fleuve. Demain, à l’aube, quand tous dormiront encore, nous le passerons tous les deux, et tu iras à Bozra, à Arbel, à Aéra, où tu veux. Tu connais les maisons des disciples. A Bozra, cherche Joachim et Marie, la lépreuse que j’ai guérie. Je te donnerai un mot pour eux. Je dirai que, pour ta santé, il te faut un repos tranquille dans un air différent. Et c’est la vérité, malheureusement, puisque tu es malade spirituellement et que l’air de Jérusalem te serait mortel. Mais eux croiront qu’il s’agit de ton corps. Tu resteras là jusqu’à ce que je vienne t’en tirer. Je m’occuperai de tes compagnons… Mais ne viens pas à Jérusalem. Tu vois ? Je n’ai pas voulu des femmes, hormis les plus courageuses et celles qui, par leur droit de mère, se doivent d’être auprès de leurs enfants.

– La mienne aussi ?

– Non. Marie ne sera pas à Jérusalem…

– C’est la mère d’un apôtre, elle aussi, et elle t’a toujours honoré.

– Oui, elle aurait le droit comme les autres d’être près de moi, elle qui m’aime avec une parfaite justice. Mais c’est justement pour cette raison qu’elle sera absente. Je lui ai dit de ne pas venir, et elle sait obéir.

– Pourquoi ne doit-elle pas être là ? Qu’a-t-elle de différent de la mère de tes frères et de celle des fils de Zébédée ?

– Toi. Et tu sais pourquoi je te dis cela. Mais si tu m’écoutes, si tu te rends à Bozra, j’enverrai prévenir ta mère et je la ferai accompagner pour qu’elle, qui est si bonne, t’aide à guérir.

575.15

Sois-en bien sûr : nous seuls t’aimons ainsi, sans mesure. Trois personnes t’aiment dans le Ciel : le Père, le Fils et l’Esprit Saint, qui t’ont contemplé et qui attendent ta décision pour faire de toi le joyau de la Rédemption, la plus grande proie arrachée à l’Abîme ; et trois autres se trouvent sur la terre : ta mère, ma Mère et moi. Rends-nous heureux, Judas ! Nous du Ciel, nous de la terre, ceux qui t’aiment d’un amour véritable.

– Tu le dis : il n’y en a que trois qui m’aiment ; les autres… non.

– Pas comme nous, mais ils t’aiment beaucoup. Elise t’a défendu. Les autres étaient inquiets pour toi. Quand tu es au loin, tous te portent dans leur cœur et ont ton nom sur leurs lèvres. Tu ne soupçonnes pas tout l’amour qui t’entoure… Ton oppresseur te le cache. Mais crois à ma parole.

– Je te crois, et je chercherai à te satisfaire. Mais je veux agir de moi-même. C’est de moi-même que j’ai erré, c’est de moi-même que je dois guérir du mal.

– Il n’y a que Dieu qui puisse agir de lui-même. Ta pensée est de l’orgueil. C’est encore Satan qui suscite l’orgueil. Sois humble, Judas. Prends cette main qui t’offre son amitié. Réfugie-toi sur ce cœur, qui s’ouvre pour te protéger. Ici, avec moi, Satan ne pourrait te faire aucun mal.

– J’ai essayé d’être avec toi… Je suis descendu toujours plus… C’est inutile !

– Ne dis pas cela ! Ne dis pas cela ! Repousse le découragement. Dieu peut tout. Serre-toi contre Dieu. Judas ! Judas !

– Tais-toi ! Que les autres n’entendent pas…

– Tu te préoccupes des autres et non de ton âme ? Pauvre Judas !… »

575.16

Jésus se tait, mais continue à rester auprès de l’apôtre jusqu’à ce que la femme, qui était en avant de quelques mètres, entre dans une maison qui émerge d’un bois d’oliviers. Alors il dit à son disciple :

« Je ne dormirai pas, cette nuit. Je prierai pour toi, et je t’attendrai… Que Dieu parle à ton cœur. Quant à toi, écoute-le… Je resterai ici pour prier, jusqu’à l’aube… Souviens-t’en. »

Judas ne lui répond pas. Les autres sont arrivés, et tous restent ensemble à attendre le retour de la Samaritaine. Elle ne tarde guère à revenir. Elle est accompagnée d’une autre femme qui lui ressemble et qui les salue en disant :

« Je n’ai pas beaucoup de pièces, car j’héberge déjà les moissonneurs, qui travaillent aux oliviers pour le moment. Mais j’ai un grand grenier avec beaucoup de paille. Pour les femmes, j’ai de la place. Venez.

– Allez-y ! Moi, je reste ici à prier. Paix à vous tous » dit Jésus. Et pendant que les autres s’en vont, il retient sa Mère pour lui confier : « Je reste à prier pour Judas, ma Mère. Aide-moi, toi aussi…

– Je t’aiderai, mon Fils. Peut-être la volonté renaît-elle en lui ?

– Non, Maman. Mais nous devons faire comme si… Le Ciel peut tout, Maman !

– Oui. Et moi, je peux encore avoir des illusions. Pas toi, mon Fils. Tu sais tout, mon saint Fils ! Mais moi, je t’imiterai toujours. Va et sois tranquille, mon amour ! Même quand tu ne pourras plus lui parler parce qu’il te fuira, j’essaierai de te l’amener. Que le Père très saint écoute ma souffrance… Me laisses-tu prier avec toi, Jésus ? Nous prierons ensemble, et ce sera autant d’heures à t’avoir pour moi seule…

– Reste, Maman. Je t’attends ici. »

575.17

Marie s’éloigne rapidement et revient de même. Ils s’asseyent sur leurs sacs, aux pieds des oliviers. Dans le grand silence de la nuit, on entend le bruissement du fleuve peu éloigné, et le chant des cigales semble puissant. Puis ce sont les trilles des rossignols. Une chouette rit et un petit duc pleure. Les étoiles se déplacent lentement dans le firmament où elles sont reines, maintenant que la lune, qui est couchée, ne les dissimule plus… Puis un coq rompt l’air tranquille de son cri vibrant. Beaucoup plus loin, à peine perceptible, un autre coq lui répond. Et le silence retombe, bientôt rompu par un arpège de gouttes qui tombent des tuiles d’une maison toute proche sur le pavé qui l’entoure. Et encore un nouveau bruissement dans les feuillages comme s’ils secouaient l’humidité de la nuit, puis le cri isolé d’un oiseau qui se réveille, et en même temps un changement dans le ciel, le retour de la lumière. C’est l’aube. Judas n’est pas venu…

Jésus regarde sa Mère, blanche comme un lys contre l’olivier sombre, et il lui dit :

« Nous avons prié, Mère. Dieu se servira de notre prière…

– Oui, mon Fils. Tu es pâle comme la mort. Vraiment, toute ta vitalité s’est exhalée pendant cette nuit, pour faire pression sur les portes des Cieux et sur les décrets de Dieu !

– Toi aussi, tu es pâle, Mère. Grande est ta fatigue.

– Grande est ma douleur, à cause de ta douleur. »

575.18

La porte de la maison s’ouvre avec précaution… Jésus tressaille. Mais ce n’est que la femme qui les a conduits, qui sort sans faire de bruit. Jésus soupire :

« J’avais espéré m’être trompé ! »

La femme s’avance avec son panier vide. A la vue de Jésus, elle le salue et allait poursuivre son chemin, mais lui l’appelle et lui dit :

« Que le Seigneur te récompense pour tout. Je voudrais en faire autant, mais je n’ai rien avec moi.

– Je n’aurais rien accepté, Rabbi, aucune compensation. Mais si je ne veux pas d’argent, il y a quelque chose que je souhaiterais. Et cela, tu peux me le donner !

– Quoi, femme ?

– Que le cœur de mon époux change. Cela, tu peux le faire parce que tu es vraiment le Saint de Dieu.

– Va en paix. Il te sera fait comme tu le demandes. Adieu. »

La femme s’éloigne rapidement vers sa maison, qui doit être bien triste. Marie remarque :

« Une autre malheureuse. C’est pour cela qu’elle est bonne !… »

575.19

Depuis le grenier, la tête ébouriffée de Pierre apparaît, et derrière elle, le visage lumineux de Jean, puis le profil sévère de Jude et la figure brunâtre de Simon le Zélote, enfin la maigre frimousse du jeune Benjamin… Ils sont tous réveillés. De la maison sort, la première de toutes, Marie de Magdala suivie par Nikê, puis par les autres. Quand tous sont réunis, la femme qui leur a accordé l’hospitalité apporte une seille de lait encore écumeux. Alors apparaît Judas. Il n’a plus sa bande, mais le bleu du coup qu’il a reçu lui colore la moitié du front, et son œil est encore plus sombre dans le cercle violacé.

Jésus le regarde. Judas regarde Jésus, puis détourne la tête.

Jésus lui dit :

« Achète à la femme ce qu’elle peut nous fournir. Nous reprenons la route. Rejoins-nous. »

Effectivement, Jésus s’éloigne après avoir salué la femme. Tous le suivent.

575.1

Tersa está tan rodeada de exuberantes olivares, que se ha de estar muy cerca de ella para percatarse de que la ciudad está ahí. Una franja de ubérrimos huertos recinta, como última mampara, las casas. En ellos, achicorias y otras verduras, legumbres, cucurbitáceas nuevas, árboles frutales, pérgolas funden y combinan sus distintos verdes y sus flores prometedoras de frutos, y sus frutos nacientes prometedores de delicias. La pequeña flor de la vid y la de los olivos más precoces rocían con su nieve blanco-verde el suelo, al paso de un vientecillo más bien enérgico.

De detrás de una mampara de cañas y sauces, que han crecido junto a una charca, sin agua pero húmeda todavía en el fondo, y al oír el rumor de pasos de personas que llegan, aparecen los ocho apóstoles a los que antes se indicó que se adelantaran. Están visiblemente inquietos y afligidos, y, mientras hacen señas a los que llegan de que se paren, se acercan a ellos sin demora. Cuando ya están lo suficientemente cerca como para poder ser oídos sin necesidad de gritar, dicen: «¡Atrás! ¡Atrás! A los campos. No se puede entrar en la ciudad. Por poco nos apedrean. Venid, vamos afuera. A aquella espesura. Allí hablaremos…». Impacientes por alejarse sin ser vistos, apremian, a Jesús, a los tres apóstoles, al muchacho, a las mujeres, para que vuelvan hacia abajo por la charca seca, y dicen: «Que no nos vean aquí. ¡Vamos! ¡Vamos!».

Inútilmente Jesús, Judas y los dos hijos de Zebedeo tratan de saber lo que ha sucedido; inútilmente dicen: «¿Pero Judas de Simón? ¿y Elisa?» Los ocho se muestran inflexibles. Caminando entre la maraña de tallos y plantas acuáticas, sufriendo en los pies cortes de juncáceas, o en la cara el choque de los sauces y las cañas, resbalando en el barrillo del fondo, agarrándose a las plantas, buscando apoyo en las márgenes y llenándose bien de barro, se alejan, apremiados por detrás por los ocho, que caminan casi con la cabeza vuelta hacia atrás, para ver si de Tersa sale alguien siguiéndolos. Pero en el camino sólo está el Sol, que empieza ya a ponerse, y un flaco perro errante.

575.2

Por fin han llegado a una espesura de zarzas que delimitan una propiedad. Detrás de esta espesura, un campo de lino cimbrea bajo el viento sus altos tallos que ya se coloran de azul con las primeras flores.

«Aquí, aquí dentro. Si estamos sentados, nadie nos verá, y cuando haya anochecido nos marchamos…» dice Pedro secándose el sudor…

«¿A dónde?» pregunta Judas de Alfeo. «Tenemos a las mujeres».

«A algún lugar iremos. Incluso… los campos están llenos de heno segado, que también sirve de lecho. Para las mujeres hacemos tiendas con nuestros mantos, y nosotros… vigilantes».

«Sí. Es suficiente con no ser vistos y al amanecer bajar al Jordán. Tenías razón, Maestro, al no querer el camino de Samaria. ¡Mejor los bandidos, para nosotros que somos pobres, que no los samaritanos!…» dice Bartolomé, todavía jadeante.

«Pero bueno, ¿qué ha pasado? Ha sido Judas, que ha hecho alguna…» dice Judas Tadeo.

Le interrumpe Tomás: «Judas está claro que ha recibido. Lo siento por Elisa…».

«¿Has visto a Judas?».

«Yo no. Pero es fácil ser profeta. Si se ha declarado apóstol tuyo, está claro que le han pegado.

575.3

Maestro, te rechazan allí».

«Sí, todos están enemistados contra ti».

«Son verdaderos samaritanos».

Hablan todos a la vez.

Jesús impone silencio a todos y dice: «Que hable uno solo. Tú, Simón Zelote, que eres el más sereno».

«Señor, en pocas palabras te lo puedo decir. Entramos en la ciudad y nadie nos molestó hasta que supieron quiénes éramos, mientras pensaron que éramos peregrinos que íbamos de paso. Pero cuando preguntamos —¡debíamos hacerlo!— si un hombre joven, alto, moreno, vestido de rojo y con un taled de rayas rojas y blancas, y una mujer anciana, delgada, de pelo más blanco que negro y una túnica gris muy obscura, habían entrado en la ciudad y habían buscado al Maestro galileo y a sus compañeros, entonces, en seguida, se inquietaron… Quizás no hubiéramos debido hablar de ti. Sin duda, nos hemos equivocado… Pero, en los otros lugares nos recibieron siempre tan bien, que… ¡no se comprende qué es lo que ha sucedido!… ¡Parecen víboras, los mismos que hace no más de tres días se mostraban deferentes contigo!…».

Le interrumpe Judas Tadeo: «Trabajo de judíos…».

«No creo. No lo creo por las recriminaciones que nos lanzaban y por las amenazas. Lo que creo es que… Es más, estoy, estamos seguros de que la causa de la ira samaritana es que Jesús ha rechazado su proposición de protegerle. Gritaban: “¡Fuera! ¡Fuera! ¡Vosotros y vuestro Maestro! Quiere ir a adorar al Moria. Pues que vaya y mueran Él y todos los suyos. No hay sitio entre nosotros para los que no nos tienen por amigos, sino sólo por siervos. No queremos más problemas, si no hay ganancia a cambio. Piedras, no pan, para el Galileo. Embriscarle los perros, no ofrecerle las casas”. Decían esto y más. Y al insistir para, al menos, saber lo que había sido de Judas, cogieron piedras para lanzárnoslas, y verdaderamente nos embriscaron a los perros. Y gritaban unos a otros: “Nos ponemos en todas las entradas. Si viene Él, nos vengaremos”. Nosotros hemos huido. Una mujer —siempre hay alguien bueno incluso entre los malvados— nos metió en su huerto, y de allí nos llevó, por una vereda que va entre los huertos, hasta la charca que ahora está sin agua porque han regado antes del sábado. Y nos escondió allí. Y luego nos prometió que nos iba a dar noticias de Judas. Pero ya no volvió. Vamos a esperarla aquí, de todas formas, porque dijo que si no nos encontraba en la charca vendría aquí».

575.4

Los comentarios son muchos: hay quien sigue acusando a los judíos; y quien manifiesta un leve reproche a Jesús, un reproche escondido en las palabras: «Has hablado demasiado claramente en Siquem y luego te has alejado. En estos tres días, han decidido que es inútil hacerse falsas ilusiones y perjudicarse por alguien que no satisface sus anhelos… y te rechazan…».

Jesús responde: «No me arrepiento de haber dicho la verdad ni de cumplir con mi deber. Ahora no comprenden. Dentro de poco comprenderán mi justicia —una justicia que supera a un amor no justo hacia llos— y me venerarán más que si no la hubiera tenido».

«¡La mujer viene ya por el camino! Tiene el valor de mostrarse a la vista…» dice Andrés.

«¿No nos irá a traicionar, no?» dice Bartolomé con aire de sospecha.

«¡Viene sola!».

«Podría seguirla gente que estuviera escondida en la charca…».

Pero la mujer, que viene con un cesto sobre la cabeza, prosigue y supera los campos de lino donde esperan Jesús y los apóstoles. Luego toma un senderillo y desaparece de la vista… para aparecer de nuevo de improviso, a espaldas de los que esperan, los cuales, al oír el roce de los tallos de lino, se vuelven, casi asustados.

La mujer habla a los ocho que conoce: «Perdonad si he hecho esperar mucho… No quería que me siguieran. He dicho que iba donde mi madre… Ya sé… Y aquí traigo comida para vosotros. ¿El Maestro… quién es? Quisiera venerarle».

«Ése es el Maestro».

La mujer, que ha dejado su cesto, se postra y dice: «Perdona el pecado de mis convecinos. Si no los hubieran incitado… Pero muchos han trabajado aprovechando tu negativa…».

«No tengo rencor, mujer.

575.5

Levántate y habla. ¿Sabes algo de mi apóstol y de la mujer que estaba con él?».

«Sí. Los han expulsado como a perros. Así que están fuera de la ciudad, en el otro lado, esperando a la noche. Querían volver atrás, hacia Enón, para buscarte. Querían venir aquí, porque sabían que estaban sus compañeros. He dicho que no, que no lo hicieran, que se estuvieran quietos, que yo os llevaría donde ellos. Y lo haré en cuanto acabe el crepúsculo. Afortunadamente mi marido está ausente y tengo libertad para dejar la casa. Os voy a llevar donde una hermana mía que está casada y vive en la llanura. Dormiréis allí. No os identifiquéis. No por Merod, sino por los hombres que están con ella. No son samaritanos, son de la Decápolis establecidos aquí. Pero, en todo caso, conviene…».

«Dios te lo pague. ¿Los dos discípulos han sido heridos?».

«Un poco el hombre. La mujer nada. Sin duda, la protegió el Altísimo, porque ella, con arrojo, escudó a su hijo con su cuerpo cuando los de la ciudad echaron mano a las piedras. ¡Qué mujer más fuerte! Gritaba: “¿Así atacáis a uno que no os ha ofendido? ¿Y no me respetáis a mí, que le defiendo y que soy madre? ¿No tenéis madre todos vosotros, que no respetáis a quien ha engendrado? ¿Habéis nacido de una loba u os habéis hecho de lodo y estiércol?”, y miraba a los agresores mientras tenía abierto el manto para defender al hombre, y mientras tanto retrocedía, sacándole de la ciudad… Y ahora también le infunde ánimos, diciendo: “¡Quiera el Altísimo, oh Judas mío, hacer de esta sangre tuya derramada por el Maestro bálsamo para tu corazón!”. Pero es una herida pequeña. Quizás el hombre está más asustado que dolorido. Pero… tomad y comed. Aquí hay leche ordeñada hace poco, para las mujeres. Hay pan con queso y fruta. No he podido hacer carne. Habría tardado demasiado. Y aquí hay vino, para los hombres. Comed mientras se pone la tarde. Luego iremos por caminos seguros donde los dos, y luego donde Merod».

«De nuevo: que Dios te lo pague» dice Jesús, y ofrece y distribuye la comida, dejando a un lado una parte para los dos ausentes.

«No, no. Ya he pensado en ellos. Les he llevado huevos y pan, escondido en el vestido, y un poco de vino y aceite para las heridas. Esto es para vosotros. Comed, que yo vigilo el camino…».

575.6

Comen. Pero la indignación devora a los hombres y el abatimiento quita el apetito a las mujeres, a todas menos a María de Magdala, para la cual, lo que en las otras produce miedo o abatimiento, en ella siempre produce el efecto de un licor que estimula los nervios y el coraje; sus ojos centellean contra la ciudad hostil; sólo la presencia de Jesús —que ya ha dicho que no tiene rencor— refrena su ímpetu de pronunciar palabras violentas; y, no pudiendo ni hablar ni actuar, descarga su ira contra el inocente pan, al que hinca los dientes de una forma tan significativa, que el Zelote, sonriendo, no puede contenerse de decirle: «¡Suerte tienen esos de Tersa de que no puedan caer en tus manos! ¡Pareces una fiera encadenada, María!».

«En este momento lo soy. Has visto bien. Y ante los ojos de Dios el contenerme de entrar allí, como se merecen, tiene más valor que todo lo que he hecho hasta ahora por expiar».

«¡Tranquila, María! Dios te ha perdonado culpas más grandes que las de ellos».

«Es verdad. Ellos te han ofendido a ti, mi Dios, una vez, y por influencia de otros. Yo, muchas… y por propia voluntad… y no puedo ser intransigente ni soberbia…». Vuelve a bajar los ojos hacia su pan, donde caen dos lágrimas.

Marta le pone la mano en el regazo mientras le dice en tono bajo: «Dios te ha perdonado. No te abatas más… Recuerda lo que has obtenido: a nuestro Lázaro…».

«No es abatimiento. Es agradecimiento. Es emoción… Y es también la constatación de que todavía carezco de esa misma misericordia que yo tan ampliamente he recibido… ¡Perdóname, Rabbuní!» dice alzándo sus espléndidos ojos, a los que la humildad devuelve la dulzura.

«Nunca se niega el perdón al que es humilde de corazón, María».

575.7

Se pone la tarde, tiñendo el aire de una delicada coloración violada. Las cosas que están un poco lejanas se confunden. Los tallos de lino, cuya gracia antes era visible, ahora se unifican para formar una única masa obscura. Callan los pájaros entre las frondas. Se enciende la primera estrella. Canta el primer grillo entre la hierba. Ha llegado la noche.

«Podemos ponernos en marcha. Aquí, entre los campos, no nos verán. Venid seguros. No traiciono. No actúo por una recompensa. Lo único que pido es la piedad del Cielo, porque todos necesitamos piedad» dice la mujer suspirando.

Se levantan. Se encaminan detrás de ella. Pasan a distancia de Tersa, entre campos y huertos semiobscuros, pero no tanto como para no ver a hombres a la entrada de los caminos en torno a hogueras…

«Nos acechan…» dice Mateo.

«¡Malditos!» susurra entre dientes Felipe.

Pedro no habla, pero mueve hacia el cielo los brazos con gesto de muda invocación o protesta.

Pero Santiago y Juan de Zebedeo, que han hablado apretada y presurosamente, un poco adelantados respecto a los demás, vuelven hacia atrás y dicen: «Maestro, si Tú por tu perfección de amor no quieres recurrir al castigo, ¿quieres que lo hagamos nosotros? ¿Quieres que digamos al fuego del cielo que baje y consuma a estos pecadores? Nos has dicho que todo lo que pedimos con fe lo podemos y…».

Jesús, que iba andando un poco cabizbajo, como cansado, se yergue bruscamente y los fulmina con dos miradas que centellean a la luz de la luna. Los dos retroceden, callando asustados ante esa mirada. Jesús, sin quitar de ellos sus ojos, dice: «No sabéis de qué espíritu sois. El Hijo del hombre no ha venido para la ruina de las almas, sino para salvarlas. ¿No recordáis lo que os he dicho? Dije en la parábola del trigo y la cizaña[1]: “Dejad por ahora que el trigo y la cizaña crezcan juntos. Porque si quisiérais separarlos ahora, correríais el riesgo de arrancar, con la cizaña, también el trigo. Dejadlos, pues, hasta la hora de la siega. Al tiempo de la siega diré a los segadores: recoged ahora la cizaña y atadla en haces para quemarla, y poned el buen trigo en mi granero”».

575.8

Jesús ya ha atenuado su desdén hacia los dos que, por ira suscitada por amor a Él, pedían castigar a los de Tersa, y que ahora están cabizcaídos ante Él. Los toma, uno a la derecha y otro a la izquierda, por los codos, y reanuda la marcha, guiándolos así, y hablando a todos, que se han apiñado en torno a Él, que se había parado. «En verdad os digo que el tiempo de la siega está cercano. Mi primera siega. Y para muchos no habrá una segunda. Pero, y alabemos por ello al Altísimo, alguno que no supo en mi tiempo hacerse espiga de buen grano, después de la purificación del Sacrificio pascual renacerá con una alma nueva. Hasta ese día no arremeteré contra ninguno… Después vendrá la justicia…».

«¿Después de la Pascua?» pregunta Pedro.

«No. Después del tiempo. No hablo de estos hombres, de estos de ahora. Miro a los siglos futuros. El hombre se va renovando continuamente, como las mieses en los campos. Y las cosechas se van siguiendo. Yo dejaré lo que es necesario para que los hombres que vengan después puedan hacerse trigo bueno. Si no quieren, en el fin del mundo, mis ángeles separarán las cizañas de los trigos buenos. Entonces será sólo el eterno Día del Dios. Por ahora, en el mundo, se da el día de Dios y de Satanás: el Primero siembra el Bien, el segundo echa entre las semillas de Dios sus condenadas cizañas, sus escándalos, sus iniquidades, sus semillas que promueven iniquidad y escándalos. Porque siempre habrá quien azuce contra Dios, como aquí, con estos que, en verdad, son menos culpables que los que los instigan al mal».

«Maestro, todos los años uno se purifica en la Pascua de los Ácimos, pero siempre se sigue siendo lo mismo que se era. ¿Este año… será distinto?» pregunta Mateo.

«Muy distinto».

«¿Por qué? Explícanoslo».

«Mañana… Os lo diré mañana, o cuando ya estemos por el camino y esté con nosotros también Judas de Simón».

«¡Sí! Nos lo dices y nosotros nos haremos mejores… Pero ya ahora perdónanos, Jesús» dice Juan.

«Os he llamado con el nombre apropiado[2]. Pero el trueno no daña. El rayo sí que puede matar. De todas formas, el trueno, muchas veces, es anuncio del rayo. Lo mismo le sucede a aquel que no elimina de su espíritu todo desorden contra el amor. Hoy pide permiso para castigar. Mañana castiga sin pedir permiso. Pasado mañana castiga incluso sin razón. Descender es fácil… Por eso os digo que os despojéis de toda dureza hacia vuestro prójimo. Actuad como Yo, y estaréis seguros de no equivocaros nunca. ¿Acaso habéis visto alguna vez que Yo me vengue de los que me causan un dolor?».

«No, Maestro. Tú…».

575.9

«¡Maestro! ¡Maestro! Estamos aquí. Yo y Elisa. ¡Oh, Maestro, cuánta angustia por ti! ¡Y cuánto miedo de morir…!» dice Judas de Keriot, saliendo de detrás de las hileras de vid y corriendo hacia Jesús. Tiene la frente vendada. Elisa le sigue más serena.

«¿Has sufrido? ¿Has temido morir? ¿Tanto apreciabas la vida?» pregunta Jesús liberándose de Judas, que le tenía abrazado y que llora.

«No la vida. Temía a Dios. Morir sin tu perdón… Yo siempre te ofendo. A todos ofendo. También a ella… Y su respuesta ha sido ser para mí una madre. Me sentía culpable y temía morir…».

«¡Saludable temor, si puede hacerte santo! Pero Yo te perdono, siempre, tú lo sabes. Basta con que tengas voluntad de arrepentimiento. ¿Y tú, Elisa, has perdonado?».

«Es como un niño grande indisciplinado. Sé disculpar».

«Te has comportado con fortaleza, Elisa. Lo sé».

«¡Si no hubiera estado ella… no sé si te habría vuelto a ver, Maestro!».

«Pues ya ves que no por odio, sino por amor, se quedó a tu lado… ¿No te han herido, Elisa?».

«No, Maestro. Las piedras caían alrededor de mí sin herirme. Pero mi corazón ha estado muy acongojado pensando en ti…».

«Ya todo ha terminado. Vamos a seguir a esta mujer que nos quiere llevar a una casa segura».

Se ponen de nuevo en marcha, tomando un caminito, blanco de luna, que va hacia Oriente.

575.10

Jesús ha tomado del brazo al Iscariote y va delante con él. Le habla dulcemente; trata de trabajar en el corazón de Judas, estremecido por el miedo experimentado ante el juicio de Dios: «Ya ves, Judas, qué fácil es morir. La muerte siempre está al acecho en torno a nosotros. Ya ves que lo que parece una cosa sin importancia cuando estamos llenos de vida se hace grande, espantosamente grande, cuando la muerte nos roza. Pero ¿por qué querer tener estos miedos, creárselos para encontrárselos de frente en el momento de la muerte, si con una vida santa se puede ignorar el miedo al cercano juicio divino? ¿No te parece que merece la pena vivir una vida justa para tener una plácida muerte? ¿No, Judas, amigo mío? La divina, paterna misericordia ha permitido este hecho como toque de atención para tu corazón. Todavía estás a tiempo, Judas… ¿Por qué no quieres dar a tu Maestro, que está para morir, la gran alegría, grandísima, de saber que has vuelto al Bien?».

«¿Pero puedes perdonarme todavía, Jesús?».

«¿Te hablaría así si no pudiera? ¡Qué poco me conoces todavía! Yo te conozco. Sé que eres como uno que estuviera atrapado por un gigantesco pulpo. Pero, si quisieras, podrías liberarte todavía. Sufrirías, eso sí. Arrancarte esas cadenas que te muerden y envenenan significaría dolor. Pero después, ¡cuánta alegría, Judas! ¿Temes no tener la fuerza de reaccionar contra los que influyen en ti? Yo puedo absolverte anticipadamente del pecado de transgresión del rito pascual… Eres un enfermo. Para los enfermos la Pascua no es obligatoria. Ninguno está más enfermo que tú. Eres como un leproso. Los leprosos, mientras lo son, no suben a Jerusalén. Créeme, Judas: comparecer ante el Señor con el espíritu sucio, como lo tienes tú, no es honrar al Señor, sino ofenderle. Antes hay que…».

575.11

«¿Entonces, por qué no me purificas y me curas?» pregunta, ya duro, rebelde, Judas.

«¡No te curo? Cuando uno está enfermo, busca —la busca él— la curación. A menos que sea un niño pequeño, o un subnormal; porque éstos no saben poner el acto de querer…».

«Trátame como a esas personas. Trátame como a un subnormal y remédialo Tú sin que yo lo sepa».

«No sería justicia, porque tú puedes querer. Tú sabes lo que para ti es un bien y lo que es un mal. Y el que Yo te curara no serviría de remedio sin tu voluntad de quedar curado».

«Dame también esa voluntad».

«¿Dártela? ¿Imponerte, entonces, una voluntad buena? ¿Y tu libre albedrío, en qué se transformaría entonces? ¿Qué sería tu yo de hombre, criatura libre? ¿Un yo subyugado?».

«¡De la misma forma que estoy subyugado por Satanás, podría estarlo por Dios!».

«¡Cómo me hieres, Judas! ¡Cómo traspasas mi corazón! Pero te perdono lo que me haces… Subyugado por Satanás, has dicho: Yo no decía esta cosa tan tremenda…».

«Pero la pensabas, porque es verdadera y la conoces, si es verdad que lees los corazones de los hombres. Si es así, sabes que yo ya no soy libre… Satanás me ha atrapado y…».

«No. Se te ha acercado, te ha tentado, te ha tanteado… y tú le has aceptado. No hay posesión si no hay al principio una adhesión a alguna tentación satánica. La serpiente introduce la cabeza entre las apretadas barras dispuestas como defensa de los corazones, pero no entraría si el hombre no le ensanchara un hueco para admirar el aspecto seductor de la serpiente y escucharla y seguirla… Sólo entonces el hombre queda subyugado, poseído; pero es porque lo quiere. Dios también lanza desde los cielos las luces dulcísimas de su paterno amor, y sus luces penetran en nosotros. Mejor: Dios, a quien todo le es posible, desciende al corazón de los hombres. Está en su derecho. ¿Por qué, entonces, el hombre, que sabe hacerse esclavo, que sabe someterse al Horrendo, no sabe hacerse siervo de Dios —es más: hijo de Dios— y lo que hace es expulsar de sí a su Padre santísimo? ¿No me contestas? ¿No me dices por qué has preferido a Satanás antes que a Dios? Y, no obstante, ¡todavía estarías a tiempo de salvarte!

575.12

Sabes que voy a la muerte. Ninguno lo sabe como tú… No rehúso morir… Voy. Voy a la muerte porque mi muerte será la Vida para muchos. ¿Por qué no quieres estar entre éstos? ¿Sólo para ti, amigo mío, mi pobre y enfermo amigo, será inútil mi muerte?».

«Será inútil para muchos, no te hagas ilusiones. Lo mejor que podrías hacer sería huir y vivir lejos de aquí, y gozar de la vida; enseñar tu doctrina porque es buena, pero no sacrificarte».

«¡Enseñar mi doctrina! ¿Pero qué enseñaría ya, que fuera verdad, si hiciera lo contrario de lo que enseñara? ¿Qué Maestro sería si predicara la obediencia a la voluntad de Dios y no la hiciera, y el amor a los hombres y luego no los amara, y la renuncia a la carne y al mundo y luego amara mi carne y los honores del mundo, y a no escandalizar y luego escandalizara no sólo a los hombres, sino incluso a los ángeles, y así sucesivamente? Por ti habla Satanás en este momento. Como también habló en Efraím y como muchas otras veces ha hablado y ha actuado, a través de ti, para turbarme a mí. Yo he reconocido todas estas acciones de Satanás, cumplidas por medio de ti. Pero no te he odiado, ni me he cansado de ti. Sólo he sentido pena, una infinita pena. Como una madre atenta al progreso de un mal que llevara a la muerte a su hijo, así he observado el progreso del mal en ti. Como un padre al que nada resulta insoportable con tal de encontrar las medicinas para su hijo enfermo, así Yo todo lo he tolerado con tal de salvarte: he superado repugnancias, desdenes, amarguras, desconsuelos… Como un padre y una madre, desolados, desilusionados respecto a todas las fuerzas terrenas, se dirigen al Cielo para obtener la vida del hijo, así he gemido y gimo, implorando un milagro que te salve, que te salve, que te salve en el borde del abismo que ya cede bajo tus pies.

575.13

¡Judas, mírame! Dentro de poco, mi Sangre será derramada por los pecados de los hombres. No me quedará ni una gota. La beberán la tierra, las piedras, las hierbas, las vestiduras de mis perseguidores y las mías… la madera, el hierro, las sogas, las espinas de la oxiacanta… y la beberán los espíritus que esperan la salud… ¿Sólo tú no quieres beberla? Yo, por ti solamente, daría toda esta Sangre mía. Tú eres el amigo mío. ¡Cuán gustosamente se muere por el amigo! ¡Por salvarle! Se dice: “Yo muero. Pero seguiré viviendo en el amigo al que he dado la vida”. Como una madre, como un padre, que siguen viviendo en su prole aún después de haber muerto. ¡Judas, te lo suplico! No pido otra cosa en estas vísperas de mi muerte. Hasta los jueces, hasta los enemigos conceden al condenado una última gracia, acogen favorables el último deseo suyo. Yo te pido que no te condenes. No se lo pido tanto al Cielo cuanto a ti, a tu voluntad… Piensa en tu madre, Judas. ¿Qué será tu madre, después? ¿Qué será el nombre de tu familia? Invoco tu orgullo, que está más vivo que nunca, para que te defiendas contra tu deshonor. No te deshonres, Judas. Piensa. Pasarán los años y los siglos, caerán los reinos y los imperios, languidecerán las estrellas, cambiará la configuración de la Tierra, y tú serás siempre Judas, como Caín es siempre Caín, si persistes en tu pecado. Terminarán los siglos. Quedará sólo el Paraíso y el Infierno, y en el Paraíso y en el Infierno, para los hombres resucitados y recibidos con alma y cuerpo, para toda la eternidad, en los lugares donde es justo que estén, tú serás siempre Judas, el maldito, el mayor culpable, si no te enmiendas. Descenderé a liberar a los espíritus del Limbo, los sacaré del Purgatorio por legiones, y tú… a ti no podré llevarte a donde Yo esté… Judas, Yo voy a morir, y voy feliz porque ha llegado la hora que esperaba desde hacía milenios, la hora de unir de nuevo a los hombres con su Padre. A muchos no los uniré. Pero el número de los salvados que mientras muera contemplaré me consolará de la congoja de morir inútilmente por tantos. Pero te digo que será tremendo el verte entre éstos, a ti, mi apóstol, amigo mío. ¡No me inflijas el inhumano dolor!…

Quiero salvarte, Judas. Salvarte.

575.14

Mira. Bajamos al río. Mañana al alba, cuando todavía todos duerman, lo pasaremos, nosotros dos, y tú irás a Bosra, a Arbela, a Aera, a donde quieras. Sabes cuáles son las casas de los discípulos. En Bosra busca a Joaquín y María, la leprosa que curé. Te daré un escrito para ellos. Diré que para tu salud se necesita reposo tranquilo respirando aire distinto. Es la verdad, por desgracia, porque estás enfermo y el aire de Jerusalén sería letal para ti. Pero ellos creerán que estás físicamente enfermo. Estarás allí hasta que no vaya Yo a buscarte. Por lo que respecta a tus compañeros, ya me encargaré Yo… Pero no vayas a Jerusalén. Ya ves que no he querido que estuvieran allí las mujeres, excepto las más fuertes de ellas y las que, por derecho de madres, deben estar al lado de sus hijos».

«¿También la mía?».

«No. María no estará en Jerusalén…».

«También ella es madre de un apóstol, y te ha honrado siempre».

«Sí. Y, como las otras, tendría derecho a estar a mi lado. Ella me quiere con perfecta justicia. Pero precisamente por esto no estará en Jerusalén. Porque le dije que no estuviera y sabe obedecer».

«¿Por qué no debe estar? ¿Qué hay de distinto en ella, que no lo tengan la madre de tus hermanos y la de los hijos de Zebedeo?».

«Pues tú. Y tú sabes por qué digo esto. Pero si me haces caso y vas a Bosra, mandaré un aviso a tu madre y dispondré que la acompañen a donde estés, para que ella, que tan buena es, te ayude a curarte.

575.15

Créelo: sólo nosotros te queremos así, sin medida. Tres son los que te aman en el Cielo: el Padre, el Hijo, el Espíritu Santo. Ellos te han contemplado y esperan tu acto de voluntad para hacer de ti la gema de la Redención, la presa mayor arrebatada al Abismo. Y tres en la Tierra: Yo, tu madre y mi Madre. ¡Danos esta alegría, Judas! A los del Cielo y a los de la Tierra. A los que te queremos con verdadero amor».

«Tú lo dices: sólo tres me quieren; los demás… no».

«No como nosotros. Pero te quieren. Elisa te ha defendido. Los otros estaban preocupados por ti. Cuando estás en algún otro lugar, todos te llevan en su corazón y tu nombre está en sus labios. No conoces todo el amor que te rodea. Tu opresor te lo oculta. Pero cree en mi palabra».

«Te creo. Y trataré de complacerte. De todas formas, quiero obrar yo solo. Yo solo he cometido el error y yo solo debo saber curarme de este mal».

«Únicamente Dios puede obrar por sí solo. Este pensamiento es de soberbia. En la soberbia sigue estando Satanás. Sé humilde, Judas. Coge esta mano que se te ofrece amiga. Refúgiate en este corazón que se te abre protector. Aquí, conmigo, no podría hacerte ningún mal Satanás».

«He intentado estar contigo… Me he hundido cada vez más… ¡Es inútil!».

«¡No digas eso! ¡No digas eso! Rechaza el abatimiento. Dios lo puede todo. Abrázate a Dios. ¡Judas! ¡Judas!».

«¡Calla! Que no lo oigan los demás…».

«¿Y te preocupas de los demás y no de tu espíritu? ¡Mísero Judas!…».

575.16

Jesús deja de hablar. Pero permanece al lado del apóstol, hasta que la mujer, que iba algunos metros más adelante, entra en una casa que ahora se ve dentro de una espesura de olivos. Entonces dice Jesús a su discípulo: «No voy a dormir esta noche. Voy a orar por ti y a esperarte… Que Dios hable a tu corazón. Y tú escúchale… Me quedaré aquí, donde estoy ahora, a orar. Hasta el alba… Recuérdalo…».

Judas no le responde. Entretanto han llegado los otros y las mujeres, y se detienen todos, a la espera de que vuelva la samaritana. No tarda mucho en volver. Viene con otra mujer, que se le parece, y que los saluda diciendo: «No tengo muchas habitaciones porque ya están aquí los que recogen, que por ahora trabajan en los olivos. Pero el granero que tengo es grande y hay mucha paja en él. Para las mujeres tengo sitio. Venid».

«¡Id! Yo me quedo en oración. La paz a todos vosotros» dice Jesús. Y, mientras los otros se marchan, Él retiene a su Madre y le dice: «Me quedo a orar por Judas, Madre mía. Ayúdame tú tam­bién…».

«Te ayudaré, Hijo mío. ¿Es que renace en él la voluntad?».

«No, Mamá. Pero nosotros debemos hacer como si… ¡El Cielo lo puede todo, Mamá!».

«Sí. Y yo todavía puedo hacerme ilusiones. Tú, no, Hijo mío. Tú sabes las cosas. ¡Santo Hijo mío! Pero te imitaré siempre. ¡Queda tranquilo, amor mío! Incluso cuando Tú no puedas ya dirigirle la palabra porque él te rehúya, trataré de llevarle a ti. Y conque el Padre Santísimo escuche mi dolor… ¿Me dejas estar contigo, Jesús? Haremos oración juntos… y serán muchas horas en que te tendré sólo para mí…».

«Quédate, Mamá. Te espero aquí».

María va ligera, y ligera vuelve.

575.17

Se sientan encima de sus talegos, al pie de los olivos. En medio del gran silencio reinante, se oye el susurro del río poco lejano, y el canto de los grillos parece fuerte en medio de esta noche profundamente enmudecida. Luego cantan los ruiseñores, ríe una lechuza, llora un mochuelo. Y las estrellas transitan lentas en el firmamento, reinas ahora que la Luna, habiéndose ocultado, ha dejado de ofuscarlas. Y luego un gallo rasga el aire quieto con su agudo reclamo. Mucho más lejos, apenas perceptible, otro gallo responde. Y otra vez el silencio, roto ahora por el arpegio de gotas de relente condensado que caen de las tejas de la casa cercana al enlosado que la rodea. Y luego un frufrú nuevo entre las frondas, como sacudiéndose éstas la humedad nocturna, y el aislado silbar de un pájaro que se despereza, y, al mismo tiempo, un cambio en el cielo, la luz que se despierta: raya el alba… Y Judas no ha venido…

Jesús mira a su Madre, blanca como una azucena contra el olivo obscuro, y le dice: «Hemos orado, Madre. Dios usará nuestra oración…».

«Sí, Hijo mío. Estás pálido como la muerte. ¡Verdaderamente, tu vitalidad se ha derramado toda en esta noche, presionando en las puertas de los Cielos y en los decretos de Dios!».

«Tú también estás pálida, Madre. Grande es tu esfuerzo».

«Grande es mi dolor por tu dolor».

575.18

La puerta de la casa se abre; con cautela la abren… Jesús se estremece. Pero es sólo la mujer que los ha llevado allí la que sale sin hacer ruido. Jesús emite un suspiro: «¡He tenido la esperanza de haberme podido equivocar!».

La mujer se acerca con su cesto vacío. Ve a Jesús. Le saluda. Seguiría adelante, pero Él la llama. Le dice: «El Señor te lo pague todo. Yo también quisiera hacerlo, pero no traigo nada conmigo».

«No querría nada, Rabí. Ningún pago. Una cosa sí querría, que no es dinero, una cosa que sí me puedes dar».

«¿Qué, mujer?».

«Que el corazón de mi marido cambiara. Es algo que Tú puedes hacer, porque verdaderamente eres el Santo de Dios».

«Ve en paz. Recibirás esto que deseas. Adiós».

La mujer se marcha ligera en dirección a su casa, que debe ser muy triste.

María comenta: «Otra desdichada. ¡Por eso es buena!…».

575.19

Se asoma en el granero la cabeza despeinada de Pedro, y, detrás de la suya, la luminosa de Juan; luego, el grave perfil de Judas Tadeo y el rostro de morena tez del Zelote, y la cara delgada del jovencito Benjamín… Todos están despiertos. Ahora salen de la casa: la primera, María de Magdala; luego Nique y después las otras. Cuando están todos reunidos y la mujer que les ha ofrecido hospedaje ha traído una colodra de leche todavía espumosa, aparece el Iscariote. Ya no tiene la venda. Pero el livor del golpe le tiñe la mitad de la frente, y su ojo aparece, bajo el arco violáceo, aún más sombrío.

Jesús le mira. Judas mira a Jesús, y vuelve la cabeza hacia otra parte. Jesús le dice: «Cómprale a la mujer lo que pueda darnos y luego alcánzanos».

Y, en efecto, Jesús saluda a la mujer y se pone en marcha. Todos le siguen.


Notes

  1. talit : de nos jours encore encore, le talit, prononcé talèth dans les communautés juives d’Afrique du Nord, est un vêtement à quatre coins dont chacun est, en vertu de la prescription de Dt 22, 12, pourvu de franges appelées tsitsits.
  2. parabole qui se trouve en 181.3/4.
  3. les fils du tonnerre, en 330.3.
  4. Le jujubier de Palestine, ou Zizyphus nabeca (nabac) ou Zizyphus Spina Christi, est un arbre épineux que l’on trouve encore en Palestine

Notas

  1. parábola del trigo y la cizaña, en 181.3/4.
  2. Os he llamado con el nombre apropiado, de “hijos del trueno”, en 330.3.