The Writings of Maria Valtorta

583. La veille du sabbat qui précède l’entrée

583. The eve of the Sabbath before the entering

583.1

La belle salle — l’une de celles qui servent aux banquets, avec ses murs blancs, comme son plafond, ses lourds rideaux, les tapisseries qui recouvrent les sièges, et les plaques de mica ou d’albâtre qui remplacent les vitres aux fenêtres et laissent passer la lumière —, la salle blanche, est remplie du bavardage des femmes.

Une quinzaine de femmes qui papotent, ce n’est pas une mince affaire ! Mais dès que Jésus écarte le rideau et paraît sur le seuil, un silence absolu s’instaure. Toutes se lèvent et s’inclinent avec le plus grand respect.

« Paix à vous toutes » dit Jésus avec un doux sourire…

Son visage ne porte aucune trace de la tempête de douleur qui vient de se terminer : il est serein, lumineux, paisible comme si rien de pénible n’était arrivé ou sur le point d’arriver, avec une pleine conscience de sa part.

« Paix à toi, Maître. Nous sommes venues. Tu as envoyé dire : “ avec autant de femmes qu’il y en a chez Jeanne ”, et je t’ai obéi. Elise était chez moi. Je la garde auprès de moi, ces jours-ci. Il y avait aussi celle qui dit te suivre. Elle était venue chercher quelque information sur toi, car nul n’ignore que je suis ta fidèle disciple. Quant à Valéria, elle est chez moi, depuis que je suis dans mon palais. Et Plautina était venue lui rendre visite. Avec elles, se trouvait celle-ci. Valéria t’en parlera. Plus tard est arrivée Annalia, avertie de ton désir, ainsi que cette jeune fille, sa parente, je crois. Nous nous sommes arrangées pour venir, et nous n’avons pas oublié Nikê. Il est si beau de nous sentir sœurs dans une même foi en toi… d’espérer que celles qui en sont encore à un amour naturel pour le Maître, s’élèvent, comme l’a fait Valéria, dit Jeanne en regardant discrètement Plautina, qui… en est restée à l’amour naturel…

– Les diamants se forment lentement, Jeanne. Il faut des siècles de feu caché… Il ne faut jamais être pressé… Et ne jamais se décourager, Jeanne…

– Et quand un diamant redevient… cendre ?

– C’est signe que ce n’était pas encore un diamant parfait. Il faut recommencer, avec patience et ardeur, en mettant son espoir dans le Seigneur. Ce qui semble être un échec la première fois, se change souvent en triomphe la seconde.

– Ou la troisième, la quatrième, si ce n’est davantage.

583.2

Moi, j’ai été un échec de nombreuses fois, mais finalement, tu as triomphé, Rabbouni ! lance, du fond de la salle, la belle voix d’orgue de Marie de Magdala.

– Marie est contente chaque fois qu’elle peut s’humilier en rappelant le passé… soupire Marthe, qui le voudrait effacé du souvenir de tous les cœurs.

– Il est pourtant vrai, ma sœur, que tout s’est passé ainsi ! Je suis contente de faire mémoire du passé, mais non pas pour m’humilier, comme tu dis : pour m’élever encore, poussée par le souvenir du mal que j’ai commis, et par la reconnaissance envers Celui qui m’a sauvée. Et aussi afin que celui qui hésite pour lui-même, ou pour un être qui lui est cher, puisse reprendre courage et parvenir à cette foi dont mon Maître assure qu’elle est capable de déplacer les montagnes.

– Et tu la possèdes, heureuse que tu es ! Tu ne connais pas la peur… » soupire Jeanne.

Elle, qui est si douce et si timide, paraît l’être encore davantage si on la compare à Marie-Madeleine.

« En effet, je ne la connais pas. Elle n’a jamais été dans ma nature humaine. Maintenant, depuis que j’appartiens à mon Sauveur, je ne la connais même plus dans ma nature spirituelle. Tout a servi à augmenter ma foi. Serait-il possible qu’une femme, ressuscitée comme je le suis, et qui a vu ressusciter son frère, puisse douter de quoi que ce soit ? Non. Rien ne me fera plus douter.

– Tant que Dieu est avec toi, c’est-à-dire tant que le Rabbi est avec toi…

583.3

Mais il dit qu’il va bientôt nous quitter. Que sera alors notre foi ? Ou plutôt votre foi, car moi, je n’ai pas encore pénétré au-delà des frontières humaines… s’interroge Plautina.

– Sa présence ou son absence matérielle sera sans effet sur ma foi. Je n’aurai pas peur. Ce n’est pas de l’orgueil de ma part : tout simplement, je me connais. Si les menaces du Sanhédrin devaient se réaliser… je ne craindrais rien…

– Mais qu’est-ce que tu ne craindras pas ? Que le Juste soit juste ? Cette crainte, je ne l’aurai pas non plus. Nous qualifions ainsi de nombreux sages dont nous savourons la sagesse, et dont la pensée continue à nous nourrir et à vivre en nous, des siècles après leur disparition. Mais toi… insiste Plautina.

– Même s’il meurt, je ne craindrai pas. La Vie ne peut mourir. Lazare est ressuscité, lui qui n’était qu’un pauvre homme…

– Mais ce n’est pas par lui-même qu’il est ressuscité : le Maître a rappelé son âme d’outre-tombe. Or seul le Maître peut accomplir un tel acte. Mais qui rappellera l’esprit du Maître si le Maître est tué ?

– Qui ? Lui-même, c’est-à-dire Dieu. Dieu s’est fait lui-même, Dieu peut se ressusciter lui-même.

– Dieu… oui… dans votre foi, Dieu s’est fait lui-même. Il nous est déjà difficile de l’admettre, car nous savons que les dieux proviennent l’un de l’autre, par suite d’amours entre dieux.

– Par suite d’amours obscènes, condamnables, devrais-tu dire, l’interrompt impétueusement Marie de Magdala.

– Comme tu veux…» concède Plautina.

Et elle est sur le point d’achever quand Marie lui coupe la parole :

« “ Mais l’Homme ne peut se ressusciter lui-même ”, veux-tu dire. Mais de la même manière que le Saint des Saints s’est fait homme lui-même — car rien ne lui est impossible —, il se donnera à lui-même le commandement de ressusciter. Tu ne peux pas comprendre. Tu ne connais pas les figures de notre histoire d’Israël. Lui et ses prodiges s’y trouvent. Et tout s’accomplira comme c’est écrit.

583.4

Moi, je crois à l’avance, Seigneur. Je crois tout : que tu es le Fils de Dieu et le Fils de la Vierge, que tu es l’Agneau du salut, que tu es le Messie très saint, que tu es le Libérateur et le Roi universel, que ton Royaume ne connaîtra pas de fin ni de limites, et enfin que la mort ne prévaudra pas sur toi : car la vie et la mort, en effet, ont été créées par Dieu, et elles lui sont soumises comme toute chose. Je crois. Et si la douleur de te voir méconnu et méprisé sera grande, plus grande sera ma foi en ton Etre éternel. Je crois. Je crois à tout ce qui est dit de toi. Je crois à tout ce que tu dis. J’ai su croire aussi pour Lazare. J’ai été la seule qui ait su obéir et croire, la seule qui ait su réagir contre les hommes et les événements qui voulaient me convaincre de ne pas croire. Ce n’est qu’à l’extrême limite, près de la fin de l’épreuve, que j’ai eu une défaillance… Mais l’épreuve durait depuis si longtemps… et je ne pensais plus que même toi, Maître béni, tu pourrais t’approcher du golal après tant de jours de mort… Désormais… je ne douterai plus même si un tombeau devrait être ouvert pour rendre la proie qu’il contient depuis, non pas quelques jours, mais des mois. Oh ! mon Seigneur ! Je sais qui tu es ! La fange a reconnu l’Etoile ! »

Marie s’est accroupie aux pieds de Jésus, sur le dallage. Elle n’est plus véhémente, mais douce, et son visage tourné vers Jésus exprime l’adoration.

« Qui suis-je ?

– Celui qui est. C’est cela. Ta personne humaine n’est que le vêtement, le vêtement nécessaire posé sur ta splendeur et sur ta sainteté pour venir parmi nous et nous sauver. Mais tu es Dieu, mon Dieu. »

Et elle se jette par terre pour baiser les pieds du Christ. Elle semble ne pas pouvoir détacher ses lèvres des doigts qui dépassent du long vêtement de lin.

« Relève-toi, Marie. Garde fermement ta foi. Et, pendant les heures de tempête, élève-la comme une étoile pour que les cœurs s’y fixent, et sachent espérer… au moins cela. »

583.5

Puis il s’adresse à toutes :

« Je vous ai appelées car, dans les jours à venir, il ne sera pas facile de nous voir en paix. Le monde nous entourera, et les secrets des cœurs ont une pudeur plus grande que celle des corps. Je ne suis pas le Maître, aujourd’hui. Je suis l’Ami. Vous n’avez pas toutes d’espoirs ou de craintes à me partager. Mais vous aviez toutes envie de me voir paisiblement encore une fois. Et je vous ai appelées, vous qui êtes la fleur d’Israël et du nouveau Royaume, et vous, qui représentez la fleur du paganisme qui quitte le lieu des ombres pour entrer dans la Vie. Gardez cela au fond du cœur pour les jours qui viennent : que l’honneur que vous rendez au Roi persécuté d’Israël, à l’Innocent accusé, au Maître qu’on n’écoute pas, adoucisse ma douleur.

Je vous demande de rester très unies, vous qui appartenez au peuple d’Israël, vous qui êtes venues en Israël, vous qui venez vers Israël. Que les unes secourent les autres. Que celles dont la vie spirituelle est plus forte secourent les plus faibles. Que les plus sages secourent celles qui savent peu de choses ou même rien, et ont seulement le désir de sagesses nouvelles, de sorte que leur désir humain s’épanouisse en un désir surnaturel de la Vérité, grâce aux soins de leurs sœurs plus avancées.

Soyez pleines de pitié les unes pour les autres. Que celles que des siècles de la loi divine ont formées à la justice compatissent à celles que le paganisme rend… différentes. Les habitudes morales ne se changent pas du jour au lendemain, sauf dans des cas exceptionnels dans lesquels une puissance divine intervient pour opérer le changement, afin de seconder une volonté très bonne. Ne vous étonnez pas si vous assistez, chez celles qui viennent d’autres religions, à des arrêts dans leurs progrès et parfois même à des retours sur les vieux chemins. Pensez au comportement d’Israël envers moi, et n’attendez pas des païens la souplesse et la vertu qu’Israël n’a pas su, n’a pas voulu avoir envers le Maître.

Considérez-vous comme des sœurs les unes pour les autres, des sœurs que le destin a réunies autour de moi, dans ce dernier temps de ma vie mortelle… Ne pleurez pas ! Je vous ai réunies en vous amenant de lieux différents, de sorte que la diversité de vos coutumes et de vos langues rend un peu difficile votre mutuelle compréhension humaine. Mais, en vérité, l’amour a un langage unique, et le voici : faire ce que l’être aimé enseigne, et cela pour lui rendre honneur et le réjouir. Sur ce point, vous pouvez toutes vous comprendre, et que celles qui comprennent davantage aident les autres à mieux comprendre.

583.6

Plus tard… dans un avenir plus ou moins lointain, en des circonstances diverses, vous vous séparerez de nouveau pour vous disperser en diverses régions de la terre, certaines en revenant dans vos pays natals, d’autres en partant vers un exil qui ne leur pèsera pas ; car celles qui le subiront seront déjà arrivées à la perfection de vérité, qui leur permettra de comprendre que ce n’est pas d’être conduites ici ou là qui constitue un exil de la vraie Patrie.

En effet, la vraie Patrie, c’est le Ciel. Car celui qui est dans la vérité est en Dieu, et il a Dieu en lui. Il est donc déjà dans le Royaume de Dieu ; or le Royaume de Dieu ne connaît pas de frontières : par conséquent, la personne qui quitte Jérusalem pour des contrées comme l’Ibérie, la Pannonie, la Gaule ou l’Illyrie ne sort pas du Royaume. Vous serez toujours dans le Royaume si vous restez en Jésus, ou si vous venez à Lui.

Je suis venu rassembler toutes les brebis : celles du troupeau de mon Père, celles des autres, et même celles qui n’ont pas de pasteur, qui sont sauvages, perdues, plongées dans des ténèbres si profondes qu’elles ne leur permettent pas de voir ne serait-ce qu’un iota, non de la loi divine, mais même de la loi morale. Il s’agit de peuplades ignorées qui attendent d’être connues, à l’heure fixée par Dieu, et qui ensuite viendront s’aggréger au troupeau du Christ. Quand ? Qu’il s’agisse d’années ou de siècles, cela revient au même pour l’Eternel ! Mais vous serez les précurseurs de celles qui iront, avec les futurs pasteurs, rassembler dans l’amour chrétien les brebis et les agneaux sauvages pour les conduire dans les pâturages divins. Que votre premier champ d’expérience soit ces lieux.

583.7

La petite hirondelle qui lève son aile pour voler ne se jette pas immédiatement dans la grande aventure. Elle essaie son premier vol de l’avant-toit jusqu’à la vigne qui ombrage la terrasse, puis elle revient à son nid ; de nouveau, elle s’élance vers une terrasse au-delà de la sienne, et elle revient. Et toujours plus loin… jusqu’à ce qu’elle sente que son aile devient forte et son orientation sûre. Alors, elle joue avec les vents et les espaces, et elle va et vient en gazouillant, à la poursuite des insectes, en effleurant l’eau, en remontant vers le soleil, jusqu’à ce que, le moment venu, elle ouvre avec assurance ses ailes pour voler longuement vers les pays plus chauds et riches d’une nourriture nouvelle. Elle ne craint pas de franchir les mers, petite comme elle est, point d’acier bruni perdu entre les immensités bleues de la mer et du ciel, un point qui va sans peur, alors, qu’il y a peu, elle craignait le petit vol du bord du toit au sarment feuillu. Elle a désormais un corps nerveux, parfait, qui fend l’air comme une flèche, et on se demande si c’est l’air qui transporte avec amour ce petit roi de l’air, ou si c’est lui qui, avec amour, sillonne ses domaines. En voyant son vol assuré utiliser les vents et la densité de l’atmosphère pour aller plus vite, qui pense encore à son premier battement d’ailes gauche et apeuré ?

Il en sera ainsi de vous. Qu’il en soit ainsi de vous, comme de toutes les âmes qui vous imiteront. On ne devient pas capable à l’improviste. Ne vous découragez pas devant vos premières défaites, ne tirez pas orgueil de vos premières victoires. Les premières défaites servent à mieux vous y prendre une autre fois, les premières victoires sont un encouragement à faire encore mieux à l’avenir et vous permettent de croire avec assurance que Dieu aide les bonnes volontés.

583.8

Soyez toujours soumises aux bergers et obéissez à leurs con­seils et à leurs ordres. Soyez toujours pour eux des sœurs qui leur soient une aide dans leur mission et un soutien dans la fatigue. Faites part de mes paroles à celles qui sont absentes aujourd’hui, ainsi qu’à celles qui viendront à l’avenir.

Maintenant et toujours, soyez comme des filles pour ma Mère. Elle vous guidera en tout. Elle peut guider les jeunes filles comme les veuves, les épouses comme les mères, car elle a connu les obligations de tous les états, par sagesse surnaturelle certes, mais aussi par son expérience personnelle. Aimez-vous et aimez-moi en Marie. Vous ne défaillirez jamais, car elle est l’Arbre de la Vie, la vivante Arche de Dieu, la forme de Dieu et la forme pour Dieu[1] en laquelle la Sagesse s’est fait un siège et en laquelle la Grâce s’est faite chair.

583.9

Et maintenant que j’ai parlé en général, maintenant que je vous ai vues, je désire écouter mes disciples et celles qui sont l’espérance des disciples futures. Allez. Moi, je reste ici. Que celles qui souhaitent s’entretenir avec moi viennent me trouver, car nous n’aurons plus jamais un moment de paix intime semblable à celui-ci. »

Les femmes se consultent. Elise sort avec Marie et Marie, femme de Cléophas. Marie de Magdala écoute Plautina qui veut la persuader de quelque chose, mais il semble que Marie le refuse, car elle a fait des signes de dénégation puis s’éloigne, laissant en plan son interlocutrice. En passant, elle prend avec elle sa sœur et Suzanne en disant :

« Nous aurons bien le temps de lui parler. Laissons celles qui doivent s’en aller profiter de sa présence.

– Viens, Sarah. Nous serons les dernières à venir » propose Annalia.

583.10

Toutes sortent peu à peu, sauf Marie Salomé qui reste à la porte, l’air indécis.

« Viens ici, Marie. Ferme la porte et approche. De quoi as-tu peur ? lui dit Jésus.

– C’est que, moi… je suis toujours avec toi. Tu as entendu Marie, sœur de Lazare ?

– Oui, mais viens plus près. Tu es la mère de mes premiers apôtres[2]. Que veux-tu me dire ? »

La femme s’approche avec la lenteur de quelqu’un qui doit demander une chose importante, mais ne sait pas s’il peut le faire.

Jésus l’encourage d’un sourire :

« Quoi ? Veux-tu peut-être me demander une troisième place pour Zébédée ? Mais c’est un sage. Il ne t’a certainement pas envoyée me faire une telle requête ! Parle donc…

– Ah ! Seigneur ! C’est justement de cette place que je voulais te parler. Tu parles d’une façon… comme si tu devais nous quitter… et je voudrais que, avant ton départ, tu m’aies vraiment pardonnée. Je n’ai pas de paix à la pensée de t’avoir déplu.

– Tu y penses encore ? Ne vois-tu pas que je t’aime comme avant, plus qu’avant ?

– Si, Seigneur. Mais prononce vraiment cette parole de pardon, pour que je puisse raconter à mon époux combien tu t’es montré bon à mon égard.

– Mais il n’est pas besoin, femme, que tu racontes une faute pardonnée !

– Je le ferai pourtant ! Car Zébédée, voyant à quel point tu aimes ses fils, pourrait tomber dans le même péché que moi et… si tu nous quittes, qui pourrait nous en absoudre ? Je voudrais que nous entrions tous dans ton Royaume. Mon mari aussi. Je ne crois pas que ce désir me mette hors de la justice. Je suis une pauvre femme, et je ne connais pas les livres. Mais quand ta Mère nous lit ou nous dit des passages de l’Ecriture, à nous les femmes, elle parle souvent des femmes élues d’Israël et des passages qui font mention de nous. Et dans les Proverbes, qui me plaisent tellement, il est dit[3] que le cœur de l’époux se fie à sa femme courageuse. Moi, je pense qu’il est juste que la femme fasse preuve de la même confiance envers son mari, même pour ce qui tient du commerce céleste. Si je lui procure une place sûre au Ciel, en l’empêchant de pécher, je pense que je fais une bonne action.

– Oui, Salomé. Tu as vraiment ouvert ta bouche à la sagesse et à des principes de bonté. Va en paix. Tu as plus que mon pardon. Tes fils, selon le livre qui te plaît tant, te proclameront bienheureuse, et ton mari te louera dans la Patrie des justes. Sois tranquille. Va en paix. Sois heureuse. »

Il la bénit et la congédie.

Salomé s’en va, toute joyeuse.

583.11

Entre la vieille Anne de la maison près du lac de Mérom, tenant par la main deux petits garçons et suivie par une fillette timide et pâlotte, qui avance en baissant la tête, déjà un peu maman à sa manière d’aider un enfant qui sait à peine marcher.

« Anne ! Toi aussi, tu veux donc me parler ? Et ton mari ?

– Il est malade, Seigneur, très malade. Je ne vais peut-être pas le retrouver vivant… »

Des larmes coulent à travers les rides du visage sénile.

« Et tu es ici ?

– Oui. C’est lui qui m’a dit : “ Moi, je ne peux pas. Toi, va pour la Pâque et veille à ce que nos fils… »

Elle redouble de larmes et sa voix s’étrangle.

« Pourquoi pleures-tu ainsi, femme ? Ton mari a bien dit : “ Veille à ce que nos fils ne soient pas contre le Christ pour leur éternelle paix. ” Jude est un juste. Plus que de sa vie et du réconfort que tes soins pourraient lui prodiguer, il se préoccupe du bien de ses enfants. Les voiles se lèvent dans les heures qui précèdent la mort des justes, et les yeux de l’âme voient la Vérité. Mais tes fils ne t’écoutent pas, femme. Et que puis-je faire, moi, s’ils me repoussent ?

– Ne les hais pas, Seigneur !

– Et pourquoi le devrais-je ? Je prierai pour eux. Et je vais imposer les mains à ces innocents qui t’accompagnent pour tenir loin d’eux la haine qui tue. Venez près de moi. Toi, qui es-tu ?

– Jude, comme le père de mon père » déclare le plus grand des garçons.

Et le plus petit, que sa sœur tient par la main, saute et s’écrie :

« Moi, c’est moi, Jude !

– Oui. Ils ont honoré leur père en donnant son nom à leurs fils, mais pas d’une autre manière… dit la vieille femme.

– Ses vertus ressusciteront en eux. Approche, toi aussi, fillette. Sois bonne et sage comme celle qui t’a conduite ici.

– Ah ! Marie l’est effectivement ! Pour ne pas être seule, je l’emmènerai avec moi en Galilée. »

Jésus bénit les enfants en laissant sa main sur la tête de la gentille fillette. Puis il demande :

« Et pour toi, tu ne demandes rien, Anne ?

– De retrouver mon Jude vivant et d’avoir la force de mentir, en disant que ses fils…

– Non, pas de mensonge, jamais. Même pas pour qu’un agonisant meure en paix. Tu rapporteras ceci à Jude : “ Le Maître a dit qu’il te bénit et qu’avec toi, il bénit ton sang. ” Ces enfants innocents sont aussi de son sang, et je les ai bénis.

– Mais s’il demande si nos fils…

– Tu répondras : “ Le Maître a prié pour eux. ” Jude reposera dans la certitude que ma prière est puissante, et la vérité sera dite sans décourager le mourant. Car je prierai également pour eux. Va en paix, toi aussi, Anne. Quand quittes-tu la ville ?

– Après-demain, pour ne pas être arrêtée en route par le sabbat.

– C’est bien. Je suis heureux que tu sois ici après le sabbat. Reste bien unie à Elise et à Nikê. Va, et sois forte et fidèle. »

La femme a déjà presque atteint la porte, quand Jésus la rappelle :

« Ecoute : tes petits-enfants passent beaucoup de temps avec toi, n’est-ce pas ?

– Toujours, pendant que je suis en ville.

– Pendant ces jours… laisse-les à la maison, si tu en sors pour me suivre.

– Pourquoi, Seigneur ? Tu crains la persécution ?

– Oui. Et il vaut mieux que l’innocence ne voie pas et n’entende pas…

– Mais… que penses-tu qu’il va arriver ?

– Va, Anne, va…

– Seigneur, si… s’ils devaient te faire ce que l’on annonce, certainement mes fils… et alors la maison sera pire que la rue…

– Ne pleure pas. Dieu pourvoira. Paix à toi. »

La vieille femme s’éloigne, en larmes.

583.12

Pendant un moment, personne n’entre, puis Jeanne et Valéria arrivent ensemble. Elles sont angoissées, Jeanne surtout. L’autre est pâle et soupire, mais elle montre plus de courage.

« Maître, Anne nous a effrayées. Tu lui as dit… mais ce n’est sûrement pas passible ! Kouza peut être indécis… calculateur, mais il n’a rien d’un menteur ! Il me certifie qu’Hérode n’a aucun désir de te nuire… Je ne sais rien de Ponce… »

Jeanne jette un coup d’œil à Valéria, qui se tait. Alors elle reprend :

« J’espérais en savoir un peu plus par Plautina, mais je n’ai pas compris grand-chose…

– Rien, devrais-tu dire, sauf qu’elle n’a pas avancé d’un pas. A moi non plus, elle n’a pas parlé. Mais, si j’ai bien compris, l’indifférence romaine, toujours forte tant qu’un fait ne peut avoir de répercussion sur la patrie ou sur la vie personnelle, a eu raison de celles qui paraissaient prêtes à changer autrefois. Ce qui nous sépare, comme un fossé s’interpose entre deux terrains auparavant unis, c’est moins le fait que je me sois approchée de la synagogue, que leur indifférence, leur paresse spirituelles, si éloignées de moi. Mais à leur manière, elles sont heureuses… Et la félicité humaine n’aide pas à tenir éveillée la pensée.

– Et à éveiller l’esprit, Valéria, dit Jésus.

– C’est exact, Maître. Pour moi… c’est autre chose… Tu as vu cette femme qui était avec nous ? Elle est de ma famille. Veuve et seule, elle m’a été envoyée par des parents pour me convaincre de retourner en Italie. Il y a là beaucoup de promesses de joies pour l’avenir ! Mais comme ce sont des joies que je n’apprécie plus, je les méprise. Je n’irai pas en Italie. Ici, je t’ai toi, ainsi que ma fillette que tu as sauvée[4], et que tu m’as appris à aimer pour son âme. Je ne quitterai pas ces lieux… Marcelle… Je l’ai amenée avec moi pour qu’elle te voie et comprenne que je ne reste pas ici à cause d’un amour déshonorant pour un juif — pour nous, c’est déshonorant —, mais parce que j’ai trouvé en toi un réconfort dans ma souffrance d’épouse répudiée. Marcelle n’est pas mauvaise : elle a souffert, donc elle comprend. Mais elle est encore incapable de comprendre ma nouvelle religion et, comme elle y voit des chimères, elle me rabroue un peu… Mais cela n’a guère d’importance. Si elle en éprouve le désir, elle viendra là où je suis désormais. Sinon, je resterai ici avec Tusnilde[5]. Je suis libre, je suis riche, je peux faire ce que je veux. Et en ne faisant pas de mal, je fais ce que je veux.

583.13

– Et quand le Maître ne sera plus là ? demande Jeanne.

– Il restera ses disciples. Plautina, Lydia, Claudia elle-même qui, après moi, est celle qui suit de plus près ta doctrine et t’honore davantage, n’ont pas encore compris que je ne suis plus la femme qu’elles connaissaient et croient connaître encore. Mais je suis sûre de me connaître moi-même désormais. J’irai jusqu’à dire que, si je perds beaucoup en perdant le Maître, je ne perdrai pas tout, car ma foi restera ; or je veux rester là où elle est née. Je ne veux pas emmener Fausta dans des contrées où rien ne parle de toi. C’est ici que tout parle de toi. D’ailleurs, tu ne nous laisseras sûrement pas sans guide, nous qui avons voulu te suivre. Pourquoi est-ce à moi, une femme issue d’une nation païenne, d’avoir ces pensées alors que plusieurs d’entre vous, et toi-même, vous êtes comme perdues en pensant au jour où le Maître ne sera plus parmi nous ?

– C’est qu’elles se sont accoutumées à des siècles d’immobilisme, Valéria. Elles se représentent le Très-Haut au loin, dans sa maison, au-dessus de l’autel invisible que seul le grand-prêtre voit à des occasions solennelles. Cela les a aidées à venir vers moi. Elles pouvaient enfin s’approcher du Seigneur. Aujourd’hui, elles tremblent de ne plus avoir ni le Très-Haut dans sa gloire, ni le Verbe du Père parmi elles. Mais il faut excuser… Et t’élever spirituellement, Jeanne. Je serai en vous. Rappelle-le-toi. Je m’en irai, mais je ne vous laisserai pas orphelins. Je vous laisserai ma maison : mon Eglise, et ma parole : la Bonne Nouvelle. Mon amour habitera dans vos cœurs. Enfin, je vous laisserai un don plus grand qui vous nourrira de moi, et fera en sorte que je sois parmi vous et en vous — et pas seulement spirituellement. Je le ferai pour vous donner force et réconfort.

583.14

Mais maintenant… Anne est très affligée, à cause des enfants…

– Elle nous en a parlé avec angoisse…

– Oui. Je lui ai conseillé de les garder loin des gens. Je vous dis la même chose à vous deux.

– J’enverrai Fausta avec Tusnilde à Béther, avant le temps fixé. Elles devaient s’y rendre après la fête.

– Moi, non. Je ne me sépare pas des enfants. Je les garderai à la maison, mais je dirai à Anne d’y laisser les siens. Les fils de cette femme sont de tristes sires, mais ils seront honorés de mon invitation et ne contrediront pas leur mère. Quant à moi…

– Moi, je voudrais…

– Quoi, Maître ?

– Que vous soyez toutes très unies en ces jours. Je garderai avec moi la sœur de ma Mère, Salomé, Suzanne et les sœurs de Lazare. Mais je voudrais vous voir unies, très unies.

– Mais ne pourrons-nous pas te rejoindre là où tu seras ?

– Ces jours-ci, je serai comme un éclair qui brille rapidement et disparaît. Je monterai au Temple le matin, puis je quitterai la ville. En dehors de ce passage au Temple, chaque matin, vous ne pourrez me rencontrer.

– L’an dernier, tu es venu chez moi…

– Cette année, je ne me rendrai chez personne. Je serai un éclair fulgurant…

– Mais la Pâque…

– Je désire la consommer avec mes apôtres, Jeanne. Si c’est la volonté de ton Maître, il a certainement une bonne raison.

– C’est vrai…

583.15

Je serai donc seule… car mes frères m’ont fait savoir qu’ils souhaitaient être libres pendant ces jours, et Kouza…

– Maître, je m’en vais. Il pleut à verse. Je vais trouver les enfants qui se sont rassemblés sous le portique, intervient Valéria, qui se retire prudemment.

– Dans ton cœur aussi, il pleut bien fort, Jeanne.

– C’est vrai, Maître. Kouza est tellement… étrange. Je ne le comprends plus. C’est une contradiction continuelle. Peut-être a-t-il des amis qui l’influencent… peut-être lui a-t-on fait quelque menace… ou encore, il craint pour l’avenir.

– Il n’est pas le seul. Je puis même dire que rares sont ceux qui, comme moi, ne craignent pas le lendemain. Ils sont éparpillés çà et là, et ils seront de moins en moins nombreux. Sois très douce et très patiente avec lui. Ce n’est qu’un homme…

– Mais il a tant reçu de Dieu, de toi, qu’il devrait…

– Qu’il devrait ! Oui. Mais qui n’a pas reçu de moi en Israël ? J’ai fait du bien à mes amis et à mes ennemis, j’ai pardonné, guéri, consolé, instruit… Tu vois, et tu verras toujours plus, comme Dieu seul est immuable, comme les réactions des hommes sont diverses, et comme souvent celui qui a reçu le plus est aussi le plus prompt à frapper son bienfaiteur. Vraiment, on pourra dire[6] que celui qui a mangé mon pain en ma compagnie, a levé contre moi son talon.

– Ce n’est pas moi qui ferai cela, Maître !

– Toi, non. Mais beaucoup, oui.

– Mon époux est-il l’un d’eux ? Si c’était le cas, je ne rentrerai pas chez moi ce soir !

– Non, pas ce soir. Mais même s’il faisait partie de leur groupe, ta place est là-bas. Car si lui pèche, toi, tu ne dois pas pécher. S’il chancelle, tu dois le soutenir. S’il te piétine, tu dois pardonner.

– Oh ! me piétiner, non ! Il m’aime, mais je le voudrais plus sûr de lui. Il a beaucoup d’influence sur Hérode. Je voudrais qu’il arrache au Tétrarque une promesse en ta faveur, comme Claudia essaie d’en obtenir une de Pilate. Mais Kouza a seulement pu me rapporter de vagues phrases d’Hérode… et m’assurer que celui-ci n’a que le désir de te voir accomplir quelque prodige, et qu’il ne te persécutera pas… Il espère de cette façon faire taire ses remords au sujet de Jean-Baptiste. Kouza dit : “ Mon roi ne cesse de répéter : ‘Même si le Ciel le commandait, je ne lèverais pas la main sur lui. J’ai trop peur !’ ”

– Il dit vrai. Il ne lèvera pas la main sur moi. Beaucoup en Israël ne le feront pas, par peur de me condamner matériellement, mais ils demanderont que d’autres s’en chargent à leur place. Comme s’il y avait une différence aux yeux de Dieu entre celui qui frappe sous la pression du peuple, et celui qui ordonne de frapper !

– Mais le peuple t’aime ! De grandes fêtes se préparent pour toi. Et Pilate ne veut pas de désordre. Il a renforcé les troupes, ces jours-ci. J’espère tant que… Je ne sais pas ce que j’espère, Seigneur… J’espère et désespère… Ma pensée est changeante comme ces jours où le soleil alterne avec la pluie…

– Prie, Jeanne, et reste en paix. Ne cesse pas de penser que tu n’as jamais causé la moindre peine à ton Maître, et qu’il s’en souvient. Va. »

Jeanne, qui est devenue pâle et s’est amaigrie pendant ces quelques jours, sort toute pensive.

583.16

C’est alors le doux visage d’Annalia qui apparaît.

« Avance. Ta compagne, où est-elle ?

– A côté, Seigneur. Elle veut s’en aller, elles vont partir. Marthe a compris mon désir, et elle me garde jusqu’au coucher du soleil de demain. Sarah retourne à la maison pour avertir que je reste. Elle voudrait ta bénédiction, car… Mais je te parlerai ensuite.

– Qu’elle vienne, je la bénirai. »

La jeune fille sort pour revenir avec sa compagne, qui se prosterne devant le Seigneur.

« Que la paix soit avec toi, et que la grâce du Seigneur te conduise sur les sentiers où t’a menée celle qui t’a précédée. Sois affectueuse envers sa mère, et bénis le Ciel qui t’a épargné les liens et les souffrances afin de t’avoir tout entière pour lui. Un jour, plus que maintenant, tu le béniras d’être restée vierge par ta volonté. Va ! »

La jeune fille repart, tout émue.

« Tu lui as dit ce qu’elle espérait entendre. Ces paroles étaient son rêve. Sarah me confiait souvent : “ Ta destinée me plaît, bien qu’elle soit nouvelle en Israël, et je la désire pour moi aussi. N’ayant plus de père, et ma mère étant douce comme une colombe, je ne crains pas de ne pouvoir la suivre. Mais pour être certaine de pouvoir l’accomplir, et afin qu’elle soit sainte pour moi comme elle l’est pour toi, je voudrais l’entendre de sa bouche. ” Son souhait vient d’être exaucé, et moi aussi, je suis en paix, car je craignais parfois d’avoir exalté un cœur…

– Depuis quand est-elle avec toi ?

– Depuis…

583.17

Quand l’ordre du Sanhédrin est arrivé, j’ai pensé : “ L’heure du Seigneur est venue, et je dois me préparer à mourir. ” Car je te l’ai demandé[7], Seigneur… Et maintenant je te le rappelle… Si tu vas au sacrifice, je veux t’y accompagner, et être hostie.

– Ce désir est-il toujours ferme ?

– Oui, Maître. Je ne pourrais pas vivre dans un monde où tu ne serais pas… et je ne pourrais survivre à ta torture. J’ai tellement peur pour toi ! Beaucoup d’entre nous se font des illusions… Pas moi ! Je sens que l’heure est venue. Il y a trop de haine… Et j’espère que tu accepteras mon offrande. Je n’ai que ma vie à te donner, car je suis pauvre, tu le sais. Ma vie et ma pureté. C’est pour cela que j’ai persuadé ma mère d’appeler sa sœur auprès d’elle, afin qu’elle ne reste pas seule… Sarah sera sa fille à ma place, et la mère de Sarah sera pour elle un réconfort.

Ne déçois pas mon cœur, Seigneur ! Le monde n’a aucun attrait pour moi. C’est pour moi une prison où beaucoup de choses me répugnent fortement. C’est peut-être parce que j’ai été au seuil de la mort, que j’ai compris comment ce qui, pour beaucoup, représente la joie, n’est qu’un vide qui ne rassasie pas. Je suis absolument certaine de ne désirer que le sacrifice… et de vouloir te précéder… pour ne pas voir la haine du monde lancée comme une arme de torture sur mon Seigneur, et pour te ressembler dans la souffrance…

– Dans ce cas, nous déposerons le lys coupé sur l’autel où s’immole l’Agneau, et il deviendra rouge du sang rédempteur. Les anges seront seuls à savoir que l’Amour a été le sacrificateur d’une agnelle toute blanche, et ils marqueront le nom de la première victime de l’Amour, de la première continuatrice du Christ.

– Quand, Seigneur ?

– Tiens ta lampe allumée[8] et reste en vêtements de noces.

L’Epoux est à la porte. Tu verras son triomphe et non sa mort, mais tu triompheras avec lui en entrant dans son Royaume.

– Ah ! je suis la femme la plus heureuse d’Israël ! Je suis la reine couronnée de ton diadème ! Puis-je, comme telle, te demander une grâce ?

– Laquelle ?

– J’ai aimé un homme, tu le sais. Je ne l’ai plus aimé comme époux, car un amour plus grand est entré en moi, et dès lors cet homme ne m’a plus aimée, parce que… Mais je ne veux pas rappeler son passé. Je te demande de racheter ce cœur. Le puis-je ? Ce n’est pas pécher que de vouloir me souvenir, au moment où j’arrive au seuil de la Vie, de celui que j’aimais, pour lui obtenir la vie éternelle, n’est-ce pas ?

– Ce n’est pas pécher. Bien au contraire, c’est porter l’amour jusqu’au terme saint du sacrifice, pour le bien de l’être aimé.

– Alors bénis-moi, Maître. Absous-moi de tout mon péché. Prépare-moi pour les noces et pour ta venue. Car c’est toi qui viens, mon Dieu, pour prendre ta pauvre servante et en faire ton épouse. »

La jeune femme, radieuse de joie et de santé, s’incline pour baiser les pieds du Maître, pendant qu’il la bénit en priant sur elle. La salle, blanche comme si elle était toute de lys, est vraiment le cadre qui convient pour ce rite, et il s’harmonise bien avec ses deux protagonistes, jeunes, beaux, tout de blanc vêtus, dans la splendeur d’un amour angélique et divin.

583.18

Jésus quitte la jeune fille remplie d’allégresse, et il sort doucement pour aller bénir les enfants, qui se précipitent avec des cris de joie vers le char, où ils montent avec les femmes qui s’en vont. Elise et Nikê restent, pour reconduire Annalia en ville le lendemain. Il a cessé de pleuvoir et, une fois les nuages dispersés, le ciel bleu apparaît, et les rayons du soleil rendent étincelantes de lumière les gouttes de pluie. Un magnifique arc-en-ciel unit Béthanie à Jérusalem. Le char part en grinçant, sort par le portail et disparaît.

Lazare, qui se tient à côté de Jésus, au bout du porche, demande en observant le Maître :

« Les disciples t’ont-elles réjoui le cœur ?

– Non, Lazare. A l’exception de l’une d’elles, elles m’ont toutes confié leurs douleurs, et m’ont déçu, si du moins je pouvais me faire des illusions.

– Ce sont les Romaines qui t’ont déçu ? T’ont-elles parlé de Pilate ?

– Non.

– Dans ce cas, il me faut le faire. J’espérais qu’elles t’en parleraient. C’est pour cela que j’avais attendu. Entrons dans cette pièce isolée. Les femmes vaquent à leurs travaux avec Marthe. Marie, de son côté, est avec ta Mère dans l’autre maison. Ta Mère est longuement restée avec Judas, et maintenant elle l’a emmené avec elle… Assieds-toi, Maître…

583.19

Je suis allé chez le Proconsul… Je l’avais promis, et je l’ai fait. Mais Simon-Pierre ne serait pas très satisfait de ma mission ! Heureusement, il n’y pense plus. Le Proconsul m’a écouté et m’a répondu : “ Moi ? Moi, m’en occuper ? Mais je n’ai pas l’ombre de la plus lointaine pensée de le faire ! Je dis seulement ceci : ce n’est pas à cause de cet homme — de toi, Maître —, mais en raison de tous les ennuis qu’il me procure, que je suis bien décidé à ne plus m’en occuper, ni en bien ni en mal. Je m’en lave les mains. Je renforcerai la garde, car je ne veux pas de désordres. De cette façon, je satisferai César, mon épouse et moi-même, c’est-à-dire les seuls dont je me préoccupe d’une manière sacrée. Pour le reste, je ne lèverai pas le petit doigt. Ce sont encore des querelles de ces éternels mécontents. Ce sont eux qui les provoquent, eux qui y prennent plaisir. Moi, j’ignore cet homme aussi bien comme malfaiteur que comme vertueux ou comme sage. Je l’ignore, et je veux continuer à l’ignorer. Pourtant, malgré mon désir, je n’y arrive que difficilement, car les chefs d’Israël m’en parlent en se plaignant, Claudia en faisant son éloge, et les partisans du Galiléen en récriminant contre le Sanhédrin. Si ce n’était pas pour Claudia, je le ferais arrêter et je le leur livrerais pour qu’ils en finissent avec cette affaire, et que je n’en entende plus parler. Cet homme est le sujet le plus paisible de tout l’Empire, mais malgré cela, il m’a procuré tant d’ennuis que je voudrais une solution… ” Voilà quelle est son humeur, Maître…

– Tu veux dire qu’il n’y a pas lieu de se rassurer. Avec les hommes, on n’est jamais sûr…

– J’ai néanmoins l’impression que le Sanhédrin est plus calme. On n’a pas rappelé l’ordre d’arrestation, les disciples n’ont pas été importunés. D’ici peu, ceux qui sont allés en ville vont revenir et ils nous informeront… Te contredire, les membres du Sanhédrin le feront toujours. Mais t’attaquer ?… Les foules t’aiment trop pour pouvoir les défier imprudemment.

583.20

– Et si nous marchions à la rencontre de ceux qui reviennent ? propose Jésus.

– Allons-y. »

Ils sortent dans le jardin et sont à mi-route quand Lazare demande :

« J’y pense, quand as-tu dîné ? Et où ?

– A prime.

– Mais le soleil va bientôt se coucher. Rentrons.

– Non, je n’en sens pas le besoin. Je préfère marcher. J’aperçois là-bas un pauvre enfant agrippé à la grille. Il a probablement faim. Il est pâle et déguenillé. Je l’observe depuis un moment. Il était déjà là quand le char est sorti, et il s’est enfui pour n’être pas vu et peut-être chassé. Puis il est revenu, et il regarde avec insistance vers la maison et vers nous.

– S’il a faim, il serait bon que j’aille chercher de quoi le nourrir. Va devant, Maître. Je te rejoins tout de suite. »

Et Lazare retourne sur ses pas en courant pendant que Jésus se hâte vers la grille.

583.21

L’enfant a un visage souffreteux et ingrat, où seuls brillent de beaux yeux vifs qui le regardent.

Jésus lui sourit doucement et lui dit, tout en poussant le verrou :

« Qui cherches-tu, mon enfant ?

– Tu es le Seigneur Jésus ?

– Je le suis.

– C’est toi que je cherche.

– Qui t’envoie ?

– Personne. Mais je veux te parler. Il y a plein de monde qui vient te parler. Moi aussi. Tu en exauces tant ! Alors, moi aussi. »

Jésus a fait jouer la fermeture et il prie l’enfant de lâcher les barres qu’il serre entre ses mains décharnées afin de pouvoir ouvrir. Le garçon s’écarte et, par ce geste, il remue son petit vêtement déteint sur son corps déformé. On voit alors que c’est un pauvre enfant rachitique, à la tête enfoncée dans les épaules à cause d’un commencement de gibbosité, et aux jambes écartées par une démarche mal assurée. Vraiment un petit malheureux. Il est peut-être plus âgé que ne le laisse penser sa taille, qui est celle d’un enfant de six ans environ, alors que son petit visage est déjà celui d’un homme, un peu fané, avec le menton proéminent, presque le visage d’un vieillard.

Jésus se penche pour le caresser :

« Dis-moi donc ce que tu veux. Je suis ton ami. Je suis l’ami de tous les enfants. »

Avec quelle affectueuse douceur Jésus prend dans ses mains sa tête et dépose un baiser sur son front !

« Je le sais, c’est pour ça que je suis venu. Tu vois comme je suis ? Je voudrais mourir pour ne plus souffrir et pour ne plus appartenir à personne… Toi, qui en as tant guéri et qui as ressuscité des morts, fais-moi mourir, moi que personne n’aime et qui ne pourrai jamais travailler.

583.22

– N’as-tu pas quelque famille ? Es-tu orphelin ?

– Un père, oui, j’en ai un. Mais il ne m’aime pas, parce que je suis comme ça. Il a chassé ma mère et lui a donné un libelle de divorce, et il m’a chassé avec elle. Puis maman est morte à cause de moi, parce que je suis difforme.

– Mais avec qui vis-tu ?

– A la mort de maman, les serviteurs m’ont reconduit chez mon père, mais lui, qui s’est marié de nouveau et a de beaux enfants, m’a chassé. Il m’a donné à ses paysans, qui agissent comme leur maître pour lui plaire, et ils me font souffrir.

– Ils te frappent ?

– Non. Mais ils prennent plus soin des bêtes que de moi, et ils me méprisent. Et comme je suis souvent malade, je suis pour eux une source d’ennui. Je deviens de plus en plus difforme, alors leurs enfants se moquent de moi et me font tomber. Personne ne m’aime. Cet hiver, quand j’ai tant toussé qu’il me fallait des remèdes, mon père n’a rien voulu dépenser : il disait que ce que je pouvais faire de mieux, c’était de mourir. Depuis ce moment-là, je t’attends pour pourvoir te demander : “ Fais-moi mourir ”. »

Jésus le prend à son cou, sourd aux paroles de l’enfant qui lui dit :

« Mes pieds sont pleins de boue, et mon vêtement aussi, car je me suis assis en route. Je vais te salir.

– Tu viens de loin ?

– Des alentours de Jérusalem, car c’est là qu’habite celui qui me garde. J’ai vu passer tes apôtres. Je sais que ce sont eux, car les paysans ont commenté : “ Voilà les disciples du Rabbi galiléen. Mais lui, il est absent. ” Alors je suis venu.

– Tu es trempé, mon enfant. Pauvre garçon ! Tu vas de nouveau tomber malade.

– Si tu ne m’écoutes pas, qu’au moins la maladie me fasse mourir. Où m’emmènes-tu ?

– A la maison. Tu ne peux rester ainsi. »

583.23

Portant dans ses bras l’enfant, Jésus rentre dans le jardin. Il crie à Lazare, qui arrive :

« Referme le portail toi-même. J’ai ce gamin tout trempé dans les bras.

– Mais qui est-ce, Maître ?

– Je ne sais pas. J’ignore même son nom.

– D’ailleurs, je ne le dis pas, reprend le garçonnet. Je ne veux pas être reconnu. Je veux ce dont je t’ai parlé. Maman me confiait : “ Mon fils, mon pauvre fils, moi je meurs, mais je voudrais que tu meures avec moi, car là-haut tu ne serais plus difforme au point de souffrir dans tes os et dans ton cœur. Là-haut, on ne se moque pas de ceux qui naissent malheureux, car Dieu est bon pour les innocents et les malheureux. ” Tu m’envoies chez Dieu ?

– L’enfant veut mourir. C’est une triste histoire… »

Lazare, qui regarde fixement le petit garçon, s’exclame soudain :

« Mais ne serais-tu pas le petit-fils de Nahum[9] ? N’est-ce pas toi qui restes assis au soleil, près du sycomore qui se trouve à la limite des oliviers de Nahum, et que ton père a confié à Josias, le gérant de son domaine ?

– C’est bien moi. Mais pourquoi l’as-tu révélé ?

– Mon pauvre enfant ! Ce n’est pas pour me moquer de toi. Maître, le sort d’un chien en Israël est moins triste que celui de cet enfant. S’il ne retournait plus à la maison d’où il est venu, personne ne partirait à sa recherche. Les serviteurs comme les maîtres sont des hyènes au cœur féroce. Joseph connaît bien l’histoire… Elle a fait grand bruit. Mais moi, à ce moment-là, j’étais tellement affligé à cause de Marie… Ensuite, après la mort de sa malheureuse épouse, ce garçon est venu chez Josias. Je le voyais en passant… On l’oubliait sur l’aire, au soleil ou au vent, car il a su marcher très tard… et toujours bien peu. Je ne sais pas comment, aujourd’hui, il a pu venir jusqu’ici. Qui sait depuis combien de temps il est en route !

– Depuis que Pierre est passé par là.

– Et maintenant, qu’en faisons-nous ?

– Moi, je ne retourne pas là-bas ! Je veux mourir, m’en aller. Grâce et pitié pour moi, Seigneur ! »

583.24

Une fois dans la maison, Lazare hèle un serviteur pour qu’il apporte une couverture et envoie Noémi pour soigner l’enfant, qui est livide de froid dans ses vêtements trempés.

« C’est le fils de l’un de tes ennemis les plus acharnés ! L’un des plus mauvais en Israël. Quel âge as-tu, mon enfant ?

– Dix ans.

– Dix ans ! Dix ans de souffrance !

– Et c’est assez ! » s’exclame Jésus en posant l’enfant par terre.

Il est bien difforme ! L’épaule droite est plus haute que la gauche, la poitrine ressort excessivement, le cou étroit s’enfonce dans les clavicules, les jambes sont torses…

Jésus le regarde avec pitié, pendant que Noémi le déshabille et l’essuie, avant de l’envelopper dans une chaude couverture. Lazare aussi l’observe avec commisération.

« Je vais le coucher dans mon lit, Seigneur, après lui avoir donné du lait chaud, dit Noémi.

– Mais tu ne me fais pas mourir ? Aie pitié de moi ! Pourquoi me laisser vivre pour être ainsi et tant souffrir ? » et il achève : « J’avais espéré en toi, Seigneur. »

On sent dans sa voix un reproche, une déception.

« Sois gentil, obéis, et le Ciel te consolera » répond Jésus

Et il se penche pour passer sa main sur les pauvres membres déformés en un geste de caresse.

« Porte-le au lit et veille-le. Ensuite… on pourvoira. »

On emmène l’enfant, en larmes.

« Et ce sont ces gens-là qui se croient saints ! » s’écrie Lazare en pensant à Nahum.

583.25

On entend Pierre qui appelle son Maître…

« Oh ! Maître ! Tu es ici ? Tout va bien. Pas d’ennuis. Beaucoup de calme, au contraire. Au Temple, personne ne nous a dérangés. Jean a eu de bonnes nouvelles. On laisse les disciples en paix. Les gens t’attendent joyeusement. Je suis content. Et toi, Maître, qu’as-tu fait ? »

Ils s’éloignent en devisant, tandis que Lazare se rend là où Maximin l’appelle.

583.1

The beautiful hall – one of those used for banquets, with its white walls and ceiling, its heavy white curtains, the white tapestry covering seats and the sheets of mica or alabaster as window panes and skylights – is full of the chatter of the women. Some fifteen women talking to one another is no small thing. But as soon as Jesus appears at the door, moving the heavy curtain aside, there is dead silence while they all stand up and bow with the utmost respect.

«Peace to all of you» says Jesus with a kind smile… Of the storm of grief that has just subsided there is no trace on His face, which is clear, bright, peaceful, as if nothing grievous had happened or were about to happen with His full knowledge.

«Peace to You, Master. We have come. You sent word: “with as many women as there are with Johanna”, and I obeyed You. Eliza was staying with me. I have kept her with me these days. And also this woman, who says is Your follower, was with me. She had come looking for You, because it is well known that I am Your happy disciple. And Valeria also is with me in my house since I came to my mansion. With Valeria there was Plautina, who had come to visit her. And this woman was with them. Valeria will speak to You about her. Annaleah came later, when she heard of Your wish, with this young girl, who I think is a relative of hers. We arranged to come and we did not forget Nike. It is so beautiful to feel that we are all sisters in one faith only in You… And to hope that also those who are still only at a natural love for the Master may rise higher, as Valeria did» says Johanna looking stealthily at Plautina who… has remained at the natural love…

«Diamonds form slowly, Johanna. Ages of hidden fire are required… One must not be in a hurry, never… And one must never lose heart, Johanna…»

«And when a diamond becomes… ashes again?»

«It is an indication that it was not yet a perfect diamond. Patience and fire are still required. One has to start all over again, hoping in the Lord. What appears to be a failure the first time often becomes a triumph the second time.»

«Or the third or the fourth time, and even more.

583.2

I was a failure many times, but at last You triumphed, Rabboni!» says Mary of Magdala in her harmonious voice from the end of the hall.

«Mary is happy every time she can humble herself by remembering her past…» says with a sigh Martha, who would like that remembrance cancelled in every heart.

«Truly, sister, it is so! I am happy remembering my past. But not to humble myself, as you say, but to rise higher, urged by the memory of the evil done and by gratitude to Him Who saved me. And also so that whoever hesitates for himself or for some person dear to him may pluck up courage and arrive at that faith that my Master says would be able to shift mountains.»

«And you have it! You blessed woman! You do not know what fear is…» says with a sigh Johanna who is so meek and timid, and she appears to be even more so if one compares her with the Magdalene.

«No, I do not know what fear is. It has never been in my human nature. Now that I belong to my Saviour, I am not even aware of it in my spiritual nature. Everything has served to increase my faith. Can one who was revived as I was and who saw one’s brother rise from the dead, be in doubt about anything? Nothing will ever make me doubt again.»

«As long as God is with you, that is, the Rabbi is with you…

583.3

But He says that He will soon leave us. What will our faith then be? That is, your faith, because I have not yet gone beyond human frontiers…» says Plautina.

«His material presence or absence will not impair my faith. I will not be afraid. I am not being proud. I know myself. If the threats of the Sanhedrin should come true… I will not be afraid…»

«You will not be afraid of what? That the Just One is just? I shall not be afraid of that either. We believe that of many wise people whose wisdom we enjoy, I should say that we nourish ourselves with the life of their thought, ages after their death. But if you…» says Plautina insistently.

«I will not even fear for His death. Life cannot die. Lazarus, who was a poor man, rose from the dead…»

«He did not rise by himself, but because the Master evoked his spirit from the beyond. A deed that only the Master can accomplish. But who will evoke the Master’s spirit, if the Master is killed?»

«Who? He. That is, God. God made Himself by Himself, God can raise Himself by Himself.»

«God… yes… according to your faith God made Himself by Himself. It is already difficult for us to admit that, as we know that one god descends from another through divine love.»

«Through obscene unreal love affairs, you should say» says Mary of Magdala rashly, interrupting her.

«As you wish…» says Plautina in a conciliatory tone, and is about to end her sentence, but Mary of Magdala precedes her once again and says: «But the Man, you mean, cannot raise Himself by Himself. But as He made himself Man by Himself, because nothing is impossible to the Saint of Saints, so He will by Himself order Himself to rise from the dead. You cannot understand. You do not know the figures of our history of Israel. He and His wonders are in them. And everything will take place as it was stated.

583.4

I believe in advance, Lord. I believe everything. That You are the Son of God and the Son of the Virgin, that You are the Lamb of salvation, that You are the Most Holy Messiah, that You are the universal Redeemer and King, that Your Kingdom will have no end or boundary, and finally that death will not prevail over You, because life and death were created by God and are subject to Him like all other things. I believe. And if deep will be my sorrow at seeing You disregarded and despised, greater will be my faith in Your eternal Being. I believe. I believe in everything that has been said about You. I believe in everything You say. I believed also with regards to Lazarus, I was the only one who obeyed and believed, the only one who reacted against those men and those situations that wanted to persuade me not to believe. Only at the end, towards the end of the trial, I became confused… But the trial had lasted so long… and I thought that not even You, blessed Master, could approach the golal after so many days from his death… Now… I would not doubt any more even if, instead of days, a sepulchre were to be opened to give back its prey after it had been in its belly for months. Oh! my Lord! I know who You are! Filth has recognised the Star!» Mary has squatted at His feet, on the marble floor, no longer vehement, but meek, with an expression of adoration on her face raised towards Jesus.

«Who am I?»

«He Who is. That is what You are. The other part, the human person, is the garment, the necessary garment that has been put on Your brightness and Your holiness, so that it might come among us to save us. But You are God, my God.» And she throws herself on the floor kissing Jesus’ feet, and she seems to be unable to remove her lips from the toes protruding from the long linen tunic. «Stand up, Mary. Always hold on fast to your faith. And raise it like a star in stormy hours so that hearts may stare at it and may hope, at least that…»

583.5

He then turns around to all the women disciples and says: «I sent for you because during the next days we shall not be able to be together very often and in peace. The world will be around us. And the secrets of hearts are more modest than the secrets of bodies. Today I am not the Master. I am the Friend. Not all of you have hopes or fears to tell Me. But you all liked to see Me once again in peace.

And I sent for you, you cream of Israel and of the new Kingdom, and you, cream of the Gentiles, who are leaving the place of darkness to enter Life. Keep this in your hearts for the following days: that the honour given by you to the persecuted King of Israel, to the accused Innocent, to the Master Who is not listened to, mitigates My sorrow.

I ask you to be closely united, you of Israel, you who have come to Israel, you who are coming towards Israel. Assist one another. Let those whose spirits are stronger help the weaker ones. And let the wiser ones succour those who know little or nothing at all, and are only craving for fresh wisdom, so that their human desire may evolve into a supernatural desire of Truth, through the care of their more advanced sisters. Be merciful to one another. Let those, whom ages of divine law have formed in justice, be indulgent to those whom Gentilism has brought up… differently. Moral habits cannot be changed between today and tomorrow but in exceptional cases, when a divine power intervenes to work the change in order to favour a very goodwill. Do not be surprised if in the disciples coming from other religions you notice standstills and returns to the old ways. Bear in mind Israel herself in her behaviour towards Me, and do not expect from the Gentile ladies the docility and virtue that Israel was not able to have and did not want to have towards the Master. Consider yourselves sisters, sisters that destiny has gathered around Me, in this last period of My mortal life… Do not weep! And it has gathered you taking you from different places, thus with different languages and habits, which make it rather difficult to understand one another from a human point of view. But, really, love has one language only, which is this: to do what the beloved one teaches and do it to give him honour and joy. Thus you can all understand one another and let those who understand more help the others to understand.

583.6

Then… in future, in a more or less remote future and under different circumstances, you will be separated again through the regions of the Earth, and some will go back to their native countries, and some will go into an exile that will not be hard to bear, because those who will undergo the trial will already have reached that perfection of truth, that will make them understand that the exile from the true Fatherland does not consist in being led here or there. Because Heaven is the true Fatherland. Because those who are in the truth are in God and have God within themselves. They are already in the Kingdom of God, and the Kingdom of God knows no frontiers and those who from Jerusalem are taken, for instance, to Iberia, or to Pannonia, or to Gaul, or to Illyria, do not leave that Kingdom. You will always be in the Kingdom if you always remain in Jesus, or if you come to Jesus. I have come to gather all the sheep. Those of the paternal flock, those belonging to other people, and also those without any shepherd, the wild ones, the ones that are more lost than wild, sunken into such obscure darkness as not to allow them to see not even a iota, not only of divine law but also of moral law. Unknown people who are expecting to become known in the hour destined by God for that, and who will then be part of the flock of Christ. When? Oh! years and ages are alike when compared with the Eternal! But you will anticipate those who will go with future Sheperds to gather wild sheep and lambs in Christian love in order to lead them to divine pastures. And let these places be your first proving ground.

583.7

The young swallow that raises its wings to fly does not throw itself into great adventures all at once. It tries to fly first from the eaves gutter to the vine shading the terrace. Then it goes back to its nest and it dashes once again to the terrace beyond its own, and goes back. And then again farther away… until it feels the nerves of its wings become strong and its bearings safe, then it plays with wind and space and it goes and comes twittering, chasing insects, skimming waters, rising towards the sun, until at the right time it safely opens its wings for the long flight towards warmer zones rich in new food. And although it is so small, it is not afraid to fly across seas, a spot of burnished steel lost between the two blue immensities of sea and sky, a spot moving on fearlessly, whereas previously it was afraid of the short flight from the eaves gutter to the leafy vine-shoot, a nervous perfect body that cleaves the air like an arrow and it is not known whether it is the air that lovingly carries this little king of the air, or it is the little king of the air that lovingly furrows its domains. Seeing its safe flying that exploits winds and atmospheric density to go faster, who would think of its first clumsy fluttering frightened flight? The same will become of you. Let it become so of you. Of you and of all the souls that will imitate you. One does not become skilful all of a sudden. One must not feel disheartened because of the first defeats, or proud because of the first victories. The first defeats serve to do better the next time. The first victories serve as spur to do even better in future and to convince one that God helps good wills.

583.8

Be always subject to the Shepherds with regards to what is obedience to their advice and orders. Be always like sisters to them with regards to what is help in their mission and support in their work. Tell also those who are not here today. Tell those who will come in future.

And now and always be like daughters to My Mother. She will guide you in everything.

She can guide girls as well as widows, wives as well as mothers, as She has become aware of all the consequences of every condition through Her own experience as well as through supernatural wisdom. Love one another and love Me in Mary. You will never fail because She is the Tree of Life, the living Ark of God, the form of God in Whom Wisdom made Its Seat and Grace became Flesh.

583.9

And now that I have spoken to you in general, now that I have seen you all, I wish to listen to My women disciples and to those who are the hope of future women disciples.

Go. I am staying here. Let those who wish to speak to Me come to Me. Because never again shall we have a moment of inner peace as the present one.»

The women consult with one another. Eliza goes out with Mary and Mary Clopas. Mary of Lazarus listens to Plautina who wishes to convince her of something, but Mary does not seem to agree, as she shakes her head resolutely in denial and then goes away leaving her interlocutress, and when passing by she takes her sister and Susanna with her saying: «We shall have time to speak to Him. Let us leave these disciples with Him, as they have to go away.»

«Come, Sarah. We shall come last» says Annaleah.

583.10

They all go out slowly with the exception of Mary Salome who remains undecided at the door.

«Come here, Mary. Close the door and come here. What are you afraid of?» Jesus says to her.

«The fact is… that I am always with You. Did You hear Mary of Lazarus?»

«I did. But come here. You are the mother of my first disciples[1]. What do you want to tell Me?»

The woman approaches Him with the slowness of a person that has something great to ask and does not know whether he can do it.

Jesus encourages her with a smile and saying: «What? Are you going to ask Me for a third place for Zebedee? But he is wise. He certainly did not send you to tell me that! So speak up…»

«Ah! Lord! It is just of that place that I wanted to speak to You. You… speak in a way…

As if You were about to leave us. And before doing that I would like You to tell me that You have really forgiven me. I have no peace thinking that I disgusted You.»

«Are you still thinking of that? Do you not think that I love you as much as before and more than before.»

«Oh! yes, Lord. But do tell me the word of forgiveness, that I may tell my husband how good You have been to me.»

«But there is no need for you, woman, to tell a fault that has been forgiven.»

«Of course I will tell him! Because, see? Zebedee, seeing how much You love his sons, may fall into the same sin as mine and… if You leave us, who would absolve him? I would like all of us to enter Your Kingdom. Also my man. And I do not think that I am being unjust by wishing this. I am a poor woman and I know nothing about books. But when Your Mother reads or tells us women passages of the Scriptures, She often speaks of the chosen women of Israel or of passages that refer to us. And in the Proverbs, that I like so much, it is stated[2] that the heart of the husband has confidence in his strong wife.

I think that it is right that a woman should give such confidence to her husband, also with regard to celestial matters. If I procure a safe place for him in Heaven, preventing him from sinning, I think I do a good thing.»

«Of course, Salome. You have really opened your mouth to words of wisdom and there is the law of goodness on your tongue. Go in peace. You have more than My forgiveness. Your sons, according to the book that you like so much, will proclaim you blessed, and your husband will sing your praises in the Fatherland of the just. Go tranquilly. Go in peace. Be happy.» He blesses and dismisses her.

Salome goes away joyfully.

583.11

Old Anne of the house near Merom goes in holding by the hands two little boys and with a shy pale little girl following her with lowered head, and already acting as a little mother guiding a little boy who can hardly walk.

«Oh! Anne! So you also wish to speak to Me? And your husband?»

«He is ill, Lord. Ill. Very ill. I am afraid I shall not see him alive again…» Tears stream down her senile wrinkled face.

«And you are here?»

«Yes, I am here. He said: “I cannot go. You may go for Passover and see our sons…”.» Her weeping increases and prevents her from speaking.

«Why are you weeping thus, woman? Your husband was right in saying: “Ensure that our sons are not against the Christ for their eternal peace.” Judas is a just man. He worries more about the welfare of his sons than about his own life and the comfort it would receive from your care. In the hours preceding the death of the just, the veils are lifted and the eyes of the spirit see the Truth. But your sons do not listen to you, woman. And what can I do if they reject Me?»

«Do not hate them, Lord!»

«Why should I? I will pray for them. And I will impose My hands on these children, who are innocent, to keep away from them the hatred that kills. Come to Me. What is your name?»

«Judas, like my father’s father» says the biggest boy, and the smallest one, who is held by the hand by his sister, hops and shouts: «I, I, Judas!»

«Yes, they have honoured their father when giving names to their children. But not in other matters…» says the old woman.

«His virtues will revive in these children. Little girl, come here as well. Be as good and wise as the woman who brought you here.»

«Oh! Mary is good. As I do not want to be alone, I will take her to Galilee with me.»

Jesus blesses the children resting His hand for some time on the head of the little girl who is good. He then asks: «Are you not asking anything for yourself, Anne?»

«That I may find my Judas alive and that I may have the strength to tell a lie saying that his sons…»

«No. Do not lie. Never. Not even to let a dying man die in peace. You will say to Judas: “The Master says that He blesses you and with you He blesses your blood.” Also these innocent children are his blood and I have blessed them.»

«But if he asks whether our sons…»

«You will say: “The Master has prayed for them.” Judas will rest in the certainty that My prayer is powerful, and the truth will be spoken without disheartening who is dying. Because I will pray also for your sons. You may go in peace, too, Anne. When are you leaving the town?»

«The day after the Sabbath, so as not to be stopped on the road because of the Sabbath.»

«All right. I am glad that you will be here after the Sabbath. Remain closely united to Eliza and Nike. Go. And be strong and faithful.»

The woman is almost at the door when Jesus calls her again saying: «Listen. Your little ones are with you for a long time, are they not?»

«They are always with me, while I am in town.»

«During these days… leave them at home, if you go out to follow Me.»

«Why, Lord? Are You afraid of a persecution?»

«Yes. And it is better if innocents do not hear and see…»

«But… what do You think will happen?»

«Go, Anne. Go.»

«Lord if… if they should do to You what is rumoured, my sons certainly… and then the house will be worse than the street…»

«Do not weep. God will provide. Peace be with you.»

The old woman goes away weeping.

583.12

For a short time no one goes in; then Johanna and Valeria go in together. They are panting. Johanna in particular. The other woman is pale and she sighs, but she is stronger.

«Master, Anne has frightened us. You told her… Oh! but it is not true! Chuza may be undecided, he may be… shrewd. But he is not a liar! He assured me that Herod has no intention of harming You… I do not know about Pontius…» and she looks at Valeria who is silent. She then resumes: «I was hoping to understand something from Plautina, but I did not understand much…»

«Nothing, you should say, except that she has not advanced by one step from the limit where she was. She did not speak to me either. But, if I am not wrong, the Roman indifference, which is always so strong when an event can have no repercussion on their Fatherland or on their egos, has badly benumbed those who once seemed so willing to rouse themselves. Their indifference, the indolence of their spirits, so… different by now from mine, separates us, as a cleft separates two clods previously united, more than the fact that I have approached the synagogue. They are happy. They are happy their way… And human happiness does not help to keep one’s mind sharp.»

«And to awake the spirit, Valeria» says Jesus.

«It is so, Master. I… there is another matter… Did You see that woman who was with us? She belongs to my family. She is a widow and lonely, and she was sent by my relatives to convince me to go back to Italy. Oh! with many promises of future joys! They are joys that I no longer appreciate and thus they no longer seem to me to be such, and I despise them. I will not go to Italy. Here I have You, I have my little daughter whom You saved for me[3], and whom You taught me to love for her soul. I will not leave these places… Marcella… I brought her with me so that she would see You and understand that I am not staying here for a dishonourable love for a Hebrew – it is dishonourable for us – but because in You I found comfort in my grief of a repudiated wife. Marcella is not ill-natured. She has suffered and she understands. But she is still unable to understand my new religion. And she reproaches me a little, because she thinks that my religion is a chimera… It does not matter. If she wants, she will come where I already am. If not, I will stay here with Tusnilde[4]. I am free. I am rich. I can do what I like. And not doing wrong, I will do what I want.»

583.13

«And when the Master will not be here?»

«His disciples will remain. Plautina, Lydia and even Claudia, who, after me, is the one who follows Your doctrine and honours You more, have not yet understood that I am no longer the woman that they knew and they still think they know. But I am sure that I know myself by now. So much so that I say that, if I lose much by losing the Master, I shall not lose everything, because faith will remain. And I shall remain where it was born. I do not want to take Fausta where nothing speaks of You. Here… Everything speaks of You, and You will certainly not leave us without a guide, as we have decided to follow You. Why should I, the Gentile, have such thoughts, while many of you, and you, too, look as if you were dismayed thinking of the day when the Master will not be among us?»

«Because, Valeria, they have become accustomed to ages of immobilism. They think that the Most High is there, in His House, above the invisible altar, that only the High Priest can see in solemn occasions. That has helped them to come to Me. They also could at last approach the Lord. But now they tremble at the thought of no longer having either the Most High in His glory, or the Word of the Father among them. It is necessary to be indulgent… And to raise one’s spirit, Johanna. And I shall be in you.

Remember that. I shall go away. But I will not leave you orphans. I will leave you a house of Mine: My Church. My word: the Gospel. My love will dwell in your hearts.

And finally I will leave you a greater gift that will nourish you through Me and will make Me be among you and in you, not only spiritually. I will do that to give you comfort and strength.

583.14

But now… Anne is very depressed because of the children…»

«She spoke to us about them distressingly…»

«Yes. I told her to keep them away from crowds. I say the same to you, Johanna, and to you, Valeria.»

«I will send Fausta with Tusnilde to Bether before the fixed time. They were to go after the Feast.»

«I will not part from the children. I will keep them at home. But I will tell Anne to let her children go there. That woman has wicked sons, but they will be honoured by my invitation and they will not contradict their mother. And I…»

«I would like…»

«What, Master?»

«I would like you to be much united these days. I will keep my Mother’s sister with Me, Salome and Susanna and Lazarus’ sisters. But I would like you to be united, much united.»

«But can we not come where You are?»

«During these days I shall be like lightning that flashes brightly and disappears. I will go up to the Temple in the morning and then I will go out of town. You could meet Me only every morning at the Temple.»

«Last year You stayed with me…»

«This year I will not stay in any house. I shall be like lightning that passes…»

«But Passover…»

«I wish to consume it with My apostles, Johanna. If your Master wants that, He certainly wants it for a just reason.»

«That is true…

583.15

So I shall be alone… Because my brothers told me that they want to be free during these days, and Chuza…»

«Master, I am going away. It is pouring. I am going to the children as I hear them gathered under the porch» says Valeria and she prudently withdraws.

«There is a heavy rainfall also in your heart, Johanna.»

«That is true, Master. Chuza is so… strange. I no longer understand him. A continual contradiction. Perhaps he has friends who are influencing his mind… or he has been threatened… or he is afraid for his future.»

«He is not the only one. Nay, I can say that few, lonely and scattered here and there are those who, like Me, are not afraid for their future and they will be fewer and fewer. Be very kind and patient with him. He is only a man…»

«But he has received so much from God, from You, that he ought to…»

«He ought to! Yes. But who has not received from Me in Israel? I have helped friends and enemies, I have forgiven, cured, comforted, taught… You can see, and you will see more clearly how God only is immutable, how different are the reactions of men, and how often he who has received more is most willing to strike his benefactor. One will truly be able to say[5] that he who shared My bread with Me raised his foot against Me.»

«I will not do that, Master.»

«You will not. But many will.»

«Is my husband perhaps one of them? If it were so, I would not go back to my house this evening.»

«No. He is not among them, this evening. But even if he were, your place is there. Because if he sins, you must not sin. If he wavers, you must support him. If he tramples on you, you must forgive him.»

«Oh! Trample on me, no! He loves me. But I would like him to be more resolute. He can influence Herod so much. I would like him to wring a promise from the Tetrarch in Your favour. As Claudia is trying to wring it from Pilate. But Chuza has only been able to bring me vague words of Herod… and to assure me that Herod only wishes to see You work some miracles and that he will not persecute You… He thus hopes to silence his remorse for John. Chuza says: “My king always says: ‘Even if Heaven ordered me, I would not lift my hand. I am too frightened’!”»

«He speaks the truth. He will not lift his hand against Me. Many in Israel will not do that, because many are afraid to condemn Me materially. But they will ask other people to do so. As if in the eyes of God there were a difference between him who strikes, urged by the will of the people, and him who makes one strike.»

«Oh! but the people love You! Great celebrations are being prepared for You. And Pilate does not want tumults. He has reinforced the troops these days. I hope so much that… I do not know what I hope, Lord. I hope and I despair. My thoughts are inconstant like the weather these days, with alternating sunshine and showers…»

«Pray, Johanna, and be at peace. Always bear in mind that you have never grieved your Master and that He remembers that. Go.»

Johanna, who has become pale and thin these last few days, goes out pensively.

583.16

And Annaleah’s gentle face appears.

«Come in. Where is your companion?»

«In there, Lord. She wishes to go away, they are about to leave. Martha has understood my wish and she will keep me here until sunset tomorrow evening. Sarah is going home, to say that I am staying here. She would like Your blessing because… But I will tell You later.»

«Let her come. I will bless her.»

The young woman goes out and comes back with her companion, who prostrates herself before Jesus.

«Peace be with you and may the grace of the Lord lead you onto the road where He has led this girl who preceded you. Be affectionate to her mother and bless Heaven that spared you ties and sorrows in order to have you completely for Itself. One day, more than now, you will bless the Lord for being sterile through your own will. Go.»

The young woman goes away deeply moved.

«You have told her what she hoped to hear. Those words were her dream. Sarah always said: “I like your destiny, although it is so unknown in Israel. I want it, too. As I no longer have my father, and as my mother is as sweet as a dove, I am not afraid of not being able to follow it. But in order to be able to accomplish it and that it may be holy for me, as it is for you, I would like to hear it from His lips.” Now You have told her.

And I have peace, too. Because at times I was afraid that I might have elated a heart…»

«Since when has she been with you?»

«Since…

583.17

When the order of the Sanhedrin came I said to myself: “The Master’s hour has come, and I must prepare myself to die.” Because I asked You[6], Lord… Today I am reminding You… If You are going to the Sacrifice, I, victim, with You.»

«Are you still firmly wanting the same thing?»

«Yes, Master. I could not live in a world where You were not… and I could not survive Your torture. I am so afraid for You! Many among us delude themselves… I don’t! I feel that the hour has come. The hatred is too strong… And I hope that You will accept my offer. I have but my life to give You, because I am poor, as You know. My life and my purity. That is why I convinced my mother to send for her sister. That she may not remain alone… Sarah will be a daughter to her in my stead, and Sarah’s mother will comfort her. Do not disappoint my heart, Lord! The world has no attraction for me. It is like a jail, in which many things disgust me terribly. It is perhaps because one who has been on the threshold of death has understood that what represents joy for many people is nothing but emptiness that does not satisfy. It is certain that I wish nothing but sacrifice… and to precede You… that I may not see the hatred of the world cast on my Lord like a weapon of torture, and to resemble You in sorrow…»

«Then we will lay the cut lily on the Altar where the Lamb is sacrificed. And it will become red with the Blood of redemption. And only the angels will be aware that Love was the sacrificer of a completely white ewe-lamb, and they will mark the name of the first victim of Love, of the first continuator of the Christ.»

«When, Lord?»

«Keep your lamp ready and put on your wedding dress. The Bridegroom is at the door. You will see His triumph, but not his death, but you will triumph with Him entering His Kingdom.»

«Ah! I am the happiest woman in Israel! I am a queen crowned with Your garland! May I, as such, ask a grace of You?»

«Which?»

«I loved a man, as You know. I no longer loved him as my spouse, because a greater love took possession of me, and he no longer loved me because… But I do not want to remember his past. I ask You to redeem that heart. May I? It is not a sin to remember, while I am on the threshold of Life, him whom I loved, to give him eternal Life, is it?»

«It is not a sin. It is to take love to the holy end of the sacrifice for the welfare of the beloved.»

«Bless me, then, Master. Absolve me of all my sins. Make me ready for the wedding and for Your coming. Because it is You Who is coming, my God, to take Your poor servant and make her Your bride.»

The girl, beaming with joy and health, stoops to kiss the Master’s feet while He blesses her, praying over her. And the hall, as white as if it were all decorated with lilies, is really the worthy surroundings for this rite, and harmonises beautifully with its protagonists, who are young, lovely, clad in white, shining with angelical and divine love.

583.18

Jesus leaves the girl there, absorbed in her joy, and goes out quietly to go and bless the children, who with shouts of joy are rushing towards the wagon and they get into it happily, with the women who are going away. Eliza and Nike remain to take Annaleah back to town the following day. It has stopped raining and the sky, once the clouds are scattered, shows its clear blue, and the sunbeams descend to make the raindrops glitter.

A splendid rainbow bends from Bethany over Jerusalem. The wagon goes away squeaking and goes out through the gate. It disappears.

Lazarus, who is near Jesus, at the end of the porch, asks: «Have the women disciples given You joy?» and he looks at the Master.

«No, Lazarus, they have not. All of them, with the exception of one, have given Me their sorrows and also some disappointments, if I could delude Myself.»

«The Roman ladies, You mean, have disappointed You? Have they spoken to You of Pilate?»

«No, they have not.»

«Then I must do so. I was hoping that they would speak to You about him. That is why I waited. Let us go into this solitary room. The women have gone with Martha to do their work. Mary, instead, is with Your Mother, in the other house. Your Mother has been so long with Judas, and now She has taken him with Her… Sit down, Master…

583.19

I have been to see the Proconsul… I had promised and I did so. But Simon of Jonas would not be very satisfied with my mission!… Fortunately, Simon thinks no more about it. The Proconsul listened to me and he replied saying: “I? I should attend to Him? I have not even the most remote and slightest intention of doing that! I only say this: that not because of the Man – You, Master – but because of all the trouble that I get through Him, I have firmly decided not to have anything further to do with Him, for good or for evil. I wash my hands of it. I will reinforce the guard because I do not want disturbances. I will thus satisfy Caesar, my wife and myself. That is, the only ones of whom I take sacred care. And with regards to the rest I will not lift a finger. The quarrels of these people who are eternally dissatisfied. They create them, they enjoy them. With

regards to the Man, I ignore Him as an evildoer, I ignore Him as a virtuous man, and I ignore Him as a wise man. And I want to ignore Him. And to continue to ignore Him.

Unfortunately, although I want to ignore Him, I find it difficult to do so, because the leaders of Israel speak to Me about Him with their complaints, Claudia with her praises, the followers of the Galilean with their accusations against the Sanhedrin. If it were not for Claudia, I would have Him arrested and I would hand Him over to them so that they might settle the matter and we should not hear any more of it. The Man is the most peaceful subject in the whole Empire. But in spite of all that, He has given me so much trouble that I would like a solution…” With such humour, Master…»

«You mean that we cannot be safe. With men one is never safe…»

«But I am told that the Sanhedrin is calmer. They have not recalled the band, the disciples have not been annoyed. Those who went to town will soon be back and we shall hear… They will always contradict You. Will they take action?… The crowds love You too much to challenge them imprudently.»

583.20

«Shall we go along the road, towards those who are coming back?» suggests Jesus.

«Let us go.»

They go out into the garden and they are half way when Lazarus asks: «But when have You had something to eat? And where?»

«At the first hour.»

«But it is almost sunset. Let us go back.»

«No. I do not feel it is necessary. I prefer to go. I can see a poor child over there, clinging to the gate. Perhaps he is hungry. His clothes are worn-out and he is wan. I have been watching him for some time. He was already there when the wagon left, and he ran away not to be seen and probably driven away: Then he came back and has been looking insistently towards us and the house.»

«If he is hungry I had better go and get some food. Go on, Master. I will join You at once» and Lazarus runs back while Jesus quickens His pace towards the gate.

583.21

The boy, a sickly-looking irregular face, in which only the eyes shine beautiful and lively, looks at Him.

Jesus smiles at him and while opening the lock of the gate He says to him kindly: «Whom are you looking for, child?»

«Are You the Lord Jesus?»

«I am.»

«I am looking for You.»

«Who has sent you?»

«No one. But I want to speak to You. So many people come to speak to You. I have come, too. You satisfy so many people. Me, too.»

Jesus has lifted the latch and He asks the boy to remove his thin hands from the bars, so that He may open the gate. The boy steps aside and in doing so, as his discoloured garment moves on his distorted body, one can see that he is a poor rickety child, with his head sunken into his shoulders owing to the commencement of a hump, and his unsteady legs wide apart. A true little poor wretch. He is perhaps older than one might think considering his height, which is of a boy about six years old, whilst his face is already that of a man, somewhat flabby, with a protruding chin, almost the face of an old man.

Jesus bends to caress him and says: «So tell Me what you want. I am your friend. I am the friend of all children.» With how much loving kindness Jesus takes the emaciated face in His hands and kisses his forehead!

«I know. That is why I came. See how I am? I would like to die not to suffer any more. And not to belong any more to anybody… Since You cure so many people and raise the dead, let me die, as no one loves me and I shall never be able to work.»

583.22

«Have you no relatives? Are you an orphan?»

«I have a father. But he does not love me, because I am like this. He rejected my mother, he gave her the libel of divorce, and he drove me out with her, and my mother died. It was my fault, because I am so deformed.»

«But who are you living with?»

«When my mother died the servants took me back to my father. But he got married again and has lovely children, and he expelled me. He handed me over to some of his peasants. But they do what their master does, to find favour in his eyes… and they make me suffer.»

«Do they beat you?»

«No. But they take more care of animals than of me, and they sneer at me, and as I am often ill, they get bored with me. I am becoming more and more deformed, and their sons gibe at me and they make me fall. No one loves me. And last winter, when I had a bad cough and I needed medicines, my father would not spend any money and said that the only good thing I could do was to die. Since then I have been waiting for You to say to You: “Let me die”.»

Jesus takes him in His arms, turning a deaf ear to the words of the boy who says: «My feet are muddy and so is my tunic, because I sat on the road. I will dirty Your clothes.»

«Have you come from far?»

«From near the town, because the person who keeps me lives there. I saw Your apostles pass by. I know it was them, because the peasants said: “Here are the disciples of the Galilean Rabbi. But He is not with them.” And I came.»

«You are wet, my child. Poor boy! You will be taken ill again.»

«If You do not listen to me, I hope the disease at least will make me die! Where are You taking me?»

«Into the house. You cannot remain thus.»

583.23

Jesus goes back into the garden with the deformed boy in His arms and He shouts to Lazarus, who is coming: «Close the gate, please. I am carrying this little fellow, who is wet through, in my arms.»

«But who is he, Master?»

«I do not know. I do not even know his name.»

«Neither will I tell You. I don’t want to be known. I want what I told You. My mother used to say to me: “Son, my poor son, I am dying, but I wish you died with me, because in the next world you would no longer be so deformed as to suffer in your bones and in your heart. Those who are born poor wretches have no sneering names there. Because God is good to innocent and unhappy people.” Will You send me to God?»

«The boy wants to die. It is a sad story…»

Lazarus, who is staring at the little boy, suddenly says: «But are you not the son of Nahum’s[7] son? Are you not the boy who always sits in the sun near the sycamore that is at the end of Nahum’s olive-trees, and whom your father entrusted to his peasant Josiah?»

«Yes, I am. But why did you tell?»

«Poor boy! Not to scoff at you. Believe me, Master, the fate of a dog in Israel is not so sad as the fate of this boy. If he did not go back to the house from which he came, no one would look for him. The servants are like their masters. Heartless men. Joseph knows the story well. It caused a stir. But at the time I was so worried about Mary… But when the unhappy wife died and this boy came to Josiah’s, I used to see him when I passed by… He was forsaken on the threshing-floor in the sun or the wind, because he began to walk very late… and always very little. I do not know how he was able to come so far today. I wonder how long he has been on the way!»

«Since Peter passed there.»

«And now? What shall we do?»

«I am not going back home. I want to die, to go away. Grace and mercy on me, Lord!»

583.24

They have gone into the house and Lazarus calls a servant and tells him to bring a blanket and to send Naomi to take care of the boy, who is blue with cold in his wet clothes.

«The son of one of Your fiercest enemies! One of the most wicked in Israel. How old are you, child?»

«Ten years.»

«Ten! Ten years of sorrow!»

«And they are enough!» says Jesus in a loud voice putting down the boy.

He is really misshapen! His right shoulder is higher than his left one, his chest protrudes excessively, his thin neck is sunken between his raised collar-bones, his bow-legs!…

Jesus looks at him pitifully while Naomi undresses him and dries him before wrapping him in a warm blanket. Lazarus also looks at him piteously.

«I will put him in my bed, Lord, after I have given him some warm milk» says Naomi.

«But are You not going to let me die? Have mercy on me! Why let me live to be like this and suffer so much?» and he concludes: «I was hoping in You, Lord.» There is reproach and disappointment in his voice.

«Be good. Be obedient, and Heaven will comfort you.» says Jesus and He bends to caress him once again, gently rubbing his poor deformed body with His hand.

«Take him to bed and watch over him. Then… we will see.» The boy is taken away while he weeps.

«And they are the ones who think they are holy!» exclaims Lazarus thinking of Nahum…

583.25

Peter is heard calling his Master…

«Oh! Master! Are You here? All is well. No trouble. Oh! on the contrary much calm. No one disturbed us at the Temple. John received good news. The disciples have been left in peace. People are waiting for You joyfully. I am glad. And what have You done, Master?»

They go away together speaking, while Lazarus goes where Maximinus calls him.


Notes

  1. la forme de Dieu et la forme pour Dieu est une expression que Maria Valorta explicite, sur une copie dactylographiée, de la manière suivante : “ Forme de Dieu ”, car le Créateur, qui l’avait prédestinée à être la Mère de Dieu, lui avait donné une âme préservée du péché originel par privilège particulier, mais aussi un corps en tout point parfait, afin que Marie soit réellement créée spirituellement à l’image et à la ressemblance de Dieu et corporellement à celles du Fils de Dieu fait homme, le plus beau des enfants des hommes. “ Forme pour Dieu ”, car le Verbe s’est formé dans son sein en la prenant pour Mère, la seule qui ait servi à lui donner un corps, et donc la seule qui ait pu lui transmettre ses traits en engendrant sa forme humaine. Marie fut donc “ forme ” pour la deuxième personne de la Trinité qui s’incarnait pour devenir homme. Nous retrouvons cette même idée dans une note de Maria Valorta en 242.6 et dans le texte de 650.4. Ajoutons que, lorsque Jésus parle de sa Mère en 540.2, il affirme être “ son Fils de chair et de cœur ” ; et il dit en 600.21 : “ Je suis fait de pureté et d’amour, parce que Marie m’a nourri de sa virginité fécondée par l’Amour parfait qui vit au Ciel. ” L’idée que Marie soit “ la seule qui ait servi à lui donner un corps ” apparaît aussi dans les expressions admirables de Notre-Dame des Douleurs en 610.9 et en 611.15.
  2. mes premiers apôtres, dans l’Œuvre de Maria Valorta, furent Jean et Jacques, fils de Zébédée, comme on le voit en 47.8.10 et en 600.6.
  3. il est dit, en Pr 31, 10-11.26.28.
  4. ma fillette… sauvée, en 155.4/5. et que tu m’as appris à aimer, en 167.9.
  5. Tusnilde, l’affranchie anonyme de 531.16 et présentée en 534.1.
  6. on pourra dire, comme dans le Ps 41, 10.
  7. je te l’ai demandé, en 156.5/6.
  8. Tiens ta lampe allumée… sont des expressions tirées de la parabole racontée et illustrée en 206.2/6.
  9. Nahum est l’homme de confiance du grand-prêtre Hanne, et aussi un ennemi de Jésus, rencontré en 123.6 et en 537.4. Son sort misérable est décrit en 630.9.

Notes

  1. first disciples, according to the work by Valtorta, it was John and James fo Zebedee, as stated in 47.8.10 and in 600.6.
  2. it is stated, in: Proverbs 31,10-11.26.28.
  3. my little daughter…saved, in 155.4/5; You taught me to love, in 167.9.
  4. Tusnilde, the unnamed freed woman of 531.16 and presented in 534.1.
  5. be able to say, as in the Psalm 41,10.
  6. I saked You, in 156.5/6.
  7. Nahum, the fiduciary of the priest Annas and enemy of Jesus, met in 123.6 and in 537.4. His miserable destiny in 630.9.