The Writings of Maria Valtorta

608. Le chemin de croix du Prétoire au Calvaire.

608. The way of the Cross from the Praetorium to Calvary.

608.1

Un certain temps[1] passe, environ une demi-heure, peut-être encore moins. Puis Longinus, chargé de présider l’exécution, donne ses ordres.

Mais avant que Jésus ne soit conduit dehors, sur le chemin, pour recevoir la croix et se mettre en marche, Longinus l’a regardé deux ou trois fois avec une curiosité déjà nuancée de compassion. Avec le coup d’œil d’un homme habitué à certaines choses, il s’approche de Jésus avec un soldat et lui offre pour le désaltérer une coupe de vin, je crois, car il coule d’une vraie gourde militaire un liquide d’un blond rosé clair.

« Cela va te faire du bien. Tu dois avoir soif. Dehors, il y a du soleil, et la route est longue. »

Mais Jésus répond :

« Que Dieu te récompense de ta pitié, mais ne te prive pas.

– Mais moi, je suis en bonne santé et fort. …Toi… Je ne me prive pas… D’ailleurs, c’est bien volontiers que je le ferais pour te réconforter… Une gorgée… pour me montrer que tu ne déteste pas les païens. »

Jésus ne refuse plus et boit une gorgée de la boisson. Il a les mains déliées, de même qu’il n’a plus le roseau ni la chlamyde, et il peut le faire tout seul. Ensuite il refuse, bien que la boisson fraîche et bonne aurait pu soulager la fièvre qui déjà se manifeste par les traces rouges qui s’allument sur ses joues pâles et sur ses lèvres sèches et gercées.

« Prends, prends. C’est de l’eau et du miel. Cela réconforte et désaltère… Tu me fais pitié… oui… pitié… Ce n’était pas toi qu’il fallait tuer, parmi les Hébreux… Hélas !… Moi, je ne te hais pas… et je tenterai de ne te faire souffrir que l’inévitable. »

Mais Jésus ne recommence pas à boire… Il a vraiment soif… La soif terrible des fiévreux et de ceux qui ont perdu du sang… Il sait que ce n’est pas une boisson mêlée à un narcotique et il boirait volontiers. Mais il ne veut pas souffrir moins. Grâce à une lumière intérieure, je comprends que ce qui le réconforte, c’est plus la pitié du Romain que l’hydromel.

« Que Dieu te rende en bénédictions ce soulagement » dit-il ensuite.

Et il a encore un sourire… un sourire déchirant de sa bouche enflée, blessée, qu’il remue difficilement ; ce qui le gêne, c’est l’enflure, entre le nez et la pommette droite, de la forte contusion du coup de bâton qu’il a reçu dans la cour intérieure après la flagellation.

608.2

Arrivent les deux larrons, encadrés chacun par une décurie de soldats. C’est l’heure de partir. Longinus donne les derniers ordres.

Une centurie est disposée sur deux rangs distants de trois mètres l’un de l’autre, et elle sort ainsi sur la place où une autre centurie a formé un carré pour repousser la foule afin qu’elle ne gêne pas le cortège. Sur la petite place se trouvent déjà des hommes à cheval : une décurie de cavalerie avec un jeune gradé qui les commande et avec les enseignes. Un soldat à pied tient par la bride le cheval moreau du centurion. Longinus monte en selle et se rend à sa place, à deux mètres en avant des onze cavaliers.

On apporte les croix : celles des deux larrons sont plus courtes. Celle de Jésus est beaucoup plus longue. J’affirme que la pièce verticale n’a pas moins de quatre mètres. Je la vois apportée déjà formée.

J’ai lu à ce sujet, quand je pouvais encore lire… c’est-à-dire il y a des années, que la croix fut assemblée en haut du Golgotha et que le long du chemin les condamnés portaient seulement les deux poteaux sur leurs épaules. C’est possible, mais moi, je vois une vraie croix bien formée, solide, avec les bras parfaitement encastrés dans la pièce principale et bien renforcée par des clous et des boulons. En fait, si on réfléchit qu’elle était destinée à soutenir le poids considérable qu’est le corps d’un adulte, et cela même au moment des convulsions finales, considérables aussi, on comprend qu’elle ne pouvait être assemblée sur le sommet étroit et malcommode du Calvaire.

Avant de remettre sa croix à Jésus, on lui passe au cou l’écriteau portant la mention “ Jésus le Nazaréen, Roi des Juifs ”. La corde qui le soutient s’emmêle dans la couronne d’épines, qui se déplace et griffe Jésus là où il n’y a pas déjà de griffures et pénètre plus loin, occasionnant une nouvelle souffrance et en faisant de nouveau couler du sang. Les gens rient d’une joie sadique, insultent, blasphèment.

Tout est prêt désormais, et Longinus peut donner l’ordre de marche :

« D’abord le Nazaréen, puis les deux larrons ; une décurie autour de chacun, les sept autres décuries sur les ailes et comme renfort, et le responsable sera le soldat qui fait frapper à mort les condamnés. »

608.3

Jésus descend les trois marches qui mènent du vestibule à la place. Il apparaît tout de suite avec évidence que Jésus est dans des conditions de grande faiblesse. Il vacille en descendant, gêné par la croix qui repose sur son épaule tout écorchée, par l’écriteau qui se déplace devant lui et dont la corde lui scie le cou, par les balancements qu’imprime au corps la longue pièce de la croix qui saute sur les marches et sur les aspérités du sol.

Les Juifs rient de le voir tituber comme un homme ivre, et ils crient aux soldats :

« Poussez-le. Faites-le tomber. Dans la poussière, le blasphémateur ! »

Mais les soldats s’en tiennent à leur devoir : ils ordonnent au Condamné de se placer au milieu du chemin et de marcher. Longinus éperonne son cheval, et le cortège se met lentement en mouvement.

Longinus voudrait faire vite en prenant le chemin le plus court pour aller au Golgotha, car il n’est pas sûr de la résistance du Condamné. Mais la pègre déchaînée — c’est lui faire encore trop d’honneur de l’appeler ainsi — ne veut pas en entendre parler. Les plus rusés ont déjà pris de l’avance et se sont placés au carrefour où la route bifurque pour aller d’un côté vers les murs, de l’autre vers la ville. Ils s’agitent et crient quand ils voient Longinus prendre la direction des murs.

« Tu n’as pas le droit ! Tu n’a pas le droit ! C’est illégal ! La Loi dit que les condamnés doivent être vus par la ville où ils ont péché ! »

Les Juifs, qui sont à la queue du cortège, comprennent que par devant on essaie de les frustrer d’un droit, et ils unissent leurs cris à ceux de leurs collègues.

Par souci de garder la paix, Longinus prend la route qui se dirige vers la ville et en parcourt un tronçon. Mais il fait signe aussi à un décurion de venir près de lui (je dis décurion parce que c’est un gradé, mais c’est peut-être quelqu’un que nous appellerions son officier d’ordonnance) et il lui parle tout bas. Celui-ci revient en arrière au trot, et à mesure qu’il rejoint le chef de chaque décurie il transmet l’ordre, après quoi il retourne vers Longinus pour lui dire que sa mission est accomplie. Enfin, il reprend sa place primitive dans le rang derrière Longinus.

608.4

Jésus avance en haletant. Chaque ornière est un piège pour son pied qui vacille et une torture pour ses épaules écorchées, pour sa tête couronnée d’épines sur laquelle tombe à pic un soleil excessivement chaud — même s’il se cache par moments derrière un rideau de nuages de plomb, il n’en reste pas moins brûlant. Jésus est congestionné par la fatigue, par la fièvre et par la chaleur. Je pense que même la lumière et les hurlements doivent le tourmenter. Et, s’il ne peut se boucher les oreilles pour ne pas entendre ces cris déchaînés, il ferme à demi les yeux pour ne pas voir la route éblouissante de soleil… Mais il doit aussi les rouvrir parce qu’il bute contre les pierres et les trous, et c’est chaque fois une douleur car cela fait bouger brusquement la croix qui heurte la couronne, qui se déplace sur l’épaule écorchée, élargit la plaie et augmente la souffrance.

Les Juifs ne peuvent plus le frapper directement ; mais il arrive encore quelques pierres et quelques coups de bâton, les premières spécialement dans les petites places bondées, les seconds au contraire dans les tournants, dans les petites rues où l’on monte et descend des marches, tantôt une, tantôt trois, tantôt davantage, à cause des dénivellations continuelles de la ville. Là, nécessairement, le cortège ralentit et il y a toujours quelque volontaire (!) qui défie les lances romaines pour donner un nouveau coup au chef d’œuvre de torture qu’est désormais Jésus.

Les soldats le défendent comme ils peuvent. Mais ce faisant, il leur arrive aussi de le frapper, parce que les longs manches des lances, brandies en aussi peu d’espace, le heurtent et le font buter. Enfin, arrivés à un certain point, les soldats font une manœuvre impeccable et, malgré les vociférations et les menaces, le cortège dévie brusquement par un chemin qui mène directement vers les murs, en descendant, un chemin qui abrège beaucoup la route vers le lieu du supplice.

Jésus halète toujours plus. La sueur coule sur son visage en même temps que le sang des blessures de la couronne d’épines. La poussière se colle sur ce visage trempé et le macule de taches étranges, car il y a aussi du vent maintenant. Des coups de vent syncopés à longs intervalles où retombe la poussière que la foule a soulevée en tourbillons, qui amènent des détritus dans les yeux et dans la gorge de Jésus.

A la Porte Judiciaire sont déjà entassés quantité de gens, les prévoyants qui se sont choisi assez tôt une bonne place pour voir. Mais un peu avant d’y arriver, Jésus a déjà failli chuter. Seule la prompte intervention d’un soldat, sur lequel il allait presque tomber, empêche Jésus d’aller par terre. La populace rit et crie :

« Laissez-le ! Il disait à tous : “ Levez-vous. ” Qu’il se lève lui, maintenant… »

Au-delà de la porte, il y a un torrent et un petit pont. C’est une nouvelle fatigue pour Jésus de marcher sur ces planches disjointes sur lesquelles rebondit plus fortement le long bois de la croix. C’est aussi une nouvelle mine de projectiles pour les Juifs. Les pierres du torrent volent et frappent le pauvre Martyr…

608.5

Alors commence la montée du Calvaire. Ce chemin nu, sans un brin d’ombre, couvert de pierres disjointes, attaque directement la montée.

Ici aussi, à l’époque où je lisais, j’ai lu que le Calvaire n’avait que quelques mètres de hauteur. Possible. Ce n’est certainement pas une montagne. Mais c’est une colline, et certainement pas plus basse que ne l’est, à Florence, le mont aux Croix par rapport à Lungami, là où se trouve la basilique San Miniato. On dira : “ C’est bien peu de chose ! ” Oui, pour quelqu’un qui est en bonne santé et fort, c’est peu de chose. Mais il suffit d’avoir le cœur faible pour sentir si c’est peu ou beaucoup !… Je sais qu’après avoir eu le cœur malade — même quand c’était encore bénin —, je ne pouvais gravir cette pente sans souffrir beaucoup, et je devais m’arrêter à chaque instant ; or je n’avais pas de fardeau sur les épaules. Et je crois que Jésus avait le cœur très malade, surtout après la flagellation et la sueur de sang… et je ne contemple rien autre.

Jésus éprouve donc une douleur aiguë dans la montée, due au poids de la croix qui, longue comme elle est, doit être très lourde.

Une pierre dépasse, et, épuisé comme il l’est, il lève trop peu le pied, bute et tombe sur le genou droit mais parvient à se relever à l’aide de la main gauche. La foule pousse des cris de joie… Il se relève. Il avance de plus en plus courbé et haletant, congestionné, fiévreux…

L’écriteau, qui ballotte devant lui, lui gêne la vue ; son long vêtement, maintenant qu’il avance courbé, traîne par terre par devant et gêne sa marche. Il bute de nouveau et tombe sur les deux genoux, en se blessant de nouveau là où il est déjà blessé. La croix lui échappe des mains et tombe, après lui avoir frappé fortement le dos, l’obligeant à se pencher pour la relever et à peiner pour la remettre sur ses épaules. Cela permet de voir nettement, sur son épaule droite, la plaie causée par le frottement de la croix, qui a ouvert les plaies nombreuses de la flagellation et en a fait une seule, qui transsude de l’eau et du sang, de sorte que la tunique est toute tachée à cet endroit. Les gens vont jusqu’à applaudir, heureux de ces mauvaises chutes.

Longinus incite à se hâter, et les soldats, à coups de plat de dague, invitent le pauvre Jésus à avancer. On reprend la marche avec une lenteur de plus en plus grande malgré tous les efforts.

Jésus semble tout à fait ivre tant sa marche est chancelante, et il heurte tantôt un rang de soldats, tantôt l’autre, occupant toute la route. Les gens le remarquent et crient :

« Sa doctrine lui est montée à la tête. Vois, vois comme il titube ! »

Et d’autres, qui ne sont pas du peuple, mais des prêtres et des scribes, ricanent :

« Non ! Ce sont les festins pris dans la maison de Lazare qui lui montent encore à la tête. Ils étaient bons ? Maintenant, mange notre nourriture… » et d’autres phrases semblables.

608.6

Longinus, qui se retourne de temps en temps, a pitié et ordonne une halte de quelques minutes. Mais il est tellement insulté par la populace que le centurion commande aux troupes de charger. Devant les lances qui brillent et menacent, la foule montre sa lâcheté, et elle s’éloigne en criant et en descendant çà et là sur la montagne.

C’est alors que je revois sortir de derrière des décombres, peut-être de quelque muret éboulé, le petit groupe des bergers. Désolés, bouleversés, poussiéreux, déchirés, ils appellent le Maître par la seule force de leurs regards. Et lui tourne la tête, les voit… Il les fixe comme si c’étaient des visages d’anges, paraît se désaltérer et se fortifier de leurs larmes, et il sourit… On redonne l’ordre d’avancer, et Jésus passe juste devant eux et entend leurs pleurs angoissés. Il tourne avec difficulté la tête sous le joug de la croix et leur sourit de nouveau… Ses réconforts… Dix visages… une halte sous le soleil brûlant…

Et aussitôt, la douleur de la troisième chute complète. Et cette fois, ce n’est pas qu’il bute : il tombe par un soudain fléchissement de ses forces. C’est une syncope. Il s’affale de tout son long et se frappe le visage sur les pierres disjointes, restant dans la poussière, sous la croix retombée sur lui. Les soldats essaient de le relever. Mais comme il paraît mort, ils vont le rapporter au centurion. Pendant qu’ils vont et viennent, Jésus revient à lui, et lentement, avec l’aide de deux soldats dont l’un relève la croix et l’autre aide le Condamné à se relever, il reprend sa place. Mais il est manifestement épuisé.

« Arrangez-vous pour qu’il ne meure que sur la croix ! crie la foule.

– Si vous le faites mourir avant, vous en répondrez au Proconsul, souvenez-vous-en. Le coupable doit arriver vivant au supplice » disent les chefs des scribes aux soldats.

Ceux-ci les foudroient de leurs regards féroces, mais, par discipline, ils ne parlent pas.

608.7

Longinus, cependant, redoute, tout comme les Juifs, que le Christ meure en route et il ne veut pas avoir d’ennuis. Sans avoir besoin que quelqu’un le lui rappelle, il sait quel est son devoir de préposé à l’exécution et il y pourvoit. Ce faisant, il désoriente les Juifs qui sont déjà accourus en avant par la route qu’ils ont rejointe de tous les côtés de la montagne en transpirant, en se griffant pour passer à travers les rares buissons épineux du mont aride et brûlé, en tombant sur les détritus qui l’encombrent comme si c’était un lieu de déblai pour Jérusalem, sans sentir d’autre peine que celle de perdre un halètement du Martyr, un de ses regards douloureux, un geste même involontaire de souffrance, et sans autre peur que celle de ne pas arriver à avoir une bonne place.

Longinus donne donc l’ordre de prendre le chemin le plus long, qui monte en lacets au sommet et qui est beaucoup moins raide. Il semble que ce sentier, à force d’être parcouru, soit devenu un chemin praticable.

Ce croisement des deux itinéraires se trouve à peu près à mi-hauteur. Mais je vois que, plus haut, à quatre reprises, la voie directe est coupée par celle qui monte moins rapidement, mais qui, en compensation, est beaucoup plus longue. Et sur cette route, il y a des gens qui montent, mais qui ne participent pas à l’indigne chahut des obsédés qui suivent Jésus pour jouir de ses tourments : ce sont des femmes pour la plupart, en larmes et voilées, ainsi que quelques petits groupes d’hommes, très peu nombreux en vérité mais qui ont beaucoup plus d’avance sur les femmes, puisqu’ils sont sur le point de disparaître de la vue là où le chemin fait le tour de la montagne.

De ce côté, le Calvaire a une sorte de pointe en forme de museau, alors que de l’autre la paroi tombe à pic. Je vais essayer de donner une idée de son aspect de profil. Mais il faut que je tourne la page, car cela me serait difficile ici par manque de place[2].

Les hommes disparaissent derrière la pointe rocheuse et je les perds de vue.

608.8

Les gens qui suivaient Jésus hurlent de rage. Ils trouvaient plus beau de le voir tomber. Avec des imprécations obscènes adressées au Condamné et à ceux qui le conduisent, certains se mettent à suivre le cortège judiciaire tandis que d’autres montent presque en courant par la voie pentue pour se dédommager de leur déception par une excellente place au sommet.

Les femmes, qui s’avancent en pleurant, se retournent en entendant les cris, et voient que le cortège tourne de leur côté. Elles s’arrêtent alors en s’adossant au mont, par crainte d’être jetées en bas par les Juifs violents. Elles abaissent encore plus leurs voiles sur leurs visages ; il y en a même une qui est complètement voilée, comme une musulmane, ne laissant libres que ses yeux très noirs. Elles sont vêtues très richement et ont pour les défendre un vieil homme robuste dont, enveloppé dans son manteau comme il l’est, je ne distingue pas le visage. Je ne vois que sa longue barbe, plutôt blanche que noire, qui sort de son manteau foncé.

Quand Jésus arrive à leur hauteur, elles sanglotent plus fort et se courbent en profondes salutations. Puis elles s’avancent résolument. Les soldats voudraient les repousser de leurs lances, mais celle qui est couverte comme une musulmane écarte un instant son voile devant l’enseigne arrivé à cheval pour voir quel est ce nouvel obstacle. Il donne l’ordre de la laisser passer. Je ne puis voir son visage ni son vêtement, car elle a déplacé son voile avec la rapidité de l’éclair, et son habit est complètement caché par un manteau qui tombe jusqu’à terre, lourd, fermé complètement par une série de fibules. La main, qui apparaît un instant pour déplacer le voile, est blanche et belle, et c’est, avec ses yeux noirs, tout ce que l’on voit de cette grande matrone, certainement influente puisque l’officier de Longinus lui obéit ainsi.

608.9

Elles s’approchent de Jésus en pleurant et s’agenouillent à ses pieds, tandis qu’il s’arrête, suffoquant… Il parvient pourtant à sourire aux saintes femmes et à l’homme qui les escorte ; celui-ci se découvre pour montrer qu’il est le berger Jonathas, mais les gardes ne le laissent pas passer, seules les femmes le peuvent.

L’une d’elles est Jeanne, femme de Kouza. Elle a la mine plus défaite que lorsqu’elle était mourante[3]. De rouge, elle n’a que les traces de ses larmes, car son visage est blanc comme neige, et ses doux yeux noirs sont brouillés au point de prendre une teinte violet foncé comme certaines fleurs. Elle tient dans les mains une amphore d’argent et l’offre à Jésus. Mais lui refuse. D’ailleurs, son essoufflement est si grand qu’il ne pourrait même plus boire. De la main gauche, il s’essuie la sueur et le sang qui lui tombent dans les yeux, coulent le long de ses joues rouges et de son cou aux veines gonflées par le battement essoufflé du cœur, et trempent tout son vêtement sur la poitrine.

Une autre femme, accompagnée d’une jeune servante portant un coffret, l’ouvre, en tire un tissu de lin très blanc, carré, et l’offre au Rédempteur. Il l’accepte, et comme il ne peut avec une seule main le faire par lui-même, la femme pleine de pitié l’aide à le poser sur son visage, en veillant à ne pas heurter la couronne d’épines. Jésus presse le linge frais sur son pauvre visage et l’y tient comme s’il y trouvait un grand réconfort.

Puis il rend le linge et dit :

« Merci Jeanne, merci Nikê… Sarah… Marcella… Elise… Lydia… Anne… Valeria… et toi… Mais… ne pleurez pas… sur moi… filles de… Jérusalem… mais sur les péchés… les vôtres et ceux… de votre ville… Bénie… Jeanne… de n’avoir… plus d’enfants… Vois… c’est une pitié de Dieu… de ne pas… de ne pas avoir d’enfants… qui auraient pu… souffrir de… cela. Et toi aussi… Elisabeth… Mieux… comme cela… que parmi les déicides… Et vous… mères… pleurez sur… vos enfants, car… cette heure ne passera pas… sans châtiment… Et quel châtiment, s’il en est ainsi pour… l’Innocent… Vous pleurerez alors… d’avoir conçu… allaité et… d’avoir encore… vos enfants… Les mères… de ce moment-là… pleureront parce que… en vérité, je vous le dis… heureux sera … celui qui alors… tombera… sous les décombres… le premier. Je vous bénis… Rentrez… chez vous… Priez… pour moi. Adieu, Jonathas… Reconduis-les… »

Et, au milieu d’un cri aigu de pleurs féminins et d’imprécations juives, Jésus se remet en marche.

608.10

Il est de nouveau trempé de sueur. Les soldats aussi transpirent, tout comme les deux autres condamnés, car le soleil de ce jour d’orage est brûlant comme la flamme, et le flanc de la montagne devenu brûlant lui aussi ajoute à la chaleur du soleil.

Il est facile d’imaginer l’effet de ce soleil sur le vêtement de laine de Jésus, en contact avec les blessures des fouets, et d’en être horrifié… Mais lui ne profère pas une plainte. Seulement, bien que la route soit beaucoup moins raide et n’ait pas ces pierres disjointes, si dangereuses pour son pied qui traîne maintenant, Jésus titube toujours plus fort, allant heurter un rang de soldats puis le rang opposé, et fléchissant de plus en plus vers la terre.

Ils pensent résoudre cet inconvénient en lui passant une corde à la taille et en la tenant par les deux bouts comme si c’étaient des rênes. Oui, cela le soutient, mais ne lui enlève pas son fardeau. Au contraire, la corde, en heurtant la croix, la déplace continuellement sur l’épaule et la fait frapper la couronne d’épines qui désormais a fait du front de Jésus un tatouage sanglant. De plus, cette corde frotte la taille où se trouvent tant de blessures et doit sûrement les rouvrir. Aussi la tunique blanche se colore-t-elle à la taille d’un rosé pâle. Pour l’aider, ils le font souffrir plus encore.

608.11

Le chemin continue, il fait le tour de la colline, puis revient presque en avant vers la voie pentue. Là se trouve Marie avec Jean, à l’endroit que j’indique par la lettre M. Je suppose que Jean l’a amenée en ce lieu ombragé, derrière la pente du mont, pour qu’elle se repose un peu. C’est la partie la plus escarpée. Il n’y a que ce chemin qui la côtoie. Au-dessus comme en contrebas, la pente est forte. C’est pourquoi les cruels la négligent. Là, il y a de l’ombre — je pense que c’est le nord —, et Marie est à l’abri du soleil. Elle se tient debout, adossée au flanc de la colline, mais elle est déjà épuisée. Elle aussi halète, pâle comme une morte dans son vêtement bleu très foncé, presque noir.

Jean la regarde avec un air de pitié désolée. Lui aussi a perdu toute trace de couleur avec sa mine terreuse ; ses yeux sont las et écarquillés, il est dépeigné et il a les joues creuses comme s’il avait été malade. Les autres femmes : Marie et Marthe, sœurs de Lazare, Marie, femme d’Alphée et Marie, femme de Zébédée, Suzanne de Cana, la maîtresse de la maison et d’autres encore que je ne connais pas[4], se tiennent au milieu du chemin et guettent le passage du Sauveur. Ayant vu que Longinus arrive, elles courent trouver Marie pour lui annoncer la nouvelle. Majestueuse dans sa douleur, Marie, soutenue par le coude par Jean, se détache de la côte de la colline et se met résolument au milieu du chemin. Elle ne s’écarte qu’à l’arrivée de Longinus qui, du haut de son cheval, regarde la femme pâle et le blond jeune homme qui l’accompagne, l’air blafard, avec ces doux yeux de ciel comme elle. Et Longinus hoche la tête en la dépassant, suivi des onze cavaliers.

Marie essaie de passer entre les soldats à pied, mais ceux-ci, qui ont chaud et sont pressés, cherchent à la repousser de leurs lances, d’autant plus que, du chemin pavé, des pierres volent pour protester contre tant de pitié. Ce sont encore les Juifs qui lancent des imprécations à cause de l’arrêt provoqué par les saintes femmes :

« Vite ! Demain, c’est la Pâque[5]. Il faut que tout soit fini avant ce soir ! Vous qui méprisez notre Loi, vous êtes complices ! Oppresseurs ! A mort les envahisseurs et leur Christ ! Ils l’aiment ! Voyez comme ils l’aiment ! Mais prenez-le ! Emmenez-le dans votre ville maudite ! Nous vous le cédons ! Nous n’en voulons pas ! Les charognes aux charognes ! La lèpre aux lépreux ! »

608.12

Longinus se lasse et éperonne son cheval, suivi des dix lanciers, contre la canaille qui l’insulte et qui fuit une seconde fois. C’est alors qu’il voit une charrette arrêtée, montée certainement des jardins potagers qui se trouvent au pied de la montagne, et qui attend avec son chargement de salades que la foule soit passée pour descendre vers la ville. Je pense qu’un peu de curiosité chez Simon de Cyrène et ses fils l’ont fait monter jusqu’ici, car il n’était vraiment pas nécessaire pour lui de le faire. Les deux fils, allongés sur le tas de légumes, rient de voir les Juifs en fuite. L’âne effrayé, veut reculer. Debout à côté de lui, l’homme regarde attentivement le cortège. Il est robuste et doit avoir entre quarante et cinquante ans.

Longinus le dévisage. Il pense qu’il peut lui être utile et lui ordonne :

« Homme, viens ici. »

Simon de Cyrène fait mine de ne pas entendre, mais avec Longinus, il n’est pas question de plaisanter. Il réitère son ordre de telle façon que l’homme jette les rênes à un de ses fils et s’approche du centurion.

« Tu vois cet homme ? » lui demande-t-il.

A ces mots, il se retourne pour indiquer Jésus et voit à son tour Marie qui supplie les soldats de la laisser passer. Il en a pitié et crie :

« Laissez passer la femme. »

Puis il reprend :

« Ainsi chargé, il ne peut plus avancer. Toi, tu es fort. Prends sa croix et porte-la à sa place jusqu’au sommet.

– Je ne peux pas… J’ai l’âne… il est rétif… les garçons ne savent pas le retenir. »

Mais Longinus rétorque :

« Dépêche-toi, si tu ne veux pas perdre l’âne et gagner vingt coups en guise de punition. »

Simon n’ose plus réagir. Il crie aux garçons :

« Allez vite à la maison et dites que j’arrive tout de suite. »

Puis il va vers Jésus.

608.13

Il le rejoint juste au moment où Jésus se tourne vers sa Mère : c’est alors seulement qu’il la voit venir, car il avance tout courbé et les yeux presque clos comme s’il était aveugle. Il s’écrie :

« Maman ! »

C’est le premier mot depuis qu’il est torturé qui exprime sa douleur. Il y a dans ce cri l’aveu de sa terrible souffrance spirituelle, morale et physique. C’est le cri déchiré et déchirant d’un enfant qui meurt seul, au milieu de ses persécuteurss et sous les pires tortures… et qui arrive à avoir peur même de sa propre respiration. C’est la plainte d’un enfant qui délire et que meurtrissent des visions de cauchemar… Il demande sa mère, la seule dont le baiser frais calme l’ardeur de la fièvre, celle dont la voix fait fuir les fantômes et dont l’étreinte rend la mort moins effrayante…

Marie porte la main à son cœur comme si elle avait reçu un coup de poignard. Elle vacille légèrement, mais elle se reprend, hâte le pas et, les bras tendus vers son Enfant martyrisé, elle s’écrie :

« Mon Fils ! »

Mais elle dit cela d’une telle manière que le cœur, s’il n’est pas de pierre, se fend à la vue de cette douleur.

Je vois chez les Romains eux-mêmes un mouvement de pitié… et pourtant ce sont des hommes d’armes habitués aux tueries, marqués de cicatrices. Mais ces mots : “ Maman ! ” et “ Mon fils ! ” sont toujours les mêmes, ils sont dits et compris partout, et soulèvent partout des flots de pitié… à moins d’avoir un cœur de hyène…

Simon de Cyrène éprouve lui aussi cette pitié… Il voit que Marie ne peut embrasser son Fils à cause de la croix, et qu’après avoir tendu les mains, elle les laisse retomber, certaine de ne pouvoir le faire. Elle le regarde seulement, essayant de sourire de son sourire martyr, pour le réconforter, alors que ses lèvres tremblantes boivent ses larmes. Lui, tordant la tête de sous le joug de la croix, cherche à son tour à lui sourire et à lui envoyer un baiser de ses pauvres lèvres blessées et fendues par les coups et la fièvre. A cette vue, Simon se hâte d’enlever la croix, ce qu’il fait avec la délicatesse d’un père, pour ne pas heurter la couronne d’épines et ne pas frotter les plaies.

Mais Marie ne peut embrasser son Fils… L’attouchement, même le plus léger, serait une torture sur les chairs déchirées, et Elle s’en abstient. Et puis… les sentiments les plus saints ont une pudeur profonde et ils veulent le respect ou du moins la compassion. Or ici, ce sont la curiosité et surtout le mépris qui règnent. Leur étreinte se borne donc à être celle de leurs deux âmes angoissées.

608.14

Le cortège reprend sa marche sous la poussée des flots d’un peuple furieux qui les presse, les sépare, et repousse Marie contre la colline, l’exposant au mépris de tout un peuple…

Maintenant, Simon de Cyrène suit Jésus avec la croix. Et Jésus, libéré de ce fardeau, marche mieux. Il halète fortement, portant souvent la main à son cœur comme s’il éprouvait une grande douleur, une blessure à la région sterno-cardiaque. Maintenant qu’il le peut, puisqu’il n’a plus les mains liées, il repousse ses cheveux tombés en avant, tout gluants de sang et de sueur, jusque derrière les oreilles, pour sentir l’air sur son visage congestionné, et il délace le cordon du cou qui le fait souffrir quand il respire… Sa marche est plus facile.

Marie s’est retirée avec les femmes. Elle suit le cortège une fois qu’il est passé, puis, par un raccourci, elle se dirige vers le sommet de la colline, sans se soucier des imprécations de la plèbe cannibale. Maintenant que Jésus est libre, le dernier lacet du chemin est assez vite parcouru et ils sont proches du sommet, bondé de tout un peuple vociférant.

Longinus s’arrête et il ordonne que tous, inexorablement, soient repoussés plus bas, pour dégager le lieu de l’exécution. Une moitié de la centurie exécute l’ordre en accourant sur place et en repoussant sans pitié tous ceux qui s’y trouvent, se servant pour cela de leurs dagues et de leurs lances. Sous la grêle des coups de plat et des bâtons, les Juifs s’enfuient du sommet. Ils voudraient bien se placer sur l’esplanade qui est au-dessous, mais ceux qui y ont déjà pris place ne cèdent pas, de sorte que des rixes féroces ont lieu. Ils semblent tous fous.

608.15

Comme je l’ai dit[6] l’an dernier, le sommet du Calvaire a la forme d’un trapèze irrégulier, légèrement plus élevé d’un côté, à partir duquel la colline descend rapidement pendant un peu plus de la moitié de sa hauteur. Sur cette petite place, on a déjà préparé trois trous profonds renforcés de briques ou d’ardoises, creusés exprès, en somme. Tout près d’eux se trouvent des pierres et de la terre, prêtes pour butter les croix. D’autres trous, en revanche, ont été laissés pleins de pierres. On comprend qu’ils les vident d’une fois sur l’autre selon le nombre de ceux qui servent.

Sous la cime trapézoïdale, du côté où il n’y a pas de déclivité, s’étend une sorte de plate-forme en pente douce qui constitue une seconde petite place. De celle-ci partent deux larges sentiers qui longent le sommet, de sorte que celui-ci est isolé et surélevé d’au moins deux mètres de tous les côtés.

Les soldats, qui ont repoussé la foule, apaisent les disputes à coups persuasifs de lances, et dégagent le terrain pour que le cortège puisse passer sans encombre dans le bout de chemin qui reste, puis ils font la haie pendant que les trois condamnés, encadrés par les cavaliers, et protégés en arrière par l’autre demi-centurie, arrivent au point où ils doivent s’arrêter : au pied du balcon naturel et surélevé qui forme le sommet du Golgotha.

608.16

Pendant ce temps, j’aperçois les Marie à l’endroit que j’indique par un M, et un peu en arrière d’elles Jeanne, femme de Kouza, avec quatre autres femmes de tout à l’heure. Les autres se sont retirées, d’elles-mêmes probablement, car Jonathas est là, derrière sa maîtresse. Celle que nous appelons Véronique et que Jésus a appelée Nikê est partie. Sa servante manque aussi, tout comme la femme complètement voilée à laquelle les soldats obéirent. Je vois Jeanne, la vieille femme qu’on appelle Elise, Anne — c’est la maîtresse de la maison où Jésus est allé aux vendanges[7], la première année —, et deux que je ne saurais identifier. Derrière ces femmes et les Marie, je vois les fils d’Alphée Joseph et Simon, ainsi qu’Alphée, fils de Sarah, avec le groupe des bergers. Ils ont lutté contre ceux qui voulaient les repousser en les insultant, et la force de ces hommes, multipliée par leur amour et leur douleur, s’est montrée si violente qu’ils ont vaincu ; ils ont ainsi pu former un demi-cercle libre contre les Juifs lâches qui n’osent que lancer des cris de mort et tendre le poing. Mais rien de plus, car les bâtons des bergers sont noueux et lourds, et ces hommes courageux ne manquent ni de force ni d’adresse. Je ne me trompe pas : il faut un réel courage pour rester aussi peu nombreux, alors qu’ils sont connus comme Galiléens ou fidèles au Galiléen, contre toute une population hostile. De tout le Calvaire, c’est le seul endroit où l’on ne blasphème pas le Christ !

Des trois côtés de la colline qui descendent en pente douce vers la vallée, ce n’est qu’une fourmilière. On ne voit même plus la terre jaunâtre et nue et, sous le soleil qui disparaît et revient, on croit voir un pré fleuri de corolles de toutes les couleurs tant sont serrés les couvre-chefs et les manteaux des sadiques qui le couvrent. Au-delà du torrent, il y a foule sur le chemin, et encore au-delà des murs. Les terrasses les plus proches sont elles aussi bondées. Le reste de la ville est nu… vide… silencieux. Tout est ici : tout l’amour et toute la haine. Tout le Silence qui aime et pardonne, toute la Clameur qui hait et lance des imprécations.

608.17

Pendant que les hommes préposés à l’exécution préparent leurs instruments en achevant de vider les trous, et que les condamnés attendent dans leur carré, les Juifs réfugiés dans le coin opposé aux Marie les insultent. Ils insultent même la Mère de Jésus :

« A mort les Galiléens ! A mort ! Galiléens ! Maudits Galiléens ! A mort le blasphémateur galiléen ! Clouez sur la croix même le sein qui l’a porté ! Chassez les vipères qui enfantent les démons ! A mort ! Purifiez Israël des femmes qui s’allient au bouc !… »

Longinus, qui est descendu de cheval, se retourne et voit Marie… Il ordonne de faire cesser ce chahut. La demi-centurie qui se tenait derrière les condamnés, charge la racaille et désencombre complètement la seconde petite place, tandis que les Juifs s’échappent dans les hauteurs en s’écrasant les uns les autres. Les onze cavaliers descendent aussi de cheval, et l’un d’eux prend les onze chevaux en plus de celui du centurion et les mène à l’ombre, derrière la côte.

Le centurion se dirige vers le sommet. Jeanne, femme de Kouza, s’avance, l’arrête. Elle lui donne l’amphore et une bourse, puis se retire en pleurant, pour aller vers le coin de la colline avec les autres.

608.18

Là-haut, tout est prêt. On fait monter les condamnés. Jésus passe encore une fois près de sa Mère, qui pousse un gémissement qu’elle cherche à réfréner en mettant son manteau sur sa bouche.

Les Juifs la voient et se moquent d’elle.

Jean, le doux Jean, qui a passé un bras derrière les épaules de Marie pour la soutenir, se retourne avec un regard féroce, son œil en est phosphorescent. S’il n’avait pas dû protéger les femmes, je crois qu’il aurait pris à la gorge l’un ou l’autre de ces lâches.

A peine les condamnés sont-ils sur le plateau fatal que les soldats entourent la place de trois côtés. Seul reste vide celui qui surplombe.

Le centurion donne à Simon de Cyrène l’ordre de partir, mais c’est de mauvaise grâce qu’il s’exécute, et je pense que ce n’est pas par sadisme, mais par amour. Il s’arrête même près des Galiléens, et partage avec eux les insultes dont la foule abreuve le petit nombre de fidèles au Christ. Les deux larrons jettent par terre leurs croix en blasphémant.

Jésus se tait. Le chemin de croix est terminé.

608.1

Some time goes by so[1], not more than half an hour, perhaps even less. Then Longinus, who is entrusted with the task of superintending the execution, gives his orders.

But before Jesus is taken outside, into the street, to receive the cross and set out, Longinus, who has looked at Him twice or three times, with a curiosity that is already tinged with compassion and with the expert eye of one who is accustomed to certain situations, approaches Jesus with a soldier and offers Him a refreshment: a cup of wine, I think. In fact he pours a light blond rosy liquid out of a real military canteen. «It will do You good. You must be thirsty. The sun is shining outside. The way is a long one.»

And Jesus replies to him: «May God reward you for your compassion. But do not deprive yourself of it.»

«I am healthy and strong… You… I am not depriving myself… And even if I were… I would do it willingly, to give You some solace… A draught… to show me that You do not hate heathens.»

Jesus no longer refuses and takes a draught of the drink. As His hands are already untied and He no longer has the cane or the chlamys, He can do it by Himself But He refuses to take more, although the good cool drink should be a great relief to His fever, which is already showing itself in the red streaks that inflame His pale cheeks and His dry lips.

«Take some, take it. It is water and honey. It will give You strength and quench Your thirst… I feel pity for You… yes… pity… It was not You Who was to be killed among the Jews… Who knows! I do not hate You… and I will try to make You suffer only what is necessary.»

But Jesus does not drink any more… He is really thirsty… The dreadful thirst of those who have lost much blood and are feverish… He knows that it is not a drink with narcotics, and He would drink it willingly. But He does not want to suffer less. But I realise, a I understand what I am saying through an internal light, that the compassion of the Roman is of greater solace to Him than the water sweetened with honey.

«May God reward you with His blessings for this solace» He then says. And He smiles again… a heart-rending smile with His swollen wounded lips, which move with difficulty, also because the severe contusion between His nose and His right cheek-bone, caused by the blow with a cudgel He received in the court yard after the flagellation, is swelling considerably.

608.2

The two robbers arrive, each surrounded by a decury of soldiers. It is time to go. Longinus gives the last instructions.

A century is set out in two lines, at about three meters from each other, and moves thus into the square, where another century has formed a square barrier to drive the crowd back, so that it may not obstruct the procession. In the little square there are already some mounted soldiers a cavalry decury with a young non-commissioner officer who commands it and has the ensign. A foot-soldier is holding the bridle of the centurion’s black horse. Longinus mounts and goes to his place, about two metres in front of the eleven mounted soldiers.

The crosses are brought. Those of the two robbers are shorter. Jesus’ is much longer. I say that the vertical stake is not less than four metres long.

I see that it is already assembled when they bring it. With regard to this matter, I read, when I used to read… that is, years ago, that the cross was assembled on the top of Golgotha and that along the way the condemned men carried only the two poles bundled together on their shoulders. Everything is possible. But I see a true cross, well formed, solid, perfectly mortised at the crossing of the two arms and well reinforced with nails and screw bolts at the junction. And in fact, if one considers that it was destined to support a substantial weight, such as the body of a grown-up person, and had to sustain it also in its last convulsions, one understands that it could not be assembled there and then on the narrow uncomfortable top of Calvary.

Before giving the cross to Jesus, they tie the board with the inscription «Jesus Nazarene King of the Jews» round His neck. And the rope that holds it, gets entangled with the crown, which is moved and scratches where it is not already scratched, and pierces new parts, causing fresh pain and making fresh blood spout. The people laugh with sadistic joy, they abuse and curse.

They are now ready. And Longinus gives the order of march. «First the Nazarene, behind Him the two robbers; a decury around each of them, the other seven decuries positioned on the flank as reinforcements, and the soldier who allows the condemned men to be wounded mortally will be held responsible.»

608.3

Jesus comes down the three steps that from the lobby take one into the square. And it is immediately clear that Jesus is in an extremely weak condition. He straggers coming down the three steps, hampered by the cross weighing on His shoulder all covered with sores, by the board of the inscription that sways in front of Him cutting into His neck, by the oscillations caused to the body by the long stake of the cross, which bounces on the steps and on the uneven ground.

The Jews laugh seeing Him stagger along like a drunk man and they shout to the soldiers: «Push Him. Make Him fall. In the dust the blasphemer!» But the soldiers do only what they have to do, that is they order the Condemned One to stay in the middle of the road and walk.

Longinus spurs his horse and the procession begins to move slowly. Longinus would also like to make haste, taking the shortest route to Golgotha, because he is not sure of the resistance of the Condemned One. But the unrestrained mob – and it is even an honour to call it so – does not want that. Those who are more cunning have already run ahead, to the crossroads where the road forks, going towards the walls along one way, and towards the town along the other and they riot, shouting, when they see Longinus try to take the way towards the walls. «You must not do that! You must not! It is not legal! The Law prescribes that condemned men are to be seen in the town where they sinned!» The Jews at the rear of the procession realise that at the front they are trying to defraud them of a right, and they join their shouts to those of their colleagues.

For peace sake Longinus turns along the way that takes towards the town and goes a short distance along it. But he beckons to a decurion to approach him (I say decurion because he is the noncommissioned officer, but perhaps he is what we would call and orderly officer) and he says something to him in a low voice. This man trots back, and as he meets each decury commander, he conveys the order. He then goes back to Longinus to inform him that it has been done. And finally he goes to the place where he was previously, in the line behind Longinus.

608.4

Jesus proceeds panting. Each hole in the ground is a trap for His staggering feet, a torture for His shoulders covered with wounds, and for His head crowned with thorns, also because the sun, which is exceedingly warm, although now and again it hides behind a leaden awning of clouds, shines perpendicular on it. So even if it is concealed, it still burns. Jesus is congested with fatigue, fever and heat. I think that also the light and the howling must be a torture for Him. And if He cannot stop His ears in order not to hear so much coarse shouting, He half closes His eyes not to see the road dazzling in the sunshine… But He must also reopen them, because He stumbles over stones and holes, and each stumble is painful, as it jerks the cross, which knocks against the crown, which rubs against the wounded shoulder, widening the sores and increasing the pain.

The Jews cannot hit Him directly any longer. But odd stones and blows with cudgels still strike Him. The former, particularly in the little squares crowded with people. The latter, instead, at bends, along the narrow streets with frequent steps going up or down, at times one, at times three, at times more, because of the continuous variations of the ground. The procession is compelled to slow down at such places, and there is always some volunteer (!) who challenges the Roman lances if only to add a finishing touch to the masterpiece of torture that Jesus is by now.

The soldiers defend Him as best they can. But they strike Him as well, while trying to defend Him, because the long lances wave about in such narrow spaces, knock against Him and make Him stumble. But upon arriving at a certain spot, the soldiers make a perfect maneuver and, notwithstanding shouts and threats, the procession deviates abruptly along a street that goes directly towards the walls, downhill, a good short cut to the place of the execution.

Jesus is panting more and more. Perspiration is streaming down His face, together with the blood that trickles from the wounds of the crown of thorns. Dust sticks to His wet face leaving odd stains on it. Because also the wind is blowing now. Continual gusts at long intervals, during which the dust falls after being raised in whirlwinds by each gust, and is blown into eyes and throats.

Many people have already assembled at the Judicial Gate, that is, those who providently and in good time have chosen a good place to see. But shortly before arriving there Jesus almost falls on the quick intervention of a soldier, on whom He almost falls, prevents Him from falling on the ground. The rabble laugh and shout: «Leave Him! He used to says to everybody: “Rise”. Let Him rise now…»

Beyond the Gate there is a stream and a little bridge. Walking on the uneven boards is a new fatigue for Jesus, as the long stake of the cross bounces on them even more violently. And there is a new mine of projectiles for the Jews. The stones of the stream fly and hit the poor Martyr…

608.5

The ascent to Calvary begins. A barren road, without the least shade, paved with uneven stones, that goes straight up the hill.

Here again, when I used to read, I read that Calvary was a few metres high. It may be so. It is certainly not a mountain. But it is a hill, not certainly lower than the mount of the Crosses is, with respect to the Lungarni, where the Basilica of Saint Miniato is in Florence. Someone may say: «oh! not much!» Yes, for one who is healthy and strong it is not much. But it is enough to have a weak heart to feel whether it is much or little!… I know that after I began to suffer from heart trouble, even if only in a mild form, I could no longer go up that hill without suffering a great deal and I was compelled to stop now and again, and I had no load on my shoulders. I think that Jesus’ heart must have been in a very bad state after the flagellation and sweating blood… and I take only these two things into consideration.

So Jesus suffers tremendously in climbing, also because of the weight of the cross which, being so long, must be very heavy. He finds a protruding stone and as He is exhausted, He can lift His feet only a little, so He strumbles and falls on His right knee, but He can hold Himself up with His left hand. The crowd howls with joy…

He gets up again. He proceeds, bending and panting more and more, congested, feverish… The board that swings in front of Him obstructs His sight; His long tunic, the front part of which trails on the ground, as He now walks bending, hampers His steps. He stumbles again and falls on both knees, hurting Himself where He is already wounded; and the cross, which slips out of His hands and falls, after striking His back violently, compels Him to bend to pick it up and to toil painfully to put it back on His shoulder. While He does so, one can clearly see on His right shoulder the wound made by the rubbing of the cross, which has opened the many sores of the scourges, making them all into one, from which serum and blood transude, so that spot of His white tunic is all stained. The people even applaud for the joy of seeing Him fall so badly…

Longinus urges to make haste and the soldiers, striking with the flat of their daggers, press poor Jesus to proceed. He sets out again more and more slowly, despite all solicitations.

Jesus seems completely intoxicated, as He sways so much, knocking against one or the other lines of soldiers, wandering all over the road. And the people notice it and shout: «His doctrine has gone to His head. Look, look, how He staggers!» And others, and they are not of the people, but priests and scribes, say with a grin: «No. It is still the fumes of the banquets in Lazarus’ house. Were they good? Take our food now…» And other sentences of the kind.

608.6

Longinus, who turns round now and again, feels sorry for Him and orders a few minutes stop. The rabble insults him so much that the centurion orders the soldiers to charge them. And the fainthearted crowds at the sight of the shining threatening lances, run away shouting and hurling themselves here and there down the mountain.

It is here that, among the few people who have remained, I again see the small group of the shepherds appear from behind some ruins, probably of a collapsed low wall. They are desolate, upset, dusty, in rags, and with the power of their glances they attract the Master’s attention. He turns His head round, He sees them… He looks at them fixedly as if they were the faces of angels, He seems to quench His thirst and fortify Himself with their tears, and He smiles… The order to resume the march is given and Jesus passes just in front of them and He hears their anguished weeping. With difficulty He turns His head round from under the yoke of the cross and He smiles once again… His solace… Ten faces… a rest in the burning sun…

And immediately afterwards, the pain of the third fall, a complete one. And this time He does not stumble. He falls because of a sudden lack of strength, due to a syncope. He falls headlong, knocking His face on the uneven stones, and He remains in the dust under the cross that falls on Him. The soldiers try to raise Him. But as He seems to be dead, they go and inform the centurion. While they go and come back, Jesus comes to Himself, and slowly, with the help of two soldiers, one of whom lifts the cross and the other helps the Condemned One to stand up, He puts Himself in His place again. But He is really exhausted.

«Make sure that He dies only on the cross!» shout the crowd.

«If you let Him die beforehand, you will answer to the Procosul, bear that in your minds. The culprit must arrive alive at the execution place» say the chief scribes to the soldiers.

The latter cast withering glances at them, but discipline prevents them from speaking.

608.7

But Longinus is just as afraid as the Jews that the Christ may die on the road, and he does not want to have trouble. Without needing to be reminded, he knows what is his duty as officer responsible for the execution and he takes action. He takes action disconcerting the Jews who have already run ahead along the road that they have reached from all over the mountain, sweating, scratching themselves to pass among the few thorny bushes of the bare sun-baked mountain, falling on the rubble encumbering it as if it were a dump for Jerusalem, without feeling any pain except that of missing the panting of the Martyr, one of His sorrowful glances, a gesture, even an involuntary one, of suffering, and with no other fear but that of not being successful in having a good place. So Longinus gives the order to take the longer road that winds up the mountain and is therefore not so steep.

This road, which seems to have been used by many people, has become a rather confortable one. This crossroad is situated about half-way up the mountain. But I see that farther up the straight road is crossed four times by this one, which climbs with a slighter slope and to compensate for this is much longer. And many people are going up this road, but they do not participate in this shameful uproar of possessed people, who follow Jesus to take delight in His tortures. They are mostly women, weeping and veiled, and some small groups of men, very small ones indeed, who are much ahead of the women and are about to pass from sight, when going on their way, the road turns round the mountain.

Calvary here looks somehow pointed in its odd structure, which is snout-shaped on one side, whilst on the other side it drops sheer. I shall try to give you an idea of its outline. But I must turn the page, as here I could not manage due to lack of space[2].

The men disappear behind the stony point and I lose sight of them.

608.8

The people following Jesus are shouting with rage. It was more pleasant for them to see Him fall. While hurling obscene imprecations at the Condemned One and at those leading Him, some follow the judicial procession, and some go on almost running up the steep road, to make up for the disappointment received, by having a very good position on the top.

The women, who are proceeding weeping, and are at point D, turn round upon hearing the shouts, and see the procession turn towards them. Then they stop, leaning against the mountain, least they should be pushed down the slope by the violent Jews. They lower their veils on their faces even more, and there is one completely covered with her veil, like a Muslim, leaving only her very dark eyes free. They are sumptuously dressed and they have a strong old man to defend them, but all wrapped as he is in his mantle, I cannot see his face clearly. I can only see his long beard, which is more white than dark, stick out of his very dark mantle.

When Jesus arrives near them, they weep more loudly and bow low to Him. Then they move forward resolutely. The soldiers would like to drive them back with their lances. But the one who is all covered like a Muslim moves her veil aside for a moment before the ensign, who has just arrived on horseback to see what it the cause of this new hindrance, and he orders the soldiers to let her pass. I cannot see her face or her dress, because the shifting of the veil is done with the speed of a flash, and her dress is all concealed under a heavy mantle that reaches down to the ground and is completely closed by a set of buckles. The hand that comes out from there for a moment to shift the veil, is white and beautiful. And it is the only thing, in addition to her very dark eyes, that can be seen of this tall matron, who is certainly influential if she is so promptly obeyed by Longinus’ adjutant.

608.9

They approach Jesus weeping and kneel at His feet, while He stops panting… and yet He still knows how to smile at those compassionate women and at their escort, who uncovers himself to show that he is Jonathan. But the guards do not let him pass. Only the women.

One of them is Johanna of Chuza. And she is more haggard than when she was dying[3]. Only the traces of her tears are red, all her face is snow-white with her kind dark eyes, which, dimmed as they are, seem to have become a very dark violet shade like certain flowers. In her hand she has a silver amphora and offers it to Jesus. But He refuses it. In any case, He is so breathless that He would not even be able to drink. With His left hand He wipes the sweat and blood that trickles into His eyes and that, streaming down His purple face and neck, the veins of which are swollen through the laboured throbbing of His heart, wets all His tunic at the chest.

Another woman, who is accompanied by a young maidservant holding a small casket in her arms, opens it and takes out a square piece of very fine linen cloth, and offers it to the Redeemer. He accepts it. And as He cannot manage by Himself with one hand only, the compassionate woman helps Him to take it to His face, watching not to knock against His crown. And Jesus presses the cool linen cloth to His poor face and holds it there, as if He felt a great relic.

He then hands the linen cloth back and He says: «Thank you Johanna, thank you, Nike, Sarah… Marcella, Eliza, Lydia,… Anne, Valeria,… and you. But… do not weep for Me daughters of… Jerusalem… But for your sins… and for those… of your town… Bless… Johanna… for not having… more sons… See… It is God’s mercy… not… not to have sons… because… they suffer… for this… And you… too, Elizabeth… Better… as it was…. than among deicides… And you… mothers… weep for… your sons, because… this hour will not pass… without punishment… And what a punishment, if it is so for… the Innocent… You will weep then… for having conceived… suckled and for… having more… sons… The mothers… On those days… will weep because… I solemnly tell you… that he will be lucky… who then… will be… the first… to fall… under the ruins. I bless you. Go… home… pray for Me. Goodbye, Jonathan… take them away…»

And in the midst of the loud noise of weeping women and cursing Judaeans, Jesus sets out again.

608.10

Jesus is once again completely wet with perspiration. Also the soldiers and the other two condemned men are perspiring, because the sun this stormy day is as burning as flames, and the side of the mountain, very warm by itself, increases the heat of the sun.

What this sun must feel like on Jesus’ woollen garment placed on the wounds of the scourges, one can easily imagine and be horror stricken at the idea… But He never moans. But although the road is not so steep as the other one and it is not strewn with uneven stones, which were so dangerous to His feet that He is now dragging, Jesus is staggering more and more, and once again He knocks first into one line of soldiers and then into the other and is bent more than previously.

They decide to overcome the difficulty by passing a rope around His waist and holding the two ends as if they were reins. It does in fact support Him, but it does not make His load any lighter. On the contrary the rope, knocking against the cross, shifts it continuously on His shoulder and makes it strike the crown, which by now has turned Jesus’ forehead into a bleeding tattoo mark. Further, the rope rubs against His waist, where there are many wounds, and it certainly makes them bleed again, in fact His white tunic is tinged with pale red at the waist. So, in order to help Him, they make Him suffer more.

608.11

The road continues. It goes round the mountain, it comes back almost to the front, towards the steep road. Here, there is Mary with John. I should say that John has taken Her to that shady place, behind the slope of the mountain, to give Her some relief. It is the steepest part of the mountain. There is no other road going round it.

Above and under it the slope rises or descends steeply, and that is why the cruel people have abandoned it. It is shady there, because I should say that it is the north, and Mary, leaning as She is on the mountain side, is protected from the sun. She is leaning against the slope, standing, but already exhausted, panting, as white as death, in Her very dark blue dress, which is almost black. John looks at Her with desolate pity. He has no trace of colour on his face either, and he looks pale, with wide-open tired eyes, unkempt, and his cheeks are sunken as if he were suffering from a disease.

The other women – Mary and Martha of Lazarus, Mary of Alphaeus and Mary of Zebedee, Susanna from Cana, the mistress of the house and some more whom I do not know[4] – are all in the middle of the road looking to see whether the Saviour is coming. And when they see Longinus arrive, they rush towards Mary to inform Her. And Mary, supported by John who is holding Her by the elbow, departs from the hillside, stately in Her grief, and places Herself resolutely in the middle of the road, moving aside only at the arrival of Longinus, who from the height of his black horse looks at the pale Woman and at Her blond wan companion, whose meek eyes are blue like Hers. And Longinus shakes his head while passing by followed by the eleven soldiers on horseback.

Mary tries to pass through the dismounted soldiers, who, being warm and in a hurry, strive to drive Her back with their lances, all the more that stones are thrown from the paved road, as a protest against so much compassion. It is the Jews, who once again curse because of the halt brought about by the pious women and say: «Quick! It is Easter tomorrow. Everything must be accomplished by this evening! You are accomplices who deride our Law! Oppressors! Death to the invaders and to their Christ! They love Him! Look how they love Him! Well, take Him! Put Him in your cursed Eternal City! We surrender Him to you! We don’t want Him! Let rotters be with rotters! And leprosy with lepers!»

608.12

Longinus gets tired and followed by the ten lancers he spurs his horse against the reviling pack of hounds, who run away for the second time. And in doing so he sees a cart standing still, which has certainly come up from the vegetable-gardens at the foot of the mountain and is waiting for the crowds to pass, so that it may go down towards the town with its load of greens. I think that curiosity has made the man from Cyrene and his sons go up there, because it was not necessary for him to do so. The two sons, lying on the top of the green pile of vegetables, look and laugh at the fleeing Judaeans. The man, instead, a very strong man, about forty-fifty years old, standing near the little donkey, which is frightened and tries to draw back, looks attentively at the procession.

Longinus looks him up and down. He thinks that he can be useful and says to him in a commanding voice: «Man, come here.»

The man from Cyrene feigns he has not heard. But one cannot riffle with Longinus. He repeats the order in such a way that the man throws the reins to one of his sons and approaches the centurion

«Do you see that man?» he asks. And in doing so, he turns around to point out Jesus and he sees Mary, Who is imploring the soldier to let Her pass. He takes pity on Her and he shouts: «Let the Woman pass.» He then resumes speaking to the man from Cyrene: «He cannot proceed further laden as He is. You are strong.. Take His cross and carry it in His stead as far as the summit.»

«I cannot… I have the donkey… it is restive… the boys cannot hook it…»

But Longinus says: «Go, if you do not want to lose your donkey and get twenty blows as punishment.»

The man from Cyrene dare no longer react. He shouts to the boys: «Go home and be quick. And say that I am coming at once» and he then goes towards Jesus.

608.13

He reaches Him just when Jesus turns towards His Mother, Whom only now He sees coming towards Him, because He is proceeding so bent and with His eyes almost closed, as if He were blind, and He shouts: «Mother!»

Since He began being tortured, it is the first word that expresses His sufferings. Because in that cry there is the confession of everything, and all the dreadful sorrow of His spirit, of His morale, of His body. It is the heart-broken and heart-breaking cry of a little boy who dies all alone, among torturers and the most cruel tortures… and who goes so far as to be afraid of his own breathing. It is the wailing of a raving little boy tormented by nightmare visions… and wants his mummy, his dear mummy, because only her fresh kisses soothe the ardour of his fever, her voice dispels phantoms, her embrace makes death less fearful…

Mary presses Her hand against Her heart, as if She had been stabbed, and She staggers lightly. But She collects Herself, quickens Her step and while going towards Her tortured Son with outstretched arms, She shouts: «Son!» But She says so in such a way that whoever has not got the heart of a hyena, feels it is breaking because of so much grief.

I notice signs of compassion even among the Romans… and yet they are soldiers, accustomed to slaughters, marked by scars… But the words: «Mother!» and «Son!» are always the same for all those who, I repeat it, are not worse than hyenas, they are understood everywhere and they raise waves of compassion everywhere…

The man from Cyrene feels such pity… As he sees that Mary cannot embrace Her Son because of the cross, and that after stretching Her arms out, She lets them drop, convinced that She is unable to do so — and She only looks at Him, striving to smile with Her smile of a martyr to encourage Him, while Her trembling lips drink Her tears, and He, turning His head round, from under the yoke of the cross, tries in His turn to smile at Her and send Her a kiss with His poor lips, wounded and split by blows and fever — he hastens to remove the cross, and he does so with the gentleness of a father, in order not to give a shove to the crown or rub against His sores.

But Mary cannot kiss Her Son… Even the lightest touch would be a torture for His torn flesh, and Mary refrains, and then… the most holy feelings have a profound modesty and they exact respect or at least compassion, whilst here there is curiosity, and above all, mockery. Only the two anguished souls kiss each other.

608.14

The procession, which sets out again under the pressure of the waves of the furious people, divides them, pushing the Mother against the mountain, to be sneered at by all the people…

Behind Jesus there is now the man from Cyrene with the cross. And Jesus, freed of that weight, is proceeding more easily. He is panting violently, He often presses His hand against His heart, as if He had a great pain or a wound there, in the sternum-heart region, and now, since His hands are no longer tied and He is able to do so, He pushes His hair, which had fallen forward and is sticky with blood and perspiration, behind His ears, to feel some air on His cyanotic face, He unties the cord round His neck, as it makes Him suffer in breathing… But He can walk better.

Mary has withdrawn with the women. She follows the procession once it has passed, and then, along a short cut, She turns Her steps towards the top of the mountain, defying the insults of the cannibalistic populace.

Now that Jesus can walk freely, the last stretch of the road around the mountain is soon covered, and they are already close to the top crowded with shouting people.

Longinus stops and orders his men to inexorably repel everybody farther down, so that the top, the place of the execution, may be free. And one half of the century carries out the order, rushing to the spot and mercilessly driving back whoever is there, making use of their daggers and lances to do so. The hail of blows with the flat of swords and clubs makes the Jews run away from the top, and they would like to stop in the open space below. But those already there do not give in and the people begin to brawl fiercely. They all seem to be mad.

608.15

As I told you last year[5], the top of Calvary is shaped like an irregular trapezium, slightly higher on A side, after which the mountain descends steeply for more than half of its height. In this little open space there are already three deep holes, lined with bricks or slates, that is, built for a special purpose. Near them there are stones and earth ready to prop the crosses. Other holes instead are full of stones. It is obvious that they empty them each time according to the number required.

Under the trapezoidal summit, on the side of the mountain that does not descend steeply, there is a kind of platform that slopes down gently forming a second little open space. Two wide paths depart from it going round the top, which is thus isolated and raise at least two metres in height on all sides.

The soldiers, who have driven the people away from the top, with convincing blows of their lances subdue quarrels and make room so that the procession may pass without any hindrance on the last stretch of the road, and they remain there forming a double hedge while the three condemned men, surrounded by the soldiers of horseback and protected behind by the other half of the century, arrive at the spot where they are stopped: at the foot of the natural raised platform that is the summit of Golgotha.

608.16

While that takes place, I see the Marys at the point that I have marked with an M, and a little behind them there is Johanna of Chuza with the other four ladies mentioned previously. The others have withdrawn. And they must have gone by themselves, because Jonathan is still there, behind his mistress. The one we call Veronica and whom Jesus called Nike, is no longer there and also her maidservant is absent. Also the one, who was all covered with a veil and was obeyed by the soldiers, is no longer there. I can see Johanna, the old woman named Eliza, Anne (the mistress of the house where Jesus went for the vintage in the first year[6] of His public life), and two more whom I cannot identify.

Behind these women and the Maries I can see Joseph and Simon of Alphaeus, and Alphaeus of Sarah with the group of the shepherds. They have scuffled with those who wanted to repel them insulting them, and the strength of these men, increased by their love and grief, has been so powerful that they defeated their opponents, forming a free semicircle at which the very pusillanimous Jews dare only to hurl cries of death and shake their fists. But nothing else, because the crooks of the shepherds are knotty and heavy, and these valiant men lack neither strength nor the ability to aim accurately. And I am not wrong in saying so. It takes real courage for a few men, known as Galileans or followers of the Galilean Master, to oppose a hostile population. It is the only place on the whole of Calvary in which Christ is not cursed!

The mountain, on the three sides on which the slopes descend gently towards the valley, is all crowded with people. The yellowish barren earth can no longer be seen. In the sun that appears and disappears, it looks like a flowery meadow with corollas of all colours, so numerous and close together are the headgears and mantles of the sadists standing there. More people are beyond the torrent, on the road, and more beyond the walls. And there are more on the nearest terraces. The rest of the town is deserted… empty… silent. They are all here. All the love and all the hatred. All the Silence that loves and forgives. All the Clamour that hates and curses.

608.17

While the men responsible for the execution prepare their instruments, finishing emptying the holes, and the men condemned await in the middle of the square formed by the soldiers, the Jews, who have taken shelter in the corner opposite the Marys, insult them. They insult also the Mother: «Death to the Galileans. Death! Jalileans! Galileans! Curse them! Death to the Galilean blasphemer. Nail on the cross also the womb that bore Him! Away from here the vipers that give birth to demons! Death to them! Clear Israel of the females who copulate with the billy-goat!…»

Longinus, who has dismounted, turns round and sees the Mother… He orders his men to stop the uproar… The fifty soldiers who were behind the condemned men charge the rabble and clear the second esplanade completely, as the Jews run away along the mountain, reading on one another. Also the other soldiers dismount, and one takes the eleven horses, in addition to that of the centurion, and takes them to a shady spot, behind the B ridge of the mountain.

The centurion sets out towards the top. Johanna of Chuza moves forward and stops him. She gives him an amphora and a purse. She then withdraws weeping, and goes towards the edge of the mountain with the other women.

608.18

Everything is ready on the summit. They then make the condemned go up. And once again Jesus passes near His Mother, Who utters a groan, which She tries to stifle, by pressing Her mantle against Her lips.

The Jews notice it, they laugh and deride. John, the meek John, Who has one arm round Mary’s shoulders to support Her, turns around and glares at them. Even his eyes are phosphorescent. If he did not have to protect the women, I think that he would grip one of the cowards by the throat.

As soon as the condemned men are on the fatal platform, the soldiers surround the open space on three sides. Only the one that drops sheer is empty.

The centurion orders the man from Cyrene to go away. And he goes away, unwillingly now, and I would not say out of sadism, but of love. In fact he stops near the Galileans, sharing with them the insults that the crowds give liberally to these haggard believers of the Christ.

The two robbers throw their crosses on the ground swearing. Jesus is silent.

The sorrowful way of the cross has come to its end.


Notes

  1. Un certain temps… Cela doit s’entendre de la fin de la vision (604.35) qui précède immédiatement dans l’ordre de la rédaction (le 25 mars 1945).
  2. manque de place : L’esquisse de Maria Valtorta — que nous reproduisont sur la page suivante pour motif de mise en page — porte les mentions suivantes : Porte Judiciaire au centre des murs de la ville. Légèrement au dessus, en parallèle, le mot torrent est indiqué deux fois, et à l’extrémitié de la droite : jardins potagers. A gauche, il est écrit la légende suivante : Le Calvaire. Le sentier quadrillé est le plus raide. Il a été abandonné, à cause de l’état de Jésus, là où se trouve la marque rouge (qui va de la Porte Judiciaire au premier croisement). En rouge, le chemin en spirale emprunté par Jésus (à partir de ce premier croisement). Les endroits marqués par les lettres D et M sont expliqués dans le texte. Outre le chemin en rouge, Maria Valtorta a peint le mont en jaune et le torrent en bleu.
  3. lorsqu’elle était mourante, en 102.7.
  4. je ne connais pas : la date de cette vision précède en effet celle de la plupart des visions de la vie publique de Jésus.
  5. Pâque, c’est-à-dire : ce jour de sabbat était un grand jour, comme en Jn 19,31.
  6. Comme je l’ai dit (au Père Migliorini) l’an dernier, dans la vision décrite le 18 février 1944, qui fait partie d’une “ Passion ” plus concise. C’est ce que nous expliquons dans la note de 587.13.
  7. où Jésus est allé aux vendanges, la première année, au chapitre 108.

Notes

  1. Some time goes by so, with regard to the end of the vision in 604.35 written on the day before (25th March 1945).
  2. space: in the sketch by M.V. we can read, starting from the bottom: Judicial Gate at the center of the Town Walls. Going up, the word Torrent is written twice. On the right hand: Vegetable gardens. The note on the left says: The Calvary. The chequered road is the steep one, abandoned, due to Jesus’ condition, where the red sign stops [from the Judicial Gate to the first crossing]. The red winding road is the one covered by Jesus [starting from the first crossroad]. Letters D and M find explaination in the text. M.V. coloured the road in red, the mount in yellow and the torrent in blu.
  3. she was dying, in 102.7.
  4. I do not know, since this vision precedes most of the visions about Jesus’ public life.
  5. As I told you (to father Migliorini) last year, in the vision described on 18th February 1944.
  6. the vintage in the first year, in chapter 108.