The Writings of Maria Valtorta

82. A Jéricho.

82. In Jericho. The Iscariot tells

82.1

Voici la place du marché à Jéricho. Ce n’est pas le matin, mais le soir, au moment de ces longs crépuscules très chauds de plein été. Du marché du matin, il ne reste que des déchets : débris de légumes, monceaux d’excréments, paille tombée des paniers ou du bât des ânes, morceaux de chiffons… Sur le tout, c’est le triomphe des mouches et de toutes les fermentations et exhalaisons malodorantes, puantes, provoquées par le soleil.

Cette vaste place est déserte : quelque rare passant, quelque gamin querelleur qui lance des pierres sur les oiseaux posés sur les arbres de la place, quelque femme qui va à la fontaine. C’est tout.

Jésus arrive par une rue et regarde autour de lui, mais il ne voit encore personne. Patiemment, il s’appuie à un tronc d’arbre et il attend. Il trouve moyen de parler aux gamins de la charité qui prend sa source en Dieu et descend du Créateur sur toutes les créatures.

« Ne soyez pas cruels. Pourquoi voulez-vous troubler les oiseaux ? Ils ont leurs nids là-haut. Ils ont leurs petits. Ils ne font de mal à personne. Ils nous réjouissent de leurs chants et nous procurent la propreté en mangeant les restes de l’homme ainsi que les insectes qui nuisent aux moissons et aux fruits. Pourquoi les blesser, les tuer et priver leurs petits de leur père et mère, ou ceux-ci de leurs petits ? Seriez-vous contents de voir entrer un méchant dans votre maison, la démolir, tuer vos parents ou vous emporter loin d’eux ? Non, vous ne le seriez pas. Alors pourquoi faire à ces créatures innocentes ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fasse ? Comment pourrez-vous un jour ne pas faire de mal à l’homme si, à votre âge déjà, vous endurcissez votre cœur contre des petites créatures inoffensives et gentilles comme les oiseaux ? Ne savez-vous pas que la Loi dit : “ Aime ton prochain comme toi-même ” ? Celui qui n’aime pas son prochain ne peut pas non plus aimer Dieu. Et celui qui n’aime pas Dieu, comment peut-il aller dans sa Maison et le prier ? Dieu pourrait leur dire – et il le dit dans les Cieux – : “ Va-t’en. Je ne te connais pas. Un fils, toi ? Non, tu n’aimes pas tes frères, tu ne respectes pas en eux le Père qui les a faits. Tu n’es donc ni un frère ni un fils, mais un bâtard, un mauvais fils pour Dieu, un faux frère pour tes frères. ”

Vous voyez comme il aime, lui, le Seigneur éternel ? Aux mois les plus froids, il leur fait trouver des granges bien remplies pour que les oiseaux puissent y abriter leurs petits. Pendant les chaleurs, il leur procure l’ombre des feuilles pour les protéger du soleil. En hiver, dans les champs, le grain est à peine couvert de terre et il leur est facile de trouver les semences et de s’en nourrir. En été, des fruits succulents soulagent leur soif, ils peuvent se bâtir des nids solides et chauds avec les brins de paille et la laine que les troupeaux laissent sur les ronces. Et il est le Seigneur. Vous, petits hommes, qui êtes créés comme des oiseaux par lui et êtes donc les frères de ces petites créatures, pourquoi voulez-vous être différents en vous croyant autorisés à être cruels envers ces petits animaux ? Soyez pour tous miséricordieux en ne privant personne de ce qui lui revient, ni les hommes, vos frères, ni les animaux, vos serviteurs et amis, et Dieu…

– Maître, appelle Simon, Judas arrive !

– …et Dieu sera miséricordieux envers vous, il vous accordera tout ce qu’il vous faut, comme il le fait pour ces créatures innocentes. Allez et emportez avec vous la paix de Dieu. »

82.2

Jésus fend le cercle des enfants auxquels des adultes s’étaient joints et se dirige vers Judas et Jean qui arrivent rapidement par une autre rue. Judas jubile. Jean sourit à Jésus… mais n’a pas vraiment l’air heureux.

« Viens, viens, Maître. Je crois avoir bien fait. Mais viens avec moi. Dans la rue, on ne peut parler.

– Où, Judas ?

– A l’auberge. J’ai déjà retenu quatre chambres… oh, c’est modeste, ne crains rien ! Tout juste pour pouvoir se reposer sur un lit après tant de privations sous une telle chaleur, pour pouvoir manger comme des hommes et non comme des oiseaux sur la branche, et aussi pour parler tranquillement. J’ai vendu à un très bon prix, n’est-ce pas, Jean ? »

Jean acquiesce, sans grand enthousiasme. Mais Judas est tellement content de son opération qu’il ne remarque pas le peu de satisfaction qu’éprouve Jésus à la perspective d’un logement confortable, ni l’attitude encore moins approbative de Jean. Et il continue :

« Comme j’ai vendu au-dessus de mon estimation, je me suis dit : “ Il est juste d’en prélever une petite somme, cent deniers, pour nos lits et nos repas. Si nous sommes épuisés, nous qui avons toujours mangé, Jésus doit être tout à fait à bout. ” J’ai le devoir de veiller à ce qu’il ne tombe pas malade, mon Maître ! C’est un devoir d’amour car tu m’aimes et je t’aime… J’ai pensé aussi à vous et aux troupeaux, dit-il aux bergers. J’ai pensé à tout. »

Jésus ne souffle mot. Il le suit avec les autres.

Ils arrivent à une petite place annexe. Judas dit :

« Vois-tu cette maison sans fenêtre sur la rue et cette porte si petite qu’on la prendrait pour une fente ? C’est la maison de Diomède, le batteur d’or. On dirait une pauvre habitation, n’est-ce pas ? Mais il y a là assez d’or pour acheter tout Jéricho et… ah ! Ah !… (Judas rit malicieusement…) et dans cet or, on peut trouver beaucoup de colliers, de vaisselle et… et aussi d’autres objets de toutes les personnes qui ont le plus d’influence en Israël. Diomède… Ah, tout le monde fait semblant de ne pas le connaître, mais tous le connaissent : depuis les hérodiens jusqu’à … tout le monde, voilà. Sur ce mur sans ornement, pauvre, on pourrait écrire “ Mystère et Secret. ” Si ces murs parlaient ! Il n’y aurait plus à se scandaliser de la façon dont j’ai traité l’affaire, Jean !… Toi… tu en mourrais étouffé par la stupeur et les scrupules. Mais écoute plutôt, Maître. Ne m’envoie plus avec Jean pour certaines affaires. Il s’en est fallu de peu que tout échoue. Il ne sait pas saisir au vol, il ne sait pas nier, et avec un fourbe comme Diomède il faut être rapide et vif. »

Jean murmure :

« Tu disais de ces choses ! Si inattendues et tellement… et tellement… Oui, Maître, ne m’envoie plus. Moi, je ne sais qu’aimer…

– Nous aurons rarement besoin de pareilles ventes, répond Jésus, qui est préoccupé.

– Voilà l’auberge. Viens Maître. C’est moi qui vais parler puisque… j’ai tout arrangé. »

82.3

Ils entrent, et Judas discute avec le patron qui fait mener les brebis à une étable, puis conduit personnellement ses hôtes dans une petite pièce où se trouvent deux nattes qui servent de lits, des sièges et une table qu’on a préparés. Puis il se retire.

« Parlons tout de suite, Maître, pendant que les bergers sont occupés avec leurs troupeaux.

– Je t’écoute.

– Jean te dira que je suis sincère.

– Je n’en doute pas. Entre honnêtes gens, il n’est pas besoin de serments et de témoignages. Parle.

– Nous sommes arrivés à Jéricho à la sixième heure. Nous étions en sueur comme des bêtes de somme. Je n’ai pas voulu donner à Diomède l’impression d’une affaire urgente. Donc je suis d’abord venu ici, je me suis rafraîchi, j’ai mis un vêtement propre et j’ai voulu que Jean fasse de même. Ah, il ne voulait rien savoir de se faire parfumer et arranger les cheveux… Mais j’avais fait mon plan en cours de route !… A l’approche du soir, j’ai dit : “ Allons-y. ” Nous étions alors reposés et frais, comme deux richards en voyage d’agrément. Comme nous étions près d’arriver chez Diomède, j’ai dit à Jean : “ Toi, aide-moi. Ne me démens pas et sois vif pour comprendre. ” Mais il aurait mieux valu le laisser dehors ! Il ne m’a pas du tout aidé. Au contraire… Heureusement que je suis éveillé pour deux et j’ai fait face à tout.

Le gabelou sortait de chez lui. “ Bien ! ” me suis-je dit. “ Si lui, il sort, nous trouverons de l’argent et ce que je veux pour faire le marché. ” Car le gabelou, usurier et voleur comme tous ses semblables, a toujours des colliers arrachés par menaces et usure à quelque pauvre qu’il taxe plus qu’il n’est permis pour avoir beaucoup à dépenser en orgies et en femmes. En outre, il est très ami de Diomède qui achète et vend or et chair… après m’être fait connaître, nous sommes entrés. Je dis bien : entrés. Parce qu’une chose est d’aller à l’entrée où il fait semblant de travailler l’or honnêtement, et autre chose de descendre dans le souterrain où il traite les vraies affaires. Il faut être très connu de lui pour obtenir cette dernière invitation. Quand il m’a vu, il m’a dit : “ Tu veux encore vendre de l’or ? Le moment est peu favorable. J’ai peu d’argent. ” C’est son refrain habituel. Je lui ai répondu : “ Je ne viens pas pour vendre, mais pour acheter. As-tu des bijoux pour une femme ? Mais beaux, riches, de grande valeur, lourds, en or pur ? ” Diomède en est resté interdit et il m’a demandé : “ Tu veux une femme ? ” “ Ne t’occupe pas de cela, lui ai-je répondu. Ce n’est pas pour moi. C’est pour cet ami qui est marié et veut acheter des bijoux d’or pour celle qu’il aime. ”

A ce moment-là, Jean a commencé à faire l’enfant. Diomède, qui le regardait, l’a vu rougir comme la pourpre et a dit, en vieux dégoûtant qu’il est : “ Eh, le garçon, rien qu’à entendre nommer son épouse, en devient tout fiévreux. Elle est très belle, ta femme ? ” a-t-il demandé. J’ai donné un coup de pied à Jean pour le réveiller et lui faire comprendre de ne pas faire l’imbécile. Mais il a répondu un “ oui ” si étouffé, que Diomède a commencé à se méfier. Alors, c’est moi qui ai parlé : “ Qu’elle soit belle ou non, cela ne doit pas t’intéresser, vieux. Elle ne sera jamais du nombre des femmes pour lesquelles tu iras en enfer. C’est une jeune fille honnête, et bientôt une honnête épouse. Pas besoin de ton or. C’est moi qui m’occupe du futur mariage et je suis chargé d’aider le jeune homme… moi, qui suis judéen et citadin. ” “ Lui, c’est un Galiléen, n’est-ce pas ? ” Toujours ces cheveux qui vous trahissent ! “ Il est riche ? ” “ Très riche. ”

Nous sommes alors descendus et Diomède a ouvert ses caisses et ses coffres-forts. Mais, dis la vérité, Jean, n’avait-on pas l’impression d’être au ciel devant toutes ces pierreries et cet or ? Colliers, guirlandes, bracelets, boucles d’oreille, résilles d’or et de pierres précieuses, épingles à cheveux, fibules, anneaux… Ah ! Quelles splendeurs ! D’un air très hautain j’ai choisi un collier à peu près comme celui d’Aglaé, et puis des épingles à cheveux, des anneaux, des bracelets… tous semblables à ceux que j’avais dans la bourse et en nombre égal. Diomède était stupéfait et demandait : “ Encore ? Mais qui est-il donc ? Et qui est son épouse ? Une princesse ? ” Quand j’ai eu tout ce que je voulais, j’ai dit : “ Quel prix ? ”

Ah ! Quelle litanie de lamentations sur la dureté des temps, sur les impôts, sur les risques, sur les voleurs ! Ah ! Quelle autre litanie pour m’assurer de son honnêteté ! Enfin, voici la réponse : “ Réellement, puisque c’est toi, je vais te dire la vérité, sans exagération. Mais je ne puis en rabattre une seule drachme. Je demande douze talents d’argent. ” “ Voleur ! ” ai-je dit. J’ai ajouté : “ Partons, Jean. A Jérusalem, nous trouverons quelqu’un de moins voleur que lui. ” Et j’ai fait semblant de sortir. Mais il m’a couru par derrière. “ Mon grand ami, mon très cher ami, viens, comprends ton pauvre serviteur. A moins, je ne peux pas. Je ne peux vraiment pas. Regarde. Je fais réellement un effort et je me ruine. Je le fais parce que tu m’as toujours accordé ton amitié et que tu m’as fait faire des affaires. Onze talents, voilà tout. C’est ce que je donnerais si je devais acheter cet or à quelqu’un qui meurt de faim. Pas un sou de moins. Ce serait saigner à blanc mes vieilles veines. ” N’est-ce pas qu’il disait cela ? Cela faisait rire et donnait la nausée.

Quand je l’ai vu bien arrêté sur le prix, j’ai fait le coup. “ Vieux dégoûtant, apprends que je veux non pas acheter, mais vendre. Voici ce que je veux vendre. Regarde : c’est beau comme tes bijoux. De l’or de Rome et de forme nouvelle. Tu ne manqueras pas d’acheteurs. C’est à toi pour onze talents. C’est toi qui as fixé le prix. Tu en as fait l’estimation, alors paie ! ” Oh, alors !… “ C’est une fourberie ! Tu as trahi l’estime que j’avais pour toi ! Tu veux ma ruine ! Je ne puis te donner autant ! ” criait-il. “ C’est toi qui as fait l’estimation. Paie ! ” “ Je ne peux pas. ” “ Prends garde que je ne le porte à d’autres. ” “ Non, mon ami ! ” Déjà il allongeait les mains vers le tas de bijoux d’Aglaé. “ Alors, paie : je devrais exiger douze talents, mais je m’en tiens à ta dernière estimation. ” “ Je ne peux pas. ” “ Usurier ! Prends garde, j’ai là un témoin et je peux te dénoncer comme voleur… ” et je lui ai attribué d’autres vertus que je ne répète pas devant ce garçon…

A la fin, comme j’étais pressé de vendre et de faire vite, je lui ai promis un petit quelque chose, entre nous deux… Je ne tiendrai pas cette promesse. Quelle valeur a-t-elle, faite à un voleur ? J’ai conclu l’affaire pour dix talents et demi. Nous sommes partis au milieu des doléances et des offres d’amitiés et… de femmes. Pour un peu, Jean allait pleurer. Mais que t’importe qu’ils te prennent pour un vicieux ? Il suffit que tu ne le sois pas. Ne sais-tu pas que le monde, c’est ça et qu’il te regarde comme un avorton ? Un jeune homme qui ne connaît pas le goût de la femme ? Qui veux-tu qui te croie ? Ou s’ils te croient… ah, en ce qui me concerne, je ne voudrais pas qu’on pense de moi ce que peuvent penser de toi ceux qui s’imaginent que tu ne désires pas les femmes.

Voilà, Maître. Compte toi-même. J’avais un tas de monnaie, mais je suis passé chez le gabelou et je lui ai dit : “ Reprends-moi toute cette mitraille et donne-moi les talents que tu as reçus d’Isaac. ” Parce que j’avais eu cette dernière nouvelle en traitant mon affaire.

82.4

Cependant, en dernier lieu, j’ai dit à Isaac-Diomède : “ Souviens-toi que le Judas du Temple n’existe plus. Maintenant, je suis disciple d’un saint. Fais donc semblant de ne jamais m’avoir connu, si tu tiens à ta peau. ” Et pour un peu je lui tordais le cou à l’instant parce qu’il m’a mal répondu.

– Que t’a-t-il dit ? demande Simon avec indifférence.

– Il m’a dit : “ Toi, le disciple d’un saint ? Je ne le croirai jamais ou bien je verrai bientôt ici ton saint me demander une femme. ” Il m’a dit aussi : “ Diomède est une vieille crapule, un malheur du monde, mais toi, tu en es la jeune réplique. Et moi, je pourrais encore changer car j’étais déjà âgé quand je suis devenu ce que je suis. Toi, tu ne changes pas, tu es né comme ça. ” Vieux dégoûtant ! Il nie ton pouvoir, as-tu compris ?

– Et, en bon Grec qu’il est, il dit beaucoup de vérités…

– Que veux-tu dire, Simon ? Est-ce pour moi que tu parles ?

– Non. Pour tout le monde. C’est un homme qui connaît l’or et les cœurs, aussi bien l’un que l’autre. C’est un voleur, une ordure, en tout ce qu’il y a de plus répugnant comme trafic. Mais on trouve en lui la philosophie des grands Grecs. Il connaît l’homme, cet animal aux sept vices capitaux, polype destructeur de tout bien, de toute honnêteté, de tout amour et de tant d’autres choses, en lui et chez les autres.

– Mais il ne connaît pas Dieu.

– Et toi, tu voudrais le lui enseigner ?

– Moi, oui. Pourquoi ? Ce sont les pécheurs qui ont besoin de connaître Dieu.

– C’est vrai. Néanmoins… le maître doit le connaître pour l’enseigner.

– Et moi, je ne le connais pas ?

– Paix, mes amis. Les bergers arrivent. Ne troublons pas leurs âmes par des querelles entre nous. Tu as compté l’argent ? Cela suffit. Achève toute cette affaire comme tu l’as entreprise et, je te le répète, si possible, à l’avenir ne mens pas, même pour faciliter une bonne action… »

82.5

Les bergers entrent.

« mes amis, voilà ici dix talents et demi. Il manque seulement cent deniers que Judas a prélevés pour les dépenses de logement. Prenez.

– Tu donnes tout ? demande Judas.

– Tout. Je ne veux pas garder le moindre sou de cet argent. Nous avons l’obole de Dieu et de ceux qui cherchent Dieu honnêtement … et il ne nous manquera jamais l’indispensable. Tu peux en être sûr. Prenez et soyez heureux, comme je le suis, pour Jean-Baptiste. Demain, vous irez à sa prison. Deux d’entre vous : Jean et Mathias. Siméon ira avec Joseph trouver Elie pour tout lui rapporter et se renseigner pour l’avenir. Elie sait. Puis Joseph reviendra avec Lévi. Le rendez-vous sera dans dix jours près de la Porte des Poissons à Jérusalem, à la première heure. Et maintenant, mangeons et prenons du repos. Demain, de bon matin, je pars avec les miens. Je n’ai rien d’autre à vous dire pour l’instant. Plus tard, vous aurez de mes nouvelles. »

La scène disparaît au moment où Jésus fait la fraction du pain.

82.1

The market place in Jericho. It is not morning, but evening: a very warm summer evening at sunset. There are only traces of the morning market: remains of vegetables, heaps of excrement, straw fallen from donkeys’ baskets and rags… All is covered with flies and in the heat of the sun ferments and stinks disgustingly. The large square is empty. There are few passers-by, some quarrelsome urchins throwing stones at the birds perched on the trees. Some women go to the fountain. Nothing else.

Jesus arrives from a side street and looks around. He does not see anybody yet. He waits patiently, leaning against the trunk of a tree, and finds the opportunity of speaking to the boys about charity, that starts with God and from the Creator descends to all creatures.

«Do not be cruel. Why do you want to annoy the birds of the air? They have their nests up there, and their little ones. They do not harm anyone. They give us their chirping and cleanliness, because they eat the rubbish left by men and the insects that are harmful to crops and fruit. Why wound them, or kill them, depriving the little ones of their fathers and mothers, or the latter of their little ones? Would you be glad if a wicked man came to your house and destroyed it, or killed your parents, or took you away from them? No, you would not be happy. Well, then, why do to these innocent creatures what you would not like done to yourselves? How will you refrain one day from doing harm to men if, children as you are now, you harden your hearts and hurt defenceless, kind little creatures such as these birds? Do you not know that the Law says: “Love your neighbour as yourself”? He who does not love his neighbour does not even love God. And he who does not love God, how can he go to His House and pray to Him? God might say to him, and he does say it in Heaven: “Go away. I do not know you. You, My son? No, you are not. You do not love your brothers, you do not respect in them the Father Who created them, so you are not a brother and a son, but an illegitimate child: a stepson to God, a stepbrother to your brothers”. See how the Eternal Lord loves? In the cold months, He makes His little birds find the barns full of hay, so that they may nest there. In the hot months, He protects them from the sun with the foliage of trees. In winter the corn in the fields is just covered with earth and it is easy for them to find the seed and nourish themselves. In summer they quench their thirst with the juice of fruits, and they build solid, warm nests with hay and the wool left on brambles by sheep. And He is the Lord. You, little men, created by Him like the little birds, and therefore their brothers in creation, why do you want to differ from Him and think that you can be cruel to these little animals? Be merciful with everybody, not depriving anyone of what is due to one: both amongst men and animals, your servants, your friends and God…»

«Master?» calls Simon «Judas is coming.»

«… and God will be merciful with you, and will give you everything you need, as He does with these innocent creatures. Go and take the peace of God with you.»

82.2

Jesus makes His way through the boys and some of the adults who had joined them, and goes towards Judas and John, who are coming from another street. Judas is jubilant. John smiles at Jesus… but does not seem very happy.

«Come, come, Master. I think I have done well. But come with me. It is not possible to speak here in the street.»

«Where, Judas?»

«To the inn. I have already booked four rooms… oh! nothing special, don’t worry. Only to rest in a bed after so much discomfort in all this heat, and to have a meal like men and not like birds perched on branches, and also to talk in peace. I sold the jewels very well, didn’t I, John?»

John nods in assent but not very enthusiastically. But Judas is so pleased with his work that he does not notice either that Jesus is not very happy at the prospect of comfortable lodgings or that John is even less enthusiastic about his transactions. And he goes on: «As I had sold at a higher price than I had estimated, I said: “It is fair that I should take a small amount, one hundred coins, for our beds and meals. If we are exhausted, although we always had something to eat, Jesus must be completely worn out”. I am obliged to ensure that my Master is not taken ill! An obligation of love, because You love me, and I love You… There is room also for you and the sheep» he says to the shepherds. «I have seen to everything.»

Jesus does not say one word. He follows him with the others.

They arrive in a smaller square. Judas says: «See that house without any windows opening on the street and with such a narrow little door that it looks like a crack? It’s Diomedes, the gold-beater’s house. It looks like a poor house, doesn’t it? But there is enough gold in there to buy the whole of Jericho and… ah! ah!» Judas laughs maliciously… «amongst all that gold many jewels and plates can be found, as well as other things, belonging to the most influential people in Israel. Diomedes… oh! they all pretend they do not know him, whereas they are all acquainted with him: from the Herodians down to… to everybody. On that plain, smooth wall, one could write: “Mystery and Secret”. If those walls could speak! Then you would not be scandalised at the way I negotiated this business, John! You… you would die, choked with amazement and scruples. By the way, listen, Master. Never send me again with John on certain business. He almost ruined everything. He cannot take a hint, he cannot deny things, whereas with shrewd men like Diomedes one must be quick and outspoken.»

John grumbles: «You were saying certain things. So unforeseen and so… so… Yes, Master. Do not send me again. I am only good at being kind and loving… I…»

«It is most unlikely that we shall ever need such transactions again» answers Jesus, very seriously.

«That is the hotel over there. Come, Master. I will do the talking, because I arranged everything.»

82.3

They go in, and Judas speaks to the landlord, who has the sheep taken to a stable, while he himself takes the guests into a little room where there are two mat-beds, some chairs and a table already laid. He then withdraws.

«I will tell you what happened at once, Master, while the shepherds are settling the sheep.»

«I am listening.»

«John can say whether I am telling the truth.»

«I do not doubt it. No oath or witness is required among honest men. Tell Me.»

«We arrived in Jericho at midday. We were wet with perspiration, like pack-animals. I did not want to give Diomedes the impression that I was in urgent need. So first of all, I came here, I refreshed myself, I put on clean clothes, and I got John to do the same. Oh! He would not hear of having his hair sorted and perfumed. But I had made out my plans, on my way here!… When it was almost evening, I said: “Let’s go”. By that time, we were well rested and fresh like two wealthy people on a pleasure trip. When we were about to arrive at Diomedes’ abode, I said to John: “Always agree to what I say. Do not contradict me, and be quick in taking a hint”. But I should have left him outside! He did not help at all. On the contrary… Fortunately, I am as quick as two people, and I managed.

The exciseman was coming out of his house. “Very well!” I said. “If he is coming out, we will find the money and what I want to make a comparison”. Because the exciseman, being a usurer and a thief like all his kind, always has necklaces taken with threats and usury from the poor people whom he taxes more than is fair, in order to have plenty to spend in feasting and women. And he is very friendly with Diomedes, who buys and sells gold and flesh… We went in after I had made myself known. I said: we went in. Because there is a difference between going into the entrance hall, where he pretends to be doing an honest job, and going down into the underground room, where he does his real business. One must be well known to him to be introduced there. As soon as he saw me, he said: “Do you want to sell more gold? We are going through hard times, and I have little money”. His usual old story. I replied: “I have not come to sell, but to buy. Have you any jewels for a lady? But they must be beautiful, valuable, heavy, in pure gold!” Diomedes was amazed. And he asked me: “Do you want a woman?” “Never mind that” I replied to him. “They are not for me. They are for this friend of mine who is getting married and wishes to buy the jewels for his beloved bride”.

At this point, John began to behave like a child. Diomedes, who was looking at him, saw him turn purple, and being a filthy old man, he said: “Ah! the boy has only heard the mention of his bride, and he is on heat. Is your woman very beautiful?” he asked. I kicked John to rouse him, and to make him understand not to behave foolishly. But he replied “Yes” as if he had been strangled and Diomedes became suspicious. Then I spoke: ·’Whether she is beautiful or not is none of your business, old man. She will never be one of the women on account of whom you will go to hell. She is an honest virgin, and will soon be an honest wife. Show us your gold. I am his best man and it is my task to help the young man… I am a Judaean citizen”. “He is a Galilean, is he not?” Your hair always gives you away. “Is he rich?” “Yes, very”.

We then went downstairs, and Diomedes opened his coffers and treasure-chests. But tell the truth, John. Did we not seem to be in Heaven with all the jewels and all the gold? Necklaces, wreaths, bracelets, earrings, hairnets of gold and precious stones, hairpins, buckles, rings… ah! what magnificence! With much haughtiness, I picked a necklace more or less like Aglae’s, and rings, buckles, bracelets, everything like I had in my bag, and the same quantity. Diomedes was surprised and he kept asking: “What! Some more? But who is this man? And who is the bride? A princess?” When I had everything I wanted, I said: “The price?”.

Oh! What a chain of preparatory moaning on the times, taxes risks, thieves! And another chain of assurances on his honesty! And then his reply: “Just because it’s you, I’ll tell you the truth. Without any exaggeration. But not even one penny less. I want twelve silver talents”. “Thief!” I said. And I went on: “Let’s go, John. In Jerusalem we will find someone who is not such a thief as he is” and I pretended I was going out. He ran after me. “My great friend, my beloved friend, come, listen to your poor servant. I cannot accept less. It’s impossible. Look. I’ll make an effort at the cost of ruining myself. I’ll do it because you have always honoured me with your friendship, and you made me do good business. Eleven talents, there you are. That is what I would pay if I had to buy that gold from someone starving. Not a penny less. It would be like bleeding my veins”. Is that not what he said? He made me laugh and he disgusted me at the same time.

When I saw he was quite determined on the price, I pulled a fast one on him. “Dirty old rascal. Bear in mind that I do not want to buy, on the contrary, I want to sell. This is what I want to sell. Look. It is as beautiful as yours. Gold from Rome in the latest fashion. It will sell immediately. You can have it for eleven talents. Exactly what you asked for yours. You fixed the price, and you pay”. You should have heard him. “This is treachery! You betrayed the esteem I held you in! You want to ruin me! I cannot pay all that!” he shouted. “You appraised its value. So pay!” “I cannot”. “Look, I’ll take it to somebody else”. “No, my friend, don’t”, and he stretched out his hooked hands towards Aglae’s heap of gold. “Well, then, pay: I should ask for twelve talents. But I will be satisfied with the last price you asked”. “I cannot”. “Usurer! Look, I have a witness here and I can report you as a thief…” and I mentioned other virtues of his which I will not repeat on account of this boy…

At last, as I was anxious to sell and settle the matter quickly, I whispered a promise in his ear, something that I will not keep… What weight has a promise made to a thief? And I sealed the bargain at ten and a half. We came away while he was crying and offering his friendship and… women. And John was almost in tears. What does it matter if they think you are a depraved man! Nothing, providing you are not. Don’t you know that the world is like that, and that you are a failure in the world? A young man who has not had any experience of women? Who do you think will believe you? Or if they believe you, well! I would not like them to think of me what they may think of you, if they believe you do not desire women.

Here, Master. Count them Yourself. I had a pile of coins. But I went to the exciseman and I said to him: “Take this rubbish and give me the talents Isaac gave you”. That was the last bit of information I got after closing the matter.

82.4

But the last thing I said to Isaac-Diomedes was: “Remember that the Judas of the Temple no longer exists. Now I am the disciple of a holy man. Pretend therefore that you never met me, if your life is dear to you”. And I was on the point of wringing his neck because he gave me a sharp answer.»

«What did he say to you?» asks Simon, coldly.

«He said: “You, the disciple of a holy man? I will never believe it, or I will soon see your holy man here, asking for a woman”. He said: “Diomedes is an old disgrace of the world. But you are a new one. And I may still change, because I became what I am when I was old. But you will not change. You were born like that”. Filthy old man! He denies Your power, see?»

«And being a good Greek, he speaks the truth.»

«What do you mean, Simon? Are you referring to me?»

«No. I am referring to everyone. He is a man who knows gold and men’s hearts the same way. He is a thief, the most filthy of all the filthy trades. But one perceives in him the philosophy of the great Greeks. He knows man, the animal with seven sinful jaws, the octopus that suffocates goodness, honesty, love and many other things, both in itself and in others.»

«But he does not know God.»

«And would you like to teach him?»

«Yes, I would. Why? It’s the sinners that need to know God.»

«True. But… the Master must know Him to teach Him.»

«And do I not know Him?»

«Peace, My friends. The shepherds are coming. Do not let us upset their souls with our quarrels. Have you counted the money? That is enough. Fulfil all your actions as you fulfilled this one, and I repeat it once again, in future, if you can, do not tell lies, not even to accomplish a good deed.»

82.5

The shepherds come in.

«My friends. Here are ten and a half talents. The amount is short of one hundred coins which Judas has kept for the inn expenses. Take them.»

«Are You giving them all?» asks Judas.

«Yes, every penny. I do not want a forthing of that money. We have the offerings of God and of those who honestly seek God… and we shall never lack what is necessary. Believe Me. Take the money and be happy, as I am, for the Baptist. Tomorrow, you will go towards his prison. Two of you: that is John and Matthias. Simeon and Joseph will go to Elias to report to him and to be taught for the future. Elias knows. Later, Joseph will come back with Levi. The meeting place, in ten days time, is at the Fish Gate in Jerusalem, at sunrise. And now, let us eat and rest. Tomorrow, at dawn, I will leave with My disciples. I have nothing else to tell you for the time being. Later, you will hear from Me.»

And everything fades out while Jesus is breaking the bread.