The Writings of Maria Valtorta

94. Guérison de la Belle de Chorazeïn.

94. Healing of the Beauty of Korasim.

94.1

Jésus sort de la maison de la belle-mère de Pierre en même temps que ses disciples, à l’exception de Jude. C’est d’abord un garçon qui le voit et l’annonce, même à ceux qui ne veulent pas le savoir.

Jésus, qui marche sur la rive du lac puis s’assied sur le bord de la barque de Pierre, est aussitôt entouré de villageois qui fêtent son retour et lui posent mille questions. Jésus leur répond avec une infinie patience, souriant et paisible comme si tout ce bavardage était une harmonie céleste.

Le chef de la synagogue arrive à son tour. Jésus se lève pour le saluer. Leur salutation réciproque est pleine d’une solennité tout orientale.

« Maître, puis-je compter sur toi pour l’instruction au peuple ?

– Certainement, si tu le désires, ainsi que le peuple.

– Nous l’avons désiré tous ces derniers temps. Ils peuvent te l’assurer eux-mêmes ! »

Le peuple, en effet, le confirme par un nouveau cri.

« Dans ce cas, je serai chez toi au milieu de la soirée. Pour l’instant, partez tous. Je dois aller trouver quelqu’un qui désire me voir. »

Les gens s’éloignent à contrecœur, pendant que Jésus, Pierre et André partent sur le lac en barque. Les autres disciples restent à terre.

94.2

La barque fait un court trajet à la voile puis les deux pêcheurs la manœuvrent dans une crique entre deux collines peu élevées. Ces collines paraissent n’en avoir fait qu’une à l’origine, et s’être creusées au milieu par l’érosion ou à la suite d’un tremblement de terre, formant un fjord minuscule ; n’étant pas norvégien, ce dernier n’est pas bordé de sapins, mais seulement d’oliviers ébouriffés qui ont poussé, on ne sait trop comment, sur les pentes escarpées, entre des rochers éboulés et d’autres qui affleurent. Ils entrelacent leurs frondaisons, tordues par les vents qui viennent du lac et qui ici doivent souffler fort. Elles forment une sorte de toit sous lequel bondit un petit torrent capricieux, bruyant parce que tout en cascades, et tout écumant avec ses chutes de roche en roche, mais ce n’est en réalité qu’un nain parmi les cours d’eau.

André saute à l’eau pour accoster au plus près et amarrer la barque à un tronc d’olivier, pendant que Pierre cargue la voile et installe une planche pour servir de pont à Jésus.

« Mais, dit-il, je te conseillerais de te déchausser, d’enlever ton habit et de faire comme nous. Ce fou (il indique le petit torrent) fait tournoyer l’eau du lac et le pont n’est pas sûr avec ce roulis. »

Jésus obéit sans discuter. Une fois à terre, ils remettent leurs sandales et Jésus reprend son long vêtement. Les autres restent avec leurs sous-vêtements foncés.

94.3

« Où est-elle ? demande Jésus.

– Elle se sera cachée, en entendant des voix. Tu sais… avec ce qu’elle a sur elle…

– Appelle-la. »

Pierre crie à haute voix :

« Je suis le disciple du Rabbi de Capharnaüm et le Rabbi est ici. Sors. »

Personne ne donne signe de vie.

« Elle est méfiante, explique André. Un jour quelqu’un l’a appelée en disant : “ Viens, voilà de la nourriture ”, mais c’est à coups de pierres qu’il l’a reçue. C’est alors que nous l’avons vue pour la première fois, parce que, moi du moins, je ne me souvenais pas du temps où elle était la Belle de Chorazeïn.

– Et qu’avez-vous fait ?

– Nous lui avons jeté un pain, des poissons et un lambeau de toile, un morceau de voile déchirée que nous gardions pour nous essuyer, parce qu’elle était nue. Puis nous nous sommes enfuis pour ne pas nous contaminer.

– Comment êtes-vous revenus, alors ?

– Maître… Tu étais parti et nous ne pensions qu’à te faire connaître toujours plus. Nous avons pensé à tous les malades, à tous les aveugles, aux estropiés, aux muets… et aussi à elle. Nous avons dit : “ Essayons. ” Tu sais… beaucoup… oh, par notre faute certainement, nous ont traités de fous et n’ont pas voulu nous écouter. D’autres, au contraire, nous ont crus. C’est moi qui lui ai parlé, à elle directement. Je suis venu seul, avec la barque, au clair de lune. Je l’appelais, je lui disais : “ Sur la pierre, au pied de l’olivier, il y a du pain et des poissons. Viens sans crainte ”, et je m’en allais. Elle devait attendre de me voir disparaître, car je ne la voyais jamais. La sixième fois, je l’ai vue, debout sur la rive à l’endroit précis où tu es. Elle m’attendait. Quelle horreur ! Si je ne me suis pas enfui, c’est parce que j’ai pensé à toi.

Elle m’a demandé : “ Qui es-tu ? Pourquoi as-tu pitié ? ”

Je lui ai répondu :

“ Parce que je suis disciple de la Pitié. ”

“ Qui est-il ? ”

“ C’est Jésus de Galilée. ”

“ Et il vous enseigne à avoir pitié de nous ? ”

“ De tout le monde. ”

“ Mais sais-tu seulement qui je suis ? ”

“ Tu es la Belle de Chorazeïn, maintenant la lépreuse. ”

“ Et il est possible d’éprouver de la pitié pour moi ? ”

“ Lui, il dit que sa pitié s’adresse à tous, et nous, pour être comme lui, nous devons avoir de la pitié pour tous. ”

Ici, Maître, la lépreuse a blasphémé sans le vouloir. Elle a dit :

“ Alors, lui aussi doit avoir été un grand pécheur. ”

J’avais envie de lui rétorquer : “ Sois maudite à cause de ta langue ”, mais je lui ai dit : “ Non, c’est le Messie, le saint de Dieu. ” Je ne lui ai pas dit autre chose parce que j’ai pensé : “ Dans sa détresse, elle ne peut penser à la miséricorde divine. ”

Elle s’est alors mise à pleurer et elle a dit :

“ Oh ! S’il est le Saint, il ne peut pas, non il ne peut pas avoir pitié de la Belle. Pour la lépreuse, il le pourrait… mais pour la Belle, non. Et moi qui espérais… ”

J’ai demandé :

“ Qu’espérais-tu, femme ? ”

“ La guérison… retourner dans le monde… parmi les hommes… mourir mendiante, mais parmi les hommes… pas comme une bête sauvage, dans une tanière de fauves auxquels je fais horreur. ”

Je lui ai dit :

“ Me jures-tu que si tu reviens au monde tu seras honnête ? ”

“ Oui, Dieu m’a punie justement pour mes péchés. Je me repens profondément. Mon âme subit l’expiation, mais déteste le péché, éternellement. ”

Il m’a alors semblé pouvoir lui promettre le salut en ton nom. Elle m’a dit :

“ Reviens, reviens encore… Parle-moi de lui. Que mon âme le connaisse avant que mon œil ne le voie… ”

Et je venais lui parler de toi, comme je le peux…

– Et moi, je viens apporter le salut à la première convertie de mon André. »

(c’est André, en effet, qui a parlé tout le temps pendant que Pierre est parti remonter le torrent en sautant de pierre en pierre, et en hélant la lépreuse).

94.4

Enfin, elle montre son horrible visage entre les branches d’un olivier. Elle voit, et pousse un cri.

« Descends donc, crie Pierre. Je ne veux pas te lapider ! Là, tu le vois, c’est le Rabbi Jésus. »

La femme se laisse dévaler sur la pente. J’emploie ce terme car elle descend à toute allure, et elle arrive aux pieds de Jésus avant que Pierre ne revienne près du Maître.

« Pitié, Seigneur !

– Peux-tu croire que je puisse avoir pitié ?

– Oui, parce que tu es saint et que je me suis repentie. Je suis le péché, mais tu es la miséricorde. Ton disciple a été le premier à faire preuve de miséricorde à mon égard. Il est venu me donner du pain et la foi. Purifie-moi, Seigneur, mais l’âme avant la chair. Car je suis trois fois impure et, si tu dois me donner une purification, une seule, c’est pour mon âme pécheresse que je te la demande. Avant d’avoir entendu tes paroles, qu’il me répétait, je me disais : “ Guérir pour retourner parmi les hommes. ” Maintenant que je sais, je dis : “ Etre pardonnée pour obtenir la vie éternelle. ”

– Et je t’accorde ce pardon. Rien d’autre que cela, pourtant…

– Béni sois-tu ! Je vivrai en paix avec Dieu dans ma tanière… libre… ah, délivrée des remords et des peurs. Je n’ai plus peur de la mort, maintenant que je suis pardonnée ! Je n’ai plus peur de Dieu, maintenant que tu m’as absoute !

94.5

– Va au lac, lave-toi et restes-y jusqu’à ce que je t’appelle. »

La femme, misérable fantôme de femme squelettique, rongée par la lèpre, la chevelure en désordre, raide, toute blanche, se lève, descend dans l’eau du lac, et elle s’y plonge avec son vêtement en loques qui la couvre bien peu.

« Pourquoi l’as-tu envoyée se laver ? Il est vrai que sa puanteur rendrait malade, mais… je ne comprends pas, dit Pierre.

– Femme : sors et viens ici. Prends le linge qui est sur la branche » (c’est celui avec lequel Jésus s’est essuyé après être passé de la barque à la terre).

La femme obéit et sort, toute nue, car elle a laissé ses loques dans l’eau, pour prendre le linge sec. Le premier à s’écrier, c’est Pierre qui la regarde, alors qu’André, plus réservé, lui tourne le dos. Mais en entendant son frère, il se retourne et crie à son tour. La femme avait les yeux tellement fixés sur Jésus, qu’elle ne s’occupait de rien d’autre, mais en entendant ces cris, en voyant ces mains qui la désignent, elle se regarde… et elle constate que, en même temps que ses loques, elle a laissé sa lèpre dans le lac. Elle ne court pas, comme on pourrait le penser. Elle s’écroule sur la rive, se pelotonne sur elle-même, honteuse de sa nudité, émue au point qu’elle demeure incapable d’autre chose que de pleurer en une longue plainte, interminable, plus déchirante que des cris.

Jésus s’approche… arrive près d’elle… jette sur elle le linge, lui fait sur la tête une légère caresse et lui dit :

« Adieu. Sois bonne. Tu as mérité la grâce par la sincérité de ton repentir. Grandis dans la foi au Christ. Et obéis à la loi de la purification. »

La femme pleure toujours… C’est seulement quand elle entend le bruit de la planche que Pierre retire sur la barque, qu’elle lève la tête, tend les bras et s’écrie :

« Merci, Seigneur. Merci, béni sois-tu. Béni, béni sois-tu !… »

Jésus lui fait un geste d’adieu avant que la barque ne contourne l’éperon du petit fjord et disparaisse…

94.6

…Jésus, qui est maintenant avec tous ses disciples, pénètre dans la synagogue de Capharnaüm après avoir traversé la place et le chemin qui y conduisent. La nouvelle du nouveau miracle doit déjà s’être répandue car il y a beaucoup de chuchotements et de commentaires.

Sur le seuil de la porte de la synagogue, je vois le futur apôtre Matthieu. Il se tient là, moitié dehors, moitié dedans ; je ne sais trop s’il est honteux ou ennuyé par tous les clins œil qui le désignent et même par quelques épithètes peu agréables qu’on lui adresse. Deux pharisiens drapés dans leurs manteaux les resserrent soigneusement contre eux, comme s’ils avaient peur d’attraper la peste en effleurant le vêtement de Matthieu.

En entrant, Jésus le fixe un instant, et s’arrête une seconde. Mais Matthieu baisse la tête. C’est tout.

A peine le groupe l’a-t-il dépassé que Pierre dit à Jésus :

« Sais-tu qui est cet homme frisé, plus parfumé qu’une femme ? C’est Matthieu, notre percepteur… Que vient-il faire ici ? C’est bien la première fois ! Il n’a peut-être pas trouvé les compagnons – les compagnes surtout – avec lesquels il passe le sabbat, dépensant en orgies ce qu’il nous extorque en taxes doublées et triplées pour avoir de l’argent pour le fisc et pour sa conduite vicieuse. »

Jésus regarde Pierre si sévèrement que celui-ci rougit comme une pivoine et baisse la tête, en s’arrêtant, de sorte qu’il passe du premier rang au dernier du groupe des apôtres.

94.7

Jésus a pris place. Après avoir récité des cantiques et des prières avec le peuple, il se retourne pour parler. Le chef de la synagogue lui demande s’il veut un rouleau, mais Jésus répond :

« Je n’en ai pas besoin. J’ai déjà le sujet. »

Il commence[1] alors :

« après avoir péché, le grand roi d’Israël, David de Bethléem, pleura, le cœur contrit, criant à Dieu son repentir et demandant à Dieu son pardon. David avait eu l’esprit embrumé par la sensualité, et cela l’avait empêché de voir la face de Dieu et de comprendre ses paroles.

J’ai dit : la face. Dans le cœur de l’homme, il est un lieu qui garde le souvenir de la face de Dieu, un lieu particulièrement élevé qui est notre “ Saint des Saints ” ; c’est de là que lui proviennent les saintes inspirations et résolutions. Cet endroit parfume comme un autel, brille comme un bûcher, résonne de chants comme la demeure des séraphins. Mais quand le péché répand en nous ses fumées, ce lieu s’obscurcit tellement que lumière, parfum et chants disparaissent, pour ne plus laisser que l’odeur suffocante d’une lourde fumée et un goût de cendre. Et lorsque la clarté revient, parce qu’un serviteur de Dieu la porte au malheureux sans lumière, alors il voit sa laideur, sa déchéance et, horrifié de lui-même, s’écrie comme le roi David : “ Pitié pour moi, mon Dieu, en ta bonté, en ta grande tendresse efface mon péché. ” Il ne dit pas : “ Je ne peux être pardonné, et pour cela je reste dans mon péché ”, mais au contraire : “ Je suis humilié, j’ai le cœur brisé, mais je te prie, toi qui sais comment je suis né dans le péché, de m’asperger et de me purifier pour que je redevienne blanc plus que la neige des sommets. ” Et il ajoute : “ Mon sacrifice n’est pas un holocauste de béliers et de bœufs, mais un cœur brisé, car je sais que c’est cela que tu veux de nous et que tu n’en as pas de mépris. ”

Voilà ce que disait David après son péché et après que Nathan, le serviteur du Seigneur, l’eut amené à se repentir. A plus forte raison, c’est cela que doivent dire les pécheurs, maintenant que le Seigneur leur envoie, non pas un de ses serviteurs, mais le Rédempteur lui-même, son Verbe. C’est lui le Juste, le Maître, non seulement des hommes, mais des êtres du Ciel et des enfers. Il est sorti du milieu de son peuple, comme la lumière jaillit de l’aurore qui, au lever du soleil, resplendit dans un air sans nuages.

94.8

Vous avez déjà lu comment l’homme en proie à Mammon est plus faible qu’un tuberculeux sur le point de mourir, même si auparavant il était “ le fort ”. Vous savez comment Samson fut réduit à rien après avoir cédé à la sensualité. Je veux que vous connaissiez la leçon que nous donne Samson, fils de Manoah, destiné à vaincre les Philistins qui opprimaient Israël. La première condition pour remplir sa mission était que, dès sa conception, il soit tenu vierge de tout ce qui excite bassement les sens et associe les viscères de l’homme à des chairs impures, en d’autres termes le vin, les boissons fermentées et les viandes grasses qui allument dans les reins un feu impur. Seconde condition pour être le libérateur : avoir été consacré au Seigneur dès l’enfance et le rester par un naziréat perpétuel. Etre consacré demande que l’on se garde non seulement dans une sainteté extérieure, mais aussi dans une sainteté intérieure. Alors Dieu est avec lui.

Mais la chair est la chair, et Satan est la Tentation. Or, pour combattre Dieu dans un cœur et dans ses saints décrets, la Tentation se sert de la chair qui excite l’homme : la femme. C’est alors que la force du “ fort ” frémit et qu’il devient un faible qui gâche les dons que Dieu lui avait accordés. Et maintenant, écoutez : Samson fut lié avec sept cordes de nerfs frais, puis avec sept cordes neuves, enfin fixé au sol avec sept tresses de sa chevelure. Il avait toujours été victorieux. Mais on ne met pas en vain le Seigneur à l’épreuve, pas même dans le domaine de sa bonté. Ce n’est pas permis. Lui pardonne, pardonne, pardonne. Mais il exige la volonté de sortir du péché pour continuer à pardonner. Il est bien sot, celui qui implore : “ Seigneur, pardon ” et ensuite ne fuit pas ce qui le pousse continuellement au péché ! Samson, victorieux trois fois, n’a pas fui Dalila, la sensualité, le péché, et, excédé à en mourir – dit le Livre –, sa force d’âme une fois amoindrie – dit encore le Livre –, il révéla son secret : “ Ma force réside dans mes sept tresses. ”

N’y a-t-il personne parmi vous qui, sous le découragement dû à son péché, ne sente sa vie spirituelle s’affaiblir – car rien n’accable autant que la conscience du mal consenti – et ne soit sur le point de se livrer vaincu à l’Ennemi ? Non, qui que tu sois, ne le fais pas. Samson livra à la tentation le secret pour vaincre ses sept vertus : les sept tresses symboliques, ses vertus, autrement dit sa fidélité au naziréat. Epuisé, il s’endormit sur le sein de la femme et fut vaincu. Il devint aveugle, esclave, impuissant pour avoir refusé de rester fidèle à son vœu. Il ne redevint le “ fort ”, le “ libérateur ”, que lorsque la douleur d’un vrai repentir lui rendit sa vigueur…

Repentir, patience, constance, héroïsme : alors, ô pécheurs, je vous promets que vous serez vos propres libérateurs. En vérité, je vous assure qu’il n’est pas de baptême qui vaille ni de rite qui serve, s’il n’y a ni repentir ni volonté de renoncer au péché. En vérité, je vous assure qu’il n’y a pas pécheur si grand qu’il ne puisse faire renaître par ses larmes les vertus que son péché a arrachées de son cœur.

94.9

Aujourd’hui une femme, une pécheresse d’Israël, punie par Dieu pour son péché, a obtenu miséricorde par son repentir. J’ai bien dit : miséricorde. Mais ils en obtiendront moins, ceux qui n’en ont pas fait preuve à son égard et se sont acharnés sur elle alors qu’elle était déjà punie. Ces gens-là ne portaient-ils pas sur eux la lèpre de leur faute ? Que chacun s’examine… et aie pitié pour mériter, pour lui-même, la pitié. Je vous tends la main pour cette femme repentie qui revient parmi les vivants, après avoir été reléguée parmi les morts. C’est Simon, fils de Jonas, pas moi, qui recueillera l’obole pour elle, qui revient à la Vie véritable après avoir été sur le point de quitter la vie. Et ne murmurez pas, vous, les grands. Ne murmurez pas. Je n’étais pas au monde quand elle était la Belle. Vous, vous y étiez. Je n’ajoute rien.

– Tu nous accuses d’avoir été ses amants ? demande avec hargne l’un des deux anciens.

– Que chacun considère son cœur et sa conduite. Pour moi, je n’accuse pas. Je parle au nom de la justice. Partons. »

Et Jésus sort avec les siens.

Mais Judas se trouve retenu par deux hommes qui semblent le connaître assez bien. J’entends qu’ils disent :

« Toi aussi, tu es avec lui ? Est-il saint, réellement ? »

Judas a une de ses répliques déconcertantes :

« Je vous souhaite d’arriver au moins à comprendre sa sainteté.

– pourtant, il a guéri un jour de sabbat !

– Non. Il a pardonné le jour du sabbat. Quel jour est plus indiqué pour le pardon que le sabbat ? Ne me donnez-vous rien pour celle qui a été rachetée ?

– Nous ne donnons pas notre argent aux prostituées. C’est l’offrande pour le Temple saint. »

Irrévérencieusement, Judas éclate de rire et les plante là pour rejoindre le Maître. Jésus va rentrer dans la maison de Pierre qui est en train de lui dire :

« Voilà : le petit Jacques, à la sortie de la synagogue, m’a donné aujourd’hui deux bourses au lieu d’une seule, et toujours de la part de cet inconnu. Mais de qui s’agit-il, Maître ? Tu le sais… dis-le-moi. »

Jésus sourit :

« Je te le dirai quand tu auras appris à ne médire de personne. »

Et tout prend fin.

94.1

Jesus comes out of the house of Peter’s mother-in-law together with His disciples, except Judas Thaddeus. A boy is the first to see Him and he also informs those who are not even interested. Jesus, Who is on the shore of the lake, sitting in Peter’s boat, is immmediately surrounded by people who welcome Him and ask Him endless questions, which Jesus answers with His unsurpassed patience, smiling gently as if all the chattering were a celestial harmony.

Also the archsynagogue comes. Jesus gets up to greet him. Their mutual greeting is full of oriental respect. «Master, may I expect You to come and teach the people?»

«Of course, if you and the people wish so.»

«We have been wishing it for so long. They can tell You.» The people in fact shout their confirmation.

«Well then, I will be with you this evening. Now you may go. I have to go to see a person who wants Me.»

The people go away reluctantly, while Jesus, Peter and Andrew go onto the lake in the boat. The other disciples remain on the shore.

94.2

The boat sails for a short distance and then the two fishermen steer it into a small bay, between two low hills, which look as if originally they were one hill only, the central part of which had collapsed either because of water erosion or because of an earthquake, thus forming a very small fiord. However, since it is not a Norwegian fiord, there are no fir-trees, but only ruffled olive-trees which, no one knows how, have grown on the steep slopes, among slipping rocks and huge protruding splinters. Blown by the winds of the lake, which obviously must be very strong here, the branches of the trees are all interwoven, and form a kind of roof, under which a freakish little torrent foams: it is very noisy because of its many cascades and full of foam because it falls every yard or so, but in actual fact it is only a little rivulet among the streams.

Andrew jumps into the water to beach the boat as far up as possible and tie it to a tree-trunk, while Peter takes in the sail and fastens a board as a bridge for Jesus. But he says, «I would advise You to take off Your sandals and Your tunic, as we do. That mad thing there (and he points at the little torrent) causes the water of the lake to rise and the board is not safe with all this rolling.»

Jesus obeys without question. On the shore they put on their sandals again and Jesus also puts on His tunic. The two disciples are wearing only their short dark undertunics.

94.3

«Where is she?» asks Jesus.

«She must be hiding in the wood, after hearing voices. You know… with all she’s got to wear…»

«Call her.»

Peter shouts out loud: «I am the disciple of the Rabbi of Capernaum. The Rabbi is here. Come out.»

There is no sign of life.

«She does not feel safe» explains Andrew. «One day someone called her and said: “Come, there is some food for you” and then threw stones at her. We saw her then for the first time, because I did not remember her when she was the Beauty of Korazim.»

«And what did you do then?»

«We threw her a loaf of bread and some fish and a rag, a piece of an old sail cloth with which we used to dry ourselves, because she was naked. We then ran away not to be contaminated.»

«And what made you come back?»

«Master… You were away and we were thinking what we should do to get people to know You. We thought of all the sick people, the blind, the crippled, the mute… and also of her. We said: “Let us try”. You know… many… oh! it was certainly our fault, said we were mad and would not listen to us. Others instead believed us. I spoke to her myself. I came here by boat, all by myself, for several moonlight nights. I used to call her and say to her: “On the stone, at the foot of the olive-tree, there is some bread and fish. Don’t be afraid, come” and I would then go away. She must have waited until she saw me disappear before she came, because I never saw her. The sixth time I saw her standing on the shore, exactly where You are now. She was waiting for me… How horrible she was! I did not run away because I thought of You…

She said to me: “Who are you? Why have mercy on me?” I replied: “Because I am the disciple of Mercy”.

“Who is He?”

“He is Jesus of Galilee”.

“And does He teach you to have mercy on us?”

“On everybody”.

“But do you know who I am?”

“You are the Beauty of Korazim, now a leper”.

“And is there mercy also for me?”

“He says that His mercy is for everybody, and we, to be like Him, must have mercy on everybody”.

At this point, Master, the leper blasphemed without realising what she was saying. She said: “He must have been a big sinner Himself”.

I said to her: “No. He is the Messiah, the Holy Man of God” I wanted to say to her: “Be you accursed for your tongue”, but I did not say anything else, because I thought: “In her distress she cannot think of divine mercy”. She then started crying and said: “Oh! If He is a Holy Man He cannot have mercy on the Beauty. He might pity the leper… but not the Beauty. And I was hoping…”

I asked her: “What were you hoping for, woman?”

“To be cured… to go back into the world… amongst men… to die begging, but amongst people… not like a beast in the den of wild beasts which are horrified at the sight of me”.

I said to her: “Will you swear to me that if you go back to the world, you will be honest?”

She replied: “Yes. God has justly punished me for my sins. I now repent. My soul is expiating its sins, but it abhors sin forever”.

I thought I could then promise her salvation in Your name.

She said to me: “Come back, come back again… Speak to me of Him that my soul may know Him before my eyes see Him… “. And I came and spoke to her of You as best as I could…»

«And I have come to grant salvation to the first convert of My Andrew.» (It is Andrew who has been speaking all the time, while Peter has gone up the torrent, jumping from stone to stone, calling the leper).

94.4

She at last shows her horrid face among the branches of an olive-tree. She sees and gives forth a cry.

«Come down, then» exclaims Peter. «I am not going to stone you! Over there, can you see Him? There is the Rabbi Jesus.»

The woman tumbles down the slope, I say this, because she runs down so fast, and she reaches Jesus’ feet before Peter is back near the Master. «Mercy, Lord!»

«Can you believe that I am able to grant you it?»

«Yes, because You are a saint and I repent. I am Sin, but You are Mercy. Your disciple was the first to have mercy on me, and he brought me bread and faith. Cleanse me, Lord, my soul before my body, because I am impure three times, and if You want to give me one purity, only one, I beg You to give me the purity of my sinful soul. Before hearing Your words, that he repeated to me, I used to say: “To be cured and to go back amongst people”. Now that I know, I say: “To be forgiven, that I may have eternal life”.»

«And I grant you forgiveness. But nothing else…»

«May You be blessed! I shall live in my den with the peace of God… free… oh! free from remorse and free from fear! No longer afraid of God, now that You have absolved me!»

94.5

«Go into the lake and wash yourself. Stay in until I call you.»

The woman, reduced to a miserable skeleton, all corroded, her white coarse hair all ruffled, gets up from the ground and goes into the lake clothed in her meagre rags, that cover so little of her.

«Why did You send her to wash herself? It is true that the foul smell is infective, but … I do not understand» says Peter.

«Woman, come out of the water and come here. Take that cloth on that branch» (it is the piece of cloth used by Jesus to dry Himself after wading from the boat to the shore).

The woman comes out obediently, completely naked, as she left her rags in the water to take the dry piece of cloth. The first to shout is Peter, who is looking at her, whilst Andrew, more bashful, is turning his back on her. But he turns around when his brother shouts and he shouts, too. The woman, who is staring at Jesus so intently that she is aware of nothing else, when she hears the shouts and sees the hands pointed at her, looks at herself … And she sees that her leprosy has been left in the lake with her rags. She does not run as one might expect her to. She throws herself down, crouching on the shore, ashamed of her nakedness, excited to such an extent that she is only fit to weep with a long feeble lament, which is more heart-breaking than any cry.

Jesus moves towards her… He reaches her… He throws the cloth on her, caresses her head very lightly, says to her: «Goodbye. Be good. You deserved the grace because of the sincerity of your repentance. Grow in the faith of Christ. And fulfil the purification law.»

The woman is weeping all the time… Only when she hears the noise of the board that Peter is drawing into the boat, she looks up, stretches out her hands and shouts: «Thanks, my Lord. Thanks, Blessed Lord. Oh! Blessed, blessed!…»

Jesus waves her goodbye before the boat disappears round the rocky promontory of the little fiord.

94.6

… Jesus with His disciples goes into the synagogue at Capernaum after crossing the square and the street leading to it. The news of the recent miracle has already spread, because many people whisper and make comments.

Just on the threshold of the synagogue door I see Matthew, the future apostle. He is standing there, half inside half outside and I do not know whether he is shy or is annoyed at all the meaningful glances cast at him and at some rather unpleasant raillery of which he is the subject. Two richly dressed Pharisees gather their wide mantles carefully, as if they were afraid of being infected by the plague, if they touched Matthew’s tunic even slightly.

When Jesus is going in, He stares at him and stops for a moment. But Matthew lowers his head: that is all.

As soon as they are inside, Peter whispers to Jesus: «Do You know who that curly-headed man is, the one who is more scented than a woman? He is Matthew, our tax collector… What has he come here for? It’s the first time. Perhaps he did not find his friends and above all his women, with whom he spends the Sabbaths, squandering in orgies the doubled and trebled taxes he squeezes out of us, to have plenty for the revenue and his vices.»

Jesus looks at Peter so severely, that Peter becomes as red as a poppy, lowers his head and stops, so that he ends up at the back of the apostolic group.

94.7

Jesus has reached His place. After some songs and prayers said with the people, He turns around to speak. The archsynagogue asks Him whether He wants a roll of the Bible, but Jesus answers: «It is not necessary. I already have a subject.»

And He begins: «The great king of Israel, David of Bethlehem, after committing his sin, cried with a penitent heart, shouting to God his repentance and asking for God’s forgiveness. David’s soul had been darkened by the fog of sensuality which prevented him from seeing the Face of God and understanding His word.

His Face, I said. In the heart of man there is a spot which reminds us of the Face of God: the most noble spot, which is our “Sancta Sanctorum”, from which holy inspirations and decisions originate, the point that is scented like an altar, shines like a fire, and sings like a chorus of Seraphim. But when sin rages in us, that area grows so dark, that light, perfume and singing fades out and only the stench of thick smoke and the taste of ashes are left. But when the light returns, because a servant of God brings it to the dimmed man, he then sees his own ugliness, his inferior condition and struck with horror he exclaims like king David: “Have mercy on me, Lord, in your goodness, in Your great tenderness wipe away my faults” and he does not say: “I cannot be forgiven, I will therefore go on sinning”. But he says: “I am humiliated and contrite, but, I beg You, You know that I was born guilty, but wash me and purify me, that I may become as white as the snow on mountain tops”. He also says: “My holocaust will not consist of rams and bulls, but of the true contrition of my heart. Because I know that this is what You want from us and You do not scorn it”.

That is what David said after his sin, after the servant of God, Nathan, made him, repent. That is what sinners must say, even more so, now that the Lord has sent not a servant, but the Redeemer Himself, His Word, Who, as a just ruler not only of men, but also of celestial and infernal beings, has risen amongst His people, like the light at dawn, which at sunrise shines in a cloudless sky.

94.8

You have already read how a man, a prey to Mammon, is weaker than a person dying of tuberculosis, even if before he was the “strong” one. You know how Samson was worthless after yielding himself up to sensuality. I want you to understand the lesson of Samson, the son of Manoah, destined to beat the Philistines, the oppressors of Israel. The first condition to be such was that from his conception he was to be kept virgin from everything that stirs up basic sensations, and contaminates the intestines with impure foodstuffs: that is wine, cider and fat meats, which kindle the loins with an impure fire. The second condition: to be the deliverer he was to be sacred to the Lord from his childhood and to remain as such by an uninterrupted nazirite. He is sacred who remains holy not only externally but also internally. Then God is with him.

But flesh is flesh and Satan is Temptation. And Temptation, to fight God in the hearts of men and in His holy decrees, uses as a weapon the flesh that excites men: woman. The strength of the “strong” man then quivers and he becomes a weakling that spoils the gift of God. Now listen: Samson was tied with seven cords of fresh sinews, with seven new ropes, he was fixed to the ground with seven plaits in his hair. And he had always won. But one must not tempt God not even in His goodness. It is not lawful. He forgives, He always forgives. But He exacts the firm will to abandon sin, that He may continue to forgive. He who says: “Lord, forgive” but does not shun what induces him to continual sin, is foolish! Samson, three times the winner, did not avoid Delilah, sensuality, sin, and bored to death, says the Book, and having lost heart, says the Book, he revealed his secret: “My strength is in my seven plaits”.

Is there anyone amongst you, who, tired of the great tiredness of sin, is losing heart, because nothing is so depressing as a bad conscience, and is about to surrender to the Enemy? No, whoever you are, do not do it. Samson revealed to temptation the secret to defeat his seven virtues: the seven symbolical plaits, his virtues, that is his faithfulness to nazirite; tired as he was he fell asleep in the lap of the woman and was defeated. He was blind, a slave, powerless, because he had not been faithful to his vow. Neither did he become again the “strong man”, the “deliverer”, until he found his strength again in the grief of repentance. Repentance, patience, perseverance, heroism and then, o sinners, I promise you will be your own deliverers. I solemnly tell you that no baptism, no rite is of any avail, if there is no repentance and will to forgo sin. And I tell you that no-one is so big a sinner that he cannot revive with his tears the virtues which sin had torn from his heart.

94.9

Today a woman, a guilty woman of Israel, punished by God for her sins, received mercy on account of her repentance. I said: mercy. Those who had no mercy on her and treated the punished woman pitilessly, shall receive less mercy. Had they no guilty leprosy in their hearts? Let everybody examine themselves… and have mercy to receive mercy. I hold My hand out on behalf of this repentant woman, who is coming back to the living after a segregation of death. Simon of Jonas, not I, will collect the offerings for the repentant woman, who from the threshold of life is coming back to true Life. And do not grumble, you older people. Do not grumble. I was not here when she was the Beauty. But you were. I will say no more.»

«Are You accusing us of being her lovers?» asks one of the two resentful old men.

«Let everyone put his heart and his actions before him. I do not accuse. I am speaking in the name of Justice. Let us go.» And Jesus goes out with His disciples.

Judas Iscariot is detained by two people who appear to know him. I hear them say: «Are you with Him, too? Is He really a holy man?»

Judas has one of his disconcerting outbursts: «I hope you will at least be able to understand His holiness.»

«But He cured on the Sabbath.»

«No, He forgave on a Sabbath. And which day is more suitable than the Sabbath for forgiveness? Are you not giving me anything for the redeemed woman?»

«We do not give our money to prostitutes. It is offered to the holy Temple.»

Judas laughs disrespectfully and leaves them in the lurch. He joins the Master, Who is entering the house of Peter who is saying to Him: «Here, just outside the synagogue, little James gave two purses today, instead of one, on behalf of the unknown man. Who is he, Master? You know… Tell me.»

Jesus smiles: «I will tell you when you learn not to speak ill of anyone.»

And it all ends.


Notes

  1. Il commence à commenter le péché et le repentir de David (racontés en 2 S 11-12 ; Ps 51) et poursuit par un commentaire de l’histoire de Samson (rapportée en Jg 13-16). En dehors des simples citations de son nom, il est encore parlé de David en 215.2 ; 217.3 ; 263.2 ; 337.2 ; 389.2 ; 394.2 ; 447.2 ; 558.1 ; 580.3 ; 588.6 ; 632.33. Samson, quant à lui, est encore mentionné en 104.4 ; 215.2 ; 218.3 ; 376.9/10 ; 467.9 ; 625.1.