Le serviteur, qui s’était prudemment éclipsé lorsqu’il s’était rendu compte qu’Elisabeth, non seulement ne se sentait pas mal, mais confiait ses pensées à Marie, revient du verger avec un imposant vieillard dont la barbe et les cheveux sont tout blancs. Par de grands gestes et des sons gutturaux, celui-ci salue Marie de loin.
« Zacharie arrive » dit Elisabeth en touchant l’épaule de la Vierge absorbée dans sa prière. « Mon Zacharie est muet. Dieu l’a puni de ne pas avoir cru. Je te le raconterai plus tard. Mais maintenant, j’espère le pardon de Dieu, puisque tu es venue, toi, la Pleine de grâce. »
Marie se lève, s’avance à la rencontre de Zacharie et s’incline devant lui jusqu’à terre. Elle baise le bord du vêtement blanc qui le couvre jusqu’au sol. C’est un vêtement très ample, attaché à la taille par un large galon brodé.
Par gestes, Zacharie lui souhaite la bienvenue, puis ils rejoignent Elisabeth et pénètrent ensemble dans une grande pièce du rez-de-chaussée, dans laquelle ils font asseoir Marie ; ils lui font servir une tasse de lait tout juste trait – il reste de l’écume – avec de petites galettes.
Elisabeth donne des ordres à la servante, qui a fini par apparaître, les mains enfarinées et les cheveux encore plus blancs qu’ils ne le sont en réalité à cause de la farine dont ils sont saupoudrés. Sans doute était-elle en train de faire le pain. Elle donne aussi au serviteur – qui s’appelle Samuel, à ce que j’entends – l’ordre de porter le coffret de Marie dans une chambre qu’elle lui indique. Ce sont tous les devoirs d’une maîtresse de maison à l’égard de son hôte.
Pendant ce temps, Marie répond aux questions que Zacharie lui pose en écrivant avec un stylet sur une tablette enduite de cire. Je comprends, par les réponses de Marie, qu’il l’interroge sur Joseph et qu’il lui demande si elle est satisfaite de son mariage avec Joseph. Mais je saisis également que Zacharie n’a aucune lumière spirituelle sur l’état de Marie et sa condition de mère du Messie.
Elisabeth s’approche alors de son mari et, lui posant avec amour une main sur l’épaule comme en une chaste caresse, elle lui dit :
« Marie est mère, elle aussi. Réjouis-toi de son bonheur. »
Elle n’ajoute rien. Elle regarde Marie, et Marie la regarde, mais ne l’invite pas à en dire plus, si bien qu’elle garde le silence.