Los Escritos de Maria Valtorta

548. La résurrection de Lazare.

548. La resurrección de Lázaro.

548.1

Jésus arrive à Béthanie par Ensémès. Ils doivent s’être épuisés en se hâtant par les sentiers casse-cou des monts Hadomim. A bout de souffle, les apôtres ont du mal à suivre Jésus qui avance à grands pas, comme si l’amour l’emportait sur ses ailes de feu. Jésus marche devant, la tête droite sous les tièdes rayons du soleil de midi, souriant radieusement

Avant qu’ils ne parviennent aux premières maisons de Béthanie, ils sont aperçus par un petit garçon déchaussé qui se rend à la fontaine près du village avec un broc de cuivre vide. Il pousse un cri, pose le broc par terre et file au pas de course, de toute la vitesse de ses petites jambes, vers le village.

« Il va sûrement prévenir que tu arrives » remarque Jude après avoir souri, comme tous les autres, de la décision… énergique du gamin, qui a même abandonné son récipient à la merci du premier venu.

548.2

La petite ville, vue ainsi d’auprès de la fontaine, qui est un peu plus haute, paraît tranquille, comme déserte. Seule la fumée grise qui s’élève des cheminées indique que, dans les maisons, les femmes sont occupées à préparer le repas de midi. Quelque grosse voix masculine parmi les oliviers et les vergers vastes et silencieux avertit que les hommes sont au travail. Malgré cela, Jésus préfère prendre un chemin qui contourne le village pour arriver chez Lazare sans attirer l’attention.

Ils sont presque à mi-parcours quand ils entendent derrière eux le jeune garçon de tout à l’heure, qui les dépasse en courant puis s’arrête au milieu du chemin pour regarder Jésus d’un air pensif…

« Paix à toi, petit Marc, tu as eu peur de moi, pour t’être enfui ainsi ? demande Jésus en lui faisant une caresse.

– Oh ! non, Seigneur, je n’ai pas eu peur. Mais, comme pendant plusieurs jours Marthe et Marie ont envoyé des serviteurs sur nos routes pour voir si tu venais, maintenant que je t’ai vu, j’ai couru leur annoncer ton arrivée…

– Tu as bien fait. Les sœurs vont se préparer le cœur à me voir.

– Non, Seigneur. Les sœurs ne vont rien se préparer, car elles ne savent rien. Ils n’ont pas voulu me laisser leur parler. On m’a attrapé quand j’ai dit, en entrant dans le jardin : “ Le Rabbi est là ”, et j’ai été chassé avec ces mots : “ Tu es un menteur ou un sot. Désormais, il ne viendra plus ; nous savons maintenant qu’il ne peut pas accomplir ce miracle. ” Et comme j’affirmais que c’était bien toi, on m’a donné deux gifles comme je n’en avais encore jamais reçu… Regarde ici mes joues rouges. Elles me brûlent ! Et on m’a poussé dehors en ajoutant : “ Voilà pour te purifier d’avoir regardé un démon ! ” Et je t’observais pour voir si tu étais devenu un démon. Mais je ne le vois pas. Tu es toujours mon Jésus, beau comme les anges, dont parle maman. »

Jésus se penche pour embrasser ses petites joues souffletées :

« Cela va faire passer la démangeaison. Je suis peiné que tu aies souffert pour moi…

– Moi pas, Seigneur, puisque ces gifles m’ont valu deux baisers de toi »

Et il s’attache aux jambes de Jésus dans l’espoir d’en obtenir d’autres.

« Dis un peu, Marc, qui t’a chassé ? Les serviteurs de Lazare ? demande Jude.

– Oh ! Non !… Les juifs ! Ils viennent pour le deuil tous les jours. Il y en a tant ! Ils sont dans la maison et dans le jardin. Ils viennent tôt, et repartent tard. Ils se donnent des allures de maîtres de maison. Ils maltraitent tout le monde. Tu remarques qu’il n’y a personne dans les rues ? Les premiers jours, on venait pour voir… mais ensuite… Maintenant, il n’y a que nous, les enfants, qui tourniquons pour… Oh ! mon broc ! Maman qui attend l’eau… Elle va me battre, elle aussi !… »

Tous sourient de son air désolé devant la perspective d’autres claques, et Jésus lui dit :

« Alors dépêche-toi…

– C’est que… je voulais entrer avec toi et te voir accomplir le miracle… » Et il achève : « …et voir la tête qu’ils vont faire… pour me venger des gifles…

– Non, tu ne dois pas désirer la vengeance. Tu dois être bon et pardonner… Mais ta mère attend l’eau…

– J’y vais moi-même, Maître. Je sais où habite Marc. J’expliquerai à la femme, puis je te rejoindrai… » propose Jacques, fils de Zébédée.

Et il s’éloigne au pas de course.

Ils se remettent en marche lentement, et Jésus tient par la main l’enfant ravi…

548.3

Les voilà parvenus à la grille du jardin. De nombreuses montures y sont attachées, surveillées par les serviteurs de chaque propriétaire. Les discussions des apôtres attirent l’attention de quelques juifs qui se tournent vers le portail ouvert, juste au moment où Jésus franchit la limite du jardin.

« Le Maître ! » s’exclament les premiers à l’apercevoir.

Ce mot court comme le bruissement du vent d’un groupe à l’autre, se propage, passe comme une vague venue de loin se briser sur la rive, parvient aux murs de la maison et y pénètre, répété certainement par de nombreux juifs présents ou par quelques pharisiens, rabbis, scribes ou sadducéens disséminés ça et là.

Jésus y entre très lentement tandis que les uns accourent de tous côtés, et que les autres s’écartent du sentier où il se trouve. Et comme personne ne le salue, lui non plus ne salue personne, comme s’il ne connaissait même pas un grand nombre des individus rassemblés là pour l’observer. La plupart ont les yeux flambants de colère, sinon même de haine, hormis un petit nombre d’hommes qui sont secrètement ses disciples ou qui, du moins, ont le cœur droit et qui, s’ils ne l’aiment pas comme disciples, le respectent comme juste. A ce groupe appartiennent Joseph, Nicodème, Jean, Eléazar, un autre scribe appelé Jean lui aussi, vu à la multiplication des pains, et un troisième Jean qui a rassasié la foule à la descente du mont des Béatitudes, Gamaliel accompagné de son fils, Josué, Joachim. Il y a aussi Manahen, le scribe Joël d’Abia rencontré au Jourdain dans l’épisode de Sabéa, Joseph Barnabé — un disciple de Gamaliel — et Kouza, qui regarde Jésus de loin, un peu intimidé de le revoir après sa méprise, ou peut-être retenu par le respect humain et n’osant pas s’avancer comme ami. Il est certain qu’il n’est salué ni par ses amis, ni par ceux qui l’observent sans hargne, ni par ses ennemis. Et puisque, en retour, Jésus ne salue pas, il s’est contenté d’esquisser une vague inclination en posant le pied dans l’allée. Puis il a continué tout droit comme s’il était étranger à l’assistance nombreuse qui l’entoure. Le jeune garçon marche toujours à ses côtés, dans ses vêtements de petit paysan, avec ses pieds nus d’enfant pauvre, mais il a l’air en fête, le visage lumineux, avec ses petits yeux noirs, vifs, bien ouverts pour tout voir… et pour défier la foule…

548.4

Marthe sort de la maison au milieu d’un groupe de juifs venus rendre visite, au nombre desquels se trouvent Elchias et Sadoq. De la main, elle protège ses yeux las de pleurer, gênés par la lumière, pour voir où est Jésus. A peine le voit-elle, elle se détache de ceux qui l’accompagnent et court vers son Maître, à quelques pas du bassin rendu tout brillant par les rayons du soleil. Après s’être inclinée, elle se jette aux pieds de Jésus et les baise puis, éclatant en sanglots, elle dit :

« Paix à toi, Maître ! »

Jésus aussi, dès qu’il l’a vue près de lui, lui a dit : « Paix à toi ! » et il a levé une main pour la bénir, en lâchant celle de l’enfant, que Barthélemy attire un peu en retrait.

Marthe poursuit :

« Mais ta servante ne connaît plus la paix. »

Toujours agenouillée, elle lève la tête vers Jésus. Et, dans un cri de douleur, que l’on entend parfaitement dans le silence qui s’est fait, elle s’écrie :

« Lazare est mort ! Si tu avais été ici, il ne serait pas mort. Pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt, Maître ? »

Elle prend un ton involontaire de critique. Puis elle revient au ton accablé de quelqu’un qui n’a plus la force de faire des reproches et dont l’unique réconfort est de rappeler les dernières actions et les derniers désirs d’un parent dont on a cherché à satisfaire les désirs et pour qui on n’a pas de remords dans le cœur :

« Lazare, notre frère, t’a tant appelé !… Maintenant, vois ! Je suis inconsolable et Marie pleure sans pouvoir trouver la moindre paix. Et lui n’est plus ici. Tu sais combien nous l’aimions ! Nous espérions tout de toi !… »

Un murmure de compassion pour la femme et de blâme à l’adresse de Jésus, un assentiment à la pensée sous-entendue : « tu aurais pu nous exaucer, nous le méritions en raison de l’amour que nous avons pour toi, or tu nous as déçues » courent de groupe en groupe, accompagnés de hochements de tête ou de regards ironiques. Seuls quelques disciples secrets, disséminés dans la foule, éprouvent visiblement de la compassion pour Jésus, qui écoute, très pâle et affligé, la femme éplorée qui s’adresse à lui. Gamaliel, les bras croisés dans son ample et riche vêtement de laine très fine, orné de nœuds bleus, se tient un peu à l’écart dans le groupe de jeunes où se trouvent son fils et Joseph Barnabé, et observe intensément Jésus, sans haine, mais sans amour.

Marthe, après s’être essuyé le visage, reprend :

« Mais j’espère encore, car je sais que tout ce que tu demanderas à ton Père te sera accordé. »

Par cette douloureuse et héroïque profession de foi, prononcée d’une voix que les larmes font trembler, avec un regard qui tremble d’angoisse, elle exprime l’ultime espérance qui tremble dans son cœur.

« Ton frère ressuscitera. Lève-toi, Marthe. »

Marthe obéit tout en restant courbée en vénération devant Jésus, à qui elle répond :

« Je le sais, Maître. Il ressuscitera au dernier jour.

– Je suis la Résurrection et la Vie. Quiconque croit en moi, même s’il est mort, vivra. Et celui qui croit et vit en moi ne mourra pas éternellement. En es-tu convaincue ? »

Jésus, qui d’abord avait parlé à mi-voix et uniquement à Marthe, hausse le ton pour dire ces phrases où il proclame sa puissance divine, et son timbre parfait résonne comme une trompette d’or dans le vaste jardin. Une sorte de frémissement d’épouvante secoue l’assistance. Mais ensuite certains ironisent en hochant la tête.

Marthe, à qui Jésus semble vouloir transmettre une espérance de plus en plus forte en tenant la main appuyée sur son épaule, lève la tête, qu’elle gardait penchée. Elle la tourne vers Jésus, plonge un regard affligé dans les lumineuses pupilles du Christ et, les mains serrées sur son cœur, elle répond avec une angoisse différente :

« Oui, Seigneur. Je le crois. Je crois que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, venu dans le monde. Et que tu peux tout ce que tu veux. Je le crois.

548.5

Maintenant, je cours prévenir Marie. »

Elle s’éloigne rapidement puis disparaît à l’intérieur de la maison.

Jésus reste à sa place, ou, plus exactement, il fait quelques pas et s’approche du parterre qui entoure le bassin. Ce parterre est tout éclairé de ce côté par la fine poussière du jet d’eau qu’un vent léger éparpille comme avec un plumet d’argent. Jésus paraît se perdre dans la contemplation du frétillement des poissons sous le voile de l’eau limpide, et de leurs jeux qui mettent des virgules d’argent et des reflets d’or dans le cristal des eaux frappées par le soleil.

Les juifs l’observent. Ils se sont involontairement séparés en groupes bien distincts. D’un côté, en face de Jésus, tous ceux qui lui sont hostiles : habituellement divisés par esprit sectaire, les voilà maintenant d’accord pour s’opposer à Jésus. A côté de lui, derrière les apôtres, que Jacques, fils de Zébédée a rejoints, se tiennent Joseph, Nicodème et les autres à l’esprit bienveillant. Plus loin, Gamaliel, toujours à sa place et dans la même attitude, est seul, car son fils et ses disciples se sont séparés de lui pour se répartir entre les deux groupes principaux afin d’être plus proches de Jésus.

548.6

Poussant son cri habituel : « Rabbouni ! », Marie sort de la maison en courant, les bras tendus vers Jésus. Elle se jette à ses pieds, qu’elle baise en sanglotant. Plusieurs juifs, qui étaient dans la maison avec elle et l’ont accompagnée, unissent à ses larmes les leurs… d’une sincérité douteuse. Maximin, Marcelle, Sarah et Noémie ont suivi Marie ainsi que tous ses serviteurs, et de grandes lamentations s’élèvent. Je crois qu’il n’est resté personne dans la maison. Marthe, en voyant sangloter ainsi Marie, redouble elle aussi de larmes.

« Paix à toi, Marie. Lève-toi ! Regarde-moi ! Ce sont les personnes sans espérance qui pleurent ainsi. Alors pourquoi vous ? »

Jésus se penche pour dire ces mots tout doucement, ses yeux dans les yeux de Marie. Celle-ci, à genoux, assise sur les talons, tend vers lui ses mains dans un geste d’invocation, mais ne peut parler tant elle sanglote.

« Ne t’ai-je pas dit d’espérer au-delà de ce qui est croyable pour voir la gloire de Dieu ? Est-ce que par hasard ton Maître aurait changé, pour que tu aies raison d’être ainsi torturée ? »

Mais Marie n’écoute pas les mots qui veulent déjà la préparer à une joie trop forte après tant d’angoisse et, finalement maîtresse de sa voix, elle s’écrie :

« Oh ! Seigneur ! Pourquoi n’es-tu pas venu plus tôt ? Pourquoi t’es-tu tellement éloigné de nous ? Tu savais pourtant que Lazare était malade ! Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Pourquoi n’es-tu pas venu ? Je devais avoir encore le temps de lui montrer que je l’aimais. Il devait vivre ! Je devais lui montrer que je persévérais dans le bien. Je l’ai tant angoissé, mon frère ! Et maintenant ! Maintenant que je pouvais le rendre heureux, il m’a été enlevé ! Tu pouvais me le laisser, donner à la pauvre Marie la joie de le consoler après lui avoir causé tant de souffrances. Oh ! Jésus ! Jésus ! Mon Maître ! Mon Sauveur ! Mon espérance ! »

Et elle s’abat de nouveau, le front sur les pieds de Jésus, qui se trouvent de nouveau baignés des larmes de Marie. Elle gémit :

« Pourquoi avoir agi ainsi, Seigneur ? ! Même à cause de ceux qui te haïssent et se réjouissent de ce qui arrive… Pourquoi as-tu fait cela, Jésus ? ! »

Mais, contrairement à Marthe, il n’y a pas un seul reproche dans le ton de la voix de Marie, il y a seulement la détresse d’une femme qui, outre sa douleur de sœur, éprouve aussi celle d’une disciple qui sent l’estime de son Maître amoindrie dans le cœur d’un grand nombre.

Jésus, tout incliné pour entendre ces paroles qu’elle murmure la face contre terre, se redresse et dit à haute voix :

« Marie, ne pleure pas ! Ton Maître aussi souffre de la mort de son ami fidèle… car il a dû le laisser mourir… »

Oh ! quelle ironie et quels regards de triomphe haineux chez les ennemis du Christ ! Ils le voient vaincu et s’en réjouissent, alors que ses amis s’assombrissent.

Jésus dit encore plus fort :

« Mais, je te le dis : ne pleure pas. Lève-toi ! Regarde-moi ! Crois-tu que, moi qui t’ai tellement aimée, j’ai agi ainsi sans raison ? Peux-tu croire que je t’ai causé cette peine inutilement ? Viens.

548.7

Allons vers Lazare. Où l’avez-vous mis ? »

Jésus n’interroge pas Marie et Marthe, que leurs sanglots étouffent, mais il s’adresse à tous les autres, surtout à ceux qui, sortis avec Marie de la maison, semblent les plus troublés. Ce sont peut-être des parents plus âgés, je ne sais pas. Et ceux-ci répondent à Jésus, visiblement affligé : « Viens et vois. » Ils prennent la direction du tombeau, à l’extrémité du verger, là où le sol a des ondulations et des veines de roche calcaire qui affleurent à la surface du sol.

Marthe, à côté de Jésus qui a forcé Marie à se lever et qui la conduit — car elle est aveuglée par ses larmes —, lui montre de la main l’endroit où se trouve Lazare et, quand ils s’en approchent, elle dit :

« C’est ici, Maître, que ton ami est enseveli. »

Et elle indique la pierre posée obliquement à l’entrée du tombeau.

Pour s’y rendre, Jésus, suivi de la foule, a dû passer devant Gamaliel. Mais ils ne se sont toujours pas salués. Gamaliel s’est ensuite uni aux autres, en s’arrêtant comme tous les pharisiens les plus rigides à quelques mètres du tombeau, alors que Jésus s’avance tout près avec les sœurs, Maximin et ceux qui sont peut-être des parents. Jésus contemple l’énorme pierre qui sert de porte et forme un lourd obstacle entre lui et son ami défunt, et il pleure. Les sœurs redoublent de larmes, imitées par les intimes et les familiers.

548.8

« Enlevez cette pierre » s’écrie soudain Jésus, après s’être essuyé les yeux.

Tous ont un geste d’étonnement et un murmure court dans l’assistance, grossie de quelques habitants de Béthanie qui sont entrés dans le jardin et se sont placés derrière les hôtes. Je vois certains pharisiens se toucher le front en secouant la tête comme pour laisser entendre : « Il est fou ! »

Personne n’exécute l’ordre. Même chez les plus fidèles, on hésite, on répugne à l’obéir.

Jésus réitère plus fort son ordre, effrayant encore davantage les gens. Pris par deux sentiments opposés et après avoir pensé à fuir, ils s’approchent soudain pour voir, défiant la puanteur toute proche du tombeau que Jésus veut faire ouvrir.

« Maître, ce n’est pas possible » intervient Marthe en s’efforçant de retenir ses pleurs pour parler : « Voilà déjà quatre jours qu’il est là-dessous. Et tu sais de quelle maladie il est mort ! Seul notre amour pouvait le soigner… Maintenant, l’odeur est certainement encore plus forte malgré les onguents… Que veux-tu voir ? Sa pourriture ?… On ne peut pas… même à cause de l’impureté de la corruption et…

– Ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? Enlevez cette pierre, je le veux ! »

C’est un cri de volonté divine…

Un “ oh ! ” étouffé jaillit de toutes les poitrines. Les visages deviennent blêmes, certains tremblent comme s’il était passé sur l’assistance un vent glacial de mort.

Marthe fait un signe à Maximin, et celui-ci ordonne aux serviteurs d’aller chercher les outils nécessaires pour remuer la lourde pierre.

Les serviteurs partent rapidement, pour revenir avec des pics et des leviers robustes. Ils travaillent en faisant entrer la pointe brillante des pics entre la roche et la pierre, puis ils remplacent les pics par les leviers, et enfin ils soulèvent avec précaution la pierre en la faisant glisser d’un côté et en la traînant ensuite prudemment contre la paroi rocheuse. Une puanteur infecte s’échappe du trou obscur, et fait reculer la foule.

Marthe demande tout bas :

« Maître, tu veux y descendre ? Si oui, il faut des torches… »

Mais elle est livide à la pensée qu’il puisse le faire.

548.9

Jésus ne lui répond rien. Il lève les yeux vers le ciel, ouvre les bras en croix et prie d’une voix très forte, en scandant les mots :

« Père ! Je te remercie de m’avoir exaucé. Je savais que tu m’exauces toujours, mais je le dis pour ceux qui sont présents ici, pour le peuple qui m’entoure, afin qu’ils croient en toi, en moi, et qu’ils sachent que tu m’as envoyé ! »

Il reste encore ainsi un moment, comme en extase, tant il est transfiguré. Silencieusement, il dit des paroles secrètes de prière ou d’adoration, je l’ignore. Ce que je sais, c’est qu’il a tellement dépassé l’humain qu’on ne peut le regarder sans se sentir le cœur trembler dans la poitrine. Il semble devenir éclatant en perdant son aspect corporel, se spiritualiser, grandir et même s’élever de terre. Tout en gardant la couleur de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de ses vêtements, au contraire de ce qui s’était passé à la transfiguration du Thabor durant laquelle tout devint lumière et éclat éblouissant, il paraît dégager de la lumière ; on dirait que tout son être devient lumière. Celle-ci semble l’entourer d’un halo, en particulier son visage tourné vers le ciel, certainement ravi dans la contemplation du Père.

Il reste ainsi quelque temps, puis redevient lui-même, l’Homme, mais d’une majesté puissante. Il s’avance jusqu’au seuil du tombeau. Jusqu’à ce moment, il avait gardé les bras ouverts en croix, les paumes tournées vers le ciel ; maintenant, il les tend devant lui, les paumes vers la terre, de sorte que ses mains se trouvent déjà à l’intérieur du tunnel du tombeau, toutes blanches dans le noir. Il plonge le feu bleu de ses yeux, dont l’éclat miraculeux est aujourd’hui insoutenable, dans cette obscurité muette, et, d’une voix puissante, il pousse un cri plus fort que celui par lequel, sur le lac, il avait ordonné aux vents de tomber. De cette voix que je ne lui ai jamais entendue dans aucun miracle, il s’écrie :

« Lazare ! Sors ! »

L’écho répercute sa voix dans la cavité du tombeau et se répand ensuite à travers tout le jardin, puis contre les ondulations du terrain de Béthanie ; je crois même qu’il s’entend jusqu’aux premiers escarpements au-delà des champs et revient de là, répété et amorti, comme un ordre qui ne peut faillir. Il est certain que, de tous les côtés, on perçoit de nouveau : « sors ! sors ! sors ! »

Tous éprouvent un frisson plus intense et, si la curiosité les cloue sur place, les visages pâlissent, les yeux s’écarquillent, les bouches s’entrouvrent involontairement avec déjà dans la gorge un cri de stupeur.

Marthe, un peu en arrière et de côté, est comme fascinée en regardant Jésus. Marie, qui ne s’est jamais écartée de son Maître, tombe à genoux au bord du tombeau, une main sur la poitrine pour calmer les battements de son cœur, l’autre tenant inconsciemment et convulsivement un pan du manteau de Jésus. On se rend compte qu’elle tremble, car le manteau a de légères secousses provoquées par la main qui le tient.

548.10

Quelque chose de blanc semble émerger du plus profond du souterrain. C’est d’abord une petite ligne convexe, puis elle fait place à une forme ovale, à laquelle se substituent des lignes plus amples, plus longues, de plus en plus longues. Et celui qui était mort, enserré dans ses bandelettes, avance lentement, toujours plus visible, fantomatique, impressionnant.

A mesure que Lazare avance, Jésus recule, recule insensiblement, mais continuellement. La distance entre les deux reste donc la même.

Marie est contrainte de lâcher le pan du manteau, mais elle ne bouge pas de sa place. La joie, l’émotion, tout la cloue là où elle se tient.

Un “ oh ! ” de plus en plus net sort des gorges d’abord fermées par la crispation de l’attente. C’est d’abord un murmure à peine distinct qui se change en voix, et la voix devient un cri puissant.

Lazare est désormais au bord du tombeau et il s’arrête là, raide, muet, semblable à une statue de plâtre à peine ébauchée et donc informe. C’est une longue silhouette, mince à la tête, mince aux jambes, plus large au tronc, macabre comme la mort elle-même, spectrale dans la blancheur des bandes qui se détache sur le fond sombre du tombeau. Au soleil qui l’enveloppe, les bandes paraissent çà et là laisser couler la pourriture.

Jésus crie d’une voix forte :

« Déliez-le et laissez-le aller. Donnez-lui des vêtements et de la nourriture.

– Maître !… » balbutie Marthe.

Elle voudrait peut-être en dire davantage, mais Jésus la fixe des yeux, la subjuguant de son regard étincelant, et il lance :

« Ici ! Apportez immédiatement un vêtement ! Habillez-le en présence de tous et donnez-lui à manger. »

Il donne des ordres, mais ne se retourne jamais vers la foule qui se tient derrière et autour de lui. Ses yeux regardent seulement Lazare, Marie qui s’est approchée du ressuscité sans souci de la répulsion que tous ressentent à la vue des bandes souillées, et Marthe, qui halète comme si son cœur allait éclater et qui ne sait si elle doit crier sa joie ou pleurer…

548.11

Les serviteurs se hâtent d’exécuter les ordres. Noémie part la première en courant et revient avec des vêtements, qu’elle tient pliés sur son bras. Quelques-uns délient les lacets des bandelettes après avoir retroussé leurs manches et relevé leurs habits pour éviter qu’ils ne touchent la pourriture qui coule. Marcelle et Sarah reviennent avec des amphores de parfums, suivies de serviteurs portant, les uns des bassins et des brocs fumants d’eau chaude, les autres avec des plateaux, des bols pleins de lait, du vin, des fruits, des fouaces recouvertes de miel.

Les bandelettes étroites et très longues, de lin, me semble-t-il, garnies de liserés des deux côtés, et certainement tissées pour cet usage, se déroulent comme les rubans d’une grande bobine et s’entassent sur le sol, alourdies par les aromates et la pourriture. Les serviteurs les écartent en se servant de bâtons. Ils ont commencé par la tête, et là aussi de la pourriture s’est écoulée du nez, des oreilles, de la bouche. Le suaire placé sur le visage est trempé de ces souillures, et le visage de Lazare est dévoilé, très pâle, squelettique, tout maculé. Il a les yeux tenus fermés par des pommades étendues dans les orbites, les cheveux collés, de même que la barbiche du menton. Quand au drap mis autour du corps, il tombe lentement, à mesure que les bandelettes descendent, libérant le tronc qu’elles avaient comprimé pendant des jours, et rendant une forme humaine à cette espèce de grande chrysalide. Les épaules osseuses, les bras squelettiques, les côtes à peine couvertes de peau, le ventre creusé, apparaissent lentement. A mesure que les bandes sont retirées, les sœurs, Maximin et les serviteurs s’empressent d’enlever la première couche de crasse et de baume, et s’y appliquent en changeant continuellement l’eau rendue détergente par les aromates qu’on y a mis, jusqu’à ce que la peau soit nette.

548.12

Lorsqu’on a dégagé le visage de Lazare et qu’il peut voir, il tourne les yeux vers Jésus avant même de regarder ses sœurs. Il s’abstrait de tout ce qui se passe, il oublie tout, pour contempler son Jésus, avec un sourire d’amour sur ses lèvres pâles et l’éclat d’une larme au fond des yeux. Jésus lui rend son sourire. Lui aussi a une lueur de larme dans le coin de l’œil mais, sans mot dire, il dirige le regard de Lazare vers le ciel ; Lazare comprend et remue les lèvres en une prière silencieuse.

Marthe croit qu’il essaie de parler sans avoir encore retrouvé sa voix, et elle demande ;

« Que me dis-tu, mon Lazare ?

– Rien, Marthe. Je remerciais le Très-Haut. »

La prononciation est assurée, la voix forte. Les gens poussent de nouveau un “ oh ! ” étonné.

Maintenant que Lazare est dégagé jusqu’aux hanches, libéré et propre, on peut le revêtir de la tunique courte, une sorte de chemisette qui dépasse l’aine pour retomber sur les cuisses.

On le fait asseoir pour dégager ses jambes et les laver. Quand elles apparaissent, Marthe et Marie poussent un hurlement : sur les bandelettes qui enserraient les jambes, et sur le suaire posé dessous, les écoulements purulents sont si abondants qu’ils forment des grosses gouttes sur les toiles, mais les jambes sont manifestement tout à fait guéries. Seules des cicatrices d’un rouge-bleuâtre indiquent les endroits où elles étaient gangrenées.

Dans l’assistance, les cris d’ébahissement redoublent. Jésus sourit, de même que Lazare qui regarde un instant ses jambes guéries, puis s’abstrait de nouveau pour contempler Jésus. Il semble ne pouvoir se rassasier de le voir. Les juifs, pharisiens, sadducéens, scribes et rabbis s’approchent avec précaution pour ne pas souiller leurs vêtements. Ils observent de tout près Lazare, ils observent de tout près Jésus. Mais ni Lazare ni Jésus ne s’occupent d’eux : ils se regardent, et tout le reste est inexistant.

548.13

Enfin, on passe ses sandales à Lazare. Il se lève, agile, sûr de lui, prend le vêtement que Marthe lui présente et l’enfile tout seul, lie sa ceinture, ajuste les plis. Le voilà, maigre et pâle, mais semblable à tout le monde. Après avoir retroussé ses manches, il se lave encore les mains et les bras jusqu’aux coudes. Puis, avec une nouvelle eau, il se lave de nouveau la figure et la tête, jusqu’à ce qu’il se sente tout à fait net. Il essuie ses cheveux et son visage, rend la serviette au serviteur et s’avance vers Jésus. Il se prosterne, lui baise les pieds.

Jésus s’incline, le relève, le serre contre son cœur en lui disant :

« Bon retour, mon ami. Que la paix et la joie soient avec toi. Vis pour accomplir ton heureuse destinée. Lève la tête pour que je te donne le baiser de salutation. »

Il dépose un baiser sur les joues de Lazare, qui le lui rend.

C’est seulement après avoir vénéré et embrassé le Maître que Lazare parle à ses sœurs et les embrasse ; puis il embrasse Maximin et Noémi qui pleurent de joie, et certains autres que je crois être des parents ou des amis très intimes. Enfin, il embrasse Joseph, Nicodème, Simon le Zélote et quelques autres.

Jésus va personnellement trouver un serviteur qui a sur les bras un plateau avec de la nourriture ; il prend une fouace avec du miel, une pomme, une coupe de vin et présente le tout à Lazare, après les avoir offerts et bénits, pour qu’il se restaure. Et Lazare mange avec l’appétit d’un homme en pleine santé. La foule pousse encore un “ oh ! ” de stupéfaction.

548.14

Jésus paraît ne voir que Lazare, mais, en réalité, il observe tout et tout le monde. Remarquant qu’avec des gestes de colère Sadoq, Elchias, Chanania, Félix, Doras, Cornélius et quelques autres sont sur le point de s’éloigner, il lance :

« Attends un moment, Sadoq. J’ai à te parler, à toi et aux tiens. »

Ils s’arrêtent avec une figure de criminels. Joseph d’Arimathie a un geste d’effarement et fait signe à Simon le Zélote de retenir Jésus.

Mais ce dernier s’avance déjà vers le groupe haineux, et il dit à haute voix :

« Ce que tu as vu te suffit-il, Sadoq ? Tu m’as expliqué un jour que, pour croire, vous aviez besoin, toi et tes semblables, de voir recomposé, guéri, un homme décomposé. Es-tu satisfait de la putréfaction que tu as vue ? Es-tu capable de reconnaître que Lazare était mort et que maintenant il est vivant et en bonne santé comme il ne l’a pas été depuis des années ? Je le sais : vous êtes venus ici pour tenter ces femmes, pour accroître leur douleur et insinuer le doute. Vous êtes venus ici me chercher, dans l’espoir de me trouver caché dans la pièce du mourant. Vous êtes venus ici, non pas poussés par un sentiment d’amour et le désir d’honorer le défunt, mais pour vous assurer que Lazare était réellement mort. Et vous avez continué à venir, vous réjouissant toujours plus à mesure que le temps passait. Si tout avait eu lieu comme vous l’espériez, comme vous le croyiez désormais certain, vous auriez eu raison de vous réjouir : l’Ami qui guérit tout le monde, ne guérit pas son ami. Le Maître récompense la foi de tous, mais pas celle de ses amis de Béthanie. Le Messie est impuissant devant la réalité de la mort. Cela vous donnait raison de vous réjouir. Mais voilà : Dieu vous a répondu. Nul prophète n’a jamais pu reconstituer ce qui était, non seulement mort, mais décomposé. Dieu l’a fait. C’est le témoignage vivant de ce que je suis. Il y eut un jour où Dieu prit de la boue, lui donna une forme et y insuffla l’esprit de vie : et ce fut l’homme. J’étais là pour dire : “ Que l’on fasse l’homme à notre image et à notre ressemblance ”, car je suis le Verbe du Père. Aujourd’hui, moi, le Verbe, j’ai dit à ce qui était encore moins que de la boue, à la corruption : “ Vis ” et la corruption s’est faite de nouveau chair, une chair intègre, vivante, palpitante. La voici qui vous regarde. Et à la chair, j’ai réuni l’âme, qui gisait depuis quelques jours dans le sein d’Abraham. Je l’ai rappelée par ma volonté, car je peux tout, moi, le Vivant, moi, le Roi des rois auquel sont soumises toute créature et toute chose. Maintenant, que me répondez-vous ? »

Il se tient devant eux, grand, fulgurant de majesté, vraiment Juge et Dieu. Ils ne répondent rien.

Jésus insiste :

« Ce n’est pas encore assez pour croire, pour accepter l’inconcevable ?

– Tu n’as tenu qu’une partie de la promesse. Ce n’est pas le signe de Jonas…, lance brutalement Sadoq.

– Vous l’aurez lui aussi. J’ai promis, et je tiendrai ma promesse » affirme le Seigneur. « Une autre personne, présente ici, attend un second signe, et elle l’aura. Et comme c’est un juste, il l’acceptera. Vous, non. Vous resterez ce que vous êtes. »

548.15

Faisant demi-tour, il aperçoit Simon, fils d’Eli-Hanna, membre du Sanhédrin. Il le dévisage longuement, laissant de côté ceux de tout à l’heure et, arrivé en face de Simon, il lui dit, à voix basse mais nette :

« Il est heureux pour toi que Lazare ne se rappelle rien de son séjour parmi les morts ! Qu’as-tu fait de ton père, Caïn ? »

Simon s’enfuit en poussant un cri de peur qui se change en un hurlement de malédiction :

« Sois maudit, Nazaréen ! »

Jésus réplique :

« Ta malédiction monte au Ciel, et du Ciel le Très-Haut te la renvoie. Tu es marqué du signe, malheureux que tu es ! »

Puis il revient en arrière, parmi les groupes médusés, presque pétrifiés. Il rencontre Gamaliel qui se dirige vers la route. Tous deux se regardent. Jésus lui murmure sans s’arrêter :

« Tiens-toi prêt, rabbi. L’autre signe viendra bientôt. Je ne mens jamais. »

548.16

Le jardin se vide lentement. Les juifs sont abasourdis, mais la plupart sont furieux. Si leurs regards pouvaient le réduire en cendres, Jésus serait complètement pulvérisé. Ils discutent en repartant, et sont si bouleversés par leur défaite qu’ils ne peuvent plus dissimuler, sous une apparence hypocrite d’amitié, le but de leur présence. Ils s’en vont sans saluer ni Lazare ni ses sœurs.

Certains restent : tous ceux que le miracle a conquis au Seigneur, au nombre desquels se trouve Joseph Barnabé, qui se jette à genoux devant Jésus et l’adore. Un autre est le scribe Joël d’Abia qui l’imite avant de partir à son tour, et d’autres encore que je ne connais pas, mais qui doivent être influents.

Pendant ce temps, Lazare, entouré de ses plus intimes, s’est retiré dans la maison. Joseph, Nicodème et les autres bons saluent Jésus et s’en vont. Après de profondes courbettes, les juifs qui étaient restés auprès de Marthe et Marie s’éloignent eux aussi. Les serviteurs ferment la grille. La maison retrouve sa paix.

548.17

Jésus regarde autour de lui. Il voit de la fumée et des flammes au fond du jardin, dans la direction du tombeau. Seul, debout au milieu d’un sentier, il dit :

« Le feu va faire disparaître la putréfaction… La putréfaction de la mort… Mais celle des cœurs… de ces cœurs-là, aucun feu ne la fera disparaître… Pas même le feu de l’enfer. Elle sera éternelle… Quelle horreur !… Plus que la mort… Plus que la corruption… Et…Mais qui te sauvera, ô Humanité, si tu aimes tant être corrompue ! Tu veux être corrompue. Et moi… Un seul mot m’a suffi pour arracher un homme au tombeau… Mais malgré un flot de paroles… et de souffrances, je ne pourrai arracher au péché l’homme, les hommes, des millions d’hommes. »

Il s’assied et se couvre le visage de ses mains, l’air accablé…

Un serviteur qui passe le voit. Il se dirige vers la maison. Peu après, Marie en sort et va trouver Jésus, légère comme si elle ne touchait pas le sol. Elle s’approche, et lui dit doucement :

« Rabbouni, tu es épuisé… Viens, mon Seigneur. Tes apôtres, fatigués, sont allés dans l’autre maison, tous, sauf Simon le Zélote… Tu pleures, Maître ? Pourquoi ?… »

Elle s’agenouille aux pieds de Jésus… l’observe… Jésus la regarde sans répondre. Il se lève et se dirige vers la maison, suivi de Marie.

548.18

Ils entrent dans une salle. Lazare n’y est pas, ni Simon le Zélote, mais il y a Marthe, heureuse, transfigurée par la joie. Elle s’adresse à Jésus pour expliquer :

« Lazare est allé se baigner pour se purifier encore. Oh ! Maître ! Maître ! Que te dire ! »

Elle l’adore de tout son être. Puis elle remarque la tristesse de Jésus et l’interroge :

« Tu es triste, Seigneur ? N’es-tu pas heureux que Lazare… » Il lui vient un soupçon : « Oh ! Tu es réservé avec moi. J’ai péché. C’est vrai.

– Nous avons péché, ma sœur, rectifie Marie.

– Non, pas toi… Oh ! Maître. Marie n’a pas péché. Marie a su obéir, moi seule ai désobéi. Je t’ai envoyé appeler, parce que… parce que je ne pouvais plus les entendre insinuer que tu n’étais pas le Messie, le Seigneur… et je ne pouvais plus voir Lazare souffrir… . Il désirait tant ta venue ! Il t’appelait tant… Pardonne-moi, Jésus.

– Et toi, tu ne dis rien, Marie ? demande Jésus.

– Maître… moi… Je n’ai souffert que comme femme. Je souffrais parce que… Marthe, jure, jure ici, devant le Maître, que jamais, jamais tu ne parleras à Lazare de son délire… Mon Maître… je t’ai connu tout à fait, ô divine Miséricorde, dans les dernières heures de Lazare. Oh ! mon Dieu ! Mais comme tu m’as aimée, toi qui m’as pardonné, toi, Dieu, toi, le Pur, toi… si mon frère, qui pourtant m’aime, mais qui est homme, seulement homme, ne m’a pas tout pardonné au fond de son cœur ? ! Non, je m’exprime mal. Il n’a pas oublié mon passé et quand la faiblesse de la mort a émoussé en lui sa bonté que je croyais oublieuse du passé, il a crié sa douleur, son indignation pour moi… Oh !… »

Marie pleure…

« Ne pleure pas, Marie. Dieu t’a pardonné et a oublié. L’âme de Lazare aussi a pardonné et a oublié, elle a voulu oublier. L’homme n’a pas pu tout oublier, et quand la chair a dominé par son dernier spasme sa volonté affaiblie, l’homme a parlé.

– Je n’en éprouve pas d’indignation, Seigneur. Cela m’a servi à t’aimer davantage et à aimer encore plus Lazare. Dès lors, moi aussi j’ai désiré ta venue, car j’étais trop angoissée de penser que Lazare allait mourir sans paix à cause de moi… Et ensuite, ensuite, quand je t’ai vu méprisé par les juifs… quand j’ai vu que tu ne venais pas même après la mort, pas même après que je t’avais obéi en espérant au-delà de ce qui est croyable, en espérant jusqu’à ce que le tombeau s’ouvre, alors mon âme aussi a souffert. Seigneur, si j’avais à expier — et c’est sûrement le cas —, j’ai expié, Seigneur…

– Pauvre Marie ! Je connais ton cœur. Tu as mérité ce miracle. Que cela t’affermisse dans ton espérance et ta foi.

– Mon Maître, désormais j’espérerai et je croirai toujours. Je ne douterai plus, jamais plus, Seigneur. Je vivrai de foi. Tu m’as donné la capacité de croire ce qui est incroyable.

– Et toi, Marthe, as-tu appris ? Non, pas encore. Tu es ma Marthe, mais tu n’es pas encore ma parfaite adoratrice. Pourquoi agis-tu au lieu de contempler ? C’est plus saint. Tu vois ? Ta force, parce qu’elle était trop tournée vers les tâches terrestres, a cédé à la constatation d’affaires terrestres qui semblent parfois sans remède. En vérité, les problèmes humains n’ont pas de remède, si Dieu n’intervient pas. C’est pourquoi la créature a besoin de savoir croire et contempler, d’aimer jusqu’au bout des forces de l’homme tout entier, avec sa pensée, son âme, sa chair, son sang, avec toutes les forces de l’homme. Je le répète : je te veux forte, Marthe. Je te veux parfaite. Tu n’as pas su obéir parce que tu n’as pas su croire et espérer complètement, et tu n’as pas su croire et espérer parce que tu n’as pas su aimer totalement. Mais moi, je t’en absous. Je te pardonne, Marthe. J’ai ressuscité Lazare aujourd’hui. Maintenant, je te donne un cœur plus fort. A lui, j’ai rendu la vie. A toi, j’infuse la force d’aimer, croire et espérer parfaitement. Maintenant soyez heureuses et en paix. Pardonnez à ceux qui vous ont offensées ces jours-ci…

– Seigneur, en cela j’ai péché. Il y a un instant, j’ai demandé au vieux Chanania qui t’avait méprisé : “ Qui a triomphé ? Toi ou Dieu ? Ton mépris ou ma foi ? Le Christ est le Vivant et il est la Vérité. Moi, je savais que sa gloire allait resplendir avec plus d’éclat, et toi, vieillard, refais ton âme si tu ne veux pas connaître la mort. ”

– Tu as bien parlé. Mais ne discute pas avec les méchants, Marie. Et pardonne. Pardonne, si tu veux m’imiter…

548.19

Voici Lazare. J’entends sa voix. »

En effet, Lazare entre, vêtu de neuf et bien rasé, bien peigné et la chevelure parfumée. Avec lui se trouvent Maximin et Simon le Zélote.

« Maître ! »

Lazare s’agenouille encore pour l’adorer.

Jésus lui pose la main sur la tête et dit en souriant :

« Ton épreuve et celle de tes sœurs est surmontée, mon ami. Soyez désormais heureux et forts pour servir le Seigneur. Mon ami, que te rappelles-tu du passé ? Je veux parler de tes derniers moments ?

– Un grand désir de te voir et une grande paix au milieu de l’amour de mes sœurs.

– Et qu’est-ce qui t’affligeait le plus de quitter en mourant ?

– Toi, Seigneur, et mes sœurs. Toi parce que je ne pouvais plus te servir, elles parce qu’elles m’ont donné toute joie…

– Ah ! moi, mon frère… soupire Marie.

– Toi, plus que Marthe. Tu m’as donné Jésus et la mesure de ce qu’est Jésus. C’est lui qui t’a donnée à moi. Tu es le don de Dieu, Marie.

– C’est ce que tu disais aussi en mourant… dit Marie, tout en étudiant le visage de son frère.

– Parce que c’est ma constante pensée.

– Mais moi, je t’ai causé tant de peine…

– La maladie aussi m’a fait souffrir. Mais, par elle, j’espère avoir expié les fautes du vieux Lazare et être ressuscité, purifié pour être digne de Dieu. Toi et moi, nous avons tous deux ressuscité pour servir le Seigneur, avec Marthe au milieu de nous, elle qui fut toujours la paix de la maison.

– Tu l’entends, Marie ? Lazare dit des paroles de sagesse et de vérité. Maintenant, je me retire et vous laisse à votre joie…

– Non, Seigneur, reste avec nous. Ici. Reste à Béthanie et dans ma maison. Ce sera beau…

– Je resterai. Je veux te récompenser de tout ce que tu as souffert. Marthe, ne sois pas triste. Marthe pense m’avoir affligé. Mais ma peine n’est pas autant pour vous que pour ceux qui ne veulent pas se racheter. Eux haïssent de plus en plus. Ils ont le venin dans le cœur… Eh bien… pardonnons.

– Pardonnons, Seigneur » dit Lazare avec son doux sourire…

C’est sur ces mots que tout prend fin.

548.20

En marge[1] de la résurrection de Lazare et en rapport avec une phrase de saint Jean.

Jésus dit :

« Dans l’évangile de Jean, comme on le lit désormais depuis des siècles, il est écrit : “ Jésus n’était pas encore entré dans le village de Béthanie ” (Jn 11,30). Pour prévenir toute objection possible, je fais remarquer qu’entre cette phrase et celle de l’Œuvre selon laquelle j’ai rencontré Marthe à quelques pas du bassin dans le jardin de Lazare, il n’y a pas de contradiction de faits, mais seulement de traduction et de description.

Béthanie appartenait pour les trois quarts à Lazare, de même qu’une grande partie de Jérusalem. Mais parlons de Béthanie. Comme Lazare en possédait les trois quarts, on pouvait dire : Béthanie de Lazare. Par conséquent, le texte ne serait pas erroné, même si j’avais rencontré Marthe dans le village ou à la fontaine, comme certains veulent le dire. Mais, en réalité, je n’étais pas entré dans le village pour éviter qu’accourent les habitants, tous hostiles aux membres du Sanhédrin. J’avais contourné Béthanie pour rejoindre la maison de Lazare, qui se trouvait à l’extrémité opposée quand on y entrait par Ensémès.

C’est précisément pour cette raison que Jean écrit que Jésus n’était pas encore entré dans le village. Et c’est avec autant de justesse que le petit Jean écrit que je m’étais arrêté près du bassin (fontaine pour les Hébreux), déjà dans le jardin de Lazare, mais encore très loin de la maison.

Considérons en outre que, durant le temps du deuil et de l’impureté (ce n’était pas encore le septième jour après la mort), les sœurs ne sortaient pas de chez elles. C’est donc dans l’enceinte de leur propriété que la rencontre a eu lieu.

Il faut noter que le petit Jean ne parle pas de la venue des villageois dans le jardin avant que j’ordonne d’enlever la pierre : jusqu’alors, Béthanie ignorait ma présence, et c’est seulement quand le bruit s’en est répandu qu’ils sont accourus chez Lazare. »

548.21

Jésus dit :

« On peut placer ici la dictée du 23 mars 1944 en guise de commentaire de la résurrection de Lazare. »

Le 23 mars 1944.

548.22

Jésus dit :

« Bien sûr, j’aurais pu intervenir à temps pour empêcher la mort de Lazare, mais je n’ai pas voulu le faire. Je savais que cette résurrection serait une arme à double tranchant, car j’allais convertir les juifs dont la pensée était droite et rendre plus haineux ceux dont la pensée ne l’était pas. C’est de ceux-ci, et après cette dernière manifestation de ma puissance, qu’allait venir ma sentence de mort. Mais j’étais venu pour ce but, et désormais l’heure était mûre pour que cela s’accomplisse. J’aurais pu aussi accourir aussitôt, mais j’avais besoin d’une putréfaction déjà avancée, pour mieux persuader, par une résurrection, les incrédules les plus obstinés. Mes apôtres eux-mêmes, destinés à porter la foi en moi dans le monde, avaient besoin pour croire d’être soutenus par des miracles de première grandeur.

Chez les apôtres il y avait beaucoup d’humanité, je l’ai déjà dit[2]. Ce n’était pas un obstacle insurmontable. C’était au contraire une conséquence logique de leur condition d’hommes appelés à m’appartenir à un âge déjà adulte. On ne modifie pas une mentalité, une tournure d’esprit du jour au lendemain. Et moi, dans ma sagesse, je n’ai pas voulu choisir et éduquer des enfants et les faire grandir selon ma pensée pour en faire mes apôtres. J’aurais pu le faire, mais je m’y suis refusé, pour que les âmes ne me reprochent pas d’avoir méprisé ceux qui ne sont pas innocents et qu’elles ne portent à leur décharge et à leur excuse que, moi aussi, j’aurais exprimé par mon choix que ceux qui sont déjà formés ne peuvent changer.

Non. Tout peut changer quand on le veut. Et en effet, avec des pusillanimes, des querelleurs, des usuriers, des sensuels, des incrédules, j’ai fait des martyrs et des saints, des évangélisateurs du monde. Seuls ceux qui l’ont refusé n’ont pas changé.

548.23

J’ai aimé et j’aime les petitesses et les faiblesses — tu en es un exemple — pourvu que se trouve en elles la volonté de m’aimer et de me suivre, et de ces “ riens ” je fais mes privilégiés, mes amis, mes ministres. Je m’en sers toujours, et c’est un miracle continuel que j’accomplis, pour amener les autres à croire en moi, à ne pas anéantir les possibilités de miracle. Comme cette possibilité est faible, maintenant ! Telle une lampe à laquelle l’huile manque, elle agonise et meurt, tuée par le manque ou l’absence de foi dans le Dieu du miracle.

Il y a deux formes d’exigence dans la demande du miracle. A l’une, Dieu se soumet avec amour. A l’autre, il tourne le dos avec indignation. La première est celle qui demande, comme je l’ai enseigné, sans défiance et sans découragement, et qui ne pense pas que Dieu ne puisse pas l’écouter parce que Dieu est bon, et que celui qui est bon exauce, parce que Dieu est puissant et peut tout. Cela, c’est de l’amour, or Dieu exauce celui qui aime. L’autre forme, c’est l’exigence des révoltés qui veulent que Dieu soit leur serviteur, se plie à leurs perversités et leur donne ce qu’eux lui refusent : l’amour et l’obéissance. Cette forme est une offense que le Seigneur punit par le refus de ses grâces.

Vous vous plaignez que je n’accomplisse plus de miracles collectifs. Comment pourrais-je les accomplir ? Où sont les collectivités qui croient en moi ? Où sont les vrais croyants ? Combien y a-t-il de vrais croyants dans une collectivité ? Comme des fleurs qui survivent dans un bois brûlé par un incendie, je vois de temps à autre un esprit croyant. Le reste, Satan l’a brûlé par ses doctrines, et il le fera de plus en plus.

548.24

Je vous prie, pour vous conduire surnaturellement, de garder à l’esprit ma réponse à Thomas[3]. On ne peut être mes vrais disciples si on ne sait pas donner à la vie humaine le poids qu’elle mérite en tant que moyen pour conquérir la vraie vie, et non en tant que fin. Celui qui voudra sauver sa vie en ce monde perdra la vie éternelle. Je l’ai dit et je le répète. Que sont les épreuves ? Un nuage qui passe. Le Ciel reste et vous attend au-delà de l’épreuve.

Moi, j’ai conquis le Ciel pour vous par mon héroïsme. Vous devez m’imiter. L’héroïsme n’est pas réservé à ceux qui doivent connaître le martyre. La vie chrétienne est un perpétuel héroïsme, car c’est une lutte incessante contre le monde, le démon et la chair. Je ne vous force pas à me suivre, je vous laisse libres, mais je ne veux pas d’hypocrites. On est, soit avec moi et comme moi, soit contre moi. Bien sûr, vous ne pouvez me tromper. Vous ne pourrez jamais me tromper. Et moi, je ne fais pas d’alliances avec l’Ennemi. Si vous me le préférez, vous ne pouvez penser m’avoir en même temps pour ami. C’est, soit lui, soit moi. Choisissez.

548.25

La douleur de Marthe se distingue de celle de Marie à cause de la différence de caractère et d’attitude des deux sœurs. Heureux ceux qui se conduisent de manière à ne pas regretter d’avoir affligé quelqu’un qui désormais est mort, et qu’ils ne peuvent plus consoler de ce qu’ils lui ont fait subir. Mais encore plus heureux celui qui n’a pas le remords d’avoir affligé son Dieu, moi, Jésus, et qui ne craint pas de me rencontrer, mais au contraire aspire à me rencontrer et à voir se réaliser le rêve impatient de toute sa vie.

Je suis pour vous un Père, un Frère, un Ami. Pourquoi donc me blessez-vous si souvent ? Savez-vous combien de temps il vous reste à vivre ? A vivre pour réparer ? Vous l’ignorez. Alors, heure par heure, jour après jour, conduisez-vous bien. Vous me rendrez toujours heureux. Et même si la douleur vient — car la douleur, c’est la sanctification, c’est la myrrhe qui préserve de la putréfaction de la chair —, vous garderez toujours la certitude que je vous aime, et que je vous aime même dans cette douleur, ainsi que la paix qui vient de mon amour. Toi, petit Jean, tu sais bien que je console même dans la douleur.

548.26

Dans ma prière au Père se trouve répété ce que j’ai dit au début : il était nécessaire d’ébranler, par un miracle de première grandeur, l’aveuglement des juifs et du monde en général. La résurrection d’un homme enseveli depuis quatre jours et descendu au tombeau après une maladie bien connue, longue, chronique, répugnante, ne pouvait laisser indifférent ou sceptique. Si je l’avais guéri de son vivant, ou si je lui avais infusé le souffle aussitôt qu’il avait expiré, la hargne de mes ennemis aurait pu créer une incertitude sur la réalité du miracle. Mais la puanteur du cadavre, la pourriture des bandelettes, le long séjour au tombeau ne permettaient aucun doute. Et, miracle dans le miracle, j’ai voulu que Lazare soit dégagé et purifié en présence de tous, pour que l’on voie que, non seulement la vie, mais l’intégrité des membres était revenue là où l’ulcération de la chair avait répandu dans le sang des germes de mort. Quand je fais grâce, je donne toujours plus que vous ne demandez.

548.27

J’ai pleuré devant la tombe de Lazare, et on a attribué bien des qualificatifs à ces larmes. Pourtant sachez que les grâces s’obtiennent par la douleur mêlée à une foi assurée dans l’Eternel. J’ai pleuré, moins à cause de la perte de mon ami et de l’affliction de ses sœurs, que parce que, comme un fond qui se soulève, trois idées ont affleuré à cette heure, plus vives que jamais, trois idées qui, comme trois clous, m’avaient toujours enfoncé leur pointe dans le cœur.

La constatation de la ruine que Satan avait apportée à l’homme en le poussant au mal. Ruine dont la condamnation humaine était la souffrance et la mort : la mort physique, emblème et image vivante de la mort spirituelle, à laquelle la faute conduit l’âme en la plongeant — elle, qui est une reine destinée à vivre dans le royaume de la Lumière — dans les ténèbres infernales.

La conviction que même ce miracle, qui advient pour ainsi dire comme le corollaire sublime de trois années d’évangélisation, n’allait pas convaincre le monde judaïque de la vérité que je lui avais apportée, et qu’aucun miracle n’allait faire, du monde à venir, un converti au Christ. Oh ! quelle douleur d’être près de mourir pour un si petit nombre !

La vision mentale de ma morte prochaine. J’étais Dieu, mais j’étais homme aussi. Et pour être Rédempteur, je devais sentir le poids de l’expiation, donc aussi l’horreur de la mort, et d’une telle mort. J’étais un homme vivant, en bonne santé, qui se disait : “ Bientôt, je serai mort, je serai dans un tombeau comme Lazare. Bientôt, l’agonie la plus atroce sera ma compagne. Il me faut mourir. ” La bonté de Dieu vous épargne la connaissance de l’avenir, mais à moi, elle n’a pas été épargnée.

Ah ! croyez-le bien, vous qui vous plaignez de votre sort : aucun n’a été plus triste que le mien, car j’ai eu la constante prescience de tout ce qui devait m’arriver, jointe à la pauvreté, aux privations, aux acrimonies qui m’ont accompagné de ma naissance à ma mort. Ne vous plaignez donc pas, et espérez en moi. Je vous donne ma paix. »

548.1

Jesús viene de Ensemes hacia Betania. Deben haber hecho una marcha verdaderamente fatigosa por los altos, empinadísimos senderos de los montes Adomín. Los apóstoles, jadeantes, a duras penas logran seguir a Jesús, que va raudo, como si el amor le llevara en sus alas de fuego, y tiene una sonrisa radiante mientras camina precediendo al grupo, con la cabeza alta bajo los suaves rayos del sol de mediodía.

Antes de que lleguen a las primeras casas de Betania, le ve un muchachito descalzo que va con una ánfora de cobre vacía hacia la fuente de los aledaños del pueblo. El muchacho grita, deja en el suelo el ánfora y se echa a correr con toda la velocidad de sus piernecitas hacia el interior del pueblo.

«Está claro que va a avisar de tu llegada» observa Judas Tadeo, quien, como todos los demás, ha sonreído por la resolución… enérgica del muchachito, que ha dejado incluso su ánfora a la merced del primero que pase.

548.2

La pequeña ciudad, vista así, desde la fuente, que está un poco elevada respecto a ella, aparece serena, como desierta. El humo gris que sube de las chimeneas es el único indicio de la presencia de las mujeres —ocupadas en preparar la comida del mediodía— en las casas, mientras que alguna voz gruesa varonil, entre los olivos y los grandes y silenciosos huertos de frutales, advierte de que los hombres están en su trabajo. A pesar de todo, Jesús prefiere tomar una callejuela que pasa por detrás del pueblo, para poder llegar a la casa de Lázaro sin llamar la atención de los habitantes.

Están casi a mitad de trayecto cuando perciben detrás de ellos al muchachito de antes, que los adelanta corriendo y luego se planta en medio de la calle y mira, pensativo, a Jesús…

«Paz a ti, pequeño Marcos. ¿Por qué te has marchado corriendo? ¿Es que tenías miedo de mí?» pregunta Jesús acariciándole.

«Yo no, Señor. Yo no he tenido miedo. Pero como durante muchos días Marta y María han mandado a criados suyos a los caminos que vienen aquí, para ver si venías, pues ahora que te he visto he ido corriendo a decir que venías…».

«Has hecho bien. Las hermanas prepararán su corazón para verme».

«No, Señor. Las hermanas no se prepararán nada porque no saben nada. No han querido que lo dijera. Me han agarrado cuando he dicho al entrar en el jardín: “Está el Rabí”, y me han echado afuera diciendo: “Eres o un mentiroso o un estúpido. Él ya no viene, porque a estas alturas está seguro de que ya no puede hacer el milagro”. Y como yo decía que sí que eras Tú, me he llevado dos tortazos como nunca hasta ahora me había llevado… Mira qué rojos tengo los carrillos. ¡Me queman! Y me han echado a empujones diciendo: “Esto para que te purifiques de haber mirado a un demonio”. Y yo te miraba para ver si te habías vuelto un demonio. Pero no lo veo… Sigues siendo mi Jesús, tan guapo como los ángeles de que me habla mi mamá».

Jesús se agacha a besarle en los carrillos que han recibido las bofetadas y dice: «Así se te pasará el picor. Me duele que hayas sufrido por mí…».

«Yo no, Señor, porque esos tortazos han hecho que me dieras dos besos» y se agarra a las piernas de Jesús esperando otros besos.

«Respóndeme, Marcos. ¿Quién te ha echado? ¿Los de Lázaro?» pregunta Judas Tadeo.

«No. Los judíos. Vienen para el duelo todos los días. ¡Son muchos! Están en casa y en el jardín. Vienen pronto y se marchan tarde. Parecen los amos. Maltratan a todos. ¿Ves como no hay nadie por las calles? Los primeros días la gente observaba… pero luego… Ahora sólo nosotros, los niños, estamos en las calles… ¡Ay, mi ánfora! Mi mamá esperando el agua… ¡Ahora me va a pegar también ella!…».

Sonríen todos al ver la desolación del niño ante la perspectiva de otros bofetones. Jesús dice: «Ve pues, rápido…».

«Es que… quería entrar contigo y verte hacer el milagro…» y termina: «… y ver sus caras… para vengarme de los tortazos…».

«Eso no. No debes desear venganza. Debes ser bueno y perdonar… Pero tu mamá está esperando el agua…».

«Voy yo, Maestro. Sé dónde vive Marcos. Le explico a la mujer lo que ha sucedido y luego te alcanzo…» dice Santiago de Zebedeo, y se marcha rápidamente.

Reanudan el camino lentamente. Jesús lleva de la mano al niño, que va todo alborozado…

548.3

Ya están delante del vallado del jardín. Lo orillan. Hay muchas cabalgaduras atadas a él, vigiladas por los criados de cada uno de los propietarios. El bisbiseo que se alza capta la atención de algún judío, que se vuelve hacia la cancilla abierta, justo en el momento en que Jesús cruza el umbral del jardín.

«¡El Maestro!» dicen los primeros que le ven. Y esta palabra corre, como el frufrú del viento, de un grupo a otro, y se propaga y va —llevada por los muchos judíos presentes, o por algún fariseo, rabí o escriba o saduceo esparcidos por el lugar—, va, cual ola lejana que viene a romperse en la orilla, a chocar contra las paredes de la casa, y penetra en ésta.

Jesús se adentra muy lentamente, a la par que todos, aun acudiendo de todas las partes, se apartan del paseo por el que Él va. Y, dado que ninguno le saluda, Él no saluda a ninguno, como si no conociera a muchos de los que están congregados allí mirándole con ira y odio en sus ojos (excepto los pocos que, siendo discípulos ocultos suyos, o por lo menos siendo de recto corazón aunque no le amen como Mesías, le respetan como a un justo). Y éstos son: José, Nicodemo, Juan, Eleazar, el otro Juan (escriba, ya visto en la multiplicación de los panes), y el otro Juan (el que sació el hambre de los que habían bajado del monte de las bienaventuranzas), Gamaliel y su hijo, Josué, Joaquín, Manahén, el escriba Joel de Abías (encontrado en el Jordán en el episodio de Sabea), José Bernabé, discípulo de Gamaliel, Cusa, que mira a Jesús desde lejos, un poco amedrentado por verle de nuevo después del error cometido, o quizás cohibido por el respeto humano que le impide acercarse como amigo. Lo cierto es que ni los amigos, u observadores sin odio, ni los enemigos, saludan. Y Jesús no saluda. Se ha limitado a un gesto de inclinación no personalizado, al poner pie en el paseo; luego ha seguido recto, como ajeno a la mucha gente que tiene ahí. El muchachito sigue a su lado, vestido como un labradorcito, descalzos sus pies como un niño pobre, pero con una cara luminosa, propia de uno que está de fiesta, y con sus ojitos negros, vivos, bien abiertos para verlo todo… y para desafiar a todos…

548.4

Marta sale de la casa, rodeada de un grupo de judíos venidos de visita, entre los cuales están Elquías y Sadoq. Pone la mano como visera, para ayudar a los ojos cansados de llanto, dolorosamente sensibles a la luz, para ver dónde está Jesús. Le ve. Se separa de quienes la acompañan y corre hacia Jesús, que está a pocos pasos del estanque brillante de reflejos por el sol que en él incide. Se arroja a los pies de Jesús después de la primera reverencia, y le besa los pies mientras, en medio de un fuerte estallido de llanto, dice: «¡La paz a ti, Maestro!».

También Jesús le ha dicho, en cuanto la ha visto cerca: «¡La paz a ti!», y ha levantado su mano para bendecir. Para ello, ha soltado la mano del niño, al cual Bartolomé toma y retira un poco hacia atrás.

Marta prosigue: «Pero ya no hay paz para tu sierva». Levanta la cara hacia Jesús, siguiendo de rodillas, y, con un grito de dolor que se oye bien en el silencio que se ha creado, exclama: «¡Lázaro ha muerto! Si hubieras estado aquí, no habría muerto. ¿Por qué no has venido antes, Maestro?». Expresa un involuntario tono de reproche al hacer esta pregunta. Luego vuelve al tono abatido de una persona que ya no tiene fuerzas para reprochar y cuyo único consuelo es el poder recordar los últimos movimientos y deseos de un hermano al que se ha tratado de dar lo que deseaba (de forma que no existe remordimiento en el corazón): «¡Te ha llamado muchas veces Lázaro, nuestro hermano!… Ahora, ya lo ves. Yo estoy acongojada y María llora y no encuentra resignación. Y él ya no está aquí. ¡Tú sabes cómo le queríamos! ¡Esperábamos todo de ti!…».

Un murmullo de compasión hacia la mujer y de censura hacia Jesús, un asentimiento al pensamiento implícito: “y podías habernos escuchado, porque nosotras lo merecemos por el amor que te profesamos, y , sin embargo, has quebrado nuestra esperanza” va de un grupo a otro de gente, de personas que menean la cabeza y miran burlonamente. Sólo los pocos, ocultos discípulos que están esparcidos entre la numerosa gente congregada tienen miradas de compasión hacia Jesús, que escucha, muy pálido y triste, a esta Marta angustiada que le está hablando. Gamaliel, cruzados sus brazos, vestido con su amplia y rica túnica de lana finísima adornada con caireles azules, un poco aparte, rodeado de un grupo de jóvenes entre los que están su hijo y José Bernabé, mira fijamente a Jesús, sin odio ni amor.

Marta, habiéndose enjugado la cara, sigue diciendo: «Pero sigo esperando, porque sé que el Padre te concederá cualquier cosa que Tú le pidas». Una dolorosa, heroica profesión de fe, expresada con voz temblorosa de llanto, con ansia temblorosa en la mirada, con la última esperanza, temblorosa, en el corazón.

«Tu hermano resucitará. Levántate, Marta».

Marta se levanta, aunque permanece inclinada ante Jesús en señal de veneración, y responde: «Lo sé, Maestro. Resucitará en el último día».

«Yo soy la Resurrección y la Vida. El que crea en mí, aunque haya muerto, vivirá. Y quien crea y viva en mí no morirá para siempre. ¿Crees tú todo esto?». Jesús, que antes había hablado con voz más bien baja únicamente a Marta, alza el tono de la voz para decir estas frases con que proclama su potencia de Dios, y el perfecto timbre de aquélla resuena como tañido de oro en el vasto jardín. Un estremecimiento, casi de espanto, sacude a los presentes; pero luego algunos hacen sonrisas maliciosas y menean la cabeza.

Marta —a quien Jesús, teniendo apoyada una mano sobre su hombro, parece querer transfundirle una esperanza cada vez más fuerte— que tenía baja la cabeza, alza la cara. La alza hacia Jesús, y fija sus ojos afligidos en las luminosas pupilas de Cristo. Entonces, apretando las manos contra el pecho con una ansia distinta, responde: «Sí, Señor, Yo creo esto. Creo que Tú eres el Cristo, el Hijo de Dios vivo, que ha venido al mundo. Y que puedes todo lo que quieres.

Creo.

548.5

Voy a avisar a María» y se marcha rápida. Desaparece dentro de la casa.

Jesús permanece donde está. Es decir, da algunos pasos hacia delante y se acerca al cuadro de jardín que rodea al estanque, cuadro todo sembrado de brillantes por ese lado, debido al fino polvillo acuoso del surtidor, inclinado, como si fuera una plumita de plata, hacia ese lado por un leve vientecillo; y parece perderse, Jesús, contemplando los zigzagueos de los peces bajo el velo de agua cristalina, y sus juegos, que ponen comas de plata y visos de oro en el cristal de esa agua en que el sol incide.

Los judíos le observan. Involuntariamente, se han separado formando grupos bien distintos. Por una parte, frente a Jesús, todos los enemigos suyos, habitualmente divididos entre sí por espíritu sectario pero que ahora se armonizan en hostigarle. A su lado, detrás de los apóstoles (a los que se ha unido Santiago de Zebedeo), José, Nicodemo y los otros de espíritu benévolo. Más allá, Gamaliel, que sigue en su sitio y en su postura de antes, y que está solo, porque su hijo y sus discípulos se han separado para distribuirse entre los dos grupos principales para estar más cerca de Jesús.

548.6

Con su grito habitual: «¡Rabbuní!», María sale de la casa y corre hacia Jesús extendiendo hacia delante los brazos. Se arroja a sus pies. Le besa los pies entre fuertes sollozos. Una serie de judíos, que estaban en casa con ella y que la han seguido, unen sus llantos, de dudosa sinceridad, al de ella. También Maximino, Marcela, Sara y Noemí han seguido a María, y lo mismo todos los dependientes de la casa. Los lamentos son fuertes y altos. Creo que dentro de la casa no ha quedado nadie. Marta, al ver llorar así a María, llora fuertemente también.

«La paz a ti, María. ¡Álzate! ¡Mírame! ¿Por qué este llanto, como el de uno que no tiene esperanza?». Jesús se inclina, para decir en tono bajo estas palabras, sus ojos en los ojos de María, que, estando de rodillas, relajada sobre sus talones, tiende hacia Él las manos en un gesto de invocación; y que, debido a su fuerte sollozo, no puede hablar. «¿No te dije que esperaras más allá de lo creíble para ver la gloria de Dios? ¿Acaso ha cambiado tu Maestro, para que hubiera motivo de angustiarse de esa manera?».

Pero María no recoge estas palabras que quieren prepararla ya a una alegría demasiado fuerte después de tanta angustia. Grita, por fin dueña de su voz: «¡Oh, Señor! ¿Por qué no has venido antes? ¿Por qué te has alejado tanto de nosotros? ¡Sabías que Lázaro estaba enfermo! Si hubieras estado aquí, no habría muerto mi hermano. ¿Por qué no has venido? Tenía que mostrarle todavía que le amaba. Él debía vivir. Yo debía mostrarle que perseveraba en el bien. ¡Mucho angustié a mi hermano! ¡Y ahora? ¡Ahora que podía hacerle feliz, me ha sido arrebatado! Tú podías conservármele. Podías haber dado a la pobre María la alegría de consolarle después de haberle causado tanto dolor. ¡Oh! ¡Jesús! ¡Jesús! ¡Maestro mío! ¡Salvador mío! ¡Esperanza mía!», y cae otra vez al suelo, con la frente sobre los pies de Jesús, que reciben otra vez el lavacro del llanto de María. Y gime: «¡¿Por qué has hecho esto, Señor?! Incluso por los que te odian y gozan de todo esto que está sucediendo… ¡¿Por qué has hecho esto, Jesús?!». Pero no hay reproche en el tono de María, como lo ha habido en el de Marta. María tiene sólo esa angustia de quien, además de su dolor de hermana, siente también el de discípula que percibe menoscabado en el corazón de muchos el concepto de su Maestro.

Jesús, muy agachado para recoger estas palabras susurradas rostro en tierra, se yergue y dice fuerte: «¡María, no llores! También tu Maestro sufre por la muerte del amigo fiel… por haber debido dejarle morir…».

¡Oh, qué risitas y miradas de rencoroso júbilo hay en las caras de los enemigos de Cristo! Le sienten vencido, y exultan, mientras que los amigos se ponen cada vez más tristes.

Jesús dice aún más fuerte: «Pero Yo te digo: no llores. ¡Álzate! ¡Mírame! ¿Crees tú que Yo, que te he amado tanto, he hecho esto sin motivo? ¿Eres capaz de pensar que te he dado este dolor inútilmente? Ven.

548.7

Vamos donde Lázaro. ¿Dónde le habéis puesto?». Jesús, más que a María y a Marta —las cuales, llorando ahora más violentamente, no hablan—, pregunta a todos los demás, especialmente a los que han salido de la casa con María y parecen los más turbados. Quizás son parientes más mayores, no lo sé.

Y éstos responden a Jesús, que está viviblemente compungido: «Ven y velo tú», y se encaminan hacia el sitio del sepulcro, que está en el extremo del huerto, en un lugar en que el suelo tiene ondulaciones y vetas de roca calcárea que afloran a la superficie.

Marta, al lado de Jesús, que ha forzado a María a ponerse en pie y la está guiando porque está cegada por el fuerte llanto, indica con la mano a Jesús dónde está Lázaro; y, llegados al lugar, dice: «Ahí es, Maestro, donde tu amigo está sepultado», y señala hacia la piedra que está puesta oblicuamente contra la boca del sepulcro.

Jesús, para ir a ese sitio, seguido por todos, ha tenido que pasar por delante de Gamaliel. Pero ni Él ha saludado a Gamaliel ni Gamaliel le ha saludado a Él. Luego, Gamaliel se ha unido a los otros y se ha parado, igual que todos los más inflexibles fariseos, a unos metros del sepulcro. Jesús, por su parte, sigue adelante, hasta muy cerca de la tumba, junto con las hermanas, con Maximino y con esos que quizás son los parientes. Jesús contempla la pesada piedra, que hace de puerta del sepulcro y de pesado obstáculo entre Él y el amigo fenecido, y llora. El llanto de las hermanas aumenta, como también el de los íntimos y familiares.

548.8

«Quitad esta piedra» grita Jesús al improviso, habiendo enjugado antes su llanto.

En todos se manifiesta un gesto de estupor. Un murmullo recorre la aglomeración de gente, que ha crecido con algunos de Betania que han entrado en el jardín y se han agregado a los convocados. Veo a algunos fariseos que se tocan la frente meneando la cabeza como diciendo: «¡Está loco!».

Nadie ejecuta la orden. Hasta los más fieles titubean y sienten repulsa por hacerlo. Jesús repite más fuerte su orden, haciendo estremecerse más todavía a la gente, la cual, experimentando dos sentimientos opuestos, hace ademán como de huir y, inmediatamente después, de acercarse más, para ver, desafiando el inminente hedor del sepulcro que Jesús quiere ver abierto.

«Maestro, no se puede» dice Marta esforzándose en contener el llanto para hablar. «Hace ya cuatro días que está ahí abajo. ¡Y Tú sabes de qué enfermedad ha muerto! Sólo nuestro amor podía cuidarle… Ahora, sin duda alguna y a pesar de los ungüentos, olerá fuertemente… ¿Qué quieres ver? ¿Su podredumbre?… No se puede… incluso por la impureza de la corrupción y…».

«¿No te he dicho que si crees verás la gloria de Dios? Quitad esta piedra. ¡Lo quiero!». Es un grito de voluntad divina…

Un «¡oh!» quedo brota de todos los pechos. Palidecen las caras. Alguno tiembla, como si hubiera pasado por todos un viento gélido de muerte.

Marta hace una señal a Maximino, y éste ordena a los dependientes de la casa que cojan las herramientas que se requieren para quitar la pesada piedra.

Ellos se marchan, a buen paso. Vuelven con picos y fuertes palancas. Y trabajan: introducen las puntas de los relucientes picos entre la roca y la piedra; substituyen luego los picos por las palancas; en fin, retiran cuidadosamente la piedra haciéndola rodar por un lado para correrla luego cautamente hasta la pared rocosa. Un hedor pestilente sale de la galería obscura y hace retroceder a todos.

Marta pregunta en voz baja: «Maestro, ¿quieres bajar ahí? Si quieres bajar, se necesitan antorchas…». Pero el pensamiento de tener que hacerlo la pone pálida.

548.9

Jesús no la responde. Alza los ojos al cielo, abre los brazos en cruz y ora con voz fortísima, recalcando bien las palabras: «¡Padre! Te doy gracias por haberme escuchado. Sabía que siempre me escuchas. Pero lo he dicho por estos que están aquí, por la gente que tengo a mi alrededor, ¡para que crean en ti, en mí, en que Tú me has enviado!».

Permanece así unos momentos. Tan transfigurado está, que parece raptado en éxtasis. Mientras, sin sonido de voz, dice otras, secretas palabras de oración o adoración, no sé. Lo que sí sé es que está tan espiritualizado, que no se le puede mirar sin sentirse temblar el corazón en el pecho. Parece hacerse, de cuerpo, luz; espiritualizarse, crecer en estatura, elevarse del suelo. Aun conservando sus colores de pelo, ojos, piel, indumentos —no como durante la transfiguración del Tabor, durante la cual todo se hizo luz y blancor deslumbrantes—, parece emanar luz y que todo en Él se haga luz. La luz parece ponerle alrededor una aureola, especialmente en torno al rostro, elevado al cielo y arrobado en la contemplación del Padre.

Está así un rato. Luego vuelve a ser Él, el Hombre, aunque con una majestad poderosa. Se acerca hasta el umbral del sepulcro. Mueve los brazos —hasta ese momento los había tenido extendidos en cruz y con las palmas vueltas hacia el cielo—, los mueve hacia delante; vuelve las palmas hacia abajo: las manos, por tanto, están ya dentro de la galería del sepulcro y su blancor resalta en la negrura que la llena. Él hunde en esa negrura muda el fuego azul de sus ojos, cuyo fulgor de milagro es hoy insostenible; y, con voz potente, con un grito que es mayor que cuando en el lago mandó al viento calmarse, con una voz cual en ningún otro milagro le he oído, grita: «¡Lázaro! ¡Sal fuera!». La voz, por el eco, se refleja en la cavidad sepulcral, y se expande, para salir luego a todo el jardín; y retumba en los desniveles de las ondulaciones de Betania: yo creo que llega hasta las primeras lomas que se elevan más allá de la campiña, y desde allí vuelve, repetida y queda, cual imperativo que no cesa; lo cierto es que desde infinitas partes se oye: «¡fuera! ¡fuera! ¡fuera!».

Todos sienten un estremecimiento más intenso, y, si la curiosidad tiene clavados a todos en sus sitios, las caras palidecen y los ojos se dilatan, mientras las bocas se entreabren involuntariamente con el grito de estupor ya en la garganta.

Marta, un poco hacia atrás y al lado, está como hechizada mirando a Jesús. María cae de rodillas; ella, que no se ha separado nunca de su Maestro, cae de rodillas en el umbral del sepulcro, con una mano en el pecho para frenar los latidos del corazón y la otra agarrada, inconsciente y convulsamente, a un extremo del manto de Jesús (y se comprende que tiembla, porque el manto recibe leves vibraciones de la mano que lo aferra).

548.10

Algo, de color blanco, parece surgir del fondo profundo de la galería. Primero es una casi imperceptible, pequeña línea convexa; luego se transforma en una forma oval; luego a este óvalo se le añaden líneas más amplias, más largas, cada vez más largas… Y el que estaba muerto, envuelto en su mortaja, va acercándose lentamente, va siendo cada vez más visible, espectral, impresionante.

Jesús retrocede, retrocede, insensiblemente, pero continuamente, a medida que el otro avanza; la distancia entre los dos es, por tanto, siempre igual.

María debe soltar el borde del manto, pero no se mueve de donde está. La alegría, la emoción, todo, la clavan al sitio en que estaba.

Un «¡oh!» cada vez más nítido sale de las gargantas, cerradas antes por un espasmo de espera: de susurro casi imperceptible, pasa a ser voz; de voz, a grito potente.

Lázaro está ya en el limen. Ahí se para, rígido, mudo, semejante a una estatua de yeso apenas esbozada (por tanto, informe); una forma larga, estrecha en la cabeza, estrecha en las piernas, más ancha en el tronco, macabra como la misma muerte, espectral con el blancor de la mortaja sobre el fondo obscuro del sepulcro. A la luz del Sol, que incide en él, se ve que la mortaja ya chorrea podredumbre por varios puntos.

Jesús grita fuerte: «Desatadle y dejadle libre. Dadle ropa y comida».

«¡Maestro!…» dice Marta, y quizás querría decir más. Pero Jesús la mira fijamente y la subyuga con su fúlgida mirada; dice: «¡Aquí! ¡En seguida! Traed una túnica. Vestidlo en presencia de todos y dadle de comer». Da órdenes, pero no se vuelve ni una sola vez a mirar a los que tiene detrás y en torno. Sus ojos miran sólo a Lázaro, a María, que está cerca del resucitado y sin preocuparse del asco que da a todos la mortaja purulenta, y a Marta, que jadea como si se le estallase el corazón y no sabe si gritar su alegría o si llorar…

548.11

Los criados se apresuran a ejecutar las órdenes. Noemí es la primera que se pone en movimiento, rápida, y la primera que vuelve, con la ropa colgada en el brazo. Algunos desatan los lazos de las vendas, después de haberse remangado y haberse ceñido las túnicas para que no toquen la podredumbre que fluye. Marcela y Sara vuelven con ánforas de perfumes, seguidas de criados, unos con barreños y ánforas que despiden vapor de agua, otros con bandejas, tazas llenas de leche, y vino, fruta, tortas cubiertas de miel.

Las vendas, estrechas y larguísimas, de lino creo, con hirmas en los dos lados, tejidas, claro está, para ese uso, se desenrollan como rollos de cinta de una gran bobina, y se van acumulando en el suelo, cargadas de ungüentos aromáticos y de podredumbre. Los criados las apartan haciendo uso de palos. Han empezado por la cabeza, donde también hay materia purulenta (sin duda, supurada por la nariz, las orejas y la boca). El sudario colocado sobre la cara está todo empapado de estas supuraciones que ensucian el rostro de Lázaro (un rostro palidísimo, esqueletado, con los ojos cerrados por los ungüentos puestos en las órbitas, y con el pelo apelmazado, al igual que la barbita rala del mentón). Va cayendo lentamente la sábana, el sudario colocado en torno al cuerpo, a medida que las vendas van bajando, bajando, bajando, liberando así el tronco que habían tenido oprimido durante días, devolviendo así forma humana a lo que antes habían hecho parecer una gran crisálida. Los osudos hombros, los brazos esqueletados, las costillas apenas cubiertas de piel, el vientre hundido van apareciendo lentamente. Y a medida que las vendas van cayendo, las hermanas, Maximino, los criados, dan en quitar el primer estrato de suciedad y de bálsamos, e insisten hasta que —cambiando continuamente el agua y añadiendo a ellas productos aromáticos que las hacen detergentes— la piel aparece limpia.

548.12

Lázaro, cuando le liberan la cara y puede mirar, dirige su mirada a Jesús, antes incluso que a sus hermanas, y, mirando a su Jesús con una sonrisa de amor en los pálidos labios y un brillo de llanto en las profundas órbitas, se olvida y abstrae de todo lo que sucede. También Jesús le sonríe con un brillo de llanto en el lagrimal de los ojos, y, sin hablar, dirige la mirada de Lázaro al cielo; Lázaro comprende, y mueve los labios en una silenciosa oración.

Marta piensa que quiere decir algo y que todavía no tiene voz, y pregunta: «¿Qué me dices, Lázaro mío?».

«Nada, Marta. Daba gracias al Altísimo». La pronunciación es segura, fuerte la voz. La gente exhala un nuevo «¡oh!» de estupor.

Ya le han liberado hasta las caderas (liberado y limpiado). Ya pueden vestirle con la tunica corta, una especie de camisón que supera la ingle y cuelga sobre los muslos.

Le sugieren que se siente para desatarle y lavarle las piernas. En cuanto quedan éstas al descubierto, Marta y María, señalando piernas y vendas, gritan fuerte. Y, a pesar de que en las vendas que ciñen las piernas y en la sábana puesta debajo de aquéllas la supuración es tan abundante que forma pequeños regueros en la tela, las piernas aparecen completamente cicatrizadas. Las cicatrices rojo-cianóticas son el único indicio que señala dónde estaban las gangrenas.

La gente, toda, grita más fuerte, estupefacta. Jesús sonríe, y sonríe a Lázaro, que mira un instante sus piernas curadas, para abstraerse luego de nuevo mirando a Jesús. Parece no poder saciarse de verle. Los judíos, fariseos, saduceos, escribas, rabíes, se acercan, cautos para no contaminarse la ropa. Miran bien de cerca a Lázaro. Miran bien de cerca a Jesús. Pero ni Lázaro ni Jesús se ocupan de ellos. Se miran, y todo lo demás no cuenta.

548.13

Le ponen las sandalias a Lázaro. Él se pone en pie, ágil, seguro. Toma la túnica que Marta le ofrece. Se la pone él solo, se abrocha el cinturón, se coloca los pliegues. Ahí está, delgado y pálido, pero igual que todos. Se lava otra vez las manos y los brazos hasta el codo, arremangándose. Y luego, con agua nueva, otra vez se lava cara y cabeza, hasta que se siente completamente limpio. Se seca pelo y cara, devuelve la toalla al criado y va derecho hacia Jesús. Se postra. Le besa los pies.

Jesús se agacha, le pone en pie, le estrecha contra su corazón y le dice: «¡Bienvenido de nuevo, amigo mío! La paz sea contigo, y la alegría. Vive para cumplir tu feliz destino. Alza tu cara para darte el beso de saludo». Y le besa en las mejillas. Lázaro corresponde en igual manera al beso de Jesús.

Sólo después de haber venerado y besado al Maestro, Lázaro habla con sus hermanas y las besa. Luego besa a Maximino y a Noemí, que lloran de alegría, y a algunos de los que creo que están emparentados con la casa o son amigos muy íntimos. Luego besa a José, a Nicodemo, a Simón Zelote y a algún otro.

Jesús va personalmente hacia uno de los criados, que tiene en sus brazos una bandeja con comida, y toma una torta con miel, una manzana, una copa de vino, y se las da a Lázaro —antes las ofrece y bendice— para que coma y beba. Y Lázaro come con el sano apetito de una persona que goza de salud. Todos exhalan otro «¡oh!» de estupor.

548.14

Jesús parece ver sólo a Lázaro, pero en realidad observa todo y a todos, y, al ver que, con gestos de ira, Sadoq, Elquías, Cananías, Félix, Doras, Cornelio y otros están para marcharse, dice fuerte: «Espera un momento, Sadoq. Debo decirte una palabra. A ti y a los tuyos». Ellos se paran, con facha de delincuentes. José de Arimatea se asusta y hace una señal al Zelote para que retenga a Jesús.

Pero Él ya está yendo hacia el grupo rencoroso, y ya está diciendo con voz fuerte: «¿Te basta, Sadoq, lo que has visto? Me dijiste un día que para creer necesitabais, tú y los que son como tú, ver que un muerto descompuesto se recompusiera y recuperara la salud. ¿Te ha saciado la podredumbre que has visto? ¿Eres capaz de confesar que Lázaro estaba muerto y que ahora está vivo y tan sano como no lo estaba desde hacía años? Lo sé: vosotros habéis venido aquí a tentar a éstos, a crear en ellos duda y mayor dolor. Habéis venido aquí a buscarme, esperando encontrarme escondido en la habitación del moribundo. Habéis venido aquí no por un sentimiento de amor y por el deseo de honrar al difunto, sino para aseguraros de que Lázaro estaba realmente muerto, y habéis seguido viniendo, cada vez más contentos a medida que el tiempo pasaba. Si las cosas hubieran ido según vuestras esperanzas —como ya creíais que iban— habríais tenido motivo para estar jubilosos. El Amigo que cura a todos pero no cura al amigo; el Maestro que premia todas las fes, pero no las de sus amigos de Betania; el Mesías impotente ante la realidad de una muerte. Esto era lo que os daba motivo para estar jubilosos. Pero Dios os ha respondido. Ningún profeta pudo nunca reunir lo que estaba deshecho, además de muerto. Dios lo ha hecho. Ahí tenéis el testimonio vivo de lo que Yo soy. Hubo un día en que Dios tomó barro e hizo con él una forma y exhaló en él el espíritu vital y el hombre comenzó a ser. Dije Yo: “Hágase al hombre a nuestra imagen y semejanza”. Porque Yo soy el Verbo del Padre. Hoy, Yo, Verbo, he dicho a lo que es aún menos que fango, a la materia descompuesta: “Vive”, y la materia descompuesta se ha vuelto a componer formando carne, carne íntegra, viva, palpitante. Ahí la tenéis, os está mirando. Y con la carne he reunido el espíritu que yacía desde hacía días en el seno de Abraham. Lo he llamado con mi voluntad, porque todo lo puedo, Yo, el Viviente, Yo, el Rey de reyes al que están sujetas todas las criaturas y las cosas. ¿Ahora qué me respondéis?».

Está frente a ellos, alto, radiante de majestad, verdaderamente Juez y Dios. Ellos no responden.

Él insta: «¿Todavía no os es suficiente para creer, para aceptar lo ineluctable?».

«Has mantenido sólo una parte de la promesa. Ésta no es la señal de Jonás…» dice Sadoq en tono áspero.

«Recibiréis también esa señal. Lo he prometido y lo mantengo» dice el Señor. «Y otro que está aquí presente, y que espera otra señal, la recibirá. Y la aceptará, porque es un justo. Vosotros no. Vosotros seguiréis siendo lo que sois».

548.15

Da media vuelta y ve a Simón, el miembro del Sanedrín hijo de Elí-Ana. Le mira fijamente, fijamente. Deja plantados a los de antes y, llegando hasta estar cara a cara con éste, le dice en voz baja pero incisiva: «¡Mejor para ti que Lázaro no recuerde su permanencia entre los muertos! ¿Qué has hecho de tu padre, Caín?».

Simón huye lanzando un grito, un grito de miedo que luego se transforma en grito de maldición: «¡Maldito seas, Nazareno!», al cual Jesús responde: «Tu maldición sube al Cielo y desde el Cielo el Altísimo te la arroja. ¡Llevas en ti la marca, desalmado!».

Vuelve hacia los grupos de gente asombrada, casi asustada. Se cruza con Gamaliel, que se dirige hacia la calle. Le mira, y Gamaliel le mira a Él. Jesús, sin pararse, le dice: «Estáte preparado, rabí. Pronto vendrá la señal. No miento nunca».

548.16

La gente va desalojando lentamente el jardín. Los judíos están como aturdidos, pero la mayoría de ellos rezuma ira por todos los poros. Si las miradas pudieran reducir a ceniza, Jesús estaría pulverizado ya desde hacía mucho. Hablan, discuten entre sí. Se marchan, tan vencidos ya por esta derrota que les ha sido infligida, que ya no saben ocultar bajo una hipócrita amistad el motivo de su presencia ahí. Se marchan sin saludar ni a Lázaro ni a las hermanas.

Se quedan atrás algunos que el milagro ha conquistado para el Señor. Entre éstos, José Bernabé, que se arroja al suelo, de rodillas, ante Jesús y le adora. Otro es el escriba Joel de Abías, que hace lo mismo antes de marcharse. Y otros más, que no conozco, pero que deben ser influyentes.

Lázaro, entretanto, rodeado de sus más íntimos, se ha retirado a casa. José, Nicodemo y los otros buenos saludan a Jesús y se marchan. Se marchan con profundas reverencias los judíos que estaban con Marta y María. Los criados cierran la cancilla. La casa vuelve a la calma.

548.17

Jesús mira a su alrededor. Ve humo y rojo de fuego en el fondo del jardín, en la parte del sepulcro. Jesús, solo, erguido en medio de un sendero, dice: «La podredumbre que es aniquilada por el fuego… La podredumbre de la muerte… Pero, la de los corazones… la de esos corazones ningún fuego la aniquilará… Ni siquiera el fuego del Infierno. Será eterna… ¡Qué horror!… Más que la muerte… Más que la corrupción… Y… Pero ¿quién te salvará, oh Humanidad, si tanto estimas el estar corrompida? Quieres estar corrompida. Y Yo… Yo he arrebatado al sepulcro a un hombre con una palabra… Y con un mar de palabras… y uno de dolores… no podré arrebatar al pecado al hombre, a los hombres, a millones de hombres». Se sienta y se tapa la cara con las manos, abatido…

Le ve un criado que pasa. Va a casa. Poco después, sale de casa María. Va donde Jesús, ligera como si no tocara el suelo. Se acerca a Él. Dice suavemente: «Rabbuní, estás cansado… Ven, mi Señor. Tus apóstoles, cansados, han ido a la otra casa; todos menos Simón el Zelote… ¿Estás llorando, Maestro? ¿Por qué?…».

Se arrodilla a los pies de Jesús… le observa… Jesús la mira. No responde. Se levanta y va hacia la casa, seguido por María.

548.18

Entran en una sala. Lázaro no está, y tampoco el Zelote. Pero Marta sí, feliz, transfigurada de alegría. Se vuelve hacia Jesús y explica: «Lázaro ha ido a bañarse. Para purificarse más. ¡Oh, Maestro! ¡Maestro! ¡Qué puedo decirte!». Le adora con todo su ser. Advierte la tristeza de Jesús y dice: «¿Estás triste, Señor? ¿No estás contento de que Lázaro…?». Le viene una sospecha: «¡Ah, estás serio conmigo! He pecado. Es verdad».

«Hemos pecado, hermana» dice María.

«No, tú no. ¡Maestro, María no ha pecado! María ha sabido obedecer. Sólo yo he desobedecido. Yo te envié aviso porque… porque no podía seguir oyendo que ésos insinuaran que no eras el Mesías, el Señor… y no podía seguir viendo ese sufrimiento… Lázaro te anhelaba mucho, te llamaba mucho… Perdóname, Jesús».

«¿Y tú no hablas, María?» pregunta Jesús.

«Maestro… yo… Yo he sufrido en ese momento sólo como mujer. Sufría porque… Marta, jura, jura aquí, delante del Maestro, que nunca, nunca contarás a Lázaro su delirio… Maestro mío… Yo te he conocido del todo, ¡oh Divina Misericordia!, en las últimas horas de Lázaro. ¡Oh, mi Dios! ¡¿Cuánto me has amado Tú, Tú que me has perdonado, Tú, Dios, Tú, Puro, Tú…, si mi hermano, que también me ama, siendo hombre, sólo hombre, no ha perdonado todo en el fondo de su corazón?! No, no es así; debo decir: no ha olvidado mi pasado y, cuando la debilidad de la agonía ha obnubilado en él su bondad que yo creía olvido del pasado, ha expresado su dolor a gritos, su indignación por mí… ¡Oh!…». María llora…

«No llores, María. Dios te ha perdonado y ha olvidado. El alma de Lázaro también ha perdonado y ha olvidado, ha querido olvidar. El hombre no ha podido olvidar todo. Y cuando la carne ha dominado con su extrema convulsión a la voluntad desfallecida, el hombre ha hablado».

«No estoy enojada por ello, Señor. Me ha servido para amarte más y para amar más todavía a Lázaro. Pero desde ese momento también yo he anhelado tu presencia… porque era demasiado angustioso pensar en Lázaro muerto sin paz por causa mía… y después, después, cuando te he visto escarnecido por los judíos… cuando he visto que no venías ni siquiera después de la muerte, ni siquiera después de que te había obedecido esperando más allá de lo creíble, esperando hasta cuando el sepulcro se abrió para recibirle, entonces también mi espíritu ha sufrido. Señor, si debía expiar, y, sin duda, debía hacerlo, he expiado, Señor…».

«¡Pobre María! Conozco tu corazón. Has merecido el milagro. Que ello te afirme en saber esperar y creer».

«Maestro mío, ya esperaré y creeré siempre. No dudaré ya, nunca más, Señor. Viviré de fe. Tú me has dado la capacidad de creer lo increíble».

«¿Y tú, Marta? ¿Tú has aprendido? No. Todavía no. Eres mi Marta. Pero no eres todavía mi perfecta adoradora. ¿Por qué obras y no contemplas? Es más santo. ¿No lo ves? Tu fuerza, estando demasiado dirigida a cosas terrenas, ha cedido ante la constatación de esos hechos terrenos que pueden parecer algunas veces sin remedio. En verdad, las cosas terrenas no tienen remedio, si Dios no interviene. La criatura necesita por eso saber creer y contemplar; necesita amar hasta el extremo de las fuerzas de todo el hombre, con el pensamiento, el alma, la carne, la sangre, con todas las fuerzas del hombre, repito. Te quiero fuerte, Marta. Te quiero perfecta. No has sabido obedecer porque no has sabido creer y esperar completamente, y no has sabido creer y esperar porque no has sabido amar totalmente. Pero Yo te absuelvo de ello. Te perdono, Marta. He resucitado a Lázaro hoy. Ahora te doy un corazón más fuerte. A él le he devuelto la vida, a ti te infundo la fuerza de amar, creer y esperar perfectamente. Ahora estad contentas y en paz. Perdonad a quienes os han ofendido en estos días…».

«Señor, en esto yo he pecado. Hace poco, al viejo Cananías, que te había tomado a burla los otros días, le he dicho: “¿Quién ha triunfado? ¿Tú o Dios? ¿Tu burla o mi fe? Cristo es el Viviente y es la Verdad. Yo sabía que su gloria refulgiría con mayor fuerza. Y tú, viejo, reconstrúyete el alma, si no quieres conocer la muerte”».

«Está bien lo que has dicho. Pero no disputes con los malvados, María. Y perdona. Perdona si me quieres imitar…

548.19

Ahí está Lázaro. Oigo su voz».

En efecto, Lázaro está entrando, vestido de nuevo, bien afeitadas las mejillas, los cabellos en orden y perfumados. Con él están Maximino y el Zelote.

«¡Maestro!». Lázaro se arrodilla, adorando todavía.

Jesús le pone una mano en la cabeza y sonríe. Dice: «La prueba ha sido superada, amigo mío. Para ti y para tus hermanas. Ahora estad alegres y sed fuertes para servir al Señor. ¿Qué recuerdas, amigo, del pasado? Quiero decir: de tus últimas horas».

«Un gran deseo de verte y una gran paz envuelto en el amor de mis hermanas».

«¿Y qué es lo que más te dolía dejar al morir?».

«A tí, Señor, y a mis hermanas: A ti, por no poderte servir; a ellas, porque me han dado toda suerte de alegrías…».

«¡Oh! ¡¿Yo, hermano?!» suspira María.

«Tú más que Marta. Tú me has dado a Jesús y la medida de lo que es Jesús. Y tú has sido dada por Jesús a mí: tú, María, eres el don de Dios».

«Lo decías también cuando morías…» dice María, y escudriña el rostro de su hermano.

«Porque es mi constante pensamiento».

«Pero te he causado mucho dolor…».

«También la enfermedad me causó dolor. Pero con ella espero haber expiado las culpas del viejo Lázaro, y haber resucitado purificado para ser digno de Dios. Tú y yo, los dos resucitados para servir al Señor, y Marta entre nosotros, ella que siempre fue la paz de la casa».

«¿Lo estás oyendo, María? Lázaro dice palabras de sabiduría y verdad. Ahora me retiro y os dejo a que gocéis de vuestra alegría…».

«No, Señor. Quédate con nosotros, aquí; quédate en Betania, en mi casa. Será hermoso…».

«Me quedaré. Quiero compensarte todo lo que has padecido. Marta, no estés triste. Marta piensa que me ha causado dolor. Pero mi dolor no es tanto por vosotros, cuanto por los que no quieren redimirse. Ellos odian cada vez más. Tienen el veneno en el corazón… Pues bien… de todas formas, perdonamos…».

«Perdonamos, Señor» dice Lázaro con su benévola sonrisa… y en estas palabras todo termina.

548.20

Como glosa a la resurrección de Lázaro y en relación a una frase de S. Juan. Dice Jesús:

«En el Evangelio de Juan, como se lee desde hace ya siglos, está escrito: “Jesús no había entrado todavía en Betania” (Jn 11, 30). Para prevenir posibles objeciones, hago la observación de que entre esta frase y la de la Obra —que Yo me encontré con Marta a pocos pasos del estanque, en el jardín de Lázaro— no hay contradicciones de hechos, sino sólo de traducción y descripción. Tres cuartas partes de Betania eran de Lázaro. Como también era suya una buena parte de Jerusalén. Pero vamos a hablar de Betania. Siendo tres cuartas partes de ella de Lázaro, podía decirse: Betania de Lázaro. Por tanto, no contendría error el texto, como algunos quieren decir, ora hubiera visto a Marta en el pueblo, ora la hubiera visto en la fuente. Y, en verdad, Yo no había entrado en el pueblo, evitando así que vinieran los de Betania, todos ellos hostiles contra los del Sanedrín. Había pasado por detrás de Betania para ir a la casa de Lázaro, que estaba en el extremo opuesto respecto a una persona que entrara en Betania viniendo de Ensemes. Por tanto, es exacto lo que dice Juan, de que Jesús no había entrado todavía en el pueblo. Y también habla con exactitud el pequeño Juan al decir que me había parado cerca del estanque (fuente para los hebreos), ya en el jardín de Lázaro; pero que estaba todavía muy lejos de la casa. Consideren éstos, además, que mientras se estaba en el tiempo del luto y de la impureza (todavía no era el séptimo día después de la muerte), las hermanas no salían de la casa; por tanto, en el recinto de su propiedad se produjo este encuentro. Nótese que el pequeño Juan habla de la llegada de los de Betania al jardín no antes de que Yo hubiera ordenado retirar la piedra. Antes Betania no sabía que estaba en Betania; sólo cuando se esparció la noticia vinieron a casa de Lázaro».

548.21

Dice Jesús: «Puede ponerse aquí el dictado —para comentario de la Resurrección de Lázaro— del 23-3-44».

23 de marzo de 1944.

548.22

Dice Jesús:

«Habría podido intervenir a tiempo para impedir la muerte de Lázaro. Pero no quise hacerlo. Sabía que esta resurrección sería un arma de doble filo, porque convertiría a los judíos de pensamiento recto y haría más rencorosos a los de pensamiento no recto. De éstos, y al son de esta última manifestación de mi poder, provendría mi sentencia de muerte. Pero había venido al mundo para esto, y la hora ya había madurado para que ello se cumpliera. También hubiera podido ir donde Lázaro inmediatamente. Pero necesitaba convencer a los incrédulos más obstinados con la resurrección a partir de un estado de descomposición ya avanzado; y también a mis apóstoles, que, destinados a llevar mi fe al mundo, tenían necesidad de poseer una fe fortalecida por milagros excelentes.

En los apóstoles había mucha humanidad. Ya lo he dicho. No era éste un obstáculo insuperable; más bien, era una lógica consecuencia de su condición de hombres llamados a ser míos a una edad ya adulta. No se cambia una mentalidad, una forma mentis, de un día para otro. Y Yo, en mi sabiduría, no quise tampoco elegir y educar a niños y formarlos según mi pensamiento para hacer de ellos mis apóstoles. Habría podido hacerlo. No quise hacerlo, para que las almas no me criticaran el haber despreciado a aquellos que no son inocentes y alegaran como disculpa y justificación el que también Yo había significado con mi elección que quienes están ya formados no pueden cambiar. No. Todo se puede cambiar, si se quiere. Y, efectivamente, Yo, de pusilánimes, pendencieros, usureros, sensuales, incrédulos, hice mártires, santos, evangelizadores del mundo. Sólo el que no quiso no cambió.

548.23

Yo amé y amo al pequeño y al débil —tú eres un ejemplo de ello—, con tal de que tengan la voluntad de amarme y de seguirme, y de estas “nadas” hago mis predilectos, mis amigos, mis ministros. Y me sigo sirviendo de ellos, y es un milagro continuo que hago, para llevar a los otros a creer en mí, a no ahogar las posibilidades de milagro. ¡Qué débil es ahora esta posibilidad!: cual lámpara a la que le falta el aceite, esta posibilidad agoniza y muere, ahogada por la escasa o inexistente fe en el Dios del milagro.

Hay dos formas de prepotencia al pedir el milagro. A una, Dios cede con amor; a la otra, le vuelve las espaldas desdeñado. La primera es la que pide, como he enseñado a pedir, sin desconfianza ni cansancio, y no admite que Dios pueda no escucharla, porque Dios es bueno y quien es bueno escucha, porque Dios es poderoso y lo puede todo. Esta forma es amor, y Dios concede a quien ama. La otra es la prepotencia de los rebeldes que quieren que Dios sea su siervo y que se humille ante sus maldades y que les dé a ellos aquello que ellos no le dan a Él: amor y obediencia. Esta forma es una ofensa, que Dios castiga negando sus gracias.

Os quejáis de que Yo ya no efectúo los milagros colectivos. ¿Cómo podría efectuarlos? ¿Dónde están las colectividades que creen en mí? ¿Dónde, los verdaderos creyentes? ¿Cuántos son, en una colectividad, los verdaderos creyentes? Cuales flores supervivientes en un bosque quemado por un incendio, así veo Yo, de vez en cuando, un espíritu creyente; el resto lo ha quemado Satanás con sus doctrinas. Y cada vez lo quemará más.

548.24

Os ruego que tengáis presente, para regla vuestra sobrenatural, mi respuesta a Tomás[1]. No se puede ser verdadero discípulo mío si uno no sabe dar a la vida humana el peso que le conviene: como medio para conquistar la Vida verdadera, no como fin. El que quiera salvar su vida en este mundo perderá la Vida eterna. Lo dije y lo repito. ¿Qué son las pruebas? La nube que pasa. El Cielo permanece y os espera más allá de la prueba.

Yo he conquistado el Cielo para vosotros con mi heroísmo. Vosotros debéis imitarme. El heroísmo no está reservado sólo a aquellos que deben conocer el martirio. La vida cristiana es un continuo heroísmo, porque es una continua lucha contra el mundo, el demonio y la carne. Yo no os fuerzo a seguirme. Os dejo libres. Pero hipócritas no os acepto. O conmigo y como Yo, o contra mí. Cierto es que no podéis engañarme. A mí no me podéis engañar. Y Yo no desciendo a pactos con el Enemigo. Si le preferís antes que a mí, no podéis pensar en tenerme a mí por Amigo contemporáneamente. O él o Yo, elegid.

548.25

El dolor de Marta es distinto del de María, debido a la distinta psicología de las dos hermanas y al distinto modo de comportarse que habían tenido. ¡Dichosos aquellos que se comportan de forma que no tienen luego el remordimiento de haber causado dolor a alguien que ahora está muerto y que ya no puede ser consolado del dolor que se le causó! Pero ¡cuánto más dichoso es aquel que no tiene el remordimiento de aver causado dolor a su Dios, a mí, a Jesús, y no teme su encuentro conmigo; antes al contrario, suspira por este encuentro, como alegría ansiosamente soñada durante toda la vida y por fin alcanzada!

Yo soy vuestro Padre, Hermano, Amigo. ¿Por qué, pues, me herís tantas veces? ¿Sabéis cuánto os queda de vida todavía?, ¿de vida para hacer reparación? No lo sabéis. Pues entonces, hora tras hora, día tras día, obrad bien; siempre bien. Me haréis siempre feliz. Y aunque llegue a vosotros el dolor —porque el dolor es santificación, es la mirra que preserva de la corrupción de la carnalidad— tendréis siempre en vosotros la certidumbre de que os amo, y que os amo incluso en ese dolor, y siempre tendréis la paz que proviene de mi amor. Tú, pequeño Juan, sabes si sé consolar incluso en el dolor.

548.26

En mi oración al Padre se repitió cuanto he dicho al principio: era necesario zarandear con un milagro excelente la obtusidad de los judíos y del mundo en general. Y la resurrección de una persona sepultada hacía cuatro días, y que había descendido a la tumba después de una larga, crónica, repugnante, conocida enfermedad, no era algo que debiera dejar indiferente a nadie, y tampoco en duda. Si le hubiera curado mientras vivía, o si hubiera infundido en él el espíritu inmediatamente después de la muerte, la mordacidad de los enemigos hubiera podido crear dudas acerca de la entidad del milagro. Pero el hedor del cadáver, la podredumbre en las vendas, el largo tiempo pasado en el sepulcro, no permitían dudas. Y —milagro en el milagro— quise que a Lázaro le quitaran las vendas y le limpiaran en presencia de todos, para que se viera que había vuelto no sólo la vida, sino también la integridad de los miembros donde antes la carne ulcerada había introducido en la sangre gérmenes de muerte. Al conceder una gracia, doy siempre más de lo que pedís.

548.27

Lloré delante de la tumba de Lázaro. Y se ha dado muchos nombres a este llanto. Pero, antes de nada, sabed que las gracias se obtienen —ambas cosas unidas— con dolor y fe segura en el Eterno. Lloré no tanto por la pérdida del amigo y por el dolor de las hermanas, cuanto porque, cual fondo submarino que se agita, afloraron en aquella hora, más vivas que nunca, tres ideas que, como tres clavos, habían hincado siempre su punta en mi corazón.

La constatación de la ruina a la que había llevado Satanás al hombre seduciéndole al Mal. Ruina cuya condena humana era el dolor y la muerte. La muerte física, emblema y metáfora viva de la muerte espiritual, que la culpa procura al alma hundiéndola —a ella que es reina destinada a vivir en el reino de la Luz— en las tinieblas infernales.

La persuasión de que ni siquiera este milagro, puesto casi como corolario sublime de tres años de evangelización, convencería al mundo judío acerca de la Verdad de que Yo era Portador. Y que ningún milagro iba a convertir para Cristo al mundo que habría de venir. ¡Oh, qué dolor el estar próximo a la muerte por tan pocos!

La visión mental de mi próxima muerte. Era Dios. Pero también era Hombre. Y para ser Redentor debía sentir el peso de la expiación; por tanto, también el horror de la muerte, de esa muerte. Yo era uno que vivía, uno que estaba sano y que se decía a sí mismo: “Pronto estaré muerto, estaré en un sepulcro como Lázaro. Pronto tendré por compañera a la más atroz de las agonías. Debo morir”. La bondad de Dios os exonera del conocimiento del futuro. Pero Yo no fui exonerado de ello.

Vosotros que os quejáis de vuestra condición. Ninguna fue más triste que la mía, porque tuve la constante presciencia de todo lo que debía sucederme, unida ella a la pobreza, las incomodidades, los comportamientos malévolos que me acompañaron desde el nacimiento hasta la muerte. No os quejéis, pues, y esperad en mí.

Os doy mi paz».


Notes

  1. En marge… jusqu’à … accourus chez Lazare » a été écrit par Maria Valtorta sans indication de date, sur les deux faces d’un feuillet, glissé entre les pages manuscrites du cahier.
  2. déjà dit, le 13 février 1944, en 106.12.
  3. ma réponse à Thomas, en 547.6.

Notas

  1. mi respuesta a Tomás, en 547.6.