Los Escritos de Maria Valtorta

584. Le sabbat qui précède l’entrée à Jérusalem.

584. El sábado anterior a la entrada en Jerusalén.

584.1

Après les pluies des jours précédents, le temps s’est rétabli, et le soleil luit dans un ciel très pur. La terre, nettoyée par les pluies, est aussi claire et fraîche que l’atmosphère, au point de sembler créée depuis quelques heures. Tout resplendit et tout chante dans la sérénité du matin.

Jésus se promène lentement le long des sentiers les plus écartés du jardin. Seuls quelques jardiniers observent cette promenade solitaire aux premières heures du jour, mais personne ne trouble le Maître. Au contraire, ils se retirent silencieusement pour le laisser en paix,

Du reste, c’est le sabbat, jour de repos, et les jardiniers ne travaillent pas. Mais par suite d’une accoutumance aussi longue que leur vie, ils sont dehors pour examiner les fleurs, les plantes, les ruches, pour lesquels il n’y a pas de sabbat, et qui parfument, se balancent et bourdonnent au soleil et au petit vent d’avril.

Peu à peu, le jardin s’anime : voici d’abord les serviteurs de la maison et les servantes, puis les apôtres et les femmes disciples, et en dernier lieu Lazare. Jésus les rejoint et les salue.

« Depuis quand es-tu ici, Maître ? demande Lazare en secouant les gouttes de rosée des boucles de cheveux de Jésus.

– Depuis l’aurore. Tes oiseaux m’ont appelé pour louer Dieu, et je suis sorti. Contempler Dieu dans les beautés de la Création, c’est l’honorer et prier avec l’émotion de l’esprit. La terre est belle. Et, à ces premières heures du jour, d’un jour comme celui-ci, elle nous apparaît fraîche comme aux premières heures de sa vie.

– C’est vraiment un temps de Pâque. Le beau temps durera, car il s’est installé au début de la lune avec un vent favorable, assure Pierre.

– Cela me réjouit. La Pâque sous l’eau, c’est bien triste !

– Davantage encore : elle est nuisible aux moissons. Le grain demande plus de soleil au fur et à mesure qu’il s’approche de la récolte, déclare Barthélemy.

– Je suis heureux d’être ici en paix.

584.2

C’est aujourd’hui jour de sabbat, et il ne viendra personne, pas d’étranger parmi nous, se réjouit André.

– Tu te trompes : il y a un hôte, un petit hôte. Il dort encore, Maître. Avoir un lit mœlleux et l’estomac repu permet un bon sommeil. Je suis passé le voir. Noémi veille sur lui, dit Lazare.

– De qui s’agit-il ? Quand est-il venu ? Qui l’a amené ? Pourquoi en parles-tu comme si c’était un enfant ? demandent hommes et femmes.

– C’est un enfant, un pauvre enfant. C’est sa souffrance qui l’a conduit ici. Il était là, appuyé contre les barreaux de la grille, regardant vers la maison. Et le Maître l’a accueilli.

– Nous ne savions rien… Pourquoi ?

– Parce que ce petit garçon avait besoin de paix » répond Jésus, et son visage s’absorbe en une pensée profonde avant d’achever : « Et, dans la maison de Lazare, on sait se taire. »

Un serviteur vient dire quelques mots à Marthe, puis il se retire pour revenir avec les autres, qui apportent des plateaux garnis de bols et d’amphores de lait, et du pain avec du beurre et du miel. Tous se servent en s’asseyant çà et là sur les sièges épars.

584.3

Mais peu après, ils décident de se grouper de nouveau autour du Maître et de lui demander une parabole, “ une belle parabole ”, précisent-ils, “ sereine comme ce jour de Nisan. ”

« Je ne vais pas vous en raconter une, mais deux : écoutez donc.

Un homme voulut un jour allumer deux lampes pour honorer le Seigneur à l’occasion d’une fête. Il prit donc deux vases d’égale largeur, y versa la même quantité et la même qualité d’huile, et une mèche identique. Il les alluma à la même heure afin qu’elles prient à sa place pendant que lui travaillerait, selon ce qui lui était permis.

A son retour, après un certain temps, il vit que de l’une des lampes s’élançait une vive flamme, alors que sur l’autre brillait une petite lueur bien tranquille, qui mettait tout juste un peu de lumière dans le coin où brûlaient les lampes. L’homme pensa que sa mèche était mal faite. Il l’observa : non, tout allait bien. Mais cette lampe ne voulait pas brûler aussi joyeusement que l’autre. Cette dernière faisait jaillir sa flamme comme une langue de feu et paraissait vraiment s’exprimer, tant elle était joyeuse et tant, dans la vivacité de son mouvement, elle laissait entendre un léger frou-frou.

“ Cette lampe chante vraiment les louanges du Très-Haut ! ” pensa-t-il. “ Alors que celle-là ! Regarde-la, mon âme ! On dirait qu’il lui pèse d’honorer le Seigneur, tant elle le fait avec peu d’ardeur ! ”

Il repartit travailler, et revint après un moment : la première flamme s’élevait encore plus haut et vibrait avec toujours plus de splendeur, alors que l’autre avait encore baissé et brûlait de plus en plus tranquillement. Il pouvait le vérifier à chacun de ses retours. Mais quand il rentra beaucoup plus tard, il trouva la pièce remplie d’une épaisse fumée nauséabonde, au travers de laquelle une seule petite flamme brillait. Il s’approcha de l’étagère où étaient placées les lampes, et il vit que celle qui flamboyait auparavant avec tant d’ardeur, s’était totalement consumée et noircie ; elle avait même souillé de sa langue la blancheur du mur. L’autre, au contraire, continuait à honorer le Seigneur de sa lumière toujours égale.

Il était sur le point de réparer l’incident lorsqu’une voix se fit entendre près de lui :

“ Ne change pas l’état des choses, mais médite sur elles, car c’est un symbole. Je suis le Seigneur. ”

L’homme se jeta face contre terre pour adorer et, avec une grande crainte, il osa reconnaître :

“ Je suis sot. Explique-moi, ô Sagesse, le symbole des lampes, dont celle qui paraissait t’honorer le plus activement a causé des dégâts, alors que l’autre continue à briller. ”

“ Bien, je vais le faire : il en est du cœur de l’homme comme de ces deux lampes. Certaines ont, pour honorer le Seigneur, un doux éclat qui n’attire pas l’attention et peut passer pour de la tiédeur. D’autres commencent par brûler si vivement qu’elles font l’admiration des hommes, tant leur ardeur semble parfaite et constante. Mais passées les premières flambées, elles commencent à faire des dégâts, puis s’éteignent non sans dommages ; c’est que leur lumière n’était pas sûre. Ces lampes ont voulu briller davantage pour les hommes que pour le Seigneur, et l’orgueil les a consumées en peu de temps en une fumée noire et lourde, qui a même obscurci l’air. Les autres ont eu une volonté unique et constante : honorer Dieu seul et, sans se soucier des louanges de l’homme, elles ont brûlé en gardant une flamme durable et pure, sans fumée ni mauvaise odeur. Sache en imiter la lumière constante, car elle seule est agréable au Seigneur. ”

L’homme releva la tête… L’air s’était libéré de la fumée, et la fidèle étoile de lumière était maintenant seule à briller, douce et droite, en l’honneur de Dieu, en faisant luire le métal de la lampe comme si c’était de l’or pur. Pendant des heures, il la regarda resplendir, toujours égale, jusqu’au moment où, doucement, sans fumée ni mauvaise odeur, sans salir son vêtement, la flamme s’éteignit sur un dernier éclat : elle parut s’élever au ciel pour se fixer parmi les étoiles, après avoir dignement honoré le Seigneur jusqu’à sa dernière goutte d’huile et jusqu’à son dernier instant de vie.

En vérité, en vérité, je vous dis que nombreux sont ceux qui au début produisent une grande flamme et s’attirent l’admiration du monde — qui ne voit que l’extérieur des actions humaines —, mais qui périssent ensuite en se carbonisant et en répandant leurs âcres fumées. Et en vérité, je vous dis que Dieu ne fait guère attention à leur flamme, car il voit qu’elle brûle orgueilleusement, pour une fin humaine.

Bienheureux ceux qui savent imiter la seconde lampe et ne pas se carboniser, mais monter au Ciel par la dernière palpitation de leur constant amour.

584.4

– Quelle étrange parabole! Mais comme elle est vraie ! Et belle ! Elle me plaît ! Je voudrais savoir si nous sommes les lumières qui montent vers le Ciel. »

Les apôtres échangent leurs impressions.

Judas trouve moyen de mordre. Il s’attaque à Marie de Magdala et à Jean :

« Attention à vous, Marie et Jean. Vous êtes parmi nous les lumières flamboyantes… Qu’il ne vous arrive pas malheur ! »

Sur le point de répliquer, Marie de Magdala se mord les lèvres pour contenir son indignation. Elle se borne à regarder Judas, mais ce regard est si ardent que Judas cesse de rire et de la toiser.

Jean, au cœur doux bien que brûlant de charité, répond posément :

« A cause de mon manque de capacité, cela pourrait bien arriver. Mais je me fie à l’aide du Seigneur, et j’espère pouvoir me consumer jusqu’à la dernière goutte et jusqu’au dernier instant pour honorer le Seigneur notre Dieu.

584.5

– Et l’autre parabole ? Tu en as promis deux, intervient Jacques, fils d’Alphée.

– Elle ne va pas tarder… »

Et il montre la porte de la maison, fermée par le rideau que le vent remue lentement. Ce rideau s’écarte tout à coup, sous la main d’un serviteur, pour céder le passage à la vieille Noémi qui se précipite aux pieds de Jésus en s’écriant :

« L’enfant est redevenu normal ! Il n’est plus difforme ! Tu l’as guéri pendant la nuit. Il s’était réveillé, et je préparais le bain pour le laver avant de lui passer sa tunique et l’habit que j’avais cousu pendant la nuit en utilisant un vêtement que Lazare ne porte plus. Mais quand je lui ai dit : “ Viens, mon enfant ” et que j’ai soulevé les couvertures, j’ai vu que son petit corps, si déformé hier, n’était plus le même. Et j’ai crié. Sarah et Marcelle, qui ne savaient même pas qu’un enfant dormait dans mon lit, sont arrivées, et je les ai quittées pour courir te le dire… »

Tous cèdent à la curiosité, questionnent, expriment leur impatience de se rendre compte par eux-mêmes de la réalité du miracle…

Jésus apaise le brouhaha d’un geste. Il ordonne à Noémi :

« Retourne auprès de l’enfant. Lave-le, passe-lui son vêtement et amène-le-moi ici. »

Puis il se tourne vers ses disciples :

« Voici la seconde parabole, qu’on peut intituler : “ La vraie justice n’agit ni par vengeance ni avec partialité. ”

Un homme, ou plutôt l’Homme, le Fils de l’homme, a des ennemis et des amis. Peu d’amis, beaucoup d’ennemis, et des ennemis dont il n’ignore pas la haine ni les pensées, et dont il connaît la volonté, qui ne reculera devant aucun acte, si horrible qu’il soit. En cela, ils sont plus forts que ses amis, dont la peur, la déception, ou encore une confiance excessive, font des béliers qui dissipent inutilement leurs forces. Ce Fils de l’homme, aux ennemis nombreux, et à qui on reproche tant de fautes qui ne sont pas vraies, a rencontré hier un pauvre enfant, le plus désolé des enfants, le fils d’un homme qui est son ennemi. Cet enfant était difforme et estropié, et il sollicitait une grâce étrange : celle de mourir. Tous demandent des honneurs et des joies au Fils de l’homme, la santé, ou encore la vie. Ce pauvre enfant demandait à mourir pour ne plus souffrir. Il a déjà connu toutes les souffrances de la chair et du cœur, car celui qui l’a engendré et qui me hait sans raison, hait aussi l’innocent malheureux qu’il a engendré. Je l’ai guéri afin qu’il ne souffre plus, et pour que, au-delà de la santé physique, il puisse parvenir à la santé spirituelle. Sa petite âme aussi est malade. La haine de son père et le mépris des hommes l’ont blessée et privée d’amour. Il lui est seulement resté la foi dans le Ciel et dans le Fils de l’homme a qui, ou plutôt auxquels, il demande de mourir. Le voilà : vous allez l’entendre. »

584.6

L’enfant, peigné et lavé dans son petit vêtement de laine blanche que Noémi lui a cousu rapidement pendant la nuit, s’avance, tenu par la main de la vieille nourrice. Il est de petite taille, même si, n’étant plus courbé ni boîteux, il semble déjà plus grand qu’hier. Il a le visage irrégulier et un peu fané d’un enfant que la souffrance a rendu précocement adulte. Mais il n’est plus difforme. Ses petits pieds nus foulent le sol avec l’assurance d’un pas qui n’a plus trace de claudication ; ses épaules sont bien droites en dépit de leur maigreur; le cou effilé les dépasse et semble long quand on le compare à hier, quand il s’enfonçait dans les clavicules asymétriques.

« Mais… mais c’est le fils d’Hanne, lui-même fils de Nahum ! C’est un miracle gaspillé ! Tu crois que cela te suffira pour obtenir l’amitié de son père et de Nahum ? Tu les rendras plus haineux ! Ils souhaitaient seulement la mort de cet enfant, fruit d’un mariage malheureux, s’écrie Judas.

– Je n’opère pas des miracles pour me gagner des amis, mais par pitié pour les créatures et pour rendre gloire à mon Père. Je ne fais pas de distinction ni de calcul, jamais, quand je me penche avec pitié sur une misère humaine. Je ne me venge pas de celui qui me persécute…

– Nahum y verra un acte de vengeance.

– Je ne savais rien de cet enfant. J’ignore encore son nom.

– On l’appelle par mépris[1] Mathusala ou Mathusalem.

– Maman m’appelait Chalem. Elle m’aimait, maman. Elle n’était pas méchante comme toi et comme ceux qui me haïssent, lance l’enfant avec un éclair dans les yeux, l’éclair de colère impuissante des hommes et des animaux trop longtemps torturés.

584.7

– Viens ici, Chalem, avec moi. Es-tu content d’être guéri ?

– Oui… mais j’aurais préféré mourir. D’une façon ou d’une autre, je ne serai pas aimé. Si maman vivait encore, ce serait beau. Mais maintenant… je serai toujours malheureux.

– Il a raison. Hier, nous avons rencontré cet enfant. Il nous a demandé si tu étais à Béthanie, chez Lazare. Nous voulions lui donner une obole, car nous pensions que c’était un mendiant, mais il n’en a pas voulu. Il était au bord d’un champ, dit Simon le Zélote.

– Toi non plus, tu ne le connaissais pas ? C’est étrange ! s’exclame Judas.

– Il est bien plus étrange que, toi, tu sois au courant de tout cela. Oublies-tu que j’ai été parmi les persécutés et ensuite parmi les lépreux, jusqu’au moment où je suis venu avec le Maître ?

– Et toi, oublies-tu que je suis l’ami de Nahum, l’homme de confiance d’Hanne ? Je ne vous l’ai jamais caché.

– Bien ! Bien ! Cela n’a guère d’importance. Ce qui compte, c’est ce que nous allons faire de cet enfant. Son père ne l’aime pas, c’est vrai. Mais il a toujours des droits sur lui. Nous ne pouvons pas lui enlever ainsi son fils sans le prévenir. Il faut être prudents et ne pas les heurter, puisqu’ils semblent mieux disposés envers nous » expose Nathanaël.

Judas a un grand rire sarcastique, sans en donner la raison.

584.8

Jésus, qui a placé l’enfant entre ses genoux, dit lentement :

« J’affronterai Nahum… Je n’en serai pas détesté davantage. Sa haine ne peut grandir. C’est impossible : elle est déjà à son comble. »

Annalia était jusqu’ici plongée dans une réflexion qui la réjouissait, de sorte qu’elle n’a rien dit. Mais elle intervient maintenant :

« Si j’étais restée, il m’aurait plu de le prendre avec moi. Je suis jeune, mais j’ai un cœur de mère…

– Tu t’en vas ? Quand ? demandent les femmes.

– Bientôt.

– Pour toujours ? Et où vas-tu ? Hors de la Judée ?

– Oui : loin, très loin, pour toujours. Et j’en suis extrêmement heureuse.

– Ce que tu ne peux faire, d’autres le pourront, si le père du petit garçon le cède.

– J’en parlerai à Nahum, si vous y tenez. C’est lui qui compte, plus que le vrai père. J’en parlerai demain, promet Judas.

– Si ce n’était pas le sabbat… je serais allé trouver ce Josias qui en avait la garde, dit André.

– Pour voir s’ils sont tristes de l’avoir perdu ? demande Matthieu.

– Je crois que si l’une de leurs abeilles s’égarait, ils en seraient plus affectés » bougonne entre ses dents Maximin, qui s’est approché depuis un moment.

584.9

L’enfant garle le silence. Il reste serré contre Jésus, étudiant les visages qui l’entourent, avec cette acuité de regard qu’ont souvent les enfants maladifs qui ont connu la souffrance. Il semble scruter les âmes plutôt que les visages et, quand Pierre l’interroge : “ Que penses-tu de nous ? ”, le garçonnet répond en glissant sa main dans celle de Pierre : “ Tu es bon ”, puis il corrige : “ Tous bons. Mais… je voudrais ne pas avoir été reconnu. J’ai peur… »

Et il regarde Judas.

« … de moi, n’est-ce pas ? Tu redoutes que je parle à ton père ? Il me faudra assurément le faire, si je dois lui demander de te laisser à nous. Mais il ne te reprendra pas !

– Je le sais. Mais il y a une autre chose… Je voudrais être loin, loin, là où va cette femme… Dans le pays de ma mère, il y a une mer bleue, au milieu de montagnes vertes. On l’aperçoit tout en bas, avec plein de voiles blanches qui volent sur elle, et de belles villes autour. Et sur les monts, il y a des grottes, où les abeilles sauvages font leur miel, sucré, si sucré. Je n’ai plus mangé de miel depuis que maman est morte et que j’ai été donné à Josias. Philippe, Joseph, Elise et les autres enfants, eux s’en régalent, mais moi, non. S’ils avaient rangé le pot de miel en bas, je l’aurais pris, tant j’en avais envie. Mais ils le mettaient sur de hautes étagères et je ne pouvais monter sur les tables comme le faisait Philippe. Moi, j’ai tant envie de miel !

– Oh ! mon pauvre enfant ! Je vais t’en chercher autant que tu veux ! » lance Marthe avec émotion.

Et elle s’éloigne rapidement.

584.10

« Mais d’où était sa mère ? demande Pierre.

– Elle avait des maisons et des propriétés près de Séphet. Fille unique, orpheline et héritière, déjà vieille, laide et légèrement boîteuse, elle était très riche. Par l’intermédiaire du vieux Sadoq, le fils du bien-aimé d’Hanne l’obtint en mariage… Ce contrat fut un véritable marché indigne, qui devait tout au calcul et rien à l’amour. Il vendit les biens de sa femme qu’il disait être trop éloignés d’ici, hormis une maisonnette qui appartenait auparavant à l’intendant, et que ce dernier avait reçue en cadeau de son ancien maître pour toute sa vie et celle de ses héritiers jusqu’à la quatrième génération. Il perdit tout en spéculations malheureuses. Néanmoins… pour ma part, je n’y crois pas. Je sais en effet qu’il possède, du côté de la rive, de belles terres… qu’il n’avait pas avant… Puis, après quelques années de mariage, alors que l’état de santé de son épouse déclinait déjà fortement, ce fils naquit… et ce fut un bon prétexte pour renvoyer la femme et en prendre une autre de la plaine de Saron, jeune, belle et riche… La divorcée se réfugia chez le vieil intendant et y mourut. Je ne sais pas pourquoi ils n’ont pas gardé cet enfant. Son père le considérait comme mort, explique Judas.

– Parce que Jean était mort et aussi Marie, et les enfants furent envoyés comme serviteurs autre part. Et qui devait me garder, puisque je n’étais pas fils et ne pouvais travailler ? Pourtant Michel et Isaac, et aussi Esther et Judith étaient bons, et ils le sont toujours. Quand ils viennent pour les fêtes, ils m’apportent des cadeaux, mais Josias me les prend pour ses propres fils.

– Cependant, ils ne veulent pas de toi ! lui rétorque Judas.

– Maintenant que je suis droit et fort, ils accepteront. Ce sont des serviteurs, eux ! Ils ne pouvaient pas, comme je l’ai dit, suggérer à leur propre maître : “ Prends cet estropié malade. ” Maintenant, ils le peuvent.

584.11

– Mais comme tu t’es enfui de chez Josias, comment leur serait-il possible de te retrouver ? » lui demande Barthélemy pour le faire réfléchir.

L’enfant est frappé par la justesse de l’observation, et il réfléchit — car son infirmité l’a fait mûrir tôt, comme elle a rendu précocement adulte son visage —, et c’est sur un ton désespéré qu’il s’exclame :

« C’est vrai ! Je n’y avais pas pensé.

– Retourne là-bas. Ils vont venir ces jours-ci…

– Là-bas ? Non. Je n’y retourne pas. Je le refuse absolument. Plutôt me tuer ! »

Il entre dans une furie sauvage qui le bouleverse, puis il se jette, en larmes, sur les genoux de Jésus, en s’écriant :

« Pourquoi ne m’as-tu pas fait mourir ? »

Marthe, qui revient avec un vase de miel, reste interdite devant cette désolation. Barthélemy, lui, est peiné de l’avoir provoquée et il s’en excuse :

« Je croyais donner un bon conseil, bon pour tous : pour l’enfant, pour toi, Maître, pour Lazare… Aucun de vous ni de nous n’a besoin d’une nouvelle haine…

– C’est vrai ! C’est un véritable ennui ! » s’écrie Pierre

Et, méditant sur la situation, il en tire pour lui-même des conclusions qui aboutissent à son léger sifflement habituel qui lui sert à exprimer son état d’âme en face de problèmes ardus, si difficiles à résoudre.

Les uns et les autres font diverses propositions, comme aller trouver Nahum, se rendre chez Josias et lui demander d’envoyer Michel et Isaac chez Lazare, ou dans un autre endroit où sera l’enfant, car il est prudent de ne pas faire haïr Lazare, plus qu’il ne l’est déjà à cause de son amitié avec Jésus. Ou encore ne rien dire à personne, et faire disparaître l’enfant en le confiant à quelque disciple sûr.

Judas ne parle pas. Il semble même étranger au débat. Il joue avec les houppes de son vêtement qu’il peigne et dépeigne du bout des doigts.

Jésus aussi se tait. Il caresse et calme l’enfant, et il lui relève la tête, en lui mettant dans les mains le petit pot de miel.

584.12

Chalem est un enfant, un pauvre enfant de dix ans qui a toujours souffert, mais il reste un enfant, même si la douleur lui a donné une certaine maturité, et devant un pareil trésor de miel, les dernières larmes font place à une stupeur extatique. Levant les yeux — des yeux noisette, grands, intelligents, qui constituent son unique beauté — et fixant alternativement Jésus et Marthe, il demande :

« Combien puis-je en prendre ? Une cuillère ou deux ? »

Et il montre la cuillère ronde en argent qu’il plonge lentement dans le miel blond.

« Autant que tu veux, mon enfant. Le reste, tu le prendras demain, ou plus tard. Tout est pour toi ! dit Marthe en le caressant.

– Tout est pour moi !!! Oh ! je n’ai jamais eu autant de miel !! Tout est pour moi ! Oh ! »

Et il serre respectueusement le vase contre sa poitrine comme si c’était un trésor.

Mais ensuite, il sent que, ce qui est plus précieux que le miel, c’est l’amour qui le lui offre, alors il pose le petit pot sur les genoux de Jésus, puis lève les bras pour enlacer le cou de Marthe penchée sur lui et l’embrasser. C’est tout ce que peut faire sa reconnaissance, tout ce qu’il peut donner, lui, l’enfant abandonné qui n’a rien à lui.

584.13

Les autres cessent d’imaginer des projets pour observer la scène, et Pierre constate :

« Il est encore plus malheureux que Marziam, qui avait au moins l’amour de son grand-père et des autres paysans ! C’est bien vrai qu’il y a toujours des souffrances plus grandes que celles que nous avons déjà jugées immenses !

– Oui, l’abîme de la douleur humaine n’a pas encore découvert son fond. Qui sait combien de secrets il recèle encore… et qu’il cachera pour les siècles futurs ! dit Barthélemy, d’un air songeur.

– Tu n’as pas foi dans la Bonne Nouvelle, alors ? Tu ne crois pas qu’elle changera le monde ? Les prophètes l’annoncent, et le Maître le répète. Tu es un incrédule, Barthélemy ! » lance Judas avec une légère ironie.

Simon le Zélote lui rétorque :

« Je ne vois pas en quoi Barthélemy serait incrédule. La doctrine du Maître procurera du réconfort à tous les malheurs, elle modifiera aussi la férocité des us et coutumes, mais elle n’éliminera pas la souffrance. Les divines promesses des joies futures la rendront plus supportable. Il faudrait que tous aient le cœur que possède le Christ pour que la douleur soit abolie, ou du moins une grande partie de la douleur — car les maladies, les morts et les cataclysmes naturels demeureront —, mais… »

Judas l’interrompt :

« C’est en effet ce qui devrait se produire, sinon à quoi aurait servi la venue du Messie sur la terre ?

– C’est ce qui devrait se produire, disons-nous. Mais, dis-moi, Judas : est-ce que c’est le cas parmi nous ? Nous sommes douze, et depuis trois ans nous vivons avec lui, nous absorbons sa doctrine comme l’air que nous respirons. Eh bien ? Sommes-nous tous saints ? Que faisons-nous de différent de ce que fait Lazare, de ce que font Etienne, Nicolaï, Isaac, Manahen, et même Joseph et Nicodème, ou encore les femmes, et les enfants ? Je parle des justes de notre patrie. Tous ceux-ci, sages et riches, ou pauvres et ignorants, agissent comme nous : parfois bien, parfois mal, mais sans se renouveler complètement. Je t’affirme même que beaucoup nous sont supérieurs. Oui, beaucoup de ceux qui le suivent nous sont supérieurs, à nous, les apôtres… Et tu prétendrais que le monde entier prenne le cœur que possède le Christ, alors que nous, nous les apôtres, ne l’avons pas pris ? Nous sommes devenus plus ou moins meilleurs… Espérons du moins qu’il en est ainsi, car l’homme a du mal à se connaître et à connaître le frère qui vit à ses côtés. Le voile de la chair est trop opaque et épais, et la pensée de l’homme est trop attentive à ne pas se laisser pénétrer, pour que l’homme comprenne l’homme. Que ce soit en s’examinant soi-même ou en observant les autres, on reste toujours à la surface. La cause en est, dans le premier cas, que nous ne voulons pas nous connaître, pour ne pas souffrir dans notre orgueil ni devoir constater la nécessité de changer. Et dans le second cas, vis-à-vis d’autrui, notre orgueil d’examinateur fait de nous des juges injustes, et l’orgueil de celui que l’on examine le fait se fermer, comme une huître, sur ce qu’il est profondément, expose Simon le Zélote.

– Bien parlé ! Simon, tu as vraiment prononcé des paroles de sagesse ! » approuve Jude.

Les autres font chorus.

584.14

« Alors, pourquoi est-il venu, s’il ne doit rien changer ? » réplique Judas.

Jésus prend la parole :

« Beaucoup de choses changeront, mais pas tout. A l’avenir, ma doctrine aura toujours à se confronter à ce qui est à l’œuvre aujourd’hui, la haine de ceux qui n’aiment pas la Lumière. A la force de mes disciples s’opposera celle des disciples de Satan. Or ces derniers sont nombreux, et leur action revêt des aspects très divers. A ma doctrine immuable, parce que parfaite, combien de doctrines hérétiques, toujours nouvelles, seront opposées ! Que d’afflictions elles provoqueront ! Vous ne connaissez pas l’avenir. Vous avez l’impression que la souffrance que connaît le monde actuel est grande… Mais Celui qui sait voit des horreurs que vous ne seriez pas à même de comprendre si je vous les expliquais… Malheur, si je n’étais pas venu ! Venu pour donner aux hommes à venir un code qui réfrène les instincts chez les meilleurs, et une promesse de paix future ! Malheur, si l’homme n’avait pas, grâce à ma venue, des éléments spirituels capables de garder son âme en vie, avec la certitude d’obtenir une récompense !… Si je n’étais pas venu, avec la succession des siècles, la terre serait devenue un vaste enfer terrestre, l’espèce humaine se serait déchirée, et aurait péri en maudissant le Créateur…

– Le Très-Haut a promis[2] de ne plus envoyer de châtiments universels comme le Déluge. La promesse de Dieu ne peut pas être prise en défaut ! dit Judas.

– Oui, Judas, c’est vrai. Et le Très-Haut n’enverra plus de fléaux universels comme le Déluge, mais les hommes se créeront eux-mêmes des fléaux de plus en plus atroces, par rapport auxquels le Déluge et la pluie de feu qui détruisit[3] Sodome et Gomorrhe paraîtraient des châtiments dérisoires. Ah !… »

Jésus se lève en esquissant un geste de pitié angoissée pour les générations à venir.

584.15

« D’accord ! Tu sais… mais, en attendant, qu’allons-nous faire pour lui ? demande Judas en montrant l’enfant, qui déguste son miel à petites doses et semble tout à fait heureux.

– A chaque jour suffit sa peine. Demain le dira. Il est vain de se préoccuper du lendemain, alors que l’on ne sait même pas si on sera encore en vie.

– Je ne suis pas du même avis. Je soutiens qu’il nous faudrait savoir où nous allons loger, où nous consommerons la Cène. Il y a beaucoup de problèmes à résoudre. Pendant que nous attendons, la ville se remplit. Et où irons-nous ? Pas à Gethsémani, pas chez Joseph de Sephoris, ni chez Jeanne. Chez Nikê ? Pas non plus ; ni chez Lazare. Où, alors ?

– Là où le Père préparera un refuge pour son Verbe.

– Tu crois que je veux savoir cela pour le rapporter à d’autres ?

– C’est toi qui en parles. Moi, je n’ai rien dit. Viens, Chalem. Ma Mère sait que tu es là, mais elle ne t’a pas encore vu. Viens, que je te conduise à elle.

– Mais elle est malade, ta Mère ? demande Thomas.

– Non. Elle prie. Elle a un grand besoin de prier.

– Oui, elle souffre beaucoup, elle pleure beaucoup, et elle n’a que la prière pour la consoler. Je l’ai toujours vue prier longuement. Dans les moments de plus grande douleur, elle vit de prière, pourrais-je dire… » explique Marie, femme d’Alphée, pendant que Jésus s’éloigne en tenant l’enfant par la main. Il est accompagné par Annalia, qu’il a invitée à aller avec lui voir Marie.

584.1

El tiempo, de nuevo sereno después de las lluvias de los días pasados, muestra un cielo tersísimo y un sol fúlgido. La tierra, lavada por las lluvias, está tan limpia como el aire, tan fresca y limpia, que parece creada pocas horas antes. Todo resplandece y canta en esta mañana serena.

Jesús pasea lentamente por los senderos más lejanos del jardín. Sólo algún criado jardinero observa este solitario paseo de las primeras horas de la mañana. Nadie interrumpe al Maestro; al contrario, se retiran silenciosamente, para respetar su paz. Además, es sábado, día de descanso, y los jardineros no están trabajando, aunque, por una costumbre que es tan larga como su vida, están afuera observando las plantas o las colmenas o las flores —para estas cosas no hay sábado—, que ponen fragancias, susurros o zumbidos, bajo el sol o la brisa abrileña.

Luego el jardín se va animando lentamente. Primero los domésticos y criadas, luego los apóstoles y las discípulas, por último Lázaro. Jesús se acerca a ellos y los saluda.

«¿Desde cuándo estás aquí, Maestro?» pregunta Lázaro sacudiendo de los mechones de los cabellos de Jesús algunas gotas de rocío.

«Desde la aurora. Me han llamado a alabar a Dios tus pájaros, y he venido aquí afuera. Contemplar a Dios en las bellezas de la Creación significa darle honor y orar con espíritu conmovido. Es hermosa la Tierra. Y en estas primeras horas del día, de un día como éste, se nos muestra con la frescura que tenía en los primeros días de su existencia».

«Verdaderamente tiempo de Pascua. Y se ha estabilizado. Se mantendrá porque se ha estabilizado en el primer período lunar con viento propicio» sentencia Pedro.

«Me alegro mucho. La Pascua con agua es triste».

«Y peor todavía es para la mies. El trigo requiere sol, ahora que se va acercando a la siega» dice Bartolomé.

«Estoy contento de estar aquí en paz.

584.2

Hoy es sábado y no vendrá nadie. Ningún extraño entre nosotros» dice Andrés.

«Te equivocas. Hay un huésped, un pequeño huésped. Está durmiendo todavía, Maestro. La cama blanda y el estómago saciado le dan largo sueño. He pasado a verle. Noemí le está velando» dice Lázaro.

«¿Pero quién es? ¿Cuándo ha venido? ¿Quién le ha traído? Porque hablas como si se tratara de un niño» preguntan hombres y mujeres.

«Es un niño. Un pobre niño. Le ha traído aquí su dolor. Estaba allí, contra las barras de la cancilla, mirando hacia la casa. Y el Maestro le ha acogido».

«No sabíamos nada… ¿Por qué?».

«Porque la criatura tenía necesidad de paz» responde Jesús, y su rostro se sume en un pensamiento profundo mientras termina diciendo: «Y en casa de Lázaro se sabe guardar silencio».

Un criado viene a decir algo a Marta y se retira, para volver luego con otros, trayendo ánforas de leche y tazas, y pan con mantequilla y miel. Se sirven todos y se sientan acá o allá en los asientos diseminados.

584.3

Pero luego desean reunirse de nuevo en torno al Maestro y piden una parábola, «una bonita parábola» dicen «serena como este día de Nisán».

«No una. Os voy a proponer dos. Escuchad.

Un día, en una fiesta del Señor, un hombre quiso encender dos lámparas para honrarle. Así pues, tomó dos recipientes de la misma anchura y metió en ellos la misma cantidad y el mismo tipo de aceite, metió una mecha igual y las encendió a la misma hora, para que oraran por él mientras trabajaba como estaba permitido.

Volvió pasado un cierto tiempo y vio que una lámpara ardía fuerte mientras que la otra tenía una llamita muy quieta y que apenas emitía un punto de luz en el rincón donde ardían las lámparas. El hombre pensó que estaría mal hecha la mecha. La observó. No, iba bien. Pero no quería arder tan alegremente como la otra lamparita, que tan alegremente ardía que parecía una lengua la llama que lanzaba, y era como si verdaderamente musitase palabras (en efecto, al agitarse ardiendo con tanta vehemencia, hasta emitía un leve susurro). “¡Esta lamparita verdaderamente canta las alabanzas del Señor altísimo!” dijo para sí. “¡Sin embargo, esta otra! ¡Mírala, alma mía! ¡Lo hace con tan poco ardor, que parece que le pesara el tener que honrar al Señor!” y volvió a sus trabajos.

Pasado un rato, regresó. Una llama se había alzado todavía más, y la otra se había bajado aún más y, cuanto más vibraba la otra resplandeciendo, ésta ardía cada vez más quieta y calmosa. Volvió otra vez, y lo mismo. Por tercera vez volvió, y lo mismo. Pero, al volver la cuarta vez, vio la habitación llena de humo maloliente y obscuro, y vio que una única llamita lucía a través de los velos del humo denso. Fue a la repisa donde estaban las lamparillas y vio que la que tanto ardía antes estaba ennegrecida y se había consumido totalmente. Vio que incluso había manchado con su lengua la pared blanca. La otra, por el contrario, seguía honrando al Señor con su constante luz.

Estaba para poner remedio a lo que había sucedido, cuando una voz le resonó cercana: “No cambies las cosas de como están, sino medita en ellas, que son un símbolo. Yo soy el Señor”.

El hombre se arrojó rostro en tierra al suelo, adorando, y, con gran temor, se atrevió a decir: “Soy un ignorante. Explícame, oh Sabiduría, el símbolo de las lamparillas, de las cuales, la que parecía más activamente honrarte ha causado un daño y la otra mantiene su luz”.

“Lo haré. En los corazones de los hombres sucede como con estas dos lamparitas. Hay corazones que al principio arden y resplandecen y resultan admirables para los hombres, pues muy perfecta y constante parece su llama. Y hay corazones que resplandecen tenuemente, con un resplandor que no llama la atención y que puede parecer tibieza en lo relativo a honrar al Señor. Pero, pasada la primera efusión de llama[1], o la segunda o la tercera, entre la tercera y la cuarta causan daño, y luego se apagan, con quebranto, porque la luz de esos corazones no era segura. Quisieron brillar más por los hombres que por el Señor, y la soberbia los consumió en breve tiempo, en medio de un humo negro y denso que entenebreció incluso el aire. Los otros tuvieron una voluntad única y constante: honrar sólo a Dios; y, sin preocuparse de si el hombre los alababa, se fueron consumiendo a sí mismos con una larga y clara llama, exenta de humo y de hedor. Que sepas imitar a esa lamparita constante, porque sólo ésa es grata al Señor”.

El hombre alzó la cabeza… El aire había quedado limpio de humo y la estrella de la lamparita fiel resplandecía, ella sola, pura, firme, en honor de Dios, haciendo brillar el metal de la lamparilla como si fuera de oro puro. Y la miraba resplandecer, siempre igual, durante horas y horas, hasta que dulcemente, sin humo ni mal olor, sin ensuciar el recipiente que la contenía, la llama expiró en un repentino resplandor pareciendo subir al cielo para fijarse entre las estrellas, habiendo honrado dignamente al Señor hasta la última gota y la última hebra de su vida.

En verdad, en verdad os digo que son muchos los que arden con intensa llama al principio y llaman la atención del mundo, el cual sólo ve la superficie de las acciones humanas; pero después mueren carbonizándose y ahumando con su acre humo. Y en verdad os digo que Dios no observa su llama porque ve que es un arder orgulloso que tiene un fin humano. ¡Bienaventurados los que saben imitar a la segunda lamparita y no carbonizarse sino subir al Cielo con el último latido de su constante amor».

584.4

«¡Es una curiosa parábola! ¡Pero verdadera! ¡Bonita! ¡Me gusta! Yo querría saber si nosotros somos esas lamparitas que suben al Cielo». Los apóstoles intercambian sus expresiones.

Judas encuentra la forma de morder. Y su mordisco va a María de Magdala y a Juan de Zebedeo: «¡Cuidado, María, y tú, Juan! Vosotros sois entre nosotros las lamparitas que emitís intensa llama… ¡No os vaya a suceder un mal!».

María de Magdala está a punto de responder, pero se muerde los labios para no decir las palabras que le habían subido del corazón. Mira a Judas. Se limita a mirarle. Pero es tan ardiente esa mirada, que Judas deja de reírse y de mirarla.

Juan, manso de corazón aunque ardiente de caridad, responde dulcemente: «Por mí solo, eso podría suceder; pero confío en la ayuda del Señor, y espero poder consumirme hasta la última gota y la última hebra para honrar al Señor Dios nuestro».

584.5

«¿Y la otra parábola? Has prometido dos» recuerda Santiago de Alfeo.

«Ésta es mi segunda parábola. Está llegando…», y señala hacia la puerta de la casa, tapada por una cortina que con el viento se mueve levemente y que la mano de un criado descorre para dejar paso a la anciana Noemí, la cual se arroja a los pies de Jesús diciendo: «¡El niño está sano! ¡Ya no está deforme! Le has curado durante la noche. Se había despertado y yo estaba preparando el baño para lavarle antes de ponerle la blusa y la túnica que había cosido durante la noche tomando una túnica que Lázaro ya no usaba. Pero cuando le he dicho: “Ven, niño” y he alzado las mantas, he visto que su pequeño cuerpo, tan contrahecho ayer, ya no era así. Y he gritado. Inmediatamente han ido Sara y Marcela, que ni tenían noticia de que el niño estuviera en mi cama durmiendo, y las he dejado allí para venir inmediatamente a decírtelo…».

La curiosidad envuelve a todos. Preguntas, ansias de ver.

Jesús aplaca el rumor con un gesto. Ordena a Noemí: «Vuelve donde el niño. Lávale, vístele y tráele aquí».

Y dirige su palabra a los discípulos:

«Ésta es la segunda parábola, que puede enunciarse así: “La verdadera justicia ni se toma venganza ni hace distinciones”. Un hombre, es más: el Hombre, el Hijo del hombre, tiene enemigos y amigos; pocos amigos, muchos enemigos. Y de sus enemigos no ignora ni el odio ni los pensamientos; y conoce la voluntad de sus enemigos, una voluntad que no cederá ante ninguna acción, por horrenda que sea. En esto sus enemigos son más fuertes que sus amigos, para los cuales el abatimiento o la desilusión son como arietes que derruyen su fortaleza. Este Hijo del hombre, que tiene tantos enemigos, y al cual se le echan en cara tantas cosas no verdaderas, encontró ayer a un pobre niño, el más desolado de los niños, hijo de uno que es enemigo suyo. Éste niño estaba contrahecho y tullido y pedía una gracia extraña, la de morir. Todos piden al Hijo del hombre honores y alegrías, piden salud, piden vida. Este pobre niño pedía morir para no sufrir más. Ha conocido ya todo el dolor de la carne y del corazón, porque el que le engendró, que además me odia sin razón, odia también al inocente infeliz al que engendró. Y Yo le he curado para que deje de sufrir, para que además de la salud física pueda alcanzar la salud espiritual. También su pequeña alma está enferma. El odio del padre y las burlas de los hombres se la han llagado y yermado en orden al amor. Sólo le ha quedado la fe en el Cielo y en el Hijo del hombre, al cual —mejor: a los cuales— pide la muerte. Aquí está. Ahora le oiréis hablar».

584.6

El niño, arreglado, vestido de limpio con la tuniquita de lana blanca que Noemí, veloz, le ha cosido durante la noche, se acerca de la mano de la anciana nodriza. Es pequeño, a pesar de que, no estando ya encorvado y contrahecho, parezca más alto que el día anterior. Su carita es la de una criatura precozmente adulta por el dolor: irregular y un poco ajada. Pero ya no está deforme. Sus piececitos descalzos pisan seguros en el suelo, con un paso que ya no cojea como el de los rencos. Sus espaldas están flacas, pero bien rectas. El cuello, delgado, sobresale de ellas y parece más largo que ayer, cuando se le hundía entre las clavículas asimétricas.

«¡Pero… pero si es el hijo de Anás de Nahúm! ¡Qué forma de desperdiciar un milagro! ¿Piensas que así se van a volver amigos tuyos su padre y Nahúm? ¡Más odio vas a crear en ellos! Porque sólo deseaban la muerte de este niño, fruto de un matrimonio infausto» exclama Judas de Keriot.

«No obro milagros para conseguir amigos, sino por compasión hacia las criaturas y para dar honor al Padre mío. No hago distinciones ni cálculos, nunca, cuando me inclino compasivo hacia una miseria humana. No me vengo de quien me persigue…».

«Nahúm considerará venganza este acto tuyo».

«Ni siquiera tenía noticia de este niño, cuyo nombre todavía ignoro».

«Por desprecio le llaman Matusala, o Matusalén».

«Mi madre me llamaba Salem. Mi madre me quería. No era mala como eres tú y como son los que me odian» dice el niño con una luz en los ojos, esa luz de ira impotente que tienen los hombres y los animales que han sido largamente vejados.

584.7

«Ven aquí, Salem. Aquí, conmigo. ¿Estás contento de estar sa­no?».

«Sí… pero hubiera preferido morir, porque seguirán sin quererme. Si hubiera vivido mi madre, habría sido bonito. ¡Pero así!… Seré siempre infeliz».

«Tiene razón. Ayer encontramos a este niño. Nos preguntó si estabas en Betania, en casa de Lázaro. Queríamos darle una limosna porque pensamos que sería un mendigo. Pero no la aceptó. Estaba en la linde de una parcela de tierra…» dice el Zelote.

«¿Tú tampoco le conocías? Es extraño» dice Judas de Keriot.

«Más extraño es que tú sepas tan bien estas cosas. ¿Olvidas que me contaba entre el número de los perseguidos y luego de los leprosos hasta que vine con el Maestro?».

«¿Y tú olvidas que soy amigo de Nahúm, que es el apoderado de Anás? Nunca os lo he ocultado».

«¡Bien! ¡Bien! Esto no tiene importancia. Lo importante es saber qué hacemos ahora con este niño. Su padre no le estima, es verdad, pero sigue teniendo derechos sobre él. No podemos arrebatarle el hijo, así, sin decírselo. Tenemos que ser cautos y no irritarlos, porque ahora parecen mejores con nosotros» dice Natanael.

Judas se ríe alto, sarcásticamente, y no da ninguna explicación de por qué se ríe.

584.8

Jesús, que ha puesto sobre sus rodillas al niño, dice lentamente: «Haré frente a Nahúm… No seré más odiado por esto. No puede aumentar su odio. No puede. Es ya completo».

Analía, que no ha hablado en todo este tiempo, absorta por completo en un pensamiento suyo que le infunde beatitud, abre sus labios para decir: «Si me hubiera quedado, me habría gustado tomarle conmigo. Soy joven, pero tengo corazón de madre…».

«¿Te marchas? ¿Cuándo?» preguntan las mujeres.

«Pronto».

«¿Para siempre? ¿Y a dónde vas? ¿Fuera de Judea?».

«Sí. Lejos. Muy lejos. Para siempre. Y me siento muy feliz».

«Lo que tú no puedes hacer otras podrán, si su padre le cede».

«Si estáis tan interesados, se lo digo a Nahúm. Es él el que cuenta. Más que el padre verdadero. Mañana se lo diré» promete Judas de Keriot.

«Si no fuera sábado… iría a casa de ese Josías al que se le habían entregado» dice Andrés.

«¿Para ver si están apenados por haberle perdido?» pregunta Mateo.

«Creo que si una de sus abejas se perdiera estarían más afligidos…» dice entre dientes y con enfado Maximino, que hace un rato que se ha acercado.

584.9

El niño no habla. Está bien junto a Jesús, y estudia las caras que tiene a su alrededor, con esa mirada aguda que frecuentemente tienen los niños enfermizos y que han vivido en el dolor. Parece escudriñar más los corazones que las caras, y cuando Pedro pregunta: «¿Qué te parecemos nosotros?» el niño, poniéndole una mano en su mano, le responde diciendo: «Tú eres bueno». Luego aclara: «Todos buenos. Pero… hubiera preferido no ser reconocido. Tengo miedo…» y mira a Judas de Keriot.

«De mí, ¿no es verdad? ¿Miedo a que hable con tu padre? Está claro que tendré que hacerlo, si tengo que consultarle si te confía a nosotros. De todas formas… no te llevará».

«Ya lo sé. Es otra cosa… Lo que quisiera es estar muy lejos… como esa mujer… Ir a la tierra de mi madre. Hay un mar azul rodeado de montes muy verdes. Se le ve abajo. Y muchas velas blancas lo surcan. Y tiene bonitas ciudades alrededor. Luego, en los montes, hay muchas grutas donde las abejas silvestres hacen una miel dulcísima. Desde que se murió mi madre y me dieron a Josías no he vuelto a comer miel. Felipe, José, Elisa y los otros niños sí que comían miel, pero yo no. Tenía tantas ganas de miel, que, si hubieran puesto el recipiente de la miel en un lugar bajo, habría hurtado. Pero lo tenían en los estantes altos, y yo no podía subir a las mesas como hacía Felipe. ¡Tengo muchas ganas de comer miel yo!».

«¡Pobre hijo! ¡Voy a traerte toda la que quieras!» dice Marta conmovida, y se marcha rápida.

584.10

«¿Pero de dónde es su madre?» pregunta Pedro.

«Tenía casas y propiedades en Sefet. Era hija única, huérfana y única heredera. Ya de una cierta edad, fea y levemente contrahecha. Pero muy rica. Siendo el paraninfo el viejo Sadoq, el hijo del favorito de Anás consiguió casarse con ella… Un contrato que fue un verdadero comercio indigno, puro cálculo y cero amor. Vendió los bienes de la mujer diciendo que estaban demasiado lejos de aquí, excepto una pequeña casa que antes era del administrador, que la había recibido como regalo del viejo patrón para toda su vida y la de sus herederos hasta la cuarta generación. Lo vendió todo y lo consumió todo en especulaciones desafortunadas. De todas formas… esto no lo creo, porque sé que tiene bonitas tierras hacia la parte de la ribera… que antes no tenía… Luego, después de algunos años de matrimonio, estando ya la mujer al borde de su ocaso, nació este hijo… y fue pretexto para repudiar a la mujer y tomar otra, de la llanura de Sarón, joven, guapa y rica… La divorciada se refugió en la casa del viejo administrador y allí murió. No sé por qué no se quedaron con este niño. El padre pensaba que moriría» explica el Iscariote.

«Porque Juan había muerto, y también María, y los hijos se habían marchado a servir a otros lugares. ¿Quién se iba a hacer cargo de mí, no siendo hijo y no pudiendo trabajar? De todas formas, Micael e Isaac eran buenos, y también Ester y Judit. Y son buenos. Cuando vienen para las fiestas me traen cosas, pero Josías me las quita para sus hijos».

«Pero no quieren tenerte» rebate Judas.

«Ahora que estoy derecho y fuerte, me querrán tener. ¡Ellos son siervos! Ya he dicho que no podían decir al patrón: “Hazte cargo de este tullido enfermo”. Pero ahora pueden».

584.11

Bartolomé le hace reflexionar: «Lo que pasa es que si has huido de casa de Josías no te podrán encontrar».

La cabal observación toca al niño, que reflexiona (y es que la enfermedad le ha dado una mente precozmente reflexiva, como también un rostro precozmente adulto). Desanimado, dice: «Es verdad. En eso no había pensado».

«Vuelve allí. En estos días irán…».

«¿Allí! No. No vuelvo allí. No quiero volver allí. ¡Antes me mato!». Una furia salvaje le altera profundamente. Pero rompe a llorar y se vuelca sobre las rodillas de Jesús, y dice: «¿Por qué no me has quitado la vida?».

Marta, que está volviendo con un tarro de miel, se queda estupefacta ante esta desolación. Bartolomé, por su parte, afligido por haberla provocado, se disculpa: «Creía que estaba dando un buen consejo. Un consejo bueno para todos. Para el niño, para ti, Maestro, para Lázaro… Ninguno de vosotros ni de nosotros tiene necesidad de nuevo odio…».

«¡Es verdad! ¡Un problema bien serio!» exclama Pedro, y, meditando en el caso, saca sus conclusiones, que concluye con su típico silbido, exponente para él de su estado de ánimo ante problemas difíciles, graves de resolver.

Unos proponen una cosa, otros otra. Ir donde Nahúm. Ir donde Josías y decirle que mande a estos Micael e Isaac a casa de Lázaro, o a otra parte donde esté el niño (porque es prudente no hacer odiar más a Lázaro de lo que ya le odian por su amistad con Jesús). No decir nada a nadie y hacer desaparecer al niño dándole a algún discípulo seguro.

Judas de Keriot no habla. Es más, parece ajeno al intercambio de pareceres; juguetea con los caireles de su túnica, peinándolos y despeinándolos con los dedos.

Tampoco Jesús habla. Acaricia y calma al niño. Le alza la cara y pone entre sus manos el tarrito de miel.

584.12

Salem es un niño, un pobre niño de diez años que ha sufrido siempre. Pero, aunque el dolor le haya madurado, sigue siendo un niño; de forma que ante tanto tesoro de miel cambia sus últimas lágrimas por un estupor extático. Pregunta, alzando esos ojos suyos —única belleza suya— tan castaños, tan grandes e inteligentes; pregunta: «¿Cuánta puedo coger? ¿Un cacillo de éstos, o dos?», y señala a la redonda cuchara de plata que lentamente se hunde en la dorada miel.

«Toda la que quieras, niño. Toda la que desees. El resto te lo tomarás mañana, y después. ¡Es toda tuya!» dice Marta acariciándole.

«¡¡¡Toda mía!!! ¡¡Nunca he tenido tanta miel!! ¡Toda mía!», y aprieta con reverencia el tarrito contra su pecho como si fuera un tesoro.

Pero luego siente que más precioso que el tarro es el amor que se lo ofrece, y deja el tarrito en las rodillas de Jesús para alzar los brazos queriendo ceñir el cuello de Marta, que está inclinada hacia él, y besarla. Es todo lo que puede su agradecimiento, todo lo que él, un desamparado que no tiene nada que ofrecer, puede dar.

584.13

Los otros dejan de proponer planes, para observar la escena. Pedro dice: «¡Éste es todavía más infeliz que Margziam, que tenía al menos el amor de su abuelo y de los otros campesinos! ¡Verdaderamente hay que decir que hay siempre dolores mayores que los que hemos juzgado grandísimos!».

«Sí. No ha sido tocado aún el fondo del abismo del dolor humano. ¡Quién sabe cuántos secretos oculta todavía… y ocultará en los siglos futuros!» dice Bartolomé pensativo.

«¿Entonces no tienes fe en la Buena Nueva? ¿No crees que la Buena Nueva cambiará el mundo? Lo dicen los profetas, y el Maestro lo repite. Eres un incrédulo, Bartolmái» dice Judas Iscariote con leve ironía.

El Zelote le responde: «No veo dónde está la incredulidad de Bartolomé. La doctrina del Maestro dará consuelo a todas las desventuras, modificará incluso la crueldad de los usos y costumbres, pero… no eliminará el dolor; lo hará soportable con sus divinas promesas de alegría futura. Para que fuera abolido el dolor —o, al menos, mucha parte de dolor, porque, en todo caso, seguiría habiendo enfermedades y muertes y cataclismos naturales—, haría falta que todos tuvieran el corazón que tiene el Cristo, pero…».

Le interrumpe Judas Iscariote: «Efectivamente, eso debe suceder. Si no, ¿para qué habría servido el que el Mesías hubiera venido a la Tierra?».

«Digamos que así debería ser. Pero, dime, Judas, ¿esto se ha verificado entre nosotros? Somos doce y vivimos con Él desde hace tres años, y absorbemos su doctrina como el aire que respiramos. ¿Y bien? ¿Somos ya santos los doce? ¿Qué hacemos nosotros que no lo hagan Lázaro, Esteban, Nicolái, Isaac, Manahén, José, Nicodemo, o las mujeres o los niños? Hablo de los justos de esta Patria nuestra. Todos éstos, tanto si son sabios y ricos como si son pobres e ignorantes, hacen lo que hacemos nosotros: un poco de bien, un poco de mal, pero sin renovarnos totalmente. Es más, te digo que muchos, muchos, nos superan. Sí, muchos seguidores nos superan a nosotros, apóstoles… ¿Y pretendes que todo el mundo tome el corazón que tiene el Cristo, si nosotros, los apóstoles, no lo hemos tomado? Hemos mejorado más o menos… al menos, eso esperamos, porque difícilmente el hombre se conoce y conoce al hermano que vive a su lado. Es demasiado opaco y espeso el velo de la carne, y demasiado atento está el corazón del hombre a no ser escrutado, como para que el hombre comprenda al hombre. Siempre, observándose u observando, uno se queda en la superficie: cuando se trata del examen nuestro, porque no queremos conocernos para no sufrir en nuestro orgullo o en la necesidad de cambiar; cuando se trata del examen de los demás, porque nuestro orgullo de examinadores nos hace jueces injustos y el orgullo del examinado se cierra, como hace una ostra con sus valvas respecto a lo que tiene en su interior» dice el Zelote.

«¡Así es! Simón, verdaderamente has pronunciado palabras de sabiduría» aprueba Judas Tadeo. Y los otros le hacen coro.

584.14

«¿Y entonces a qué ha venido si nada debe cambiar?» rebate Judas Iscariote.

Jesús toma la palabra: «Muchas cosas cambiarán. No todo. Porque contra mi Doctrina habrá en el futuro lo que ahora es ya una realidad: odio, el odio de los que no estiman la Luz. Porque contra la fuerza de mis seguidores estará la de los seguidores de Satanás. ¡Cuántos! ¡Con cuántos aspectos! Y ¡cuántas doctrinas heréticas irán surgiendo nuevas, opuestas a mi Doctrina, inmutable por ser perfecta! ¡Cuánto dolor generarán esas doctrinas! Vosotros no conocéis el futuro. A vosotros os parece mucho el dolor que ahora hay en el mundo… Pero Aquel que conoce ve horrores que no serían comprendidos, aunque Yo os los explicara… ¡Ay, si Yo no hubiera venido, si no hubiera venido para dar a los que han de venir un código que frena los instintos en los mejores, y para dar una promesa de paz futura! ¡Ay, si el hombre no tuviera, por mi venida, elementos espirituales que pueden mantenerle “vivo” en la vida del espíritu, mantenerle con la seguridad de un premio!… Si no hubiera venido, con el paso de los siglos la Tierra se transformaría en un vasto infierno terrestre y la raza humana se despedazaría y perecería maldiciendo al Creador…».

«El Altísimo prometió no volver a mandar castigos universales como el diluvio. Una promesa de Dios no falla» dice Judas.

«Sí, Judas de Simón. Es verdad. El Altísimo no volverá a mandar calamidades universales como el diluvio. Pero los hombres se crearán por sí mismos calamidades cada vez más atroces, unas calamidades respecto a las cuales el diluvio y la lluvia de fuego que exterminó a Sodoma y Gomorra tendrán aspecto de castigos piadosos. ¡Oh!…».

Jesús se pone en pie con un gesto de angustiosa piedad por las gentes futuras.

584.15

«¡Bien! ¡Bien! Tú sabes… ¿Pero ahora qué hacemos respecto a éste?» pregunta Judas Iscariote señalando al niño, que está saboreando en pequeñas dosis su miel y está todo contento.

«A cada día su afán. Ya dirá el mañana. Preocuparse del mañana es vano, considerando que ni siquiera sabemos quién estará vivo todavía mañana».

«No pienso como Tú. Y lo que digo es que habría que saber dónde vamos a alojarnos, dónde comeremos la Cena… Muchas cosas. Si esperamos y esperamos, pues la ciudad se llena; ¿y a dónde iremos nosotros? A Getsemaní, no; a casa de José, no; a casa de Juana, no; donde Nique, no; donde Lázaro, tampoco. ¿A dónde entonces?».

«A donde el Padre prepare un refugio para su Verbo».

«¿Crees que quiero saberlo para decirlo?».

«Tú lo dices. Yo no he dicho nada. Ven, Salem. Mi Madre tiene noticia de ti, pero todavía no te ha visto. Ven, voy a llevarte donde Ella».

«¿Pero está enferma tu Madre?» pregunta Tomás.

«No. Está orando. Tiene mucha necesidad de orar».

«Sí. Sufre mucho. Llora mucho. Y el único consuelo de María es la oración. Siempre la he visto orar mucho. Podría decir que en los momentos de mayor dolor vive de oración…» explica María de Alfeo mientras Jesús se aleja llevando de la mano al niño y teniendo al otro lado a Analía, a la que ha invitado a ir con Él donde María.


Notes

  1. par mépris, peut-être parce que sa difformité faisait penser à la vieillesse, devenue proverbiale, de Mathusalem en Gn 5, 27.
  2. Le Très-Haut a promis, en Gn 9, 11.15.
  3. détruisit : comme on peut le lire en Gn 19, 23-25.

Notas

  1. pasada la primera efusión de llama se dice de los primeros, o sea, de aquello que resultan admirables para los hombres y causan daño.