Los Escritos de Maria Valtorta

89. Jésus prend congé de Jonas, que Simon le Zélote pense affranchir.

89. Adiós a Jonás y llegada de Jesús a Nazaret.­

89.1

A peine une lueur de lumière. Sur la porte d’une misérable cabane – ce serait lui faire trop d’honneur de la qualifier de mai­son –, Jésus se trouve avec les siens et Jonas ainsi que d’autres paysans pauvres comme lui. C’est l’heure de l’adieu.

« Je ne te verrai plus, mon Seigneur ? demande Jonas. Tu as apporté la lumière à nos cœurs. Ta bonté a fait de ces jours une fête qui durera toute la vie. Mais tu as vu comment nous sommes traités. On prend mieux soin des animaux que de nous et on traite plus humainement les arbres : ils représentent de l’argent. Nous ne sommes, nous, que des machines à procurer de l’argent. Et on nous exploite jusqu’à ce que nous mourions, à bout de forces. Mais tes paroles ont été pour nous de véritables caresses d’ailes angéliques. Le pain nous a semblé plus abondant et meilleur parce que tu l’as mangé avec nous, ce pain qu’il ne donne même pas à ses chiens. Reviens le rompre avec nous, Seigneur. C’est seulement parce que c’est toi que j’ose le dire. Pour tout autre, ce serait l’offenser que de lui offrir un abri et une nourriture que dédaigne le mendiant. Mais toi…

– Mais moi, j’y trouve un parfum et une saveur célestes parce que foi et amour y règnent. Je reviendrai, Jonas, je reviendrai. Pour ta part, reste à ta place, comme un animal lié aux brancards. Que ta place soit ton échelle de Jacob. Et, réellement, les anges vont et viennent entre le Ciel et toi, attentifs à recueillir tous tes mérites pour les porter à Dieu. Mais je viendrai vers toi, pour élever ton âme. Demeurez-moi tous fidèles. Ah ! Je voudrais vous donner une paix humaine également. Mais je ne le puis. Il me faut vous dire : souffrez encore. Et c’est douloureux pour une personne qui aime…

– Seigneur, si tu nous aimes, il n’est plus de souffrance. Auparavant, nous n’avions personne pour nous aimer… Ah ! Si je pouvais, moi au moins, voir ta Mère !

– Ne t’inquiète pas, je te l’amènerai. Quand la saison sera plus douce, je viendrai avec elle. Ne t’expose pas à des châtiments inhumains par hâte de la voir. Sache l’attendre comme on attend le lever d’une étoile, de la première étoile. Elle t’apparaîtra à l’improviste comme la première étoile du soir qu’on ne voyait pas et qui soudain scintille dans le ciel. Pense même que, dès maintenant, elle répand ses dons d’amour sur toi. Adieu, vous tous ! Que ma paix vous protège contre les duretés qui vous angoissent. Adieu, Jonas. Ne pleure pas. Tu as attendu tant d’années avec une foi patiente ! Je te promets maintenant une attente qui sera bien courte. Ne pleure pas. Je ne te laisserai pas seul. Ta bonté a essuyé mes larmes d’enfant. Ma bonté ne suffit-elle pas à essuyer les tiennes ?

– Oui… mais tu pars… et moi je reste…

– Mon ami, Jonas, ne me laisse pas partir accablé par le poids de ne pouvoir te soulager…

– Je ne pleure pas, Seigneur… Mais comment ferai-je pour vivre sans plus te voir, maintenant que je te sais en vie ? »

Jésus caresse encore le visage défait du vieillard, puis s’éloigne. Mais, parvenu la limite de la misérable cour, il ouvre les bras et bénit la campagne. Puis il s’éloigne.

« Qu’est-ce que tu as fait ? demande Simon qui a remarqué ce geste inhabituel.

– J’ai imprimé un sceau sur toutes les choses pour que les démons ne puissent, en leur nuisant, nuire à ces malheureux. Je ne pouvais rien de plus…

89.2

– Maître… marchons un peu plus vite. Je voudrais te parler discrètement. »

Ils se détachent encore plus du groupe, et Simon dit :

« Je voudrais te dire que Lazare a ordre d’employer l’argent pour venir en aide à tous ceux qui ont recours à lui au nom de Jésus. Ne pourrions-nous pas affranchir Jonas ? Cet homme est usé et n’a plus que la joie de te posséder. Donnons-la-lui. Quel travail peut-il encore accomplir ici ? Libre, il serait ton disciple dans cette plaine si belle et désolée. Les hommes les plus riches d’Israël possèdent ici des terres excellentes et les exploitent avec une usure cruelle, exigeant de leurs travailleurs cent pour un. Je le sais depuis des années. Il te sera difficile de séjourner beaucoup ici, car la secte des pharisiens y règne en maître et je ne crois pas qu’elle te sera jamais amie. Ces travailleurs opprimés et sans lumière comptent parmi les plus malheureux en Israël. Tu l’as entendu : même pour la Pâque, on ne les laisse pas prier en paix, pendant que leurs durs patrons se placent au premier rang des fidèles avec de grands gestes et des mises en scène. Ils auront au moins la joie de savoir que tu es ici, d’entendre répéter tes paroles par quelqu’un qui n’en changera pas un iota. Si c’est ton avis, Maître, donne des ordres et Lazare le fera.

– Simon, j’avais compris pourquoi tu t’es dépouillé de tout. Les pensées de l’homme ne me sont pas inconnues et je t’ai aimé aussi pour cette raison. En rendant heureux Jonas, c’est Jésus que tu rends heureux.

89.3

Ah ! Comme il me pèse de voir souffrir les bons ! Ma condition d’homme pauvre et méprisé par le monde ne me pèse que pour cette raison. Judas, s’il m’entendait, dirait : “ Mais n’es-tu pas le Verbe de Dieu ? Ordonne et les pierres deviendront de l’or et du pain pour les malheureux. ” Il reprendrait le piège de Satan. Je veux bien rassasier les affamés, mais pas comme Judas le voudrait. Vous êtes encore trop peu formés pour comprendre la profondeur de ce que je dis. Mais je te l’affirme, à toi : si Dieu pourvoyait à tout, il commettrait un vol envers ses amis. Il les priverait de la possibilité de se montrer miséricordieux, donc d’obéir au commandement de l’amour. Mes amis doivent avoir cette marque de Dieu, qui leur soit commune avec lui : la sainte miséricorde qui se manifeste en actes et en paroles. Or les malheurs d’autrui fournissent à mes amis la manière de l’exercer. As-tu compris cette pensée ?

– Elle est profonde, je la médite et je m’humilie en comprenant combien je suis obtus et combien Dieu est grand, lui qui veut que nous possédions tous ses attributs les plus doux pour nous appeler ses fils. Dieu se dévoile à moi dans ses multiples perfections par toute la lumière que tu me mets au cœur. De jour en jour, comme un homme qui avance dans un lieu inconnu, je développe la connaissance de cette Réalité immense qu’est la Perfection qui veut nous appeler ses “ fils ”. J’ai l’impression de m’élever comme un aigle ou de plonger comme un poisson dans ces deux immensités infinies que sont le ciel et la mer, mais j’ai beau faire, je n’en touche jamais les limites. Qui donc est Dieu ?

– Dieu est la Perfection qu’on ne peut atteindre, Dieu est la Beauté parfaite, Dieu est la Puissance infinie, Dieu est l’Essence incompréhensible, Dieu est la Bonté insurpassable, Dieu est la Compassion indestructible, Dieu est la Sagesse incommensurable, Dieu est l’Amour devenu Dieu. Il est l’Amour ! Il est l’Amour ! Tu dis que, plus tu connais Dieu dans sa perfection, plus il te semble t’élever ou plonger dans deux immensités infinies d’azur sans ombre… Mais quand tu comprendras ce qu’est l’Amour devenu Dieu, tu ne t’élèveras plus, ne plongeras plus dans l’azur, mais dans un tourbillon éblouissant de flammes, et tu seras aspiré par une béatitude qui sera pour toi mort et vie. Tu auras Dieu en ta totale possession quand, par ta volonté, tu seras arrivé à le comprendre et à le mériter. Alors, tu seras établi en sa perfection.

– Ah Seigneur ! »…

Simon est écrasé.

89.4

Le silence se fait. On a rejoint la route. Jésus s’arrête pour attendre les autres.

Quand le groupe est réuni, Lévi s’agenouille :

« Je devrais te quitter, Maître, mais ton serviteur te fait une prière : emmène-moi chez ta Mère. Celui-ci est orphelin comme moi. Ne me refuse pas ce que tu lui donnes pour que je voie le visage d’une mère…

– Viens, tout ce qu’on demande au nom de ma Mère, je l’accorde au nom de ma Mère. »…

89.5

… Jésus est seul. Il marche rapidement au milieu des oliviers chargés de petites olives déjà bien formées. Le soleil, proche de son crépuscule, darde ses rayons sur les frondaisons des arbres précieux et pacifiques, mais n’arrive à faire filtrer que de rares rayons entre leurs branches serrées. En revanche, la route principale, encaissée entre deux talus, est un ruban poussiéreux d’une clarté aveuglante.

Jésus marche en souriant. Il arrive sur un escarpement… et sourit encore plus radieusement. Voilà Nazareth… Elle paraît trembler sous l’ardeur du soleil. Jésus descend plus vite. Il atteint maintenant la route, sans plus se soucier du soleil. Son pas est leste, on dirait qu’il vole, avec son manteau dont il se protège la tête, mais qui se gonfle et se rabat à ses côtés comme derrière lui. Le chemin est désert et silencieux jusqu’aux premières maisons. Ici ou là on entend venir une voix d’enfant ou de femme de l’intérieur des maisons ou des jardins, des jardins dont les frondaisons jettent leur ombre jusque sur la route. Jésus profite de ces taches d’ombre pour échapper à l’implacable soleil. Il tourne par une ruelle à demi ombragée. Il s’y trouve des femmes groupées autour de la fraîcheur d’un puits. Elles le saluent presque toutes de leurs voix aiguës pour lui souhaiter un heureux retour.

« Paix à vous toutes… Mais faites silence. Je veux faire une surprise à ma Mère.

– Sa belle-sœur est partie avec un broc d’eau fraîche, mais elle doit revenir. Elles sont restées sans eau. La source est à sec ou l’eau se perd dans le sol brûlé avant d’arriver à ton jardin. Nous ne savons pas. C’est ce que Marie, femme d’Alphée, disait à l’instant. La voilà qui vient. »

La mère de Jude et de Jacques arrive, une amphore sur la tête et une autre dans chaque main. Elle ne voit pas Jésus tout de suite et crie :

« ça va plus vite comme ça. Marie est toute triste parce que ses plantes meurent de soif. Ce sont encore celles de Joseph et de Jésus et on dirait que cela lui arrache le cœur de les voir se dessécher.

– Mais maintenant qu’elle va me voir… dit Jésus en apparaissant de derrière le groupe.

– Oh ! Mon Jésus béni ! Je vais lui annoncer…

– Non, j’y vais moi-même. Donne-moi les amphores.

– La porte est entrebâillée. Marie est dans le jardin. Ah ! Comme elle va être heureuse ! Elle parlait de toi encore ce matin. Mais venir avec ce soleil ! Tu transpires ! Tu es seul ?

– Non, avec des amis, mais je suis venu en avant pour voir d’abord Maman. Et Jude ?

– Il est à Capharnaüm. Il y va souvent… »

Marie n’ajoute rien, mais elle sourit, tout en essuyant de son voile le visage baigné de sueur de Jésus.

89.6

Les brocs sont prêts. Jésus en charge deux en équilibre sur ses épaules en se servant de sa ceinture et prend le troisième dans la main.

Il marche vite, arrive à la maison, pousse la porte et pénètre dans la petite pièce, qui paraît sombre quand on vient du plein soleil. Il soulève doucement le rideau qui ferme la porte sur le jardin et observe.

Marie se tient debout près d’un rosier, tournant le dos à la maison, et elle s’apitoie sur la plante assoiffée. Jésus pose le broc par terre, et le cuivre résonne en heurtant un caillou.

« Déjà ici, Marie ? » dit la Mère sans se retourner. « Viens, viens. Regarde ce rosier ! Et ces pauvres lys… Ils vont tous mourir si on ne les secourt pas. Apporte aussi des tuteurs pour redresser cette tige qui tombe.

– Je t’apporte tout, Maman. »

Marie sursaute, se retourne, reste une seconde les yeux écarquillés, puis avec un cri, elle court en tendant les bras vers son fils qui déjà a ouvert les siens et l’attend avec un sourire plein d’amour.

« Oh ! Mon fils !

– Maman chérie ! »

Leurs effusions sont longues, douces, et Marie est si heureuse qu’elle ne s’aperçoit pas que Jésus est tout moite. Et quand elle le remarque :

« Pourquoi, mon Fils, venir à une heure pareille ? Tu es cramoisi et tu dégoulines de sueur comme une éponge. Viens, viens à l’intérieur, que ta maman t’essuie et te rafraîchisse. Je t’apporte tout de suite un habit neuf et des sandales propres. Mais mon Fils ! Mon Fils ! Pourquoi voyager par ce soleil ? Les plantes meurent de chaleur et toi, ma Fleur, tu es sur les routes !

– Pour arriver plus vite chez toi, Maman !

– Oh, mon Fils chéri ! Tu as soif ? Oui, bien sûr. Je vais te préparer…

– Soif de tes baisers, Maman, de tes caresses. Laisse-moi rester ainsi, la tête sur ton épaule, comme quand j’étais tout petit… Oh ! Maman ! Comme tu me manques !

– Mais dis-moi de venir, mon Fils, et je viendrai. Qu’est-ce qui t’a manqué pendant mon absence ? Un plat que tu aimes particulièrement ? Des vêtements frais ? Un lit bien fait ? Ah ! Dis-moi, ma Joie, ce qui t’a manqué. Ta servante, ô mon Seigneur, essaiera d’y pourvoir.

– Rien d’autre que toi… »

Jésus, qui est rentré, tenu par la main par sa Mère, s’est assis sur le coffre près du mur. En face se tient Marie, qu’il entoure de ses bras, appuyant la tête contre son cœur et l’embrassant de temps à autre. Puis il la regarde fixement.

« Laisse-moi te regarder, que ma vue se remplisse de toi, ma sainte Maman !

– D’abord le vêtement. Il ne faut pas rester ainsi trempé de sueur. Viens. »

Jésus obéit.

89.7

Quand il revient avec des vêtements frais, leur doux colloque reprend :

« Je suis venu avec des disciples et des amis. Je les ai quittés dans le bois de Melca. Ils viendront demain, à l’aurore. Moi… je ne pouvais plus attendre. Ma Maman !… »

Il lui baise les mains.

« Marie, femme d’Alphée, s’est retirée pour nous laisser seuls. Elle aussi a compris quelle soif j’avais de toi. Demain… demain, tu appartiendras à mes amis et moi aux Nazaréens. Mais, ce soir, tu es pour moi l’Amie et pareillement je suis à toi. Je t’ai amené… Oh ! Maman : j’ai retrouvé les bergers de Bethléem et je t’ai amené deux d’entre eux. Ils sont orphelins et tu es la Mère. Pour tous ; et encore plus des orphelins. Je t’ai aussi amené quelqu’un qui a besoin de toi pour se dominer lui-même. Et un autre qui est un juste et qui a pleuré. Et puis Jean… Je t’apporte le souvenir d’Elie, d’Isaac, de Tobie – maintenant Mathias –, de Jean et de Siméon. Jonas est le plus malheureux. Je te conduirai à lui. Je le lui ai promis. Les autres, il me faut encore les chercher. Samuel et Joseph reposent dans la paix de Dieu.

– Tu es allé à Bethléem ?

– Oui, Maman. J’y ai amené les disciples que j’avais avec moi. Et je t’en ai apporté ces petites fleurs qui ont poussé entre les pierres du seuil.

– Oh ! »

Marie prend les tiges séchées et les embrasse.

« Et Anne ?

– Elle a péri dans le massacre d’Hérode.

– La pauvre ! Elle t’aimait tant !

– Les habitants de Bethléem ont beaucoup souffert et n’ont pas été justes avec les bergers. Mais ils ont beaucoup souffert…

– Mais ils s’étaient montrés bons avec toi, à l’époque !

– Oui et il faut les plaindre pour cette raison. Satan est envieux de leur bonté et les excite au mal. Je suis aussi allé à Hébron. Les bergers, persécutés…

– A ce point !

– Oui. Ils furent aidés par Zacharie et par lui eurent des patrons et du pain, même si ces patrons étaient des hommes durs. Mais ce sont des âmes de justes et ils se sont servis de leurs persécutions et de leurs blessures pour grandir en sainteté. Je les ai réunis. J’ai guéri Isaac et… et j’ai donné mon nom à un bébé… A Yutta, où habitait Isaac malade et où il est revenu à la vie, il y a maintenant un groupe innocent dont les noms sont Marie, Joseph et Jésaï…

– Oh ! Ton nom !

– Et puis le tien et celui du Juste. Et à Kérioth, le village d’origine d’un disciple, un fidèle israélite est mort sur mon cœur… de la joie de ma présence…

89.8

Et puis… Ah ! Que de choses j’ai à te raconter, ma parfaite Amie, ma douce Mère ! Mais pour commencer, je te prie d’avoir une grande pitié pour ceux qui viendront demain. Ecoute : ils m’aiment… mais ils ne sont pas parfaits. Toi, qui est Maîtresse de vertu… Ah ! Mère, aide-moi à les rendre bons… Je voudrais les sauver tous… »

Jésus s’est laissé glisser aux pieds de Marie. Elle apparaît maintenant dans sa majesté de Mère.

« Mon Fils ! Que veux-tu que ta pauvre Mère fasse de plus que toi ?

– Les sanctifier… Ta vertu sanctifie. Je te les ai amenés exprès. Maman… un jour, je te dirai : “ Viens ”, parce qu’alors il sera urgent de sanctifier les âmes, pour que je puisse trouver en elles la volonté de rédemption. Et tout seul, je ne le pourrais pas… Ton silence sera actif comme ma parole. Ta pureté viendra en aide à ma puissance. Ta présence éloignera Satan… et ton Fils, Maman, trouvera de la force à te savoir toute proche. Tu viendras, n’est-ce pas, ma douce Mère ?

– Jésus ! Mon cher Fils ! Je ne te sens pas heureux… Qu’as-tu, créature de mon cœur ? Le monde s’est montré dur envers toi ? Non ? Cela me soulage de le croire… mais… Oh oui ! Je viendrai. Où tu veux. Comme tu veux. Quand tu veux. Aujourd’hui même, sous le soleil, sous les étoiles, comme dans le froid et sous les ondées. Me veux-tu ? Me voici.

– Non, pas maintenant. Mais un jour… Comme elle est douce, la maison ! Et ta caresse ! Laisse-moi dormir ainsi, la tête sur tes genoux. Je suis si las ! Je suis toujours ton petit enfant… »

Epuisé, Jésus s’endort réellement, assis sur la natte, la tête sur le sein de sa Mère qui, tout heureuse, lui caresse les cheveux.

89.1

Apenas un atisbo de luz. En la puerta de una mísera cabaña — y hablo así porque llamarla casa sería demasiado honor — están Jesús con los suyos y con Jonás y otros míseros campesinos como él. Es la hora de la despedida.

«¿No te volveré a ver, Señor mío?» pregunta Jonás. «Tú has traído la luz a nuestros corazones. Tu bondad ha hecho de estas jornadas una fiesta que durará toda la vida. Ya has visto cómo nos tratan. El jumento recibe más cuidados que nosotros, y se trata más humanamente al árbol: son dinero; nosotros somos sólo ruedas de molino que proporcionan ganancia, y se nos utiliza hasta que morimos por exceso de uso. Pero tus palabras han sido como muchas caricias de alas. El pan nos ha parecido más abundante y mejor, porque Tú lo saboreabas con nosotros, este pan que él no da a sus perros. Vuelve a compartirlo con nosotros, Señor. Sólo porque eres Tú, oso decir esto. Para cualquier otro significaría una ofensa el ofrecer un cobijo y un alimento que hasta el mendigo desdeña. Pero Tú…».

«Pero Yo encuentro en ellos un perfume y un sabor celestes, porque hay en ellos fe y amor. Vendré, Jonás. Vendré. Quédate donde estás, atado al carro como un animal de tiro. Que el lugar en que estás sea tu escalera de Jacob. Ciertamente entre el Cielo y tú vienen y van los ángeles con la atención puesta en recoger todos tus méritos y llevárselos a Dios. Pero Yo vendré a ti, a consolar tu espíritu. Permanecedme todos fieles. ¡Oh! Quisiera daros una paz que fuera también humana, pero no puedo. Tengo que deciros: sufrid aún. Y ello es triste para Uno que ama…».

«Señor, si Tú nos amas, ya no es sufrir. Antes no teníamos a nadie que nos amara... ¡Oh, si pudiera, yo al menos, ver a tu Madre!».

«No te angusties. Yo te la traeré. Cuando más suave esté el clima, vendré con Ella. No des pie a castigos inhumanos por la prisa de verla. Sabe esperarla como se espera el surgir de una estrella, de la primera estrella. Aparecerá ante ti improvisamente, exactamente como la estrella vespertina que ahora no se ve e inmediatamente después titila en el cielo. Y piensa que, ya incluso desde ahora, Ella esparce sus dones de amor sobre ti. Adiós a todos vosotros. Mi paz os sirva de tutela contra las crueldades de quien os aflige. Adiós, Jonás. No llores. Has esperado muchos años con fe paciente, te prometo ahora una espera muy breve. No llores. No te dejaré solo. Tu bondad enjugó mi llanto infantil; ¿no es suficiente la mía para enjugar el tuyo?».

«Sí... pero Tú te marchas... y yo me quedo…».

«Amigo, Jonás, no me hagas partir abatido por el peso de no poderte consolar…».

«No lloro, Señor... Pero ¿cómo voy a poder vivir sin verte ahora que sé que estás vivo?».

Jesús acaricia una vez más al anciano desolado y luego se separa; mas, en el límite de la mísera era, erguido, abre los brazos bendiciendo la campaña. Luego se pone en camino.

«¿Qué significa lo que has hecho, Maestro?» pregunta Simón, que ha notado el insólito gesto.

«He puesto un sigilo sobre todas las cosas, para que los malvados no puedan, dañándolas, perjudicar a esos desdichados. Más no podía…».

89.2

«Maestro... adelantémonos. Quisiera decirte una cosa, sin que nos oigan».

Se separan aún más del grupo y Simón habla.

«Quería decirte que Lázaro tiene orden de usar la suma para socorrer a todos aquellos que recurran a él en nombre de Jesús. ¿No podríamos libertar a Jonás? Ese hombre está deshecho, su única alegría es tenerte. Démosela. ¿Qué puedes esperar de su labor aquí? Tu discípulo sería libre en esta llanura tan hermosa, y tan desolada. Aquí los más ricos de Israel tienen tierras opimas, que exprimen explotando cruelmente a los trabajadores, exigiéndoles el ciento por uno. Lo sé desde hace años. Poco tiempo podrás permanecer aquí, porque en este lugar impera la secta de los fariseos, que creo que nunca será amiga tuya. Los más infelices en Israel son estos trabajadores oprimidos y sin luz. Ya lo has oído: ni siquiera para la Pascua gozan de paz y oración, mientras los crueles patrones, con grandes gestos y estudiadas actitudes, se ponen en primera fila entre los fieles. Tendrán al menos la alegría de saber que Tú vives, la alegría de oír tus palabras, repetidas por uno que no alterará de ellas ni una iota. Si te parece bien, Maestro, ordena, y Lázaro actuará».

«Simón, Yo ya había comprendido por qué te desprendías de todo. No desconozco el pensamiento del hombre. Y éste ha sido uno de los motivos por los que te he amado. Haciendo feliz a Jonás, haces feliz a Jesús.

89.3

¡Ah, cómo me angustia ver sufrir a los buenos! Mi condición de pobre y de despreciado por el mundo no me angustia sino por esto. Judas, si me oyera, diría: “Pero, ¿no eres Tú el Verbo de Dios? Ordena, y las piedras se convertirán en oro y pan para los menesterosos”. Repetiría la insidia de Satanás. Bien deseo Yo saciar las hambres, pero no como quisiera Judas. Todavía estáis demasiado poco formados como para entender la profundidad de cuanto digo. Pero a ti te lo digo: si Dios remediase todo, cometería una substracción para con sus amigos; los privaría de la facultad de ser misericordiosos, y de obedecer, por tanto, al mandamiento del amor. Mis amigos tienen que tener este signo de Dios en común con Él: la santa misericordia, que se manifiesta en obras y en palabras. Y las infelicidades ajenas proporcionan a mis amigos la manera de ejercitarla. ¿Has comprendido este pensamiento?».

«Es profundo. Lo medito. Y me humillo, comprendiendo lo obtuso que soy y lo grande que es Dios, el cual quiere que tengamos la totalidad de sus atributos más dulces, para llamarnos hijos suyos. Dios se me revela en su multiforme perfección por cada una de las luces que Tú difundes en mi corazón. Día tras día, como quien camina por un lugar desconocido, aumento mi conocimiento de esta inmensa Cosa que es la Perfección que quiere llamarnos “hijos”, y me parece estar ascendiendo como un águila, o sumergiéndome como un pez, en dos profundidades sin confín como son el cielo y el mar, y subo cada vez más, y me sumerjo cada vez más, sin tocar nunca el límite. Pero entonces, ¿qué es Dios?».

«Dios es la inalcanzable Perfección, Dios es la cumplida Belleza, Dios es la infinita Potencia, Dios es la incomprensible Esencia, Dios es la insuperable Bondad, Dios es la indestructible Compasión, Dios es la inconmensurable Sabiduría, Dios es el Amor hecho Dios. ¡Es el Amor! ¡Es el Amor! Dices que cuanto más conoces a Dios en su perfección, más te parece ascender o sumergirte en dos profundidades sin confín, de azul sin sombras... Cuando comprendas qué es el Amor hecho Dios, ya no subirás, ya no te sumergirás en ese azul sino en un remolino incandescente de llamas, y serás aspirado hacia una beatitud que te será muerte y vida. Tendrás a Dios, con completa posesión, cuando, por tu voluntad, hayas logrado comprenderle y merecerle. Entonces quedarás fijo en su perfección».

«¡Señor!».... — Simón se siente desbordado.

89.4

Se hace silencio. Llegan al camino. Jesús se detiene a esperar a los otros.

Cuando el grupo se completa de nuevo, Leví se arrodilla: «Debo dejarte, Maestro, pero tu siervo te eleva una súplica: Llévame adonde tu Madre. Éste es huérfano como yo. No me niegues a mí lo que a él le das, para poder ver un rostro de madre…».

«Ven. Yo doy en nombre de mi Madre lo que en nombre de mi Madre se pide»....

89.5

...Jesús está solo. Camina rápido entre bosques de olivos cargados de aceitunas ya bien formadas. El Sol, a pesar de que esté declinando, asaetea la copa gris-verde de los árboles preciosos y pacíficos, pero no taladra el entramado de sus ramas sino con diminutos ojitos de luz. La calzada principal, por el contrario, encajonada entre dos pendientes, es una cinta de polvorienta incandescencia deslumbrante.

Jesús camina y sonríe. Llega a un tajo del terreno... y sonríe aún más vivamente. Allí está Nazaret... De tanto como la oprime la incandescencia del sol, parece como si vibrara. Jesús baja aún más veloz. Llega a la calzada ya sin preocuparse del sol. Parece volar, de lo presuroso que va, con el manto — colocado como protección sobre la cabeza — hinchado y palpitando a los lados y detrás de Él. La calzada está desierta y silenciosa hasta las primeras casas. Allí, alguna voz de niño o de mujer se oye venir desde el interior de las casas o desde los huertos, que suspenden incluso sobre la calzada las frondas de sus árboles. Jesús se aprovecha de estas manchas de sombra para rehuir el implacable sol. Gira por una callecita cuya mitad está en sombra. Allí hay mujeres que se arremolinan junto a un pozo fresco. Casi todas le saludan, manifestando con voces agudas su alegría porque haya vuelto.

«Paz a todas vosotras... Pero... guardad silencio. Quiero dar una sorpresa a mi Madre».

«Su cuñada se ha marchado ahora con una jarra fresca, pero tiene que volver; se han quedado sin agua. El manantial está seco, o se pierde en el suelo ardiente antes de llegar a tu huerto; no sabemos. María de Alfeo lo decía ahora. Mira, allí viene».

La madre de Judas y Santiago viene con un ánfora sobre la cabeza y otra en cada mano. No ve inmediatamente a Jesús y grita: «De este modo me doy más prisa. María está toda triste, porque sus flores se mueren de sed. Son todavía las de José y Jesús, y siente desgajársele el corazón viéndolas languidecer».

«Pero ahora que me ve a mí…» dice Jesús, apareciendo desde detrás del grupo.

«¡Oh, mi Jesús! ¡Bendito Tú! Voy a decírselo…».

«No. Voy Yo. Dame las ánforas».

«La puerta está sólo entornada. María está en el huerto. ¡Oh, qué contenta se pondrá! Hablaba de ti también esta mañana. ¡Pero, haber venido con este sol!... ¡Estás todo sudado! ¿Estás solo?».

«No. Con amigos. Yo me he adelantado para ver antes a mi Madre. ¿Y Judas?».

«Está en Cafarnaúm. Va frecuentemente…». María no habla más, pero sonríe mientras seca con su velo el rostro humedecido de Jesús.

89.6

Las ánforas ya están llenas. Jesús, usando su cinturón, se carga dos de ellas equilibradamente sobre los hombros, y la otra la lleva en la mano.

Camina, vuelve una esquina, llega a la casa, empuja la puerta, entra en la pequeña habitación, que parece oscura en relación al fuerte sol exterior, levanta despacio la cortina que cubre la puerta del huerto, observa.

María está en pie junto a un rosal, dando la espalda a la casa, compungida por la sedienta planta. Jesús posa el ánfora en el suelo, y el cobre suena al golpear contra una piedra. «¿Ya aquí, María?» dice la Madre sin volverse. «¡Ven, ven! ¡Mira este rosal!, y estas pobres azucenas; morirán todas, si no las socorremos. Trae también unas cañitas para sujetar este tallo que se está cayendo».

«Te llevo todo, Mamá».

María se vuelve de repente. Se queda atónita un segundo; luego, dando un grito, corre con los brazos abiertos hacia el Hijo, el cual ya ha abierto los suyos y la espera con una sonrisa que es toda amor.

«¡Hijo mío!».

«¡Mamá! ¡Querida mamá!».

La manifestación de afecto es larga, suave, y María está tan contenta que no ve, no siente lo sudado que está Jesús. Pero luego se da cuenta: «¿Por qué, Hijo, a esta hora? Estás como la púrpura y sudando como una esponja. Ven, ven dentro; que Mamá te seque y te refresque. Ahora te traigo una túnica nueva y sandalias limpias. ¡Pero Hijo! ¡Hijo! ¿Por qué vas por los caminos con este sol? ¡Las plantas se mueren por el calor y Tú, Flor mía, por los caminos...!».

«¡Para llegar antes, Mamá!».

«¡Oh, querido mío! ¿Tienes sed? Claro que sí. Ahora te pre­paro…».

«Sí. De tu beso, Mamá. De tus caricias. Déjame estar así, con la cabeza en tu hombro, como cuando era pequeño... ¡Oh! ¡Mamá! ¡Cuán­to te hecho de menos!».

«¡Pero dime que vaya, Hijo, y yo iré! ¿Qué te ha faltado por causa de mi ausencia?: ¿comida de tu agrado?, ¿ropa fresca?, ¿cama bien hecha? ¡Oh, dime, mi Dicha, ¿qué te ha faltado?! Tu sierva, ¡oh mi Señor!, tratará de poner remedio».

«Nada aparte de ti…».

Jesús, que ha vuelto a entrar en la casa de la mano de su Madre, se ha sentado en el arquibanco que está junto a la pared y ahora mira fijamente a María. La tiene de frente, ceñida con sus brazos. Tiene apoyada la cabeza contra su corazón, y de vez en cuando la besa. Dice: «Déjame que te mire. Déjame llenar mi vista de ti, ¡Mamá mía santa!».

«Antes la túnica. No es bueno estar tan mojado. Ven».

Jesús obedece.

89.7

Cuando vuelve con una túnica fresca, el coloquio continúa, delicado.

«He venido con discípulos y amigos. Pero los he dejado en el bosque de Melca. Vendrán mañana a la aurora. Yo... no podía esperar más. ¡Mamá mía!…», y le besa las manos. «María de Alfeo se ha retirado para dejarnos solos; ella también ha entendido mi sed de ti. Mañana... mañana tú serás de mis amigos y Yo de los nazarenos. Pero hoy tú eres mi Amiga y Yo el tuyo. Te he traído... ¡Oh, Mamá!, he encontrado a los pastores de Belén, y te he traído a dos de ellos: son huérfanos y tú eres la Madre, la Madre de todos, y más aún de los huérfanos. Y te he traído también a uno que tiene necesidad de ti para vencerse a sí mismo; y a otro que es un justo y ha llorado; bueno,... y a Juan... Y el recuerdo de Elías, de Isaac, Tobías (ahora Matías), Juan y Simeón. Jonás es el más infeliz. Te llevaré donde él; lo he prometido. Seguiré buscando a otros. Samuel y José están en la paz de Dios».

«¿Estuviste en Belén?».

«Sí, Mamá. Llevé allí a los discípulos que tenía conmigo. Te traigo estas florecillas, nacidas entre las piedras de la entrada».

«¡Oh!» — María coge los tallitos secos y los besa. «¿Y Ana?».

«Murió en la matanza de Herodes».

«¡Pobrecilla! ¡Te quería mucho!».

«Los betlemitas sufrieron mucho y no han sido justos con los pastores. Han sufrido mucho…».

«¡Pero contigo por entonces fueron buenos!».

«Sí. Por esto se los debe compadecer. Satanás está envidioso de aquella bondad suya y los instiga al mal. He estado también en Hebrón. Los pastores, perseguidos…».

«¡¿Tanto?!».

«Sí. Los ayudó Zacarías, y, gracias a él, pudieron tener patrones y pan, aunque estos patrones fueran duros. Pero son almas de justos, y de las persecuciones y de las heridas se han hecho piedras de santidad. Los he reunido. He curado a Isaac y... y he dado mi Nombre a un niñito... En Yuttá, donde Isaac se consumía y donde ha renacido, hay ahora un grupo inocente que se llama María, José e Iesaí…».

«¡Oh, tu Nombre!».

«Y el tuyo, y el del Justo. Y en Keriot, patria de un discípulo, un fiel israelita murió contra mi corazón, por la alegría de haberme encontrado...

89.8

Y también... ¡tengo tantas cosas que contarte..., mi perfecta Amiga, Madre dulce! Pero antes de nada, te lo suplico, te pido que tengas mucha piedad con los que vendrán mañana. Escucha: me aman... pero no son perfectos. Tú, Maestra de virtud... ¡Madre, ayúdame a hacerlos buenos... Yo quisiera salvarlos a todos...!». Jesús se ha deslizado a los pies de María. Ahora Ella aparece en su majestuosidad de Madre.

«¡Hijo mío! ¿Qué puede hacer tu pobre Mamá que Tú no hagas?».

«Santificarlos... Tu virtud santifica. Te los he traído aposta. Mamá... un día, ante la urgencia de santificar a los espíritus, viendo en ellos voluntad de redención, te dire: ‘Ven’. Yo solo no podré... Tu silencio será tan activo como mi palabra. Tu pureza ayudará a mi potencia. Tu presencia mantendrá distante a Satanás... Tu Hijo, Mamá, sabiendo que estás cerca, encontrará fuerzas. Vendrás, ¿no es cierto, mi dulce Madre?».

«¡Jesús! ¡Amor! ¡Hijo! No te siento feliz... ¿Qué te pasa, Criatura de mi corazón? ¿Ha sido duro contigo el mundo? ¿No? Creerlo me es motivo de consuelo... pero... ¡Oh! Sí. Iré. A donde Tú quieras, como Tú quieras, cuando Tú quieras, incluso ahora, bajo el sol, bajo las estrellas, o con hielo o entre aguaceros. ¿Me quieres contigo?: aquí me tienes».

«No. Ahora no. Pero un día... ¡Qué dulce es la casa! ¡Y tu caricia! Déjame dormir así, con la cabeza en tus rodillas. ¡Estoy muy cansado! Sigo siendo tu Hijito…». Y Jesús realmente se duerme, cansado, derrengado, sentado en la estera, con la cabeza en el regazo de su Madre, mientras Ella le acaricia en el pelo, beata.