Ce doit être la matinée du mercredi, car la troupe des apôtres et des femmes, précédée de Jésus et de Marie avec le petit garçon au milieu d’eux, s’approche de la Porte des Poissons. Avec eux se trouve également Joseph d’Arimathie qui, fidèle à la parole donnée, est venu à leur rencontre.
Jésus cherche du regard le soldat Alexandre, mais il ne le voit pas.
« Il est absent aujourd’hui aussi. Je voudrais avoir de ses nouvelles… »
Mais il y a une telle foule qu’il n’y a pas moyen de s’adresser aux soldats ; d’ailleurs, ce serait peut-être imprudent, car les juifs sont plus intransigeants que jamais, en raison de l’imminence de la fête, mais aussi à cause de la rancœur qu’ils éprouvent après la capture de Jean-Baptiste dont ils tiennent Pilate et ses satellites pour complices. Je comprends tout cela par les épithètes et les prises de bec qui s’échangent continuellement à la Porte entre soldats et citadins, et par les insultes… pittoresques et peu diplomatiques qui éclatent à chaque instant en un continuel feu d’artifice.
Les femmes de Galilée en sont scandalisées et s’enveloppent plus étroitement que jamais dans leurs voiles et dans leurs manteaux. Marie rougit, mais marche avec assurance, droite comme un palmier, en regardant son Fils. Jésus, de son côté, ne tente même pas de chercher à raisonner les juifs exaltés ni de conseiller aux soldats de faire preuve de pitié à leur égard. Comme quelque épithète peu respectueuse s’adresse aussi au groupe des galiléens, Joseph d’Arimathie passe devant, auprès de Jésus, et la foule, qui le connaît, se tait par respect pour lui.
Ils franchissent finalement la Porte des Poissons et ce fleuve humain, qui se déverse à flots dans la ville, mêlé aux ânes et aux troupeaux, se disperse dans les rues…