Quand on arrive de Séphoris, on entre à Nazareth par le côté nord-ouest, le plus élevé et le plus pierreux. L’amphithéâtre sur lequel Nazareth est bâtie en terrasses apparaît dans toute son étendue lorsqu’on atteint la crête de la dernière colline par cette route, qui descend assez rapidement par des ravins vers la petite ville. Si j’ai bon souvenir — car il s’est passé du temps, et beaucoup de sites montagneux se ressemblent —, Jésus se trouve à l’endroit précis[1] où ses concitoyens essayèrent de le lapider et où il les arrêta par son pouvoir pour passer au milieu d’eux.
Jésus fait halte pour regarder sa chère ville qui lui est hostile, et un sourire de joie éclaire son visage. Quelle bénédiction, que les Nazaréens ignorent et ne méritent pas, est donc ce sourire divin qui est sûrement source de grâces pour la terre qui l’a accueilli enfant et l’a vu grandir, où sa Mère est née et où elle est devenue Epouse et Mère de Dieu !
Ses deux cousins eux aussi regardent leur ville avec une joie manifeste. Alors que celle de Jude est tempérée par un air sérieux, austère, retenu, celle de Jacques est plus ouverte et plus douce, plus semblable à la joie de Jésus.
Bien que ce ne soit pas sa ville, Thomas en a le visage tout illuminé et il dit, en montrant la petite maison de Marie, du four de laquelle la fumée monte en spirales :
« La Mère est à la maison et elle cuit le pain… »
Son élan d’amour est si grand, qu’il semble parler de sa propre mère avec toute l’affection d’un fils.
Simon le Zélote, plus calme en raison de son âge et de son éducation, sourit :
« Oui. Et sa paix arrive déjà à nos cœurs.
– Dépêchons-nous » dit Jacques. « Et suivons ce sentier pour arriver presque sans être vus des Nazaréens. Ils nous retiendraient…
– Mais vous vous éloignez de votre maison. Votre mère aussi voudra vous voir.
– Oh ! Tu peux être certain, Simon, que notre mère est chez Marie. Elle y est presque toujours, d’une part parce qu’elles font le pain, d’autre part à cause de la fillette malade.
– Oui, prenons ce chemin. Nous passerons derrière le jardin d’Alphée pour arriver à la haie de notre jardin » dit Jésus.
Ils descendent rapidement par le sentier, très abrupt au début, mais qui devient plus plat à mesure qu’on approche de la ville. Ils traversent des oliveraies, puis de petits champs nus, et longent les premiers jardins de la ville. Tous sont entourés de hautes haies feuillues sur lesquelles se penchent les frondaisons des arbres chargés de fruits, ou de murets en pierres sèches couverts à l’extérieur des branches des jardins. Aussi leur passage est-il inaperçu des ménagères qui vont et viennent dans les jardins, font la lessive ou encore l’étendent sur les petits prés à côté des maisons…