C’est Jean qui les découvre, ou plutôt qui découvre Jacques, fils de Zébédée. Celui-ci a fait les provisions pour le sabbat.
« Nous étions préoccupés et, si nous ne vous avions pas vus, nous allions revenir sur nos pas malgré le sabbat… Où est le Maître ?
– Il est parti à votre recherche. Le premier qui trouve va près du forgeron.
– Alors… Regarde. Nous sommes dans cette maison, qui appartient à une brave femme avec ses trois filles. Va chercher le Maître, et viens…»
Jacques baisse la voix et murmure en regardant autour de lui :
« Il y a ici beaucoup de pharisiens… et… avec de mauvaises intentions certainement. Ils nous ont demandé pourquoi il n’était pas avec nous. Ils voulaient savoir s’il a pris de l’avance, ou s’il est encore derrière nous. Nous avons commencé par répondre : “ Nous ne savons pas. ”
Ils ne nous ont pas crus. Et c’était normal, car comment pouvions-nous dire, nous, que nous ne savons pas où il est ? Alors Judas, qui n’a pas tant de scrupules, a lancé :
“ Il est parti en avant. ”
Mais ils n’étaient guère convaincus, et posaient des questions : avec qui, avec quoi, quand il nous avait quittés, si on savait que le vendredi précédent il était vers Giscala, de sorte que Judas a repris :
“ A Ptolémaïs, il a pris place sur un navire et nous a donc précédés. Il descendra à Joppé pour entrer à Jérusalem par la Porte de Damas, et il se rendra aussitôt chez Joseph d’Arimathie dans sa maison de Bézéta. ”
– Mais pourquoi tant de mensonges ? demande Jean, scandalisé.
– Qui sait ? C’est ce que nous lui avons dit, nous aussi. Mais il a répondu en riant :
“ Œil pour œil, dent pour dent, et mensonge pour mensonge. Il suffit que le Maître soit sauf. Ils le cherchent pour lui nuire, je le sais. ”
Pierre a fait alors remarquer que donner le nom de Joseph pouvait lui attirer des ennuis. Mais Judas a répliqué :
“ Ils vont courir chez lui et, quand ils verront la stupeur de Joseph, ils comprendront que ce n’est pas vrai. ”
“ Ils vont te haïr alors pour la farce que tu leur as faite… ” avons-nous objecté. Mais lui a ri en disant :
“ Je me moque de leur haine ! Je sais comment la rendre inoffensive… ”
Mais va, Jean. Essaie de trouver le Maître et reviens avec lui. La pluie nous rend service. Les pharisiens restent à l’intérieur des maisons pour ne pas tremper leurs larges vêtements… »
Jean remet le sac à son frère, mais au moment où il va s’éloigner en courant, Jacques le retient pour lui glisser :
« Et ne rapporte pas au Maître les mensonges de Judas. Même dits dans un but qui est bon, ce sont toujours des mensonges, or le Maître les déteste…
– Je n’en parlerai pas. »
Jean part en courant.
Jacques avait raison : les riches sont déjà dans les maisons. Seuls les pauvres gens s’affairent dans les rues, à la recherche d’un abri…