255.1
Ils sont de nouveau sur la route, en direction de l’est, vers la campagne.
Les apôtres et les deux disciples sont maintenant avec Marie, femme de Cléophas, et Suzanne, à quelques mètres de Jésus qui marche avec sa Mère et les deux sœurs de Lazare. Jésus parle sans arrêt. Les apôtres, eux, se taisent. Ils semblent fatigués ou découragés. Ils ne sont même pas attirés par la beauté de la campagne qui est vraiment splendide : ses légères ondulations sont jetées sur la plaine comme autant de coussins verts sous les pieds d’un roi géant, ses collines s’élèvent de quelques mètres, çà et là, en guise de prélude aux chaînes du Carmel et de Samarie. Tant dans la plaine, qui domine en ces parages, que sur les petites collines et les ondulations, il y a toute une floraison de plantes et une odeur de fruits qui arrivent à maturité. Ce doit être un endroit bien irrigué malgré sa situation et la saison, car il y a trop de fleurs pour qu’il n’y ait pas beaucoup d’eau. Je comprends maintenant pourquoi la plaine de Saron est tant de fois nommée avec enthousiasme dans l’Ecriture sainte. Mais les apôtres ne partagent pas du tout cet enthousiasme. Ils marchent, un peu maussades, seuls à être de mauvaise humeur en cette journée sereine et dans cette contrée riante.
La route consulaire, en très bon état, coupe de son ruban blanc cette campagne très fertile. A cette heure encore matinale, on rencontre fréquemment des paysans avec des chargements de denrées, ou des voyageurs qui se dirigent vers Césarée. L’un d’eux, avec une file d’ânes chargés de sacs, rejoint les apôtres et les force à s’écarter pour laisser place à sa caravane. Il demande avec arrogance :
« Kison, c’est ici ?
– Plus en arrière » répond sèchement Thomas ; et il bougonne entre ses dents : « Espèce de rustre !
– C’est un samaritain, c’est tout dire ! » répond Philippe.