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Jésus entre dans le Temple, en compagnie de ses apôtres et de très nombreux disciples que je connais au moins de vue. Tout derrière, mais déjà unis au groupe, comme s’ils voulaient montrer qu’ils désirent être considérés comme des disciples du Maître, je vois des visages nouveaux, tous inconnus, hormis ce finaud de Grec[1] venu d’Antioche. Il discute avec les autres, peut-être des païens comme lui, et alors que Jésus et les disciples se dirigent vers la Cour des Juifs, lui, et ceux qui parlent avec lui, s’arrêtent dans la Cour des Païens.
Naturellement, l’entrée de Jésus dans le Temple bondé ne passe pas inaperçue. Un nouveau murmure s’élève comme d’un essaim qu’on a dérangé, et couvre les voix des docteurs qui donnent leurs leçons sous le Portique des Païens. Les enseignements sont suspendus comme par enchantement, et les élèves des scribes courent dans tous les sens porter la nouvelle de l’arrivée de Jésus de sorte que, quand il pénètre dans la seconde enceinte où se trouve l’Atrium des Juifs, plusieurs pharisiens, scribes et prêtres se sont déjà groupés à l’affût. Mais tant qu’il prie, ils ne lui disent rien et ne s’approchent même pas de lui. Ils se contentent de le surveiller…
Puis Jésus revient au Portique des Païens, et ils en font autant. La troupe des malintentionnés augmente comme celle des curieux et des bien intentionnés. Et des murmures à mi-voix courent. De temps à autre, une remarque est faite à haute voix : “ Vous voyez bien qu’il est venu ? C’est un juste : il ne pouvait manquer la fête. ” Ou bien : “ Qu’est-il venu faire ? Dévoyer encore plus le peuple? ” Ou encore : “ Vous êtes contents, maintenant ? Vous voyez à présent où il est ? Vous l’avez tant demandé ! ”
Voix isolées et aussitôt éteintes, étouffées dans la gorge par les regards explicites des disciples ou des partisans qui, par leur amour même, menacent les ennemis haineux. Voix ironiques, fielleuses, qui lancent une giclée de venin et se calment par crainte du peuple. Puis vient le silence de cette foule, après une manifestation significative en faveur du Maître, car elle redoute les représailles des puissants. La peur réciproque règne…
Le seul à ne rien craindre, c’est Jésus. Il marche paisiblement, avec majesté, vers le lieu où il veut aller, un peu absorbé, et pourtant prêt à sortir de sa concentration pour caresser un enfant qu’une mère lui présente, ou pour sourire à un vieillard qui le salue en le bénissant.