Gli Scritti di Maria Valtorta

565. Samuel est troublé par Judas, qui ne comprend pas

565. Samuele turbato da Giuda Iscariota,

565.1

Je vois encore Jésus avancer lentement dans l’épaisse forêt, à l’ouest d’Ephraïm. Il est seul et plongé dans ses pensées. Du torrent monte le gargouillis de l’eau, et des arbres proviennent des chants d’oiseaux. La vive lumière du soleil printanier répand sa douceur sous l’enchevêtrement des branches, et la marche est silencieuse sur le tapis d’herbes luxuriantes. Les rayons du soleil dessinent un tableau mobile de disques ou de rayures dorées sur la verdure de l’herbe, et quelque fleur encore couverte de rosée, frappée en plein fouet par un disque de lumière alors que l’ombre règne tout autour, resplendit comme si ses pétales étaient des pierres précieuses.

Jésus monte vers un escarpement qui s’avance comme un bal­con au-dessus du vide. Il s’y dresse un chêne colossal. Des branches flexibles de mûrier sauvage ou d’églantier, de lierre et de chèvrefeuille manquant de place et de point d’appui sur cette plateforme trop resserrée pour leur exubérante vitalité, se renversent dans le vide comme une chevelure ébouriffée et dénouée, et se tendent dans l’espoir de pouvoir s’accrocher à quelque tuteur.

Voilà Jésus parvenu à la hauteur de l’escarpement. Il se dirige vers la pointe la plus avancée, en écartant l’enchevêtrement des buissons. Une bande d’oiseaux s’enfuient dans un froufrou d’ailes et avec des cris effrayés.

565.2

Jésus s’arrête pour observer l’homme qui l’a précédé là-haut : à plat ventre sur l’herbe, presque au bord du précipice, et, les coudes appuyés au sol, le visage posé sur les mains, il regarde dans le vide, vers Jérusalem. C’est Samuel, l’ancien élève de Jonathas ben Uziel. Il est pensif, il soupire, il hoche la tête…

Jésus secoue des branches pour attirer son attention et, comme sa tentative est vaine, il ramasse dans l’herbe un gros caillou et le fait rouler en bas du sentier.

Le bruit de la pierre, qui rebondit sur la pente, fait sursauter le jeune homme, qui se retourne, l’air supris :

« Qui est là ?

– Moi, Samuel. Tu m’as précédé à l’un de mes endroits préférés de prière, dit Jésus en apparaissant de derrière le tronc puissant du chêne placé à la limite du sentier, et il le fait comme s’il venait d’arriver là.

– Oh ! Maître ! J’en suis désolé… Mais je vais te laisser tout de suite la place ! »

Samuel se lève en hâte et ramasse son manteau, qu’il avait enlevé pour l’étendre sous lui.

« Non, pourquoi ? Il y a de la place pour deux. L’endroit est si beau, ainsi isolé, solitaire, suspendu au-dessus du vide, avec tant de lumière et l’horizon par devant ! Pourquoi veux-tu le quitter ?

– Mais… pour te laisser prier…

– Et ne pouvons-nous pas le faire ensemble, ou même méditer, en parlant, en élevant notre esprit vers Dieu et, sans plus tenir compte des hommes et de leurs défauts, en pensant à Dieu notre Père et le bon Père de tous ceux qui le cherchent et l’aiment avec bonne volonté ? »

Samuel fait un geste de surprise quand Jésus dit : “ sans plus tenir compte des hommes et de leurs défauts… ” mais il ne réplique pas, et retourne à sa place.

565.3

Jésus s’assied à côté de lui sur l’herbe et reprend :

« Installe-toi ici et restons ensemble. Vois comme l’horizon est limpide aujourd’hui. Si nous avions des yeux d’aigles, nous pourrions voir les villages sur les sommets des monts qui entourent comme une couronne Jérusalem. Peut-être même verrions-nous un point resplendissant dans l’air comme une pierre précieuse qui ferait battre notre cœur : les dômes dorés de la Maison de Dieu… Regarde : là se trouve Béthel. On distingue ses maisons blanches, et là-bas, au-delà de Béthel, se trouve Bérot. Quelle fourberie subtile est celle des anciens habitants de l’endroit et de ses environs ! Mais la tromperie a beau n’être jamais une bonne arme, il en est résulté du bien, puisqu’elle les a mis au service du vrai Dieu. Il faut toujours abandonner les honneurs humains pour acquérir la proximité du divin, même si les honneurs humains étaient nombreux et de grande valeur, et la proximité du divin humble et inconnue. N’est-ce pas ?

– Oui, Maître, tu parles bien. C’est exactement ce qui m’est arrivé.

– Mais tu es triste, alors que ton changement devrait te réjouir. Tu es triste, tu souffres, tu t’isoles, tu regardes vers les lieux que tu as quittés. Tu as l’air d’un oiseau prisonnier qui, serré contre les barreaux de sa prison, regarde avec regret le lieu qu’il a aimé. Je ne te dis pas de ne pas le faire : tu es libre. Tu peux t’en aller et…

– Seigneur, Judas t’a peut-être parlé en mal de moi pour que tu t’adresses à moi de cette façon ?

– Non. Judas ne m’a rien dit. Ce n’est pas à moi qu’il a parlé, mais à toi. Et c’est la raison pour laquelle tu es triste et tu t’isoles, pris par le découragement.

– Seigneur, si tu connais cela sans que personne te l’ait relaté, tu sauras aussi que, si je suis triste, ce n’est pas par désir de te quitter, par repentir de m’être converti, par nostalgie du passé… et pas davantage par peur des hommes, cette peur de leurs châtiments que l’on voudrait m’insinuer.

565.4

Je regardais dans cette direction, c’est vrai. Je regardais vers Jérusalem, mais pas poussé par quelque désir d’y retourner — d’y retourner comme j’étais auparavant —. Y retourner comme tout israélite aime à entrer dans la Maison de Dieu et à adorer le Très-Haut, j’en ai certainement le désir, comme nous tous, et je ne crois pas que tu puisses me le reprocher.

– Moi, tout le premier, dans ma double Nature, je désire cet autel, et je voudrais le voir entouré de sainteté comme il convient. En tant que Fils de Dieu, tout ce qui lui rend honneur a pour moi une voix pleine de douceur, et en tant que Fils de l’homme, en tant qu’israélite, et par conséquent Fils de la Loi, je considère le Temple et l’autel comme le lieu le plus sacré d’Israël, celui où notre humanité peut s’approcher du Divin et se parfumer dans l’atmosphère qui entoure le trône de Dieu. Je ne supprime pas la Loi, Samuel. Elle m’est sacrée parce que donnée par mon Père. Je la perfectionne et j’y ajoute des parties nouvelles. Etant le Fils de Dieu, je puis le faire. C’est pour cela que le Père m’a envoyé. Je viens fonder le Temple spirituel de mon Eglise, et contre ce Temple ni hommes ni démons ne prévaudront. Mais les tables de la Loi n’y auront pas qu’une place d’honneur, car elles sont éternelles, parfaites, intouchables. Le “ ne pas faire tel ou tel péché ” ordonné dans ces tables, qui contiennent dans leurs brièveté lapidaire tout ce qu’il faut pour être juste aux yeux de Dieu, n’est pas supprimé par ma parole. Au contraire, je vous répète moi aussi ces dix commandements. Seulement, je vous demande de les observer avec perfection, c’est-à-dire non pas par peur de la colère de Dieu contre ses transgresseurs, mais par amour pour votre Dieu qui est Père. Je viens mettre votre main de fils dans celle de votre Père. Depuis tant de siècles, ces mains sont séparées ! Le châtiment séparait et la Faute aussi. Une fois venu le Rédempteur, voilà que le péché va être annulé. Les barrières tombent, vous êtes de nouveau les enfants de Dieu.

– C’est vrai. Tu es bon et tu réconfortes, toujours. Et tu sais. Je ne te dirai donc pas mon angoisse.

565.5

Mais je te demande : pourquoi les hommes sont-ils si pervers, si fous, si stupides ? Comment, quels procédés ont-ils pour pouvoir si diaboliquement suggérer le mal ? Et nous, comment sommes-nous aveugles au point de ne pas voir la réalité et de croire à leurs mensonges ? Comment pouvons-nous devenir de tels démons, et le rester quand on est près de toi ? Je regardais là-bas, et je pensais… Oui, je pensais aux nombreux ruisseaux de poison qui sortent de là pour troubler les enfants d’Israël. Je me demandais comment la sagesse des rabbis peut s’allier à tant de perversité, qui altère la vérité pour induire en erreur. Je pensais, surtout cela, parce que… »

Samuel, qui avait parlé avec fougue, s’arrête et baisse la tête. Jésus termine la phrase :

« … parce que Judas, mon apôtre, est ce qu’il est ; il me peine, moi, mais aussi ceux qui m’entourent ou viennent à moi, comme tu es venu. Je le sais. Judas essaie de t’éloigner d’ici et t’adresse des insinuations et des railleries…

– Et pas qu’à moi ! Oui, il a empoisonné ma joie d’être entré dans la justice. Il me l’empoisonne avec un tel art que je pense être ici comme un traître pour toi et pour moi. Pour moi, parce que j’ai l’illusion d’être meilleur, alors que je serai cause de ta ruine. En effet, je ne me connais pas encore… et je pourrais, en rencontrant ceux du Temple, renoncer à ma résolution et être… Oh ! si je l’avais fait auparavant, j’aurais eu l’excuse de ne pas te connaître pour ce que tu es, car je savais de toi uniquement ce qu’on me rapportait, pour faire de moi un maudit. Mais si je le faisais maintenant ! Quelle sera la malédiction de celui qui trahira le Fils de Dieu ! C’est pourquoi j’étais ici… pensif, oui. Je me demandais où fuir pour me sauver de moi-même et d’eux. Je pensais fuir en quelque lieu lointain pour me joindre à la Diaspora… Au loin, au loin, pour empêcher le démon de me faire pécher… Il a raison, ton apôtre, de se méfier de moi. Lui me connaît, car il nous connaît tous, en connaissant les chefs… Et il a raison de douter de moi. Quand il insinue : “ Tu ignores donc qu’il nous annonce lui-même que nous serons faibles ? Réfléchis bien : il y a d’un côté nous, les apôtres, qui sommes avec lui depuis si longtemps. De l’autre côté toi, empoisonné comme tu l’es par le vieil Israël, qui viens juste d’arriver, et cela à un moment qui nous fait trembler, tu crois avoir la force de te garder juste ? ” Il a raison de dire cela. »

L’homme, découragé, baisse la tête.

565.6

« Que d’accablement les fils de l’homme savent se causer ! En vérité, Satan sait se servir de cette tendance pour les terroriser tout à fait et les séparer de la Joie qui vient à leur rencontre pour les sauver. Car la tristesse de l’esprit, la peur du lendemain, les préoccupations sont toujours des armes que l’homme remet entre la main de son adversaire. Celui-ci l’effraie avec les fantômes mêmes que l’homme se crée. Certains vont jusqu’à s’allier à Satan pour l’aider à épouvanter leurs frères. Mais, mon fils, n’y a-t-il donc pas un Père dans le Ciel ? Un Père qui pourvoit pour ce brin d’herbe dans cette fissure de la roche — cette fissure remplie de terreau, disposée de telle façon que l’humidité des rosées, en glissant sur la pierre lisse, se recueille dans ce petit sillon, pour que le brin puisse vivre et fleurir avec cette minuscule fleur, dont la beauté n’est pas moins admirable que celle du grand soleil qui resplendit là-haut : l’un et l’autre sont des œuvres parfaites du Créateur. Si donc le Père veille sur ce brin d’herbe poussé sur une roche, pourrait-il ne pas prendre soin de l’un de ses enfants qui veut fermement le servir ? Ah ! en vérité, Dieu ne déçoit pas les “ bons ” désirs de l’homme, car c’est lui-même qui les allume dans votre cœur. Dans sa prévoyance et sa sagesse, c’est lui qui crée les circonstances qui vont favoriser le désir de ses enfants, et non seulement cela, mais aussi redresser et perfectionner un désir de l’honorer qui a pris des voies imparfaites, pour l’amener à prendre le bon chemin. Tu étais parmi ceux-ci. Tu croyais, tu voulais, tu étais convaincu d’honorer Dieu en me persécutant. Le Père a vu que, dans ton cœur, il n’y avait pas de haine pour Dieu, mais une aspiration à lui rendre gloire en retirant du monde Celui que les membres du Sanhédrin t’avaient désigné comme l’ennemi de Dieu et le corrupteur des âmes. Il a donc suscité les circonstances favorables pour exaucer ton désir de rendre gloire à ton Seigneur. Et voilà que tu es parmi nous. Peux-tu imaginer que Dieu t’abandonne, maintenant qu’il t’a amené ici ? C’est seulement si, toi-même, tu l’abandonnes que la force du mal pourra te dominer.

– Je ne souhaite pas cela. Ma volonté est sincère ! proclame Samuel.

– Dans ce cas, de quoi te préoccupes-tu donc ? De la parole d’un homme ? Laisse-le parler. Il pense avec ce qu’il est, or une pensée humaine est toujours imparfaite.

565.7

Mais je vais y pourvoir.

– Je ne voudrais pas que tu lui fasses des reproches. Il me suffit que tu m’assures que je ne pécherai pas.

– Je te l’assure. Il ne t’arrivera rien, parce que tu refuses que cela t’arrive. Car, tu vois, mon fils, il ne te servirait à rien d’aller dans la Diaspora, et même au bout du monde, pour préserver ton âme de la haine envers le Christ et du châtiment mérité. Beaucoup en Israël ne se souilleront pas matériellement du Crime, mais ne seront pas moins coupables que ceux qui me condamneront et exécuteront la sentence. Avec toi, je puis parler de ces choses, car tu sais déjà que tout est disposé dans ce but. Tu connais le nom et la pensée des plus acharnés contre moi. Tu l’as dit : “ Judas nous connaît tous, car il connaît tous les chefs. ” Mais si lui vous connaît, même vous, qui jouez un moindre rôle — vous êtes comme de petites étoiles en face des planètes de grande taille —, vous savez tout autant ce que l’on prépare, comment on s’y prend, qui est à l’œuvre, quels complots on mijote, quels moyens on étudie… Je peux donc parler avec toi. Cela me serait impossible avec les autres… Les autres ne savent pas souffrir et compatir comme moi…

– Maître, mais comment peux-tu, le sachant, être ainsi…

565.8

Mais qui monte par le sentier ? »

Samuel se lève pour regarder. Il s’écrie :

« Judas !

– Oui, c’est moi. On m’a dit que le Maître si est dirigé par ici, mais c’est toi que je trouve ! Je retourne donc sur mes pas pour te laisser à tes pensées. »

Et il émet son petit rire, plus lugubre que la plainte d’une chouette, tant il manque de sincérité.

« Moi aussi, je suis là. On me demande au village ? dit Jésus en apparaissant derrière Samuel.

– Toi ! Tu étais en bonne compagnie, Samuel ! Et toi aussi, Maître…

– Oui, la compagnie d’une personne qui embrasse la justice est toujours bonne. Tu me cherchais pour rester avec moi ? Alors viens. Il y a de la place pour toi, comme pour Jean s’il était avec toi.

– Il est en bas, occupé avec d’autres pèlerins.

– S’il y a des pèlerins, il va me falloir rentrer.

– Non, ils restent toute la journée de demain. Jean est en train de les installer dans nos lits pour leur séjour.

565.9

Il est heureux de le faire. D’ailleurs, tout le réjouit. Vous vous ressemblez vraiment, et je ne sais pas comment vous faites pour être toujours heureux, même pour ce qu’il y a de plus… affligeant.

– C’est cette question que j’allais poser quand tu es arrivé ! s’écrie Samuel.

– Ah oui ! Toi aussi, alors, tu ne te sens pas heureux, et tu t’étonnes que d’autres, dans des conditions encore plus… difficiles que les nôtres, puissent l’être.

– Je ne suis pas malheureux, je ne parle pas pour moi. Mais je me demande de quelle source vient la sérénité du Maître, qui n’ignore pas son avenir, et que pourtant rien ne trouble.

– Mais d’une source céleste ! C’est naturel ! Il est Dieu ! Tu en doutes peut-être ? Un Dieu peut-il souffrir ? Il est au-dessus de la douleur. L’amour du Père est pour lui comme… comme un vin enivrant. Un vin enivrant est pour lui la conviction que ses actes… servent au salut du monde. D’ailleurs… peut-il avoir les réactions physiques que nous, humbles hommes, nous avons ? Cela est contraire au bon sens. Si Adam innocent ne connaissait aucune espèce de douleurs, et ne les aurait jamais connues s’il était resté innocent, Jésus le… super-innocent, la créature… je ne sais comment la qualifier : incréée puisqu’elle est Dieu, ou créée puisqu’elle a des parents… oh ! que de “ questions ” insolubles pour les hommes à venir, mon Maître ! Si Adam fut exempt de la douleur en raison de son innocence, peut-on imaginer que Jésus ait à souffrir ? »

Jésus garde la tête penchée. Il s’est assis de nouveau sur l’herbe. Ses cheveux voilent son visage. Je ne vois donc pas son expression. Samuel et Judas, eux, sont debout et se font face.

Samuel réplique :

« Mais s’il doit être le Rédempteur, il doit réellement souffrir. Tu ne te rappelles pas David et Isaïe ?

– Je me les rappelle, évidemment ! Mais eux, tout en reconnaissant la figure du Rédempteur, ne voyaient pas le secours immatériel que le Rédempteur allait obtenir pour être… disons : torturé, sans ressentir de douleur.

– Et quel secours ? Une créature pourra aimer la souffrance, ou la subir avec résignation, selon sa perfection de justice. Mais elle la sentira toujours. Autrement… si on n’éprouvait rien… ce ne serait pas une souffrance.

– Jésus est Fils de Dieu.

– Mais ce n’est pas un fantôme ! C’est une vraie chair ! La chair souffre si elle est torturée. C’est un homme véritable ! La pensée de l’homme souffre s’il est offensé et si on fait de lui un objet de mépris.

– Son union avec Dieu estompe en lui les sensations humaines. »

565.10

Jésus relève la tête et prend la parole :

« En vérité je te dis, Judas, que je souffre et souffrirai comme tout homme, et plus que tout homme. Mais je peux être heureux malgré cela, de la sainte félicité spirituelle de ceux qui ont obtenu la libération des tristesses de la terre pour avoir embrassé la volonté de Dieu comme leur unique épouse. Si je le peux, c’est parce que j’ai dépassé le concept humain du bonheur, la quête inquiète du bonheur, tel que les hommes se le représentent. Je ne recherche pas ce qui, selon l’homme, constitue le bonheur ; mais je mets ma joie en ce qui est précisément à l’opposé de ce que l’homme poursuit. Ce que l’homme fuit et méprise, parce qu’il le considère comme un fardeau et un mal, représente pour moi ce qu’il y a de plus doux. Je ne regarde pas l’heure, mais les conséquences que l’heure peut créer dans l’éternité. Mon épisode cesse, mais son fruit dure. Ma souffrance a une fin, mais les mérites de cette souffrance n’ont pas de fin. Du reste, que ferais-je d’un moment de “ bonheur ” tel qu’on le considère sur la terre, un moment atteint après une poursuite de plusieurs années, si ensuite ce moment ne pourrait m’accompagner dans l’éternité en tant que joie, et quand j’aurais dû en profiter pour moi seul, sans en faire part à ceux que j’aime ?

– Mais si tu triomphais, une partie de ta félicité nous reviendrait, à nous qui te suivons ! s’écrie Judas.

– Vous ? Qu’êtes vous en comparaison des multitudes passées, présentes et à venir, auxquelles ma souffrance procurera la joie ? Je vois bien au-delà de la félicité terrestre. Je plonge mon regard au-delà, dans le surnaturel. Je vois ma douleur se changer en joie éternelle pour une foule de créatures. Et j’embrasse la souffrance comme la plus grande force pour atteindre la félicité parfaite, qui est celle d’aimer le prochain jusqu’à souffrir pour lui donner la joie. Jusqu’à mourir pour lui.

– Je ne comprends pas cette félicité, déclare Judas.

– Tu n’es pas encore sage, autrement tu la comprendrais.

– Et Jean l’est ? Il est plus ignorant que moi !

– Humainement, oui. Mais il possède la science de l’amour.

– D’accord. Mais je ne crois pas que l’amour empêche les bâtons d’être des bâtons et les pierres d’être des pierres et de faire souffrir les chairs qu’ils frappent. Tu dis toujours que la douleur t’est chère, parce qu’elle est pour toi amour. Mais quand tu seras réellement pris et torturé, si toutefois c’est possible, je ne sais pas si tu auras le même avis. Pense à cela pendant que tu peux fuir la souffrance. Elle sera terrible, tu sais ? Si les hommes peuvent te capturer… ils n’auront pas d’égards pour toi ! »

Jésus le regarde. Il est très pâle. Ses yeux bien ouverts semblent voir, au-delà du visage de Judas, tous les supplices qui l’attendent, et pourtant, malgré leur tristesse, ils restent pleins de douceur et surtout de sérénité : ce sont les yeux limpides d’un innocent en paix. Il répond :

« Je le sais. Je sais même ce que tu ignores. Mais j’espère en la miséricorde de Dieu. Lui, qui est miséricordieux envers les pécheurs, fera preuve de miséricorde à mon égard aussi. Je ne lui demande pas de ne pas souffrir, mais de savoir souffrir.

565.11

Et maintenant, partons. Samuel, précède-nous un peu et avertis Jean que nous serons bientôt au village. »

Samuel s’incline et s’éloigne rapidement.

Jésus commence à descendre. Le sentier est si étroit qu’ils doivent avancer l’un derrière l’autre, mais cela n’empêche pas Judas de parler :

« Tu te fies trop à cet homme, Maître. Je t’ai dit ce qu’il est : des disciples de Jonathas, c’est le plus exalté et le plus facile à rendre exalté. De toutes façons, maintenant, c’est trop tard. Tu t’es livré entre ses mains. C’est un espion près de toi. Et toi, qui plus d’une fois et les autres plus que toi, avez pensé que moi j’en étais un ! Moi, je ne suis pas un espion. »

Jésus s’arrête et se retourne. La douleur et la majesté se fondent dans son visage et dans son regard qui dévisage l’apôtre. Il dit :

« Non, tu n’es pas un espion : tu es un démon. Tu as dérobé au Serpent sa prérogative de séduire et de tromper pour détacher de Dieu. Ton comportement n’est ni pierre ni bâton, mais il me blesse davantage qu’un coup de pierre ou de bâton. Ah ! rien ne contribuera autant à mon atroce souffrance, que ton comportement pour faire subir le martyre au Martyr. »

Jésus se couvre le visage de ses mains, comme pour se cacher l’horreur, puis descend au pas de course le sentier.

Judas crie derrière lui :

« Maître ! Maître ! Pourquoi me fais-tu de la peine ? Cet homme faux t’a certainement raconté des calomnies… Ecoute-moi, Maître ! »

Mais Jésus ne l’écoute pas. Il court, il vole dans la descente. Il passe sans s’arrêter à côté des bûcherons ou des bergers qui le saluent. Il passe, salue, mais ne s’arrête pas. Judas se résigne à se taire…

565.12

Ils sont presque en bas quand ils croisent Jean qui, avec son visage limpide, qu’éclaire son paisible sourire, est en train de monter à leur rencontre. Il tient par la main un petit enfant qui babille en suçant un rayon de miel.

« Maître, me voici ! Ce sont des gens de Césarée de Philippe. Ils ont appris ta présence ici, et ils sont venus. Comme c’est étrange ! Personne n’a parlé, et tout le monde sait où tu es ! Maintenant, ils se reposent. Ils sont très fatigués. Je suis allé me faire donner par Dina du lait et du miel, car il y a un malade. Je l’ai mis dans mon lit. Je n’ai pas peur. Et le petit Hanne a voulu venir avec moi. Ne le touche pas, Maître, il est tout poissé de miel. »

Et le bon Jean rit, lui qui a sur ses vêtements de nombreuses gouttes de miel et des marques de doigts tachés. Il rit en cherchant à retenir le bambin, qui voudrait aller offrir à Jésus son rayon de miel à moitié sucé et qui crie :

« Viens. Il y en a des quantités pour toi !

– Oui. On est en train d’enlever les rayons chez Dina. Je le savais. Ses abeilles ont essaimé depuis peu » explique Jean.

565.13

Ils se remettent en route pour arriver à la première maison où retentit encore le tam-tam dont se servent les apiculteurs, je ne sais pas exactement pour quelle raison. Des grappes d’abeilles — on croirait voir de grosses pignes d’un drôle de raisin — pendent à certaines branches, et des hommes les recueillent pour les porter aux nouvelles ruches. Plus loin, des abeilles qui bourdonnent inlassablement sortent des ruches déjà installées et y rentrent.

Des hommes saluent, et une femme accourt avec de très beaux rayons qu’elle offre à Jésus.

« Pourquoi t’en priver ? Tu en as déjà donné à Jean…

– Mes abeilles ont produit une récolte abondante. Cela ne me gêne pas d’en offrir. Mais bénis les nouveaux essaims. Regarde : ils sont en train de recueillir le dernier. Cette année, nous avons eu deux fois plus de ruches. »

Jésus se dirige vers les minuscules cités des abeilles et les bénit une par une, en levant la main au milieu du bourdonnement des ouvrières qui n’arrêtent pas leur travail.

« Elles sont en fête, et bien agitées. C’est pour elles une demeure nouvelle… remarque un homme.

– Et de nouvelles noces. On dirait vraiment des femmes qui préparent la fête nuptiale, dit un autre.

– Oui, mais les femmes jacassent plus qu’elles ne travaillent. Celles-ci, au contraire, œuvrent en silence, et même les jours de festin de noces. Elles sont sans cesse à la peine pour établir leur royaume et y accumuler leurs richesses, répond un troisième.

– Travailler toujours pour la vertu, c’est permis, c’est même un devoir. Travailler sans arrêt pour le seul profit, non. Ne peuvent le faire que ceux qui ignorent qu’il y a un Dieu, et qu’il faut l’honorer un jour par semaine. Travailler en silence, c’est un mérite que tout le monde devrait apprendre des abeilles, car c’est la condition qui permet d’accomplir une œuvre sainte. Soyez donc comme vos abeilles dans la justice : inlassables et silencieux. Dieu voit. Dieu récompense. Paix à vous » dit Jésus.

565.14

Une fois seul avec ses apôtres, il ajoute :

« Et c’est spécialement aux ouvriers de Dieu que je propose les abeilles comme modèles. Elles déposent dans le secret de la ruche le miel formé en elles par un travail infatigable sur des corolles saines. Leur fatigue n’est même pas visible, tant elles travaillent avec bonne volonté, en voletant de fleur en fleur telles des points d’or, avant d’entrer, chargées de sucs, pour élaborer leur miel dans l’intimité des cellules. Il faudrait savoir les imiter. Choisir les enseignements, les doctrines, les amitiés saines, capables de produire des sucs d’une vertu véritable, et puis savoir s’isoler pour élaborer, à partir de ce que l’on a récolté avec entrain, la vertu, la justice — qui est comme le miel extrait de nombreux éléments sains —, sans oublier la bonne volonté sans laquelle les sucs pris çà et là ne servent à rien. Savoir méditer humblement, dans le fond de notre cœur, sur ce que nous avons vu et entendu de bon, sans être envieux si, à côté des abeilles ouvrières, il y a la reine, c’est-à-dire quelqu’un de plus juste que ne l’est celui qui médite. Toutes les abeilles sont nécessaires dans la ruche, aussi bien les ouvrières que les reines. Malheur si toutes étaient des reines, malheur si toutes étaient des ouvrières. Elles mourraient aussi bien les unes que les autres. Car les reines n’auraient pas de nourriture pour procréer s’il n’y avait pas d’ouvrières, et les ouvrières cesseraient d’exister si les reines ne procréaient pas. N’envions pas les reines. Elles aussi ont leur fatigue et leur pénitence. Elles ne voient le soleil qu’une seule fois, dans l’unique vol nuptial. Avant et après, elles butent sans cesse contre la clôture entre les parois ambrées de la ruche. A chacun son devoir ; or chaque devoir est un choix, et tout choix est une charge en plus d’un honneur. Les ouvrières ne perdent pas leur temps à des vols inutiles ou dangereux sur des fleurs malades et vénéneuses. Elles ne tentent pas l’aventure, elles ne désobéissent pas à leur mission, elles ne se révoltent pas contre la fin pour laquelle elles ont été créées. Quels admirables petits êtres ! Que d’enseignements pour les hommes !… »

Jésus se tait, perdu dans sa méditation.

565.15

Judas se souvient tout à coup qu’il doit aller je ne sais où, et il part en courant. Il reste Jésus et Jean. Sans se faire remarquer, Jean porte sur Jésus un regard attentif, affectueusement angoissé. Jésus lève la tête et se tourne un peu pour rencontrer le regard du Préféré qui le scrute. Son visage s’éclaire alors qu’il l’attire à lui.

Jean, ainsi enlacé, demande tout en marchant :

« Judas t’a encore fait souffrir, n’est-ce pas ? Et il doit avoir troublé aussi Samuel.

– Pourquoi ? Samuel t’en a-t-il parlé ?

– Non. Mais j’ai compris. Il a dit seulement : “ Généralement, en vivant près de quelqu’un qui est vraiment bon, on devient bon. Mais Judas ne l’est pas, bien qu’il vive avec le Maître depuis trois ans. Il est profondément corrompu et la bonté du Christ ne pénètre pas en lui, tant il est rempli de perversité. ” Je n’ai su que dire… car c’est vrai…

565.16

Mais pourquoi Judas est-il ainsi ? Est-il possible qu’il ne change jamais ? Et pourtant… nous avons tous les mêmes enseignements… et quand il est venu parmi nous, il n’était pas pire que nous…

– Mon Jean ! Mon doux enfant ! »

Jésus dépose un baiser sur son front découvert et si pur, et lui murmure dans les cheveux qui se soulèvent blonds et légers :

«Certaines personnes semblent vivre pour détruire le bien qui est en elles. Tu es pêcheur, et tu sais comment réagit la voile quand le tourbillon la presse. Elle s’incline tellement vers l’eau qu’elle pourrait renverser la barque et devenir dangereuse pour elle, de sorte qu’il faut parfois l’abaisser et se passer d’aile pour aller au nid. Car la voile, prise par le tourbillon, n’est plus une aile, mais du lest qui l’entraine au fond, à la mort, au lieu de l’amener à terme. Mais si le souffle féroce du tourbillon s’apaise, ne serait-ce que de courts instants, la voile redevient aussitôt une aile et court rapidement vers le port pour conduire au salut. Il en est ainsi de beaucoup d’âmes. Il suffit que le tourbillon des passions s’apaise pour que l’âme abaissée, et pour ainsi dire submergée par… par ce qui n’est pas bon, recommence à avoir des aspirations vers le Bien.

– Oui, Maître. Mais avec cela… dis-moi… est-ce que Judas arrivera jamais à ton port ?

– Ne me fais pas regarder l’avenir de l’un de mes plus chers apôtres ! J’ai devant moi l’avenir de millions d’âmes pour lesquelles mes souffrances seront vaines… J’ai devant moi toutes les souillures du monde… La nausée me bouleverse. La nausée de tout ce bouillonnement d’abjections qui, à la manière d’un fleuve, couvre la terre et la couvrira, sous des aspects divers, mais toujours horribles pour la Perfection, jusqu’à la fin des siècles. Ne me fais pas regarder cela ! Laisse-moi me désaltérer et me réconforter à une source qui ignore la corruption, afin que j’oublie la pourriture d’un trop grand nombre, en te regardant toi seul, toi qui es ma paix ! »

Et, les yeux dans les yeux, son regard plongé dans les yeux limpides de l’apôtre vierge et affectueux, il lui donne encore un baiser…

565.17

Ils entrent dans la maison. Dans la cuisine se trouve Samuel, qui casse du bois pour épargner à la vieille Marie la fatigue d’allumer le feu.

Jésus s’adresse à la femme :

« Les pèlerins dorment-ils ?

– Je crois que oui. Je n’entends aucun bruit. Je vais maintenant porter de l’eau à leurs montures. Elles sont sous le hangar.

– Je m’en charge, mère. Va plutôt chez Rachel. Elle m’a promis du fromage frais. Dis-lui que je la paierai le jour du sabbat » dit Jean, en empoignant les deux récipients pleins d’eau.

Resté seul avec Samuel, Jésus s’approche de l’homme qui, penché sur le feu, souffle pour allumer la flamme, et il lui pose la main sur l’épaule :

« Judas nous a interrompus là-haut… Je veux te dire que je t’enverrai avec les apôtres le lendemain du sabbat. Peut-être préfères-tu cela…

– Merci, Maître. Je regrette de m’éloigner de toi, mais chez tes apôtres je te retrouve encore ; effectivement, j’aime mieux rester loin de Judas. Je n’osais pas te le demander…

– Parfait, c’est décidé. Et, comme moi, aie pitié de lui. N’en parle ni à Pierre ni à qui que ce soit d’autre…

– Je sais me taire, Maître.

– Plus tard arriveront les disciples, au nombre desquels Hermas et Etienne ainsi qu’Isaac — ce sont deux sages et un juste —, et beaucoup d’autres. Tu te trouveras bien, parmi de vrais frères.

– Oui, Maître. Tu comprends et tu secours. Tu es vraiment le bon Maître »

Et il se penche pour baiser la main de Jésus.

565.1

E ancora è Gesù che, solo e assorto, va lentamente verso il fitto del bosco che è ad ovest di Efraim. Dal torrente sale frusciar d’acque e dalle piante scendono canti d’uccelli. La luce del sole primaverile e vivace è dolce sotto l’intrico dei rami, e silenzioso è il cammino sul tappeto erboso tutto in rigoglio. I raggi solari fanno un mobile tappeto di dischi o di striature dorate sul verde delle erbe, e qualche fiore ancor rugiadoso, colpito in pieno da un dischetto di luce mentre tutto all’intorno è ombra, splende come se i suoi petali fossero scaglie preziose.

Gesù sale, sale verso un greppo che sporge come un balcone sul vuoto sottostante. Un balcone su cui erge una pianta colossale di quercia e dal quale pendono rami flessibili di more selvatiche o di rose canine, edere e vitalbe che, non trovando posto e appoggio sul luogo natio, troppo angusto per la loro esuberante vitalità, si rovesciano nel vuoto come una chioma scapigliata e disciolta, e si tendono sperando di potersi avvinghiare a qualcosa. Ecco Gesù all’altezza del greppo. Si dirige alla sua punta più protesa, scostando l’intrico dei cespugli. Uno stormo di uccellini fuggono via con un frullo e un cinguettio di paura.

565.2

Gesù sosta osservando l’uomo che lo ha preceduto lassù e che, bocconi sull’erba, quasi al limite del greppo, i gomiti puntati al suolo, il volto puntellato sulle mani, guarda nel vuoto, verso Gerusalemme. L’uomo è Samuele, l’ex-allievo di Gionata ben Uziel. È pensieroso. Sospira. Crolla il capo… Gesù scuote dei rami per attirare la sua attenzione e, visto vano il suo tentativo, raccoglie un sasso fra l’erba e lo fa rotolare giù dal sentiero.

Il rumore del sasso, rimbalzante giù per la china, scuote il giovane, che si volta sorpreso dicendo: «Chi è qui?».

«Io, Samuele. Tu mi hai preceduto in uno dei miei luoghi preferiti di preghiera», dice Gesù mostrandosi da dietro il tronco possente della quercia messa al limite del sentierino che conduce là. E lo fa come se fosse arrivato in quel momento.

«Oh! Maestro! Mi spiace… Ma ti lascerò libero subito il posto», dice alzandosi in fretta e raccogliendo il mantello che s’era levato e aveva steso al suolo sotto di sé.

«No. Perché? C’è posto per due. È così bello il luogo! Così isolato, solitario, sospeso nel vuoto, con tanta luce e orizzonte davanti! Perché lo vuoi lasciare?».

«Ma… per lasciarti libero di pregare…».

«E non possiamo farlo insieme, o anche meditare, parlando fra noi, elevando lo spirito in Dio… e dimenticando gli uomini e le loro manchevolezze pensando a Dio, nostro Padre e Padre buono di tutti coloro che lo cercano e amano con buona volontà?».

Samuele ha un atto di sorpresa quando Gesù dice «dimenticare gli uomini e le loro manchevolezze…». Ma non ribatte parola. Si torna a sedere.

565.3

Gesù gli si siede accosto sull’erba e gli dice: «Siedi qui. E stiamo insieme. Guarda come è limpido l’orizzonte oggi. Se avessimo occhi d’aquila, potremmo vedere biancheggiare i paesi che sono sulle cime dei monti che fanno corona a Gerusalemme. E, chissà, forse vedremmo un punto splendente come una gemma nell’aria che ci farebbe battere il cuore: le cupole d’oro della Casa di Dio… Guarda. Là è Betel. Se ne vedono biancheggiare le case, e là, oltre Betel, è Berot. Che acuta furbizia quella degli antichi abitanti del luogo e di quelli vicini! Ma uscì in bene, per quanto l’inganno non sia mai arma buona. Uscì in bene perché li mise al servizio del vero Dio. Conviene sempre perdere gli onori umani per acquistare la vicinanza col divino. Anche se gli onori umani erano molti e di valore, e la vicinanza col divino è umile e sconosciuta. Non è vero?».

«Sì, Maestro, dici bene. Così è accaduto a me».

«Ma tu sei triste, nonostante che il cambio dovrebbe farti felice. Sei triste. Soffri. Ti isoli. Guardi verso i luoghi lasciati. Sembri un uccello captivo che, stretto contro i ferri della sua prigione, guarda con tanto rimpianto verso il luogo dei suoi amori. Io non ti dico di non fare questo. Sei libero. Puoi andare e…».

«Signore, Giuda ti ha forse parlato male di me, che Tu parli così?».

«No. Giuda non mi ha parlato. A Me non ha parlato. Ma a te, sì. E tu sei triste per questo. E ti isoli sconfortato per questo».

«Signore, se Tu sai queste cose senza che nessuno te le abbia dette, saprai anche allora che non è per desiderio di lasciarti, per pentimento di essermi convertito, per nostalgia del passato… e neppure per paura degli uomini, di quella paura dei loro castighi che mi si vorrebbe insinuare, che sono triste.

565.4

Guardavo là. È vero. Guardavo verso Gerusalemme. Ma non per ansia di tornarvi. Dico: tornarvi per quello che ero prima. Perché, di tornarvi come israelita che ama entrare nella Casa di Dio e adorare l’Altissimo, certo è in me ansia, come in tutti noi, né credo che Tu me ne possa rimproverare».

«Io per primo, nella mia duplice Natura, ho desiderio di quell’altare, e vorrei vederlo circondato di santità come si conviene. Come Figlio di Dio, ogni cosa che è a Lui onore ha per Me voce soave, e come Figlio dell’uomo, come Israelita, e perciò Figlio della Legge, vedo il Tempio e l’altare come il luogo più sacro d’Israele, quello nel quale la nostra umanità può accostarsi al Divino e profumarsi dell’aura che circonda il trono di Dio. Io non annullo la Legge, Samuele. Mi è sacra perché data dal Padre mio. La perfeziono e vi metto le parti nuove. Come Figlio di Dio lo posso fare. A questo mi ha mandato il Padre. Vengo per fondare il Tempio spirituale della mia Chiesa, contro il qual Tempio né uomini né demoni non prevarranno. Ma le tavole della Legge non avranno che un posto d’onore in esso. Perché eterne sono, perfette, intoccabili. Il “non fare questo e quel peccato” contenuto in quelle tavole, che contengono nella loro lapidaria brevità quanto necessita per essere giusti agli occhi di Dio, non è annullato dalla mia parola. Anzi! Io pure vi dico quei dieci comandi. Solo vi dico di farli con perfezione, ossia non per paura dell’ira di Dio sui trasgressori, ma per amore al Dio vostro che è Padre. Io vengo a mettere la vostra mano di figli in quella del Padre vostro. Quanti secoli sono che quelle mani sono divise! Il castigo divideva. E la Colpa divideva. Venuto il Redentore, ecco che il peccato è per essere annullato. Cadono le barriere. Voi siete di nuovo i figli di Dio».

«È vero. Tu sei buono e conforti. Sempre. E sai. Non ti dirò perciò il mio affanno.

565.5

Ma ti chiedo: perché gli uomini sono così perversi e folli e stolti? Come, che arti hanno per poterci così diabolicamente suggestionare al male? E noi, come siamo così ciechi da non vedere la realtà e credere così alle menzogne? E come possiamo divenire così demoni? E persistere quando si è vicino a Te? Io guardavo là, e pensavo… Sì. Pensavo a quanti rivoli di tossico escono di là a turbare i figli di Israele. Pensavo come la sapienza dei rabbi può sposarsi a tanta nequizia che altera le cose per trarre in inganno. Pensavo, soprattutto questo, perché…». Samuele, che aveva parlato con foga, si arresta e china il capo.

Gesù termina la frase: «…perché Giuda, mio apostolo, è quale è, e dà dolore a Me e a chi mi circonda o viene a Me come tu sei venuto. Lo so. Giuda tenta di allontanarti di qui e ti fa insinuazioni e scherni…».

«E non a me solo. Sì. Mi avvelena la mia gioia di essere entrato nella giustizia. Me la avvelena con tant’arte che io penso di essere qui come un traditore, di me stesso e di Te. Di me, perché mi illudo di essere migliore mentre sarò causa della tua rovina. Io infatti non mi conosco ancora… e potrei, incontrando quelli del Tempio, cedere nel mio proposito ed essere… Oh! lo avessi fatto allora, avrei avuto la scusante di non conoscerti per quel che sei, perché di Te sapevo ciò che mi si diceva per fare di me un maledetto. Ma se lo facessi ora! Quale maledizione sarà quella del traditore del Figlio di Dio! Io ero qui… Pensieroso, sì. Pensavo dove fuggire per mettermi al sicuro da me stesso e da loro. Pensavo fuggire in qualche luogo lontano, per unirmi a quelli della Diaspora… Via, via, per impedire al demonio di farmi peccare… Egli ha ragione, il tuo apostolo, di diffidare di me. Egli mi conosce. Poiché conosce noi tutti, conoscendo i Capi… E ha ragione di dubitare di me. Quando dice: “Ma non sai che Egli lo dice a noi, che noi saremo deboli? Pensa, noi che siamo gli apostoli e che siamo con Lui da tanto. E tu, appestato come sei del vecchio Israele, appena venuto, e venuto in momenti che fanno tremare noi, credi di avere forza di mantenerti giusto?”, ha ragione». L’uomo, sconfortato, abbassa il capo.

565.6

«Quante tristezze sanno darsi i figli dell’uomo! In verità Satana sa usare di questa loro tendenza per terrorizzarli affatto e separarli dalla Gioia che viene loro incontro per salvarli. Perché la tristezza dello spirito, la paura del domani, le preoccupazioni sono sempre armi che l’uomo mette in mano del suo avversario. Il quale lo spaura con gli stessi fantasmi che l’uomo si crea. E vi sono altri uomini che, in verità, si alleano a Satana per aiutarlo a spaurire i fratelli. Ma, figlio mio, non c’è dunque un Padre in Cielo? Un Padre che, come provvede a questo filo d’erba in questa fessura nella roccia — questa fessura colma di terriccio, fatta in modo che l’umidore delle rugiade, scorrendo sul sasso liscio, si raccolga in quel solco sottile, perché il filo d’erba possa vivere e fiorire con questo fiorellino minuto, che è non meno mirabile di bellezza del gran sole che splende lassù: l’uno e l’altro opera perfetta del Creatore — un Padre che, come ha cura del filo d’erba nato su una roccia, non possa aver cura di un suo figlio che vuole fermamente servirlo? Oh! in verità Dio non delude i buoni desideri dell’uomo. Perché è Lui stesso che li accende nei vostri cuori. È Egli, provvido e sapiente, che crea le circostanze per favorire il desiderio dei suoi figli, non solo, ma per raddrizzare e perfezionare un desiderio di onorarlo, che va per vie imperfette, a desiderio di onorarlo per vie giuste. Tu eri fra questi. Credevi, volevi, eri convinto di onorare Dio perseguitando Me. Il Padre ha visto che nel tuo cuore non era odio a Dio, ma anelito a dar gloria a Dio levando dal mondo Colui che ti avevano detto essere nemico di Dio e corruttore di anime. Ed allora ha creato le circostanze per esaudire il tuo desiderio di dar gloria al tuo Signore. Ed ecco che tu sei ora fra noi. E puoi pensare che Dio ti abbandoni, ora che qui ti ha portato? Solo se tu lo abbandonerai potrà soverchiarti la forza del male».

«Io non voglio questo. È sincera la mia volontà!», proclama l’uomo.

«E allora di che ti preoccupi? Della parola di un uomo? Lascialo dire. Egli pensa col suo pensiero. Pensiero d’uomo è sempre imperfetto.

565.7

Ma provvederò a questo».

«Io non voglio che Tu lo rimproveri. Mi basta che Tu mi assicuri che io non peccherò».

«Te lo assicuro. Non ti accadrà perché tu non vuoi che ti accada. Perché vedi, figlio mio, non ti gioverebbe andare nella Diaspora e anche ai confini della Terra per preservare la tua anima dall’odio verso il Cristo e dal castigo per quest’odio. Molti in Israele materialmente non si macchieranno del Delitto, ma non saranno meno colpevoli di quelli che mi condanneranno ed eseguiranno la sentenza. Con te posso parlare di queste cose. Perché tu sai già che tutto è disposto per questo. Sai i nomi e i pensieri dei più accaniti contro di Me. Lo hai detto: “Giuda tutti ci conosce perché conosce tutti i Capi”. Ma se egli vi conosce, anche voi, minori, perché voi siete come stelle minori vicino ai pianeti maggiori, altrettanto voi sapete ciò che si lavora e come si lavora e chi lavora, e che complotti si fanno, e quali mezzi si studiano… Perciò posso parlare con te. Non lo potrei con gli altri… Ciò che Io so patire e compatire, altri non sanno…».

«Maestro, ma come puoi, sapendo così, essere così…

565.8

Chi sale dal sentiero?». Samuele si alza per vedere. Esclama: «Giuda!».

«Sì. Sono io. Mi hanno detto che era passato di qui il Maestro e invece trovo te. Torno indietro allora, lasciandoti ai tuoi pensieri», e ride con la sua risatina che è più lugubre di un lamento di civetta, tanto è insincera.

«Ci sono anche Io. Mi si vuole al paese?», dice Gesù apparendo dietro le spalle di Samuele.

«Oh! Tu! Allora eri in buona compagnia, Samuele! E anche Tu, Maestro…».

«Sì. È sempre buona la compagnia di uno che abbraccia la giustizia. Volevi Me per stare con Me, allora. E vieni. C’è posto per te come anche per Giovanni, se fosse con te».

«Egli è giù, alle prese con degli altri pellegrini».

«Allora bisognerà che Io vada, se ci sono dei pellegrini».

«No. Si fermano tutto domani. Giovanni li sta sistemando nei nostri letti per la sosta.

565.9

Egli è felice di farlo. Già tutto lo fa felice. Proprio vi assomigliate. E non so come facciate ad esser felici sempre e di tutte le cose più… crucciose».

«La stessa domanda che stavo per fare io quando tu sei venuto!», esclama Samuele.

«Ah! sì! Allora anche tu non ti senti felice e ti stupisci che altri, in condizioni ancor più… difficili delle nostre, possano esserlo».

«Io non sono infelice. Non parlo per me. Ma penso da quali sorgenti venga la serenità del Maestro, che non ignora il suo futuro e che pure non si turba di cosa alcuna».

«Ma dalle sorgenti celesti! È naturale! Egli è Dio! Lo dubiti forse? Può un Dio soffrire? Egli è al disopra del dolore. L’amore del Padre è per Lui come… come un vino inebbriante. E un vino inebbriante gli è la convinzione che le sue azioni… sono la salute del mondo. E poi… Può Egli avere le reazioni fisiche che noi, umili uomini, abbiamo? Ciò è contrario al buon senso. Se Adamo innocente non conosceva il dolore di nessuna specie, né lo avrebbe conosciuto mai se innocente fosse rimasto, Gesù il… Superinnocente, la creatura… non so se dirla increata essendo un Dio, o creata perché ha dei parenti… oh! quanti “perché” insolubili ai futuri, Maestro mio! Se Adamo era esente dal dolore per la sua innocenza, può forse pensarsi che Gesù abbia a soffrire?».

Gesù sta a capo chino. Si è tornato a sedere sull’erba. I capelli gli fanno velo al volto. Non vedo perciò la sua espressione.

Samuele, in piedi, di fronte a Giuda pure in piedi, ribatte: «Ma se deve essere il Redentore, deve realmente soffrire. Non ricordi Davide e Isaia?».

«Li ricordo! Li ricordo! Ma essi, pur vedendo la figura del Redentore, non vedevano l’immateriale ausilio che il Redentore avrebbe avuto per essere… diciamo pure: torturato, senza sentirne dolore».

«E quale? Una creatura potrà amare il dolore, o subirlo con rassegnazione, a seconda della sua perfezione di giustizia. Ma lo sentirà sempre. Altrimenti… se non lo sentisse… non sarebbe dolore».

«Gesù è Figlio di Dio».

«Ma non è un fantasma! È vera Carne! La carne soffre se è torturata. È vero Uomo! Il pensiero dell’uomo soffre se è offeso e fatto oggetto di sprezzo».

«L’unione sua con Dio elimina in Lui queste cose dell’uo­mo».

565.10

Gesù alza la testa e parla: «In verità ti dico, o Giuda, che Io soffro e soffrirò come ogni uomo, e più di ogni uomo. Ma Io posso essere felice ugualmente, della santa e spirituale felicità di coloro che hanno ottenuto la liberazione dalle tristezze della Terra perché hanno abbracciato la volontà di Dio per loro unica sposa. Lo posso perché ho superato il concetto umano della felicità, l’inquietudine della felicità, così come gli uomini se la figurano. Io non inseguo ciò che secondo l’uomo costituisce la felicità; ma metto la mia gioia proprio in ciò che è all’opposto di quel che l’uomo insegue per tale. Quelle che sono cose fuggite e sprezzate dall’uomo, perché sono riputate peso e dolore, rappresentano per Me la cosa più dolce. Io non guardo l’ora. Guardo le conseguenze che l’ora può creare nell’eternità. Il mio episodio cessa, ma il suo frutto dura. Il mio dolore ha termine, ma i valori di quel mio dolore non terminano. E che me ne farei di un’ora del così detto “esser felici” sulla Terra, un’ora raggiunta dopo un inseguimento ad essa di anni e lustri, quando poi quell’ora non potrebbe venire con Me nell’eternità come gaudio, quando l’avessi dovuta godere da Me solo, senza farne parte a quelli che amo?».

«Ma se Tu trionfassi, noi, tuoi seguaci, avremmo parte della tua felicità!», esclama Giuda.

«Voi? E chi siete voi, rispetto alle moltitudini passate, presenti, future, alle quali il mio dolore darà la gioia? Io vedo più in là della felicità terrena. Io spingo lo sguardo oltre essa nel soprannaturale. Vedo il mio dolore mutarsi in gaudio eterno per una moltitudine di creature. E abbraccio il dolore come la più grande forza per raggiungere la felicità perfetta, che è quella di amare il prossimo sino a soffrire per dargli la gioia. Sino a morire per esso».

«Non capisco questa felicità», proclama Giuda.

«Non sei sapiente ancora. Altrimenti la capiresti».

«E Giovanni lo è? È più ignorante di me!».

«Umanamente, sì. Ma possiede la scienza dell’amore».

«Va bene. Ma non credo che l’amore impedisca ai bastoni di essere bastoni e ai sassi di essere sassi e dar dolore alle carni che percuotono. Tu dici sempre che t’è caro il dolore perché è per Te amore. Ma quando realmente sarai preso e torturato, sempre che sia possibile ciò, non so se avrai ancora questo pensiero. Pensaci mentre puoi sfuggire al dolore. Sarà tremendo, sai? Se gli uomini ti potranno prendere… oh! non ti useranno riguardi!».

Gesù lo guarda. È pallidissimo. I suoi occhi, bene aperti, sembrano vedere, oltre il volto di Giuda, tutte le torture che lo aspettano, eppure nella loro mestizia restano miti e dolci, e soprattutto sereni: due limpidi occhi di innocente in pace. Risponde: «Lo so. So anche quello che tu non sai. Ma spero nella misericordia di Dio. Egli, che è misericordioso ai peccatori, userà misericordia anche a Me. Non gli chiedo di non soffrire, ma di saper soffrire.

565.11

Ed ora andiamo. Samuele, precedici di un poco e avverti Giovanni che presto sarò in paese».

Samuele si inchina e se ne va svelto.

Gesù comincia a scendere. Il sentiero è così stretto che devono procedere uno dietro l’altro. Ma questo non impedisce a Giuda di parlare: «Tu ti fidi troppo di quell’uomo, Maestro. Te l’ho detto chi è. È il più esaltato ed esaltabile dei discepoli di Gionata. Già, ormai, è tardi. Ti sei messo nelle sue mani. Egli è una spia ai tuoi fianchi. E Tu, che più di una volta, e più gli altri di Te, avete pensato lo fossi io! Io non sono una spia».

Gesù si ferma e si volta. Dolore e maestà si fondono nel suo viso e nel suo sguardo che fissa l’apostolo. Dice: «No. Non una spia. Sei un demonio. Hai rubato al Serpente la sua prerogativa di sedurre e ingannare per staccare da Dio. Il tuo comportamento non è né sasso né bastone. Ma mi ferisce più di percossa di sasso o bastone. Oh! nel mio atroce patire non ci sarà cosa più grande del tuo comportamento, atta a dare martirio al Martire». Gesù si copre il volto con le mani, come per nascondersi l’orrore, e poi si dà a scendere a corsa per il sentiero.

Giuda gli grida dietro: «Maestro! Maestro! Perché mi addolori? Quel falso ti ha detto certo delle calunnie… Ascoltami, Maestro!».

Gesù non ascolta. Corre, vola giù dai pendii. Passa senza fermarsi presso i boscaioli o i pastori che lo salutano. Passa, saluta, ma non si arresta. Giuda si rassegna a tacere…

565.12

Sono quasi in basso quando incrociano Giovanni che col suo limpido volto, luminoso del suo pacato sorriso, sta salendo verso di loro. Ha per mano un fanciullino che cinguetta succhiando un favo di miele.

«Maestro, eccomi! Sono persone di Cesarea di Filippo. Hanno saputo che sei qui e sono venuti. Ma che strano! Nessuno ha parlato e tutti sanno dove Tu sei! Ora riposano. Sono molto stanchi. Sono andato a farmi dare da Dinà latte e miele, perché c’è un malato. L’ho messo nel mio letto. Io non ho paura. E il piccolo Anna è voluto venire con me. Non lo toccare, Maestro: è tutto appiccicoso di miele», e ride il buon Giovanni che ha già numerose gocce e ditate di miele sulla veste.

Ride cercando di tenere indietro il bambinello, che vorrebbe andare ad offrire a Gesù il suo favo mezzo succhiato e che strilla: «Vieni. Ce ne sono tanti per Te!».

«Sì. Stanno prendendo i favi, là da Dinà. Lo sapevo. Le sue api hanno sciamato da poco», spiega Giovanni.

565.13

Si rimettono in cammino giungendo alla prima casa, dove ancora dura il tam tam che usano gli apicultori, non so per quale esatta ragione. Dei grappoli di api — paiono grosse pigne di una strana uva — pendono da alcuni rami, e degli uomini li raccolgono per portarli ai nuovi alveari. Più là, da alveari già sistemati, escono ed entrano le api instancabili e ronzanti.

Gli uomini salutano e una donna accorre con dei bellissimi favi che offre a Gesù.

«Perché te ne privi? Già ne hai dato a Giovanni…».

«Oh! le mie api hanno dato copioso frutto. Non mi scomoda offrirlo. Però Tu benedici i nuovi sciami. Guarda, stanno raccogliendo l’ultimo. Quest’anno abbiamo avuto un raddoppiar di alveari».

Gesù va verso le minuscole città delle api e una per una le benedice, alzando la mano fra il ronzio delle operaie che non sostano nel loro lavoro.

«Sono tutte in festa e anche tutte in agitazione. Dimora nuova…», dice un uomo.

«E nuove nozze. Sembrano proprio donne che preparino la festa nuziale», dice un altro.

«Sì, ma le donne fanno più chiacchiere che lavoro. Queste, invece, lavorano tacendo e lavorano anche in giorni di festino di nozze. Lavorano sempre per farsi il loro regno e le loro ricchezze», risponde un terzo.

«Lavorare sempre nella virtù è lecito, anzi è doveroso. Lavorare sempre per lucro, no. Lo possono fare solo quelli che non sanno di avere un Dio che va onorato nel suo giorno. Lavorare in silenzio è un merito che si dovrebbe tutti imparare dalle api. Perché nel silenzio si fanno santamente le cose sante. Voi siate come le vostre api nella giustizia. Instancabili e silenziosi. Dio vede. Dio premia. La pace a voi», dice Gesù.

565.14

E rimasto solo coi suoi due apostoli dice: «E specie agli operai di Dio Io propongo a modello le api. Esse depongono nel segreto dell’alveare il miele formato nel loro interno con l’indefesso lavoro su corolle sane. La loro fatica non pare neppur tale, tanto la fanno con buona volontà, volando, punti d’oro, da fiore a fiore, e poi, cariche di succhi, entrando ad elaborare il loro miele nell’intimo delle celluzze. Bisognerebbe saperle imitare. Scegliere insegnamenti, dottrine, amicizie sane, capaci di dare succhi di vera virtù, e poi sapersi isolare per elaborare, da ciò che si è alacremente raccolto, la virtù, la giustizia, che è come il miele tratto da molti elementi sani, non ultima la buona volontà, senza la quale i succhi presi qua e là non servono a nulla. Saper umilmente meditare, nell’interno del cuore, su ciò che abbiamo visto di buono e udito di buono, senza invidie se presso alle api operaie sono le regine, ossia se c’è chi è più giusto di quanto chi medita non sia. Necessarie tutte le api nell’alveare, sia le operaie che le regine. Guai se tutte fossero regine; guai se tutte fossero operaie. Morirebbero tanto queste che quelle. Perché le regine non avrebbero cibo per procreare se mancassero le operaie, e le operaie cesserebbero d’essere se le regine non procreassero. E non invidiare le regine. Hanno anche esse la loro fatica e la loro penitenza. Non vedono il sole che una volta, nell’unico volo nuziale. Prima e dopo, è solo e sempre la clausura fra le pareti ambrate dell’alveare. Ognuno ha il suo compito, e ogni compito è un’elezione, e ogni elezione è un onere oltre che un onore. E le operaie non perdono tempo in voli vani o in voli pericolosi su fiori malati e velenosi. Non tentano l’avventura. Non disubbidiscono alla loro missione, non si ribellano al fine per cui sono state create. Oh! mirabili piccoli esseri! Quanto insegnate agli uomini!…». Gesù tace perdendosi in un suo meditare.

565.15

Giuda si sovviene di colpo di dover andare non so dove e va via quasi di corsa. Restano Gesù e Giovanni. E Giovanni guarda Gesù senza farsene scorgere. Uno sguardo attento, di amoroso affanno. Gesù alza il capo e si volge un poco incontrando lo sguardo del Prediletto che lo studia. Il suo volto si rischiara mentre lo attira a Sé.

Giovanni, abbracciato così, nell’andare chiede: «Giuda ti ha dato dell’altro dolore, non è vero? E deve aver turbato anche Samuele».

«Perché? Te ne ha parlato?».

«No. Ma ho capito. Ha detto soltanto: “Generalmente a convivere presso uno veramente buono si diventa buoni. Ma Giuda non lo è, nonostante viva con il Maestro da tre anni. È corrotto nel suo profondo, e la bontà del Cristo non penetra in lui tanto è pieno di malvagità”. Io non ho saputo che dire… perché è vero…

565.16

Ma perché è così Giuda? Possibile che non cambi mai? Eppure… abbiamo tutti le stesse lezioni… e quando è venuto fra noi non era peggiore di noi…».

«Mio Giovanni! Mio dolce fanciullo!». Gesù lo bacia sulla fronte, così aperta e pura, e gli mormora fra i capelli che si sollevano biondi e leggeri al sommo di essa: «Vi sono creature che paiono vivere per distruggere il bene che è in loro. Tu sei pescatore e sai come faccia la vela quando la preme il turbine. Tanto si abbassa verso l’acqua da rovesciare quasi la barca e divenir pericolo alla stessa, di modo che alle volte occorre calarla e non aver più ala verso il nido, perché la vela, presa dal turbine, non è più ala ma zavorra che conduce al fondo, alla morte anziché alla salvezza. Ma se il feroce soffio del turbine si placa, fosse pure per brevi istanti, ecco che la vela subito torna ala e corre veloce verso il porto portando a salvezza. Così di molte anime. Basta che il turbine delle passioni si plachi perché l’anima piegata, e quasi sommersa dal… da ciò che non è buono, torni ad avere aneliti verso il Bene».

«Sì, Maestro. Ma con ciò… dimmi… giungerà mai, Giuda, al tuo porto?».

«Oh! non mi far guardare il futuro di uno fra i miei più cari! Ho davanti il futuro di milioni di anime per le quali sarà inutile il mio dolore!… Ho davanti tutte le brutture del mondo… La nausea mi sconvolge. La nausea di tutto questo ribollire di cose immonde, che come un fiume copre la Terra e la coprirà, con aspetti diversi, ma sempre orrendi per la Perfezione, sino alla fine dei secoli. Non mi far guardare! Lascia che Io mi disseti e mi conforti ad una polla che non sa di corruzione, e che dimentichi il marciume verminoso di troppi guardando te solo, mia pace!», e lo bacia ancora fra ciglio e ciglio, sprofondando lo sguardo nel limpido occhio del vergine e amoroso…

565.17

Entrano in casa. Nella cucina è Samuele che spezza le legna per risparmiare alla vecchia la fatica di accendere il fuoco.

Gesù si volge alla donna: «Dormono i pellegrini?».

«Credo che sì. Non sento alcun rumore. Ora porto quest’acqua alle cavalcature. Sono sotto alla legnaia».

«Faccio io, madre. Piuttosto tu va’ da Rachele. Mi ha promesso del formaggio fresco. Dille che lo pagherò il sabato», dice Giovanni caricandosi di due mastelli colmi d’acqua.

Restano soli Gesù e Samuele. Gesù va vicino all’uomo, che curvo sul fuoco soffia per fare accendere la fiamma, e gli posa la mano sulla spalla dicendo: «Giuda ci ha interrotti lassù… Voglio dirti che ti manderò coi miei apostoli il dì dopo il sabato. Forse lo preferisci…».

«Grazie, Maestro. Mi spiace perdere la tua vicinanza. Ma nei tuoi apostoli ritrovo ancora Te. E preferisco, sì, stare lontano da Giuda. Non osavo chiedertelo…».

«Va bene. È stabilito. E abbi pietà, per lui. Come l’ho Io. E non dire a Pietro né ad alcuno…».

«So tacere, Maestro».

«Dopo verranno i discepoli. Là c’è Erma e Stefano, e c’è Isacco, due sapienti e un giusto, e tanti altri. Ti troverai bene. Tra fratelli veri».

«Sì, Maestro. Tu comprendi e soccorri. Tu sei veramente il Maestro buono», e si china a baciare la mano di Gesù.