174.1
C’est une matinée splendide où la pureté de l’air est encore plus vive qu’à l’ordinaire. Ce qui est éloigné paraît plus proche et on croit voir les choses à travers une loupe qui en révèle clairement les moindres détails. La foule se dispose à écouter le Maître.
De jour en jour, la nature embellit et se drape dans le vêtement opulent du cœur du printemps qui, en Palestine, me semble se situer exactement entre mars et avril, après quoi il prend déjà un aspect estival, avec les moissons mûres et les frondaisons touffues et bien fournies.
Actuellement, ce n’est qu’une fleur. Du haut de la montagne qui, d’elle-même, s’est revêtue de fleurs même aux endroits qui s’y prêtent le moins, on aperçoit la plaine et la houle de ses blés encore souples que le vent fait ondoyer en vagues d’un vert glauque à peine teinté d’or pâle à la cime des épis qui forment leurs grains au milieu de leur barbe. Au-dessus des moissons qui ondulent sous une brise légère, se dressent les arbres fruitiers vêtus de pétales. On dirait autant de gigantesques houppes de poudre ou bien des boules de gaze blanche, ou d’un rose soit très léger soit plus soutenu, ou encore rouge vif. Recueillis dans leurs vêtements d’ascètes pénitents, les oliviers prient, et leur prière se transforme en une neige, encore incertaine, de petites fleurs blanches.
L’Hermon a une cime d’albâtre rose que le soleil caresse et d’où descendent deux fils de diamant – d’ici, on dirait des fils –. Le soleil y suscite un scintillement presque irréel, puis ils disparaissent sous les galeries vertes des bois et on ne les voit plus que dans les vallées, où ils forment des cours d’eau qui se dirigent sûrement vers le lac de Mérom, invisible d’ici. Ils en ressortent avec les belles eaux du Jourdain pour ensuite plonger de nouveau dans le saphir clair de la mer de Galilée qui n’est qu’un scintillement d’éclats précieux dont le soleil tient lieu de chatons et de flammes. On dirait que les voiles qui défilent sur ce miroir, tranquille et resplendissant dans son cadre de jardins et de campagnes merveilleuses, sont guidées par les nuages légers qui sillonnent cette autre mer qu’est le ciel.
La création est vraiment riante en cette journée de printemps et à cette heure matinale.