524.1
Ils sont tous rassemblés dans une pièce vaste et nue. Elle a sûrement dû être belle auparavant, mais ce n’est plus aujourd’hui qu’un grand local. Ils ont apporté des sièges et des lits pris dans les salles à manger ou dans les chambres à coucher, et se sont tous assis autour du Maître qu’ils ont installé sur une sorte de fauteuil tout en bois sculpté couvert d’un tapis de haute lice. C’est le meuble le plus luxueux de la maison.
Zachée parle d’un domaine acheté avec l’argent recueilli entre eux :
« Il nous fallait bien faire quelque chose ! L’oisiveté n’est pas un bon remède pour ne pas pécher. C’est une terre encore peu fertile car elle avait été négligée, comme nous, et comme nous elle était pleine de ronces, de pierres, de lieux arides et d’herbes nuisibles. Nikê nous a prêté ses serviteurs paysans pour nous apprendre comment dégager les puits négligés, nettoyer les champs, tailler les rares arbres qu’il y avait et en planter de jeunes. Nous avions bien des acquis… mais pas les saints labeurs de l’homme. Mais dans ce travail, si nouveau pour nous, nous trouvons vraiment une vie nouvelle. Rien ne rappelle le passé autour de nous, si ce n’est notre conscience, mais c’est une bénédiction… Nous sommes des pécheurs… Viendras-tu le voir ?
– Nous sortirons ensemble d’ici pour nous diriger vers le Jourdain, et je m’arrêterai à cet endroit. Tu me dis qu’il se trouve justement sur la route du fleuve ?
– Oui, Maître, mais c’est en mauvais état. La maison tombe en ruines, et elle est vide de meubles. Nous n’avions pas d’argent pour tout… après avoir, dans la mesure du possible, réparé nos manquements au prochain. Ceux-ci se contentent du foin, sauf Démétès, Valens et Lévi, qui sont trop âgés pour certaines privations et qui dorment ici, Seigneur.
– Bien des fois, je n’ai pas même cela. Je dormirai sur le foin, moi aussi, Zachée. J’y ai passé mes premiers sommeils et ils étaient doux, car l’amour les veillait. Je peux y dormir encore cette fois, et mon sommeil ne sera pas tourmenté, car je serai parmi des hommes qui ont retrouvé la bonne volonté. »
Et il dévisage, d’un regard qui est une caresse, ces prémices des rachetés de tous pays. Eux aussi le regardent… Ce ne sont pas des hommes qui ont les larmes faciles. Qui sait même combien de personnes ils ont fait pleurer ! Leurs visages sont autant de livres sur lequel est écrit leur passé malheureux, et si maintenant leur nouvelle vie voile la brutalité de ces paroles, on peut cependant encore assez les déchiffrer pour permettre de voir de quels gouffres ils remontent vers la lumière. Et pourtant ces visages s’éclairent, s’illuminent, leurs regards prennent de l’assurance, une lueur d’espérance surnaturelle, de satisfaction morale y brille quand ils entendent le Maître leur dire qu’ils sont revenus à la bonne volonté.