105.1
Le soir descend sous un crépuscule rougeoyant qui, tel un feu qui s’éteint, devient toujours plus sombre jusqu’à prendre une couleur rubis violet. Une teinte splendide, rare, colore le couchant et s’estompe lentement jusqu’à s’évanouir dans le cobalt sombre du ciel, là où l’orient s’avance de plus en plus avec ses étoiles et le croissant de la lune qui arrive déjà à son second quartier. Les agriculteurs se hâtent de regagner leurs logis, où les foyers allumés répandent dans l’air des volutes de fumée au-dessus des basses maisons de Nazareth.
Jésus va arriver en ville et, contrairement à ce que les autres désireraient, il veut que personne n’aille prévenir sa Mère.
« Il n’arrivera rien. Pourquoi l’inquiéter d’avance ? » dit-il.
Le voici déjà au milieu des maisons. Ici un salut, là des chuchotements dans son dos, quelque grossier haussement d’épaules ou encore une porte qui claque quand passe le groupe des apôtres…
La mimique de Pierre est un vrai poème, mais les autres aussi sont un peu inquiets. Les fils d’Alphée ressemblent à deux condamnés. Ils avancent, tête basse, aux côtés de Jésus, mais en observant tout, et de temps à autre ils échangent des regards effrayés, pleins d’appréhension pour Jésus. Mais lui, comme si de rien n’était, répond aux salutations avec son amabilité coutumière et se penche pour caresser les enfants qui, dans leur simplicité, ne prennent pas parti pour celui-ci ou celui-là, et sont des amis indéfectibles de leur Jésus, toujours si affectueux avec eux.
L’un d’eux – un petit bout de chou gros et gras, qui doit avoir quatre ans tout au plus – court à sa rencontre en lâchant la robe de sa mère. Il lui tend ses petits bras en disant :
« Prends-moi ! »
Lorsque Jésus l’attrape pour lui faire plaisir, il l’embrasse de sa bouche toute barbouillée par une figue qu’il suce, puis il pousse son amour jusqu’à offrir à Jésus un morceau de figue en disant :
« Prends ! C’est bon ! »
Jésus accepte son cadeau et rit de recevoir la becquée de cet homme en herbe.