The Writings of Maria Valtorta

254. La rencontre de Syntica, esclave grecque, et l’arrivée à Césarée Maritime.

254. The meeting with Syntyche, the Greek slave.

254.1

Je ne vois pas la ville de Dora. Le soleil va se coucher. Les voyageurs sont en marche vers Césarée… Mais je n’ai pas vu leur halte à Dora. C’était peut-être une escale sans rien de notable à signaler. La mer semble embrasée tant elle reflète sur ses eaux calmes la couleur rouge du ciel, un rouge presque irréel par son intensité. On dirait qu’on a répandu du sang sur la voûte du firmament. Il fait encore chaud, bien que l’air marin rende cette chaleur supportable. Ils longent toujours le bord de mer pour fuir l’ardeur du terrain sec. Beaucoup ont même enlevé tout bonnement leurs sandales et relevé leurs vêtements pour entrer dans l’eau.

Pierre déclare :

« S’il n’y avait pas les femmes, je me mettrais tout nu et je m’enforcerais dans la mer jusqu’au cou. »

Mais il doit en sortir, car Marie-Madeleine, qui était à l’avant avec les autres, revient en arrière et dit :

« Maître, je connais bien ces parages. Tu vois l’endroit où la mer montre une ligne jaune au milieu de ses eaux bleues? Là se jette un cours d’eau toujours alimenté, même en été. Il faut pouvoir le franchir…

– Nous en avons tant franchi ! Ce ne sera pas le Nil ! Celui-ci aussi, nous le franchirons, dit Pierre.

– Ce n’est pas le Nil, mais dans ses eaux et sur ses rives il y a des animaux aquatiques qui peuvent nuire. Il ne faut pas passer sans précautions, ni déchaussés pour éviter des blessures.

– De quoi s’agit-il donc ? De Léviathans[1] ?

– Tu as raison, Simon. Ce sont bien des crocodiles, petits, c’est vrai, mais capables de t’empêcher de marcher pendant un bon moment.

– Et qu’est-ce qu’ils font là ?

– Ils y ont été amenés pour le culte, je crois, depuis l’époque où les phéniciens dominaient le pays. Et ils y sont restés, en devenant de plus en plus petits, mais pas moins agressifs pour autant, en passant des temples à la vase du cours d’eau. Ce sont maintenant de gros lézards, mais avec de ces dents ! Les romains viennent ici pour des parties de chasse et des divertissements variés… J’y suis venue moi aussi avec eux. Tout est bon pour… tuer le temps. Et puis leurs peaux sont très belles et servent à différents usages. Permettez-moi donc de vous guider grâce à mon expérience des lieux.

– Bon. J’aimerais les voir… dit Pierre.

– Peut-être en verrons-nous quelques-uns, bien qu’ils soient presque exterminés, tellement on les chasse. »

254.2

La troupe quitte la rive et se dirige vers l’intérieur, jusqu’à ce qu’elle trouve une grand-route à mi-chemin entre les collines et la mer. Ils arrivent bientôt à un pont très arqué – une robuste construction sans doute romaine – jeté sur un petit fleuve dont le lit est plutôt large, mais où il coule peu d’eau, et seulement au milieu du lit. Là où il n’y pas d’eau, on voit des joncs et des roseaux, à demi brûlés par la chaleur de l’été, mais qui forment en d’autres saisons des îles minuscules au milieu de l’eau. Sur les rives, il y a des buissons et des arbres touffus.

Bien que les voyageurs fouillent tout du regard, ils ne voient aucun animal et plusieurs en sont déçus. Mais, au moment où ils vont finir de passer le pont, dont l’arc unique est très haut, peut-être pour ne pas être recouvert par les eaux en temps de crue, Marthe pousse un cri aigu et s’enfuit en arrière, terrorisée. Un très gros lézard – il ne semble pas que ce soit autre chose, mais avec la tête clas­sique de crocodile –, se trouve en travers de la route et fait semblant de dormir.

« Mais n’aie pas peur ! » crie Marie-Madeleine. « Quand ils sont là, ils ne sont pas dangereux. Le danger, c’est quand ils sont cachés et que l’on passe dessus sans les voir. »

Mais Marthe reste prudemment en arrière, Suzanne aussi ne s’en amuse pas… Marie, femme d’Alphée[2], est plus courageuse et, tout en restant prudente, elle reste près de ses fils. Elle va de l’avant et regarde. Les apôtres, eux, n’ont pas vraiment peur et ils regardent en faisant des commentaires sur cette bête désagréable qui daigne tourner lentement la tête pour se faire voir aussi par devant. Puis elle fait mine de bouger et semble vouloir se diriger vers ceux qui la dérangent. Autre cri de Marthe qui s’enfuit plus en arrière, imitée aussi maintenant par Suzanne et Marie, femme de Cléophas. Mais Marie-Madeleine ramasse un caillou et le lance sur la bête. Celle-ci, frappée au flanc, dévale la grève et s’enfonce dans l’eau.

« Avance, peureuse. Il n’y est plus » dit-elle à sa sœur.

Les femmes se rapprochent.

« C’est une bien sale bête, commente Pierre.

254.3

– Est-il vrai, Maître, qu’autrefois on leur donnait en nourriture des victimes humaines ? demande Judas.

– Le crocodile était considéré comme un animal sacré. Il représentait un dieu et, de même que nous consommons le sacrifice offert à notre Dieu, eux, les pauvres idolâtres, le faisaient avec les pratiques et les erreurs que leur condition comportait.

– Mais maintenant, c’est fini ? demande Suzanne.

– Je crois qu’il n’est pas impossible que cela se pratique dans des contrées idolâtres, dit Jean d’En-Dor.

– Mon Dieu ! Mais ils les donnent morts, au moins ?

– Non, ils les donnent vivants, si cela se fait encore. Des jeunes filles, des enfants, en général. Ce qu’il y a de mieux dans le peuple. C’est du moins ce que j’ai lu, répond toujours Jean aux femmes qui regardent de tous côtés, effrayées.

– Moi, je mourrais de peur si je devais en approcher, dit Marthe.

– Vraiment ? Mais cela n’est rien, femme, à côté du vrai crocodile. Il est au moins trois fois plus long et plus gros.

– Et plus affamé aussi : celui-là était rassasié de couleuvres ou de lapins sauvages.

– Miséricorde ! Des couleuvres aussi ! Mais où nous as-tu amenés, Seigneur ! » gémit Marthe.

Elle est si effrayée que tout le monde se laisse irrésistiblement gagner par l’hilarité.

Hermastée, qui avait gardé le silence, dit :

« N’ayez aucune crainte. Il suffit de faire beaucoup de bruit et tous s’enfuient. Je m’y connais. J’ai été plusieurs fois en Basse-Egypte. »

On se remet en marche en battant des mains ou en frappant sur les troncs d’arbres. Le passage dangereux est franchi.

Marthe s’est placée près de Jésus et demande souvent :

« Mais il n’y en aura vraiment plus ? »

Jésus la regarde et secoue la tête en souriant, mais il la rassure :

« La plaine de Saron n’est que beauté, et désormais nous y sommes. Mais en vérité, aujourd’hui les femmes disciples m’ont réservé des surprises ! Je ne sais vraiment pas pourquoi tu es si peureuse.

– Je ne le sais pas moi-même. Mais tout ce qui rampe me terrorise. Il me semble sentir sur moi le froid de ces corps, certainement gelés et visqueux. Et je me demande aussi pourquoi ils existent. Ils sont nécessaires ?

– Cela, il faudrait le demander à Celui qui les a faits. Mais tu peux être sûre que, s’il les a créés, c’est signe qu’ils sont utiles, ne serait ce que pour faire briller l’héroïsme de Marthe, dit Jésus avec un fin scintillement dans les yeux.

– Oh, Seigneur ! Tu plaisantes et tu as raison, mais, moi, j’ai peur et je ne me vaincrai jamais.

– Nous verrons cela…

254.4

Qu’est-ce qui remue là-bas, dans ces buissons ? » dit Jésus en dressant la tête et en regardant devant, vers un enchevêtrement de ronces et d’autres plantes, dont les longs branches montent à l’assaut d’une haie de figuiers d’Inde, qui sont plus en arrière avec leurs palettes aussi dures que les branches des autres plantes sont flexibles.

« Un autre crocodile, Seigneur ? » gémit Marthe, terrorisée.

Mais le bruit augmente et il sort de là un visage humain, de femme. Elle regarde et voit tous ces hommes ; elle se demande si elle va fuir à travers la campagne ou se cacher dans la galerie sauvage. Mais la première idée l’emporte et elle s’enfuit en poussant un cri.

« Lépreuse ? Folle ? Possédée ? » se demandent-ils, perplexes.

Mais la femme revient sur ses pas parce qu’un char romain arrive de Césarée, qui est déjà très proche. La femme semble prise au piège comme un rat. Elle ne sait où aller car Jésus et ses disciples sont maintenant près du buisson qui lui servait de refuge et elle ne peut y retourner, et elle ne veut pas aller vers le char… Dans les premières brumes du soir – car la nuit tombe rapidement après un puissant crépuscule –, on voit qu’elle est jeune et gracieuse, bien qu’échevelée et portant des vêtements déchirés.

« Femme ! Viens ici ! » ordonne impérieusement Jésus.

La femme tend les bras en suppliant :

« Ne me fais pas de mal !

– Viens ici. Qui es-tu ? Je ne te ferai aucun mal. »

Jésus lui parle si doucement qu’il la persuade. La femme s’avance, courbée, et elle se jette par terre en disant :

« Qui que tu sois, aie pitié. Tue-moi, mais ne me livre pas au maître. Je suis une esclave fugitive…

– Qui était ton maître ? Et toi, d’où es-tu ? Tu n’es sûrement pas juive. Ton accent l’indique, tout comme ton vêtement.

– Je suis grecque. L’esclave grecque de… Oh, pitié ! Cachez-moi ! Le char va arriver… »

Ils forment tous un groupe autour de la malheureuse qui se pelotonne par terre. Le vêtement déchiré par les ronces laisse voir les épaules sillonnées de coups et marquées de griffures. Le char passe sans qu’aucun de ses occupants ne manifeste le moindre intérêt pour le groupe arrêté près de la haie.

« Ils sont passés. Parle. Si nous le pouvons, nous allons t’aider, dit Jésus en posant la pointe des doigts sur sa chevelure défaite.

254.5

– Je suis Syntica, l’esclave grecque d’un noble romain de la suite du Proconsul.

– Mais alors tu es l’esclave de Valérien ! S’écrie Marie de Magdala.

– Ah ! Pitié, pitié ! Ne me dénonce pas à lui, supplie la malheureuse.

– Ne crains rien. Je ne parlerai jamais plus à Valérien » répond Marie-Madeleine.

Et elle explique à Jésus :

« C’est un des romains les plus riches et les plus dégoûtants que nous ayons ici. Et il est aussi cruel que débauché.

– Pourquoi t’es-tu enfuie ? demande Jésus.

– Parce que j’ai une âme. Je ne suis pas une marchandise. (la femme s’enhardit, en voyant qu’elle a trouvé des gens qui ont pitié d’elle). Je ne suis pas une marchandise. Lui, il m’a achetée, c’est vrai. Mais il peut avoir acheté ma personne pour décorer sa maison, pour que j’égaie ses heures par la lecture, pour que je le serve. Mais rien d’autre. Mon âme m’appartient ! Ce n’est pas une chose qu’on achète. Mais il la voulait aussi.

– Comment sais-tu que tu as une âme ?

– Je ne suis pas illettrée, Seigneur. Butin de guerre dès mon plus jeune âge, mais pas plébéienne. C’est mon troisième maître et c’est un faune répugnante. Mais il me reste les paroles de nos philosophes. Et je sais qu’il n’y a pas que la chair en nous. Il y a quelque chose d’immortel enfermé en nous, quelque chose qui n’a pas de nom précis pour nous. Mais ce nom, je le sais depuis peu. Il est passé un jour un homme à Césarée. Il faisait des prodiges et parlait mieux que Socrate et que Platon. On en a beaucoup parlé, dans les thermes et dans les tricliniums, ou dans les péristyles dorés, souillant son auguste nom en le prononçant dans les salles d’immondes orgies. Et mon maître a voulu que, justement moi qui déjà pressentais qu’il y avait quelque chose d’immortel qui n’appartient qu’à Dieu et ne s’achète pas comme une marchandise sur un marché d’esclaves, je relise les œuvres des philosophes pour les comparer et chercher s’ils mentionnaient cette chose ignorée que l’homme venu à Césarée a nommé : “ âme ”. C’est à moi qu’il a fait lire cela ! A moi qu’il voulait asservir à sa sensualité ! C’est ainsi que j’ai appris que cette chose immortelle, c’est l’âme. Et pendant que Valérien et ses pareils écoutaient ma voix et, entre une éructation et un bâillement, essayaient de comprendre, de comparer et de discuter, moi je rassemblais leurs discours, rapprochant les paroles de l’Inconnu de celles des philosophes et je me les mettais ici, en concevant une dignité toujours plus forte pour repousser sa passion… il m’a battue à mort, il y a quelques soirs, parce que je l’ai repoussé avec mes dents… et je me suis enfuie le jour suivant… Cela fait cinq jours que je vis dans ces buissons, cueillant la nuit des mûres et des figues d’Inde. Mais on finira par me prendre. Il me cherche sûrement. Il m’a achetée trop cher et je plais trop à ses sens pour qu’il me laisse partir… Aie pitié !

254.6

Tu es hébreux et tu sais sûrement où il se trouve. Je te demande de me conduire à l’Inconnu qui parle aux esclaves et qui parle de l’âme. On m’a dit qu’il est pauvre. Je souffrirai la faim, mais je veux être auprès de lui pour qu’il m’instruise et me relève. On s’abrutit à force de vivre avec des brutes, même si on leur résiste. Je veux revenir à la possession de ma dignité morale.

– Cet homme, l’Inconnu que tu cherches, est devant toi.

– Toi ? O Dieu inconnu de l’Acropole, salut ! »

Elle se courbe, front à terre.

« Tu ne peux rester ici, mais moi, je vais à Césarée.

– Ne m’abandonne pas, Seigneur !

– Je ne t’abandonne pas… Je réfléchis.

– Maître, notre char nous attend certainement à l’endroit convenu. Envoie quelqu’un pour prévenir. Dans le char, elle sera aussi en sécurité que chez nous, conseille Marie de Magdala.

– Oh, oui, Seigneur ! Auprès de nous, à la place du vieil Ismaël. Nous l’instruirons sur toi. Elle sera arrachée au paganisme, supplie Marthe.

– Veux-tu venir avec nous ? demande Jésus.

– Avec n’importe lequel de tes disciples, pourvu que je ne sois plus avec cet homme. Mais… mais, ici il y a une femme qui m’a dit qu’elle le connaissait ? Ne me trahira-t-elle pas ? Ne viendra-t-il pas des romains chez elle ? Ne…

– N’aie pas peur. A Béthanie, il ne vient pas de romains, surtout de cette espèce, dit Marie-Madeleine pour la rassurer.

– Simon et Simon-Pierre, allez chercher le char. Nous vous attendons ici. Nous entrerons dans la ville plus tard » ordonne Jésus.

254.7

… Quand le lourd char couvert s’annonce par le bruit des sabots et des roues et par la lanterne qui pend du toit, ceux qui attendaient se lèvent du côté de la route, où ils doivent avoir dîné, et s’avancent à sa rencontre.

Le char s’arrête en cahotant sur le bord du chemin en mauvaix état ; Pierre et Jean en descendent, immédiatement suivis d’une femme âgée qui court embrasser Marie-Madeleine en disant :

« Je ne veux pas attendre un seul instant pour te dire que je suis heureuse, pour te dire que ta mère se réjouit avec moi, pour te dire que tu es redevenue la blonde rose de notre maison, comme quand tu dormais dans ton berceau après avoir sucé mon sein ! » et elle n’en finit plus de l’embrasser.

Marie pleure dans ses bras.

« Femme, je te confie cette jeune femme et je te demande le sacrifice d’attendre ici toute la nuit. Demain, tu pourras aller au premier village sur la route consulaire et nous y attendre. Nous viendrons avant l’heure de tierce, dit Jésus à la nourrice.

– Que tout soit comme tu veux, béni que tu es ! Permets-moi seulement de donner à Marie les vêtements que je lui ai apportés. »

Elle remonte dans le char avec la Vierge Marie, Marie-Madeleine et Marthe. Quand elles en sortent, Marie-Madeleine est telle que nous la verrons toujours par la suite : elle porte un vêtement simple, un fin voile de lin très ample et un manteau sans ornements.

« Va, Syntica, et sois tranquille. Demain, nous viendrons nous aussi. Adieu » dit Jésus en la saluant. Et il reprend la route de Césarée…

254.8

La promenade du bord de mer fourmille de gens qui se promènent à la lueur des torches ou de lanternes portées par des esclaves et y respirent l’air qui vient de la mer et rafraîchit grandement les poumons fatigués par la chaleur étouffante de l’été. Ces promeneurs appartiennent à la classe des riches romains. Les juifs sont dans leurs maisons et prennent le frais sur les terrasses. Le bord de mer ressemble à un très vaste salon à l’heure des visites. S’y promener implique d’y être littéralement examiné dans les moindres détails. C’est pourtant par là que passe Jésus… malgré la longueur de la promenade, et sans se soucier de ceux qui l’observent, font des commentaires ou se moquent.

« Maître, toi ici ? A cette heure-ci ? » demande Lydia, assise sur une sorte de fauteuil, ou de divan, porté par des esclaves sur le bord du chemin. Elle se lève.

« Je viens de Dora et je me suis attardé. Je suis à la recherche d’un logement.

– Je te dirais bien : voici ma maison » et elle lui indique un bel édifice derrière elle. « Mais je ne sais si…

– Non. Je te remercie, mais je n’accepte pas. J’ai avec moi une nombreuse compagnie et deux sont déjà allés de l’avant avertir des personnes que je connais. Je crois qu’elles m’accorderont l’hospitalité. »

254.9

Les yeux de Lydia se posent aussi sur les femmes que Jésus lui a montrées avec les disciples, et elle reconnaît aussitôt Marie-Madeleine.

« Marie ? Toi ? Mais alors, c’est vrai ? »

Marie de Magdala a le regard torturé d’une gazelle aux abois. Et elle a raison, car ce n’est pas seulement Lydia qu’elle doit affronter, mais de nombreuses personnes qui la dévisagent… Mais elle regarde aussi Jésus et prend courage.

« C’est vrai.

– Alors, nous t’avons perdue !

– Non, vous m’avez trouvée. Du moins, j’espère vous retrouver un jour et avec une meilleure amitié sur le chemin que j’ai finalement rejoint. Dis-le, je t’en prie, à tous ceux qui me connaissent. Adieu, Lydia. Oublie tout le mal que tu m’as vu faire, je t’en demande pardon…

– Mais, Marie ! Pourquoi te dénigres-tu ? Nous avons mené la même vie de riches et de désœuvrés, et il n’y a pas…

– Non. J’ai mené une plus mauvaise vie. Mais j’en suis sortie. Et pour toujours.

– Je te salue, Lydia » abrège le Seigneur.

Il se dirige vers son cousin Jude qui vient vers lui avec Thomas. Lydia retient encore un instant Marie-Madeleine :

« Mais dis-moi la vérité, maintenant que nous sommes entre nous : es-tu vraiment convaincue ?

– Pas seulement convaincue : heureuse d’être disciple. Je n’ai qu’un regret : ne pas avoir connu plus tôt la Lumière et, au lieu de m’en être nourrie, d’avoir mangé de la fange. Adieu, Lydia. »

La réponse résonne avec netteté dans le silence qui s’est fait autour des deux femmes. De toute la nombreuse assistance, plus personne ne dit mot… Marie fait demi-tour et cherche à re­joindre rapidement le Maître.

Mais un jeune homme lui coupe la route : « C’est ta dernière folie ? » dit-il et il veut l’embrasser.

Mais, à moitié ivre comme il l’est, il n’y parvient pas, et Marie lui échappe en lui criant :

« Non, c’est mon unique sagesse. »

Elle rejoint ses compagnes, voilées comme des musulmanes, tant il leur répugne d’être vues par ces gens vicieux.

« Marie, dit Marthe toute anxieuse, tu as beaucoup souffert ?

– Non. Et il a raison, désormais je ne souffrirai jamais plus de cela. C’est lui qui a raison… »

Tout le monde tourne dans une ruelle obscure pour entrer ensuite dans une vaste maison, certainement une auberge, pour la nuit.

254.1

I do not see the town of Dora. The sun is setting and the pilgrims are moving towards Caesarea. But I did not see the stop at Dora. Perhaps it was a simple stop, without anything special to be noted. The sea seems to be on fire, as in its calm it reflects the red of the sky so much, so deep a red that it looks unreal. Blood seems to have been shed on the vault of heaven. It is still warm notwithstanding the sea air makes the heat bearable. They are walking along the sea all the time, to avoid the fierce heat of the dry earth, and many of them have taken off their sandals and pulled up their garments to paddle in the water.

Peter states: «If the women disciples were not here, I would strip myself and go in up to my neck.»

But he has to come out even from where he is, because the Magdalene, who was ahead with the other women, comes back and says: «Master, I am familiar with this area. Can You see that yellow strip in the blue sea over there? A river flows into the sea there, also in summer, as it is a perennial one. And one must be careful in crossing it…»

«We have crossed so many. It is surely not the Nile! We will cross this one as well» says Peter.

«It is not the Nile. But in the water and on its banks there are dangerous water animals. You cannot cross it carelessly or barefooted, if you do not want to be wounded.»

«Oh! What are they? Leviathans[1]

«You are right, Simon. They are in fact crocodiles. Small ones, that is true, but capable of maiming you for a while»

«How did they come to be here?»

«I think they were brought there for religious rites of the Phoenician era. And they have remained there, they have become smaller, but no less aggressive, and from the temples have passed into the sludge of the river. They are now large lizards, with vicious teeth! The Romans come here hunting and to amuse themselves in various ways. I have come with them, too. Everything helps to… occupy the time. Their skin is lovely and is used for many articles. Allow me therefore to be your guide, in view of my experience.»

«Alright. I would like to see them…» says Peter.

«We may see some, although they have almost all been destroyed, they are hunted so much.»

254.2

They depart from the shore and turn inland, until they find a main road, half way between the hills and the sea and they soon reach an ogival bridge, thrown across a little river, the bed of which is rather wide, but the scanty water flows only in its centre. Where there is no water there are reeds and bog-grass, now almost parched by the summer heat, but in other seasons they perhaps form tiny islands in the water. The banks instead are covered with thick bushes and trees.

Although they look very carefully, they can see no animal, and many of them are disappointed. But when they are near the end of the bridge the only arch of which is very high, so that it may not be submerged by water in the period of floods – it is a very strong construction probably built by the Romans – Martha gives a very shrill scream and runs back terrified. A very big lizard, that is all it is, but with the typical head of a crocodile, is lying across the road, feigning sleep.

«Don’t be afraid!» shouts the Magdalene. «When they are like that, they are not dangerous. The trouble is when they are hidden and you put your foot on them without seeing them.»

But Martha remains prudently behind. Susanna also is frightened… Mary of Alphaeus is prudent but more brave and walking close to her sons, she advances and looks. The apostles are not afraid and they look making comments on the ugly animal, which deigns to turn around its head slowly, so that its face can be seen. It then moves and seems to be wanting to come towards those who have disturbed it. Another scream from Martha who runs farther back imitated also by Susanna and Mary Clopas. But Mary of Magdala picks up a stone, throws it at the lizard which, hit on one side runs down the gravel bed and sinks into the mud.

«Come forward, you fearful woman. It’s no longer here» she says to her sister. The women come together.

«It is really ugly» comments Peter.

254.3

«Is it true, Master, that once they fed them with human victims?» asks the Iscariot.

«It was considered a sacred animal, it represented a god, and as we offer sacrifices to our God, so the poor idolaters did it in the forms and with the errors becoming their condition.»

«But not now?» asks Susanna.

«I think that it is still possible that it might be done in idolatrous countries» says John of Endor.

«My God! But they will give them dead, eh?»

«No. If they give them, they give them alive. Generally girls or boys. The choice of the population. At least that is what I read» replies John once again to the women who look around frightened.

«I would die of fear if I had to go near one» says Martha.

«Really? But these ones are nothing compared with real crocodiles. They are at least three times as long and large.»

«And they are famished, too. This one was certainly replete with water snakes or wild rabbits.»

«Mercy! Water snakes, too! My Lord, where have You brought us?» moans Martha, who is so frightened that she makes everybody laugh.

Ermasteus, who has always been quiet, says: «Do not be afraid. It is enough to make a lot of noise to make them flee. I know because I have been to low Egypt many times.»

They set out clapping their hands or beating tree trunks. And the dangerous spot is left behind.

Martha has gone near Jesus and she often asks Him: «Will there be any more?»

Jesus looks at her, shakes His head, but reassures her: «The Saron plain is nothing but beauty, and we are now there. But the women disciples have really surprised me today. I do not really know why you are so fearful.»

«I do not know myself. But anything that creeps terrorizes me. I seem to feel the cold of their bodies on me, which are certainly cold and slimy. And I wonder why they exist. Are they necessary?»

«You should ask Him Who made them. But you may be sure that if He made them, it means that they are useful. At least to make Martha’s heroism shine» says Jesus, His eyes shining wittily.

«Oh! Lord. You are joking and You are right. But I am afraid and I will never be able to control myself.»

«We shall see about that…

254.4

But what is moving in those bushes over there?» says Jesus raising His head and looking straight in front of Him, at a tangled mass of bramble and other plants with long branches climbing towards an embankment of Indian figs, growing farther back with their leaves, which are as rigid as the climbing branches are flexible.

«Another crocodile, Lord?!…» moans Martha, who is terrified once again.

The rustling of the branches increases and the head of a woman appears. She looks. When she sees so many men, she is uncertain whether to flee to the country or withdraw back into the wild tunnel. The former alternative prevails and she runs away screaming.

«A leper?» «A mad woman?» «A woman possessed?» they ask perplexed.

The woman comes back because a Roman wagon is arriving from Caesarea and is already near. The woman looks like a mouse in a trap. She does not know where to go, because Jesus and His group of people are near the thicket where she was sheltered, and thus she cannot go back to it, and she does not want to go towards the Roman wagon… In the evening dusk, as night falls fast after a powerful sunset, it is possible to see that she is young and pretty although her garments are torn and she is unkempt.

«Woman! Come here!» commands Jesus peremptorily.

The woman stretches out her arms imploring: «Do not hurt me!»

«Come here. Who are you? I will do you no harm» and He says so, so kindly that He persuades her.

The woman moves forward with her head lowered and she throws herself on the ground saying: «Whoever You are, have mercy on me. Kill me but do not hand me back to my master. I am a fugitive slave…»

«Who was your master? And where are you from? You are certainly not Hebrew. It is obvious from your way of speaking and from your garments.»

«I am Greek. The Greek slave of… Oh! mercy! Hide me! The wagon is about to arrive…»

They all form a group around the poor wretch curled up on the ground. Her dress torn by thorns shows her shoulders streaked with lashes and covered with scratches. The wagon passes by without any of its passengers paying attention to the group standing near the hedge.

«They have gone by, speak now. We will help you if we can» says Jesus laying the tips of His fingers on her ruffled hair.

254.5

«I am Syntyche, the Greek slave of a noble Roman of the Proconsul’s suite.»

«So you are the slave of Valerian!» exclaims Mary of Magdala.

«Ah! Have mercy! Don’t denounce me to him» implores the unhappy woman.

«Do not be afraid. I will never speak to Valerian again» replies the Magdalene. And she informs Jesus: «He is one of the richest and filthiest Romans we have here. And he is as cruel as he is filthy.»

«Why did you run away?» asks Jesus.

«Because I have a soul. I am not merchandise… (the woman takes heart when she realises she has come across compassionate people). I am not merchandise. He bought me. That is true. But he may have bought my person to embellish his house, that I may brighten up his time by reading for him, that I may serve him. But nothing else. My soul is mine! It cannot be bought. But he wanted that as well.»

«How do you know there is a soul?»

«I am not illiterate, Lord. I was a prey of war since my youth. But I was not plebeian. This was my third master and a dirty faun. But I remember the words of our philosophers. And I know that we are not made only of flesh. There is something immortal enclosed within us. Something which has no precise name for us. But I recently learned its name. One day a man came from Caesarea, he worked miracles and spoke better than Socrates and Plato. They discussed him very much, in thermal baths, in triclinia, or in gilt peristyles, contaminating his august Name by mentioning it in the halls of foul orgies. And I, just I who already felt I had something immortal that belongs only to God and cannot be purchased as merchandise at slave markets, was ordered by my master to read the works of philosophers to compare them and find out whether this unknown thing, that the Man from Caesarea had called “soul”, was described in them. He made me read that! I whom he wanted to enslave to his sensuality! I thus found out that this immortal thing is the soul. And while Valerian and his like were listening to my voice, and belching and yawning he endeavoured to understand, compare and discuss, I linked their conversation, referring the words of the Unknown Man, with the words of the philosophers and I kept them here, in my heart, and my dignity became stronger and stronger to reject his lustfulness… Some evenings ago he beat me to death because I rejected him, biting him with my teeth… and I ran away the following day… I have lived in that thicket for five days, picking blackberries and Indian figs at night. But I will end up by being caught. He is certainly looking for me. I cost a lot of money and his sensuality craves too much for me to leave me alone… Have mercy on me!

254.6

You are an Israelite and you certainly know where he is, I ask you to take me to the Unknown Man who speaks to slaves and speaks of souls. They told me that he is poor. I will starve, but I want to be near him that he may teach me and elevate me. It is brutalising to live with brutes, even if one resists them. I want to possess my moral dignity once again.»

«That man, The Unknown One, Whom you are looking for, is in front of you.»

«You? O unknown God of the Acropolis, Hail!» and she bows her forehead to the ground.

«You cannot remain here. But I am going to Caesarea…»

«Do not leave me, Lord!»

«I will not leave you… I think…»

«Master, our wagon is certainly at the appointed place, waiting for us. Send for it. She will be as safe in the wagon as she would be in our house» suggests Mary of Magdala.

«Oh! yes, Lord! Send her to us, in the place of old Ishmael. We will teach her Your doctrine. She will be torn from paganism» begs Martha.

«Do you want to come with us?» asks Jesus.

«With any of Your friends, providing I am no longer with that man. But… but a woman here said that she knows him. Will she betray me? Will any Romans go to her house? No…»

«Be not afraid. Romans do not come to Bethany, above all Romans of the kind» replies the Magdalene reassuring her.

«Simon and Simon Peter, go and look for the wagon. We shall wait for you here. We shall go to town afterwards» orders Jesus.

254.7

…When the noise of the hooves and of the wheels and the lamp hanging from its roof announce the arrival of the heavy closed wagon, those waiting for it come up from the river bank, where they certainly had their evening meal, and come on to the road. The wagon comes jolting to a stop on the edge of the rough road and Peter and Simon get off it. They are immediately followed by an elderly woman who runs to embrace the Magdalene saying: «I did not want to delay one moment to tell you that I am so happy, to tell you that your mother is rejoicing with me, to tell you that you are once again the fair rose of our house, as when you used to sleep in the cradle after I had suckled you» and she kisses her many times.

Mary weeps in her arms.

«Woman I entrust this young woman to you and I ask you to make the sacrifice of waiting here all night. Tomorrow you will be able to go to the first village on the consular road and wait there. We shall come by the third hour» Jesus says to the nurse.

«Everything as You wish, may You be blessed! Just let me give Mary the clothes I brought her.» And she climbs on to the wagon with the Most Holy Virgin, Martha and Mary. When they come out the Magdalene is dressed as we shall always see her in future: a plain dress, a wide thin linen cloth as a veil and a mantle without any ornament.

«You may go peacefully, Syntyche. We shall be coming tomorrow as well. Goodbye» says Jesus greeting her. And He takes to the road again towards Caesarea…

254.8

The sea-front is crowded with people walking in the light of torches or lanterns carried by slaves, breathing the air coming from the sea, which is a relief to their lungs tired of the summer sultriness. The ones walking are mainly rich Romans. The Jews are closed in their houses and enjoy the fresh air on their terraces. The sea-front looks like a very long parlour during visits. To pass there means to be examined closely in every detail. And Jesus passes just there… for the whole length of the promenade, ignoring those who watch Him, make comments or deride Him.

«Master, You are here? At this time?» asks Lydia, who is sitting on a kind of armchair, or little bed, which slaves have brought for her to the edge of the road. And she stands up.

«I am coming from Dora and I am late. I am looking for lodgings.»

«I would say to You: here is my house» and she points at a beautiful building behind her. «But I do not know whether…»

«No. Thank you. I cannot accept. I have many people with Me and two have already gone ahead of us to inform some people I know. I think they will give us hospitality.»

254.9

Lydia’s eyes rest also on the women and the disciples at whom Jesus pointed, and she immediately recognises the Magdalene.

«Mary? It’s you? So it’s true?»

Mary’s eyes are like those of a surrounded gazelle: she is tortured. And she is justified because Lydia is not the only one she has to face, as many more look at her… But she also looks at Jesus and plucks up courage again.

«It is true.»

«So we have lost you!»

«No. You have found me. At least I hope to find you again one day, and in a better friendship, on the road that at long last I have found. Please tell all those who know me. Goodbye, Lydia. Forget all the evil you saw me do, I ask you to forgive me…»

«Mary! Why are you lowering yourself? We have led the same life, the life of rich idle people, and there is no…»

«No. No, my life was worse. But I have come out of it. And forever.»

«Goodbye, Lydia» the Lord cuts short and He moves towards His cousin Judas who is coming towards Him with Thomas.

Lydia keeps the Magdalene back for another moment. «Tell me the truth, now that we are alone: are you really convinced?»

«Not convinced: happy to be a disciple. I regret one thing only: that I did not meet the Light before and that I have been feeding on filth instead of being nourished by it. Goodbye, Lydia.»

Her reply sounds clear in the silence enveloping the two women. None of the many people present speak anymore… Mary turns around and makes haste to reach the Master.

A young man stands on her way: «Is that your last foolish action?» he says, and tries to embrace her. But half drunk as he is, he is not successful, and Mary evades him shouting: «No, it is my only wise one.» She reaches her companions who are completely covered with their veils, such is their disgust to be seen by those vicious people.

«Mary» says Martha anxiously «did you suffer much?»

«No, and He is right, I will never suffer again because of that. He is right…»

They all turn into a narrow dark street and enter a large house, certainly a hotel, for the night.


Notes

  1. Léviathan, le monstre marin, symbole des puissances du mal, dont il est fait mention en Jb 3, 8 ; 40, 25-32 ; 41 ; Ps 74, 14 ; 104, 26 ; Is 27, 1. Dans le livre de Job, il est identifié au crocodile, comme nous le verrons en 398.3.
  2. Marie, femme d’Alphée, sera de plus en plus appelée “ femme de Cléophas ”, comme en Jn 19,25.

Notes

  1. Leviathans, a marine monster, symbol of the powers of evil, mentioned in Job 3:8; 40:25-32; Psalm 74:14; 104:26; Isaiah 27:1. In the book of Job it is identified with the crocodile, a hint of which will be found in 398.3.