The Writings of Maria Valtorta

381. La parabole de l’intendant infidèle mais avisé.

381. The parable of the unfaithful and cunning steward.

381.1

Une grande foule attend le Maître, éparpillée tout en bas des flancs d’un mont presque isolé. Il émerge d’un carrefour de vallées qui l’entourent et d’où ses pentes surgissent, ou plutôt bondissent, escarpées, abruptes, quelquefois vraiment à pic. Pour arriver au sommet, un raidillon taillé dans la roche calcaire érafle à certains endroits les parois en faisant des lacets et se trouve parfois pris entre la rampe de la montagne et un précipice. Ce sentier rocailleux, d’une couleur jaunâtre qui tire sur le rouge, a l’air d’un ruban jeté dans la verdure poussiéreuse de buissons bas et épineux. Je dirais que les feuilles sont elles-mêmes des piquants qui recouvrent les pentes arides et pierreuses, fleurissant çà et là en une fleur vivace rouge-violet semblable à un panache ou à un flocon de soie arraché aux vêtements de quelque malheureux passé par cette ronceraie. Ce revêtement tourmenté fait de pointes épineuses, d’un vert glauque, triste comme s’il était couvert d’une cendre impalpable, se répand par bandes jusqu’au pied de la montagne et sur le plateau entre ce mont et d’autres monts, tant au nord-ouest qu’au sud-est, alternant avec les premiers emplacements où il y a de l’herbe véritable et de véritables arbustes qui ne soient pas torture et inutilité.

Les gens sont cantonnés là, attendant patiemment la venue du Seigneur. Ce doit être le lendemain du discours aux apôtres, car la matinée est fraîche et la rosée n’est pas encore évaporée sur toutes les plantes. C’est surtout le cas à l’ombre, où elle embellit épines et feuilles, et change en gouttes de diamant les étranges fleurs des arbustes épineux. C’est certainement l’heure de beauté de cette triste montagne : aux autres heures, sous le soleil impitoyable ou dans les nuits de lune, elle doit avoir l’aspect horrible d’un lieu d’expiation infernale.

A l’est, on aperçoit une riche et grande ville dans une plaine très fertile. On ne voit pas autre chose de cette côte encore basse où se trouvent les pèlerins, mais au sommet l’œil doit jouir d’une vue incomparable sur les régions voisines. Je crois que l’altitude de la montagne doit permettre à l’horizon de s’étendre jusqu’à la Mer Morte et aux régions à l’est, comme aussi jusqu’aux chaînes de la Samarie et à celles qui cachent Jérusalem, mais je ne suis pas montée au sommet, donc…

Les apôtres circulent dans la foule et essaient de la tenir tranquille, en bon ordre, et de placer les malades aux meilleurs endroits. Ils sont aidés par des disciples, peut-être ceux qui travaillent dans la région et qui avaient conduit près de la frontière de la Judée les pèlerins désireux d’entendre le Maître.

381.2

Jésus apparaît tout à coup, portant un vêtement de lin blanc, et enveloppé de son manteau rouge pour concilier la chaleur des heures ensoleillées avec la fraîcheur des nuits qui ne sont pas encore des nuits d’été. Il regarde, sans être vu, les gens qui l’attendent et sourit. Il semble arriver par derrière le mont de faible altitude qui est à l’ouest, et il descend rapidement par le sentier difficile.

C’est un enfant qui l’aperçoit le premier. Peut-être a-t-il suivi un vol d’oiseaux qui se sont envolés des buissons, effrayés par une pierre qui a roulé d’en haut, ou peut-être Jésus a-t-il attiré son regard. A sa vue, il crie en sautant sur ses pieds :

« Le Seigneur ! »

Tous se retournent et voient Jésus qui est maintenant à peu de distance, deux cents mètres au maximum. Ils s’apprêtent à courir vers lui, mais il fait un geste et de sa voix qui arrive nettement, peut-être renforcée par l’écho de la montagne, il dit :

« Restez là où vous êtes. »

Et, toujours souriant, il descend vers ceux qui l’attendent, en s’arrêtant au point le plus élevé du plateau. De là, il salue :

« Paix à tous ! »

Puis, avec un sourire particulier, il répète cette salutation aux apôtres et aux disciples qui se serrent autour de lui.

Jésus est d’une beauté radieuse. Avec le soleil qui éclaire son visage et la pente verdâtre de la montagne derrière lui, on dirait une vision de rêve. Les heures passées dans la solitude, quelques faits ignorés de nous, peut-être un débordement sur lui des caresses du Père, je ne sais quoi, accentuent sa beauté toujours parfaite, la rendent glorieuse et imposante, paisible, sereine, je dirais même joyeuse. Il fait penser à un homme qui revient d’un rendez-vous d’amour et en porte avec lui la gaieté dans tout son aspect, dans son sourire, dans son regard. Ici, le reflet de cette rencontre d’amour, qui est divine, se communique à l’extérieur. C’est mille fois ce qu’on voit après le rendez-vous d’un pauvre amour humain. C’est une vision fulgurante. Elle subjugue l’assistance : frappés d’admiration, ils le contemplent en silence, comme s’ils étaient intimidés par l’intuition d’un mystère d’union du Très-Haut avec son Verbe… C’est un secret, une heure surnaturelle d’amour entre le Père et le Fils. Personne ne la connaîtra jamais. Mais le Fils en conserve l’empreinte comme si, après avoir été le Verbe du Père tel qu’il est au Ciel, il avait du mal à redevenir le Fils de l’homme. L’infini, la sublimité a du mal à redevenir “ l’Homme ”. La divinité déborde, explose, irradie de l’humanité comme une huile suave d’un vase d’argile poreux ou la lumière venant d’une fournaise à travers un voile de verre translucide.

Jésus baisse ses yeux rayonnants, incline son visage bienheureux, cache son prodigieux sourire en se penchant sur les malades qu’il caresse et guérit, et qui regardent avec étonnement ce visage de soleil et d’amour penché sur leur misère pour leur donner de la joie. Mais il doit enfin lever la tête et montrer aux foules ce qu’est le visage du Pacifique, du Saint, du Dieu fait chair, encore tout enveloppé de la luminosité laissée par l’extase. Il répète :

« Paix à vous. »

Même sa voix est plus musicale que d’ordinaire, elle fait entendre des notes douces et triomphales… Puissante, elle se répand sur les auditeurs muets, recherche les cœurs, les caresse, les touche, les convie à l’amour.

Une bande de pharisiens, secs et revêches, plus épineux et hostiles que la montagne elle-même, se tient debout dans un coin comme des statues de l’incompréhension et de la hargne. Un autre groupe, habillé de blanc, s’est placé de côté et écoute du haut d’un talus : j’entends Barthélemy et Judas indiquer qu’il s’agit d’esséniens et Pierre murmurer :

« Cela fait un poulailler d’éperviers en plus ! »

Ces deux groupes exceptés, tout le monde est fort ému.

« Oh ! laisse-les faire. Le Verbe est pour tous ! » dit Jésus à son Pierre avec un sourire, en faisant allusion aux esséniens.

381.3

Puis il se met à parler.

« Ce serait beau si l’homme était parfait comme le veut le Père des Cieux : parfait dans toutes ses pensées, ses affections, ses actes. Mais l’homme ne sait pas l’être. Il utilise mal les dons de Dieu, qui a accordé à l’homme la liberté d’agir, mais en lui demandant de faire ce qui est bien, en lui conseillant ce qui est irréprochable pour que l’homme ne puisse pas dire : “ Je ne savais pas. ”

Comment l’homme se sert-il de la liberté que Dieu lui a accordée ? Comme le ferait un enfant pour la plus grande partie de l’humanité, et comme un inconscient, ou comme un criminel pour le reste de l’humanité. Mais ensuite vient la mort, et l’homme est soumis au Juge qui lui demandera sévèrement : “ Comment as-tu usé et abusé de ce que je t’ai donné ? ” Terrible question ! les biens de la terre, pour lesquels si souvent l’homme se rend pécheur, paraîtront alors moins que rien ! Pauvre d’une indigence éternelle, dépouillé d’un vêtement que rien ne peut remplacer, il se tiendra humilié et tremblant devant la Majesté du Seigneur, et il ne trouvera pas de mot pour se justifier. Car s’il est aisé, sur terre, de se justifier en trompant les pauvres hommes, au Ciel, c’est impossible. On ne peut tromper Dieu. Et Dieu ne s’abaisse pas à des compromis. Jamais.

Dans ce cas, comment se sauver ? Comment faire pour que tout serve au salut, même ce qui est venu de la Corruption ? C’est elle qui a appris à voir des instruments de richesse dans les métaux précieux et les joyaux, et qui a allumé les désirs de puissance et les appétits charnels. L’homme, riche ou pauvre, pourra-t-il jamais se sauver, lui qui, si pauvre qu’il soit, peut toujours pécher en désirant immodérément l’or, les honneurs et les femmes et devient même parfois voleur pour obtenir ce que le riche possédait ? Si, il le peut. Et comment ? En faisant servir l’abondance au Bien, en faisant servir la misère au Bien. Le pauvre qui n’envie pas, qui n’insulte pas, qui ne porte pas atteinte à ce qui appartient à autrui, mais se contente de ce qu’il a, utilise son humble état pour obtenir sa future sainteté. En vérité, la plupart des pauvres savent agir ainsi. Les riches y arrivent moins souvent, car pour eux la richesse est un piège continuel de Satan, de la triple concupiscence.

381.4

Mais écoutez une parabole, et vous verrez que les riches eux aussi peuvent se sauver en dépit de leur fortune, ou réparer leurs erreurs passées en faisant bon usage de leurs biens, même s’ils ont été mal acquis. Car Dieu, le Très-Bon, laisse toujours à ses enfants de nombreux moyens de se sauver.

Il y avait donc un riche qui avait un intendant. Certains, qui étaient ses ennemis parce qu’ils enviaient sa bonne situation, ou bien très amis du riche et par conséquent soucieux de son bien-être, accusèrent l’intendant devant son maître.

“ Il dissipe tes biens. Il se les approprie, ou bien il néglige de les faire fructifier. Fais attention ! Défends-toi ! ”

Après avoir entendu ces accusations réitérées, le riche ordonna à l’intendant de comparaître devant lui. Il lui dit :

“ On m’a rapporté à ton sujet telle et telle chose. Pourquoi donc as-tu agi de cette façon ? Rends-moi compte de ta gestion, car je ne te permets plus de t’en occuper. Je ne puis me fier à toi, et je ne peux donner un exemple d’injustice et de laisser-faire qui encouragerait mes autres serviteurs à agir comme tu l’as fait. Va et reviens demain avec toutes les écritures, pour que je les examine afin de me rendre compte de l’état de mes biens avant de les confier à un nouvel intendant. ”

Et il renvoya l’homme, qui partit, très soucieux, et qui réfléchit :

“ Que vais-je faire, maintenant que le maître me retire ma charge ? Je n’ai pas d’économies parce que, persuadé comme je l’étais de me tirer d’affaire, je dépensais tout ce que je prenais. M’embaucher comme paysan sous l’autorité d’un maître, c’est inenvisageable pour moi, car je ne suis plus habitué au travail et la bonne chère m’a alourdi. Demander l’aumône, cela me va encore moins. C’est trop humiliant ! Que faire ? ”

En réfléchissant longuement, il trouva un moyen de sortir de sa pénible situation. Il dit :

“ J’ai trouvé ! De la même façon que je me suis assuré jusqu’à présent une existence confortable, désormais je vais m’assurer des amis qui me recevront par reconnaissance lorsque je n’aurai plus l’intendance. Celui qui rend service a toujours des amis. Allons donc rendre service, pour qu’on en fasse autant à mon égard, et allons-y tout de suite, avant que la nouvelle ne se répande et qu’il ne soit trop tard. ”

Il alla trouver plusieurs débiteurs de son maître, et dit au premier :

“ Combien dois-tu à mon maître pour la somme qu’il t’a prêtée il y a trois ans, au printemps ? ”

L’autre répondit :

“ Cent barils d’huile pour la somme et les intérêts. ”

“ Oh ! mon pauvre ! Toi qui as tant d’enfants, dont certains sont malades, devoir verser un tel montant ? Mais ne t’a-t-il pas prêté la valeur de trente barils ? ”

“ Si. Mais j’étais dans un besoin pressant, et il m’a dit : ‘ Je te le prête, mais à condition que tu me rembourses ce que cette somme te rapportera en trois ans. ’ Elle m’a rapporté une valeur de cent barils, et je dois les lui verser. ”

“ Mais c’est un usurier ! Non, non. Lui, il est riche et tu as à peine de quoi manger. Il a peu de famille, et toi une famille nombreuse. Ecris que cela t’a rapporté cinquante barils et n’y pense plus. Je jurerai que c’est vrai, et tu en profiteras. ”

“ Mais tu ne me trahiras pas ? S’il vient à savoir ? ”

“ Penses-tu ! C’est moi l’intendant, et ce que je jure est sacré. Fais ce je te conseille, et sois heureux. ”

L’homme écrivit, signa et dit :

“ Sois béni ! Mon ami et mon sauveur ! Comment t’en récompenser ? ”

“ Mais en aucune façon ! Néanmoins, si à cause de toi je devais souffrir et être chassé, m’accueillerais-tu par reconnaissance ? ”

“ Mais bien sûr ! Bien sûr ! Tu peux y compter. ”

L’intendant alla trouver un autre débiteur auquel il tint à peu près le même langage. Celui-ci devait rendre cent boisseaux de blé car pendant trois années la sécheresse avait détruit ses récoltes, et il avait dû emprunter au riche pour nourrir sa famille.

“ Mais tu n’y penses pas : rendre le double de ce qu’il t’a prêté ! Refuser du blé ! Exiger le double de quelqu’un qui a faim et qui a des enfants, alors que les vers attaquent ses réserves trop abondantes ! Ecris quatre-vingts. ”

“ Mais s’il se souvient qu’il m’en a donné vingt, puis vingt, puis encore dix ? ”

“ Mais de quoi veux-tu qu’il se souvienne ? C’est moi qui te les ai prêtés, or moi je ne veux pas m’en souvenir. Fais ainsi, et tire-toi d’affaire. Il faut de la justice entre pauvres et riches ! Pour moi, si j’étais le patron, je n’en réclamerais que cinquante, et je t’en ferais peut-être même cadeau. ”

“ Tu es bon. Si tout le monde était comme toi ! Souviens-toi que ma maison est pour toi une maison amie. ”

L’intendant alla chez les autres avec la même méthode, se déclarant prêt à souffrir pour remettre les choses en place avec justice. Cela lui valut une pluie de promesses d’aides et de bénédictions.

381.5

Rassuré sur son avenir, il alla tranquillement trouver son maître qui, de son côté, avait filé l’intendant et découvert son petit jeu. Il le loua pourtant :

“ Ta manière d’agir n’est pas bonne, et je ne l’approuve pas. Mais je loue ton habileté. En vérité, en vérité, les enfants du siècle sont plus avisés que ceux de la Lumière. ”

Ces mots du riche, je vous les dis moi aussi :

“ La fraude n’est pas belle, et je n’approuverai jamais personne de s’y livrer. Mais je vous exhorte à être au moins comme les enfants du siècle, habiles à utiliser les moyens du siècle, pour les faire servir de monnaie pour entrer dans le Royaume de la Lumière. ” Pour le dire autrement : faites-vous des amis avec les richesses terrestres, ces moyens injustement répartis et employés à l’acquisition d’un bien-être passager, sans valeur dans le Royaume éternel : ces amis vous en ouvriront les portes. Faites du bien avec les moyens dont vous disposez, restituez ce que vous ou d’autres de votre famille ont pris indûment, libérez-vous de votre attachement maladif et coupable aux richesses. Tout cela sera comme des amis qui, à l’heure de votre mort, vous ouvriront les portes éternelles et vous recevront dans les demeures bienheureuses.

Comment pouvez-vous exiger que Dieu vous donne ses richesses paradisiaques, s’il voit que vous ne savez pas faire bon usage même des biens terrestres ? Voulez-vous — par quelque supposition impossible — qu’il admette dans la Jérusalem céleste des éléments dissipateurs ? Non, jamais. Là-haut, on vivra dans la charité, la générosité et la justice. Tous pour Un et tous pour tous. La communion des saints est une société active et honnête, c’est une société sainte. Et il n’y a personne qui puisse y entrer, s’il s’est montré injuste et infidèle.

Ne dites pas : “ Là-haut, nous serons fidèles et justes, car là-haut nous aurons tout sans crainte d’aucune sorte. ” Non. Qui est infidèle en peu de chose serait infidèle même s’il possédait le Tout[1], et qui est injuste dans les petites occasions le sera dans les grandes. Dieu ne confie pas ses vraies richesses à celui qui, dans l’épreuve terrestre, montre qu’il ne sait pas utiliser les biens terrestres. Comment pourrait-il vous donner un jour au Ciel la mission de soutenir vos frères sur la terre, quand vous avez montré que vous ne savez que soutirer et frauder ou conserver avidement ? Il vous refusera donc votre trésor, celui qu’il vous avait réservé, pour le donner à ceux qui ont su être avisés sur la terre, en faisant servir à des œuvres justes et saines ce qui est injuste et malsain.

Personne ne peut servir deux maîtres. Car il sera du parti de l’un ou de l’autre, et il haïra l’un ou l’autre. Les deux maîtres que l’homme peut choisir sont Dieu ou Mammon. Mais si vous voulez appartenir au premier, vous ne pouvez revêtir les uniformes, écouter la voix, employer les moyens du second. »

381.6

Une voix s’élève du groupe des esséniens :

« L’homme n’est pas libre de choisir. Il est obligé de suivre sa destinée. Nous ne disons pas qu’elle est distribuée sans sagesse. Au contraire, la Pensée parfaite a établi, pour un dessein parfait qu’elle a fixé, le nombre de ceux qui seront dignes des Cieux. C’est en vain que les autres s’efforceront d’y arriver. C’est ainsi. Il ne peut en être autrement. Quelqu’un qui sort de sa maison peut trouver la mort à cause d’une pierre qui se détache de la corniche, alors qu’un autre, au plus fort d’une bataille, peut s’en tirer sans la moindre blessure ; de la même façon, celui qui veut se sauver alors que cela n’est pas écrit, ne fera que pécher même sans le savoir, parce que sa damnation est préétablie.

– Non, homme. Il n’en est pas ainsi, détrompe-toi. Avec de telles idées, tu fais une grave injure au Seigneur.

– Pourquoi ? Démontre-le-moi et je changerai d’avis.

– Parce que, en disant cela, tu admets mentalement que Dieu est injuste envers ses créatures. Il les a créées de la même façon et avec un même amour. Il est Père, parfait dans sa paternité comme en tout autre attribut. Comment donc pourrait-il faire des différences, et maudire un homme à peine conçu, alors qu’il n’est qu’un embryon innocent ? Dès ce moment où il est incapable de pécher ?

– Pour se venger de l’offense qu’il a subie de l’homme.

– Non. Dieu ne se venge pas ainsi ! Il ne se contenterait pas d’un misérable sacrifice tel que celui-là, d’un sacrifice injuste, imposé. L’offense faite à Dieu ne peut être levée que par Dieu fait Homme. C’est lui qui expiera, non pas tel ou tel homme. Ah ! s’il avait été possible que je doive effacer la faute originelle seulement ! Si la terre n’avait pas eu de Caïn, pas de Lamech, pas de sodomite corrompu, pas d’homicide, de voleur, de fornicateur, d’adultère, de blasphémateur, pas d’enfants sans amour pour leurs parents, pas de parjures, et ainsi de suite ! Or ce n’est pas Dieu qui est l’auteur de chacun de ces péchés, mais l’homme qui en est coupable. Dieu a laissé à ses fils la liberté de choisir le Bien ou le Mal.

– Il n’a pas bien agi » crie un scribe. « Il nous a tentés au-delà de nos forces. Bien qu’il nous sache faibles, ignorants, contaminés, il nous a exposés à la tentation. C’est de l’imprudence ou de la méchanceté. Toi, qui es juste, tu dois convenir que je dis une vérité.

– Tu dis un mensonge pour me tenter. Dieu avait donné à Adam et à Eve tous les conseils, et à quoi ont-ils servi ?

– Il a mal agi à ce moment-là aussi. Il ne devait pas mettre l’arbre, la tentation, dans le Jardin.

– Dans ce cas, où serait le mérite de l’homme ?

– Il pouvait s’en passer et vivre sans mérite personnel et par le seul mérite de Dieu.

– Eux, ils veulent te tenter, Maître. Laisse tomber ces serpents, et écoute-nous, nous qui vivons dans la continence et la méditation, crie encore l’essénien.

– Oui, vous vivez ainsi, mais mal. Pourquoi ne pas le faire saintement ? »

381.7

Sans répondre à cette question, l’homme demande :

« Tu m’as donné une raison valable sur le libre-arbitre, et je la méditerai sans préventions, en espérant pouvoir l’accepter. Mais dis-moi maintenant : crois-tu réellement à une résurrection de la chair et à une vie des âmes qu’elle viendra compléter ?

– Veux-tu que Dieu mette fin ainsi à la vie de l’homme ?

– Mais l’âme… puisque la récompense la rendra bienheureuse, à quoi sert de faire ressusciter la matière ? Cela augmentera-t-il la joie des saints ?

– Rien n’augmentera la joie qu’un saint aura quand il possédera Dieu. Ou plutôt un seul fait l’augmentera le Dernier Jour : celui de savoir que le péché n’existe plus. Mais ne te paraît-il pas juste que, comme en ce jour chair et âme ont été unies dans la lutte pour posséder le Ciel, au Jour de l’éternité chair et âme soient réunies pour bénéficier de la récompense ? N’en es-tu pas persuadé ? Alors pourquoi vis-tu dans la continence et la méditation ?

– Pour… pour être davantage homme, seigneur au-dessus des autres animaux qui obéissent à leurs instincts effrénés, et pour être supérieur à la plupart des hommes qui sont salis d’animalité, même s’ils étalent phylactères et franges, houppettes et larges vêtements et prétendent être des “ séparés ”. »

Anathème ! Les pharisiens ont reçu de plein fouet la flèche qui provoque dans la foule des murmures d’approbation. Ils se contorsionnent et hurlent comme des possédés.

« Il nous insulte, Maître ! Tu connais notre sainteté. Défends-nous » crient-ils en gesticulant.

Jésus répond :

« Lui aussi connaît votre hypocrisie. Les vêtements n’ont rien à voir avec la sainteté. Méritez d’être loués, et je pourrai parler. Mais à toi, essénien, je réponds que tu te sacrifies pour trop peu de chose. Pourquoi ? Pour qui ? Pour combien de temps ? Pour une louange humaine ! Pour un corps mortel ! Pour un temps rapide comme le vol d’un faucon ! Elève ton sacrifice. Crois au vrai Dieu, à la bienheureuse résurrection, à la volonté libre de l’homme. Vis en ascète, mais pour ces raisons surnaturelles. Et avec ta chair ressuscitée, tu jouiras de l’éternelle joie.

– C’est trop tard ! Je suis vieux ! J’ai peut-être gâché ma vie en restant dans une secte qui fait erreur[2]… Elle est finie !…

– Non. Rien n’est jamais fini pour celui qui veut le bien !

381.8

Ecoutez, vous tous qui êtes pécheurs, dans l’erreur, quel que soit votre passé : repentez-vous, venez à la Miséricorde. Elle vous ouvre les bras. Elle vous montre le chemin. Je suis la source pure, la source de vie. Rejetez ce qui vous a dévoyés jusqu’ici ! Venez nus au bain. Revêtez-vous de lumière. Naissez de nouveau. Vous avez dérobé, comme des voleurs sur les routes, ou en grands seigneurs astucieusement dans les commerces et les administrations ? Venez. Vous avez eu des vices ou des passions impures ? Venez. Vous avez été oppresseurs ? Venez. Venez. Repentez-vous. Venez à l’amour et à la paix. Permettez à l’amour de Dieu de se déverser sur vous. Soulagez cet amour angoissé par votre résistance, votre peur, vos hésitations. Je vous en prie, au nom de mon Père et du vôtre. Venez à la Vie et à la Vérité et vous obtiendrez la vie éternelle. »

Un homme crie du milieu de la foule :

« Moi, je suis riche et pécheur. Que dois-je faire pour venir ?

– Renonce à tout pour l’amour de Dieu et de ton âme. »

Les pharisiens murmurent contre Jésus et le traitent avec mépris de “ marchand d’illusions et d’hérésies ”, de “ pécheur qui fait semblant d’être saint ”, et ils lui font remarquer que les hérétiques restent toujours hérétiques, et que c’est le cas des esséniens. Ils prétendent que les conversions subites ne sont qu’exaltation momentanée, et que l’impur le sera toujours et de même, le voleur, voleur et l’homicide, homicide. Et ils mettent le point final en disant qu’eux seuls, qui vivent dans une sainteté parfaite, ont droit au Ciel et à la prédication.

381.9

« C’était un jour heureux. Une semence de sainteté tombait dans les cœurs. Mon amour, nourri par le baiser de Dieu, donnait la vie aux semences. Le Fils de l’homme était heureux de sanctifier… Vous m’avez gâché ma journée. Mais peu importe. Moi, je vous dis — et si je ne suis pas doux, vous en serez les seuls responsables — je vous dis que vous êtes de ceux qui se prétendent justes, ou essaient de le faire croire en présence des hommes, mais vous n’êtes pas justes. Dieu connaît votre cœur. Ce qui est glorieux aux yeux des hommes est abominable au regard de l’immensité et de la perfection de Dieu. Vous citez l’ancienne Loi. Dans ce cas, pourquoi ne la vivez-vous pas ? Vous la modifiez à votre avantage, en la grevant de poids qui vous arrangent. Pourquoi donc ne me permettez-vous pas de l’alléger au profit de ces petits, en en supprimant toutes les houppettes et les lourdes complications inutiles, ces préceptes que vous avez établis en si grand nombre que l’essentiel de la Loi disparaît sous eux et meurt étouffé ? Moi, j’ai pitié de ces foules, de ces âmes qui cherchent un soulagement dans la religion et y trouvent un nœud coulant, qui cherchent l’amour et trouvent la terreur…

Non. Venez, les petits d’Israël. La Loi est amour ! Dieu est amour ! C’est ainsi que je parle à ceux que vous avez effrayés. La Loi sévère et les prophètes menaçants qui m’ont annoncé, mais sans parvenir à écarter le péché malgré les cris de leurs prophéties angoissantes, s’arrêtent à Jean. Après Jean vient le Royaume de Dieu, le Royaume de l’amour. Et je dis aux humbles : “ Entrez, il est pour vous. ” Que tous les hommes de bonne volonté s’efforcent d’y entrer. Mais pour ceux qui ne veulent pas courber la tête, se frapper la poitrine, reconnaître : “ J’ai péché ”, il n’y aura pas de Royaume. Il est dit[3] : “ Circoncisez votre cœur, et ne raidissez plus votre nuque. ”

Cette terre a vu le prodige d’Elisée, qui a adouci les eaux amères en y jetant du sel. Et moi, est-ce que je ne jette pas le sel de la Sagesse dans vos cœurs ? Pourquoi donc êtes-vous inférieurs aux eaux et ne changez-vous pas spirituellement ? Imprégnez vos formules de mon sel, et elles auront une nouvelle saveur parce qu’elles rendront à la Loi sa force primitive. En vous, pour commencer, qui en avez le plus besoin. Vous dites que je change la Loi ? Non, ne mentez pas. Je rends à la Loi sa forme primitive que vous avez dénaturée. Car c’est une Loi qui durera autant que la terre ; le ciel et la terre passeront avant que ne disparaisse un seul de ses éléments ou de ses conseils. Et si vous la changez à votre gré, et si vous ergotez pour chercher des échappatoires à vos fautes, sachez que cela ne sert à rien. Cela ne sert pas, Samuel ! Cela ne sert à rien, Isaïe ! Il est toujours dit : “ Ne commets pas l’adultère. ” et je complète : “ Celui qui renvoie une épouse pour en prendre une autre est adultère, et celui qui épouse une femme répudiée par son mari est adultère, car seule la mort peut séparer ce que Dieu a uni. ”

Mais ces paroles dures s’adressent à des pécheurs impénitents. Quant à ceux qui ont péché mais s’affligent et se désolent de l’avoir fait, qu’ils sachent, qu’ils croient que Dieu est bonté, et qu’ils viennent à celui qui absout, pardonne et amène à la vie éternelle. Repartez avec cette certitude. Répandez-la dans les cœurs. Prêchez la miséricorde qui vous donne la paix, en vous bénissant au nom du Seigneur. »

381.10

Les gens s’éloignent lentement, soit à cause de l’étroitesse du sentier, soit à cause de l’attirance de Jésus. Mais ils s’en vont…

Les apôtres restent avec Jésus et, tout en parlant, ils se mettent en route. Ils cherchent de l’ombre en marchant près d’un petit bosquet de tamaris ébouriffés. Mais un essénien se trouve à l’intérieur. C’est celui qui a parlé avec Jésus. Il est en train de quitter ses vêtements blancs.

Pierre, qui est en avant, est stupéfait de voir que l’homme ne garde que ses culottes courtes. Il revient sur ses pas en courant, et dit :

« Maître ! Un fou ! Celui qui parlait avec toi, l’essénien. Il s’est mis nu, il pleure et soupire. Nous ne pouvons aller là. »

Mais l’homme maigre, barbu, quiest resté en caleçon avec ses sandales, sort déjà du bosquet et s’avance vers Jésus en pleurant et en se frappant la poitrine. Il se prosterne :

« Je suis un miraculé du cœur. Tu as guéri mon âme. J’obéis à ta parole. Je me revêts de lumière en quittant toute autre pensée qui me revêtait d’erreur. Je me sépare pour méditer le Dieu vrai, pour obtenir vie et résurrection. Cela suffit-il ? Donne-moi un nouveau nom, et indique-moi un endroit où je vivrai de toi et de tes paroles.

– Il est fou ! Nous ne saurions y vivre, nous qui en entendons tant ! Et lui… pour un seul discours… » se disent les apôtres.

Mais l’homme les entend :

« Vous voudriez mettre des bornes à Dieu ? Il m’a brisé le cœur pour donner la liberté à mon âme. Seigneur !… »

Il supplie Jésus en tendant les bras vers lui.

« Oui. Appelle-toi Elie et sois du feu. Cette montagne est remplie de cavernes. Vas-y, et quand tu sentiras la terre secouée par un terrible séisme, sors et cherche les serviteurs du Seigneur pour t’unir à eux. Tu seras revenu à la vie pour être serviteur toi aussi. Va. »

L’homme lui baise les pieds, se lève et s’en va.

« Mais il part nu ? demandent-ils, stupéfaits.

– Donnez-lui un manteau, un couteau, une mèche, un briquet et un pain. Il marchera aujourd’hui et demain, puis, là où nous avons séjourné, il se retirera pour prier, et Dieu pourvoira aux besoins de son fils. »

André et Jean courent le rejoindre au moment où il va disparaître à un détour.

Ils reviennent en disant :

« Il les a pris. Nous lui avons aussi indiqué l’endroit où nous étions. Quelle proie imprévue, Seigneur !

– Même sur les pierres, Dieu fait s’épanouir des fleurs. Même dans les déserts des cœurs, il fait lever pour mon réconfort des âmes de bonne volonté. Maintenant, allons vers Jéricho. Nous nous arrêterons dans quelque maison de campagne. »

381.1

Waiting for the Master many people are scattered over the lower slopes of a rather isolated mountain, which rises from intertwined valleys surrounding it; in certain places the slopes rise sheer from the valleys. To reach the top there is a path cut in the calcareous rock like a scratch winding up the slope. In some parts the borders of the path are the steep incline of the mountain on one side, and a deep precipice on the other. And the dark yellowish-red rugged path, looks like a ribbon thrown among the low dusty-green thorny bushes, full of aculei; I would say the aculei are the very leaves that cover the arid rocky slopes and adorn themselves with bright violet-red flowers, like tassels or flocks of silk torn from the garment of some unfortunate person who happened to pass along the thicket of thorn bushes. And this blue-green tormenting vegetation, full of sharp thorns, is as sad as if it were spread with impalpable ashes and extends in stripes also at the foot of the mountain and in the plain between the mountain and other mountains, both north-west and south-east, alternating with places where there are real bushes and real grass, which are neither tormenting nor useless.

The crowds have camped on the green grass, patiently waiting the arrival of the Master. It must be the day after the speech to the apostles, because it is a cool morning and the dew has not yet evaporated from all the stems. It particularly decorates those thorns and leaves which are in the more shady spots, transforming the quaint flowers of the thorny bushes into tassels studded with diamonds. This is certainly the hour of beauty for the sad mountain. Because during the other hours, in the scorching sun or in moonlit nights, it must look like a horrible place of hellish expiation. A large wealthy town can be seen to the east, in the very fertile plain. Nothing else is visible from this hillside, which is still low, where the pilgrims are, but from the top the eye must enjoy a wonderful sight of the nearby districts. Taking into account the height of the mountain I think that one’s eyes would rove over the Dead Sea and the area to the east of it, as far as the mountain chains of Samaria and those that hide Jerusalem. But I have not been to the top, so…

The apostles are moving about among the crowds, trying to keep them quiet and orderly and to put sick people in the best places. They are assisted by some disciples, perhaps those who are active in that locality and had led to the borders of Judaea the pilgrims anxious to hear the Master.

381.2

Jesus appears all of a sudden. He is wearing a white linen tunic and a red mantle, to make the heat of the sunny days compatible with the coolness of the nights, as we are not yet in summer. He has not yet been seen and He looks at the crowds waiting for Him and smiles. He seems to be coming from behind the eastern side of the mountain, half-way up the hill, and He comes down quickly along the difficult path.

It is a boy, who, either because he was looking at the flight of birds nestling among the bushes and which take off when a stone rolls down the mountain side and frightens them, or because his eyes were attracted by the sudden appearance, sees Jesus and bouncing to his feet shouts: «The Lord!»

They all turn around and see Jesus, Who is now about two hundred metres away. They start running towards Him, but with a gesture of His arm and with His voice, which is heard clearly, perhaps because it is echoed by the mountain, He says: «Remain where you are.» And smiling all the time He comes down as far as those waiting for Him and stops at the highest spot of the tableland. He greets them from there: «Peace to everybody,» and with a particular smile He repeats His greeting to the apostles and disciples who have gathered around Him.

Jesus is beaming with beauty. With the sun in front of Him and the greenish hillside behind His back, He looks like the vision of a dream. The hours spent in solitude, something unknown to us, or perhaps an overflow on Him of fatherly caresses, I do not know what, accentuate His ever perfect beauty, they make it glorious, imposing, peaceful, serene, I would say joyful, as becomes a person who comes back from a tryst and whose countenance, smiles and eyes show all his happiness. The evidence of this divine encounter shines infinitely more brightly than can normally be seen after the meeting of poor human lovers, and the Christ appears dazzling with it. And He subdues all the people present who contemplate Him silently with admiration, as if they were intimidated by the intuition of a mysterious reunion of the Most High with His Word… It is a secret, a secret hour of love between the Father and the Son. No one will ever know it. But the Son keeps its seal as if, after being the Word of the Father, as He is in Heaven, He could hardly be once again the Son of man. Infinity, sublimity find it difficult to become «the Man» again. Divinity overflows explodes, radiates from Humanity like sweet oil from a porous earthen jar or like the light of a furnace through the veil of ground glass.

And Jesus lowers His beaming eyes. His blissful face conceals His wonderful smile, bending over the sick people, whom He caresses and cures while they are seized with astonishment looking at the bright loving face bent over their misery to make them happy. But at last He must stand up and show the crowds the Face of the Peaceful, Holy One, of the God Incarnate, still wrapped in the brightness of the ecstasy. He repeats: «Peace to you.» Even His voice is more melodious than usual, as it resounds with sweet triumphant notes… It spreads powerfully over the silent listeners, searching for their hearts, caressing them, shaking them and inviting them to love.

Everybody is deeply moved, with the exception of that group of Pharisees, who are more arid, coarse, prickly and harsher than the mountain itself and are standing like statues full of incomprehension and hatred in a corner, and with the exception of the other group, all dressed in white and standing aloof, listening from a brow and whom Bartholomew and the Iscariot point out as «Essenes». And Peter grumbles: «And so there is another extra fowl-run of hawks!»

«Oh! Never mind. The Word is for everybody!» says Jesus, smiling at Peter, referring to the Essenes.

381.3

He then begins to speak.

«It would be lovely if man were as perfect as the Father in Heaven wants him. Perfect in every thought, affection, deed. But man does not know how to be perfect and misuses the gifts of God, Who has given freedom of action to man, ordering, however, good things, advising perfect things, so that man might not say: “I did not know”.

What use does man make of the freedom given to him by God? The greatest part of men use it as a child would; or as a fool; the rest use it as criminals. Then death comes and man is subject to the Judge Who asks severely: “How did you use or misuse what I gave you?”. A dreadful question! How less worthy than motes will then look the goods of the Earth, for which man so often becomes a sinner! Poor in eternal misery, divested of a garment that nothing can replace, he will stand dejected and trembling before the Majesty of the Lord, and will find no word to justify himself. Because it is easy to justify oneself, deceiving poor men. But that cannot happen in Heaven. God cannot be deceived. Never. And God does not resort to any compromise. Never.

Now, then. How can one be saved? How can man make everything be of use to his salvation, even including what has originated from Corruption, which taught men to use metals and gems as instruments of wealth and fostered their eager desire for power and pleasure of the flesh? So will man, who, however poor he may be, can always sin by desiring gold, offices, women immoderately, – and at times he becomes the thief of such things to have what rich people have – so will man, rich or poor as he may be, never be able to save himself? Of course he will. How? By exploiting wealth on behalf of Good; exploiting misery on behalf of Good. The poor man who is not envious, who does not curse, who does not attempt to take what belongs to other people, but is happy with what he has, exploits his humble condition in order to achieve future holiness, and in actual fact, most poor people know how to do that. But the rich are not so capable, as wealth is a continuous trap, set by Satan, of the treble concupiscence.

381.4

But listen to a parable and you will see that the rich also can save themselves although they are rich, or they can make amends for their past wrongs, by making good use of their riches, even if they were unjustly obtained. Because God, the Most Good God, always grants many means to His children so that they may save themselves.

So there was a rich man who had a steward. Some enemies of the latter, who were envious of the good position he had, or because they were very friendly with the rich man and therefore mindful of his wealth, accused the steward saying to his master: “He squanders your wealth. He embezzles your goods. Or he does not make them yield any fruit. Be careful. Defend yourself!”.

The rich man, after hearing such repeated accusations, summoned the steward. And he said to him: “I have been told so and so. Why have you done that? Give me an account of your stewardship, because I will not allow you to keep it any longer. I cannot trust you and I cannot make an example of injustice and servile tolerance, which would induce the other servants to act as you did. Go and come back tomorrow with your documents, that I may examine them and ascertain the situation of my property before handing it to another steward”. And he dismissed the steward, who went away and began to worry saying to himself: “And now? What shall I do now that the master is taking the stewardship from me? I have no savings, because, as I was sure that I would get away with it, I spent in enjoyment everything I usurped. I do not feel like working as a peasant, subject to other people, because I am no longer used to digging, and I have grown heavier with orgies. And I dislike begging even more. It is too humiliating! But what shall I do?”.

He thought it over and over again and he found a way out from his painful situation. He said: “I have found it! As I secured a pleasant life for myself so far, in the same way I will make sure that my friends will offer me hospitality out of gratitude, when I am dismissed from my office. He who does good always has friends. Let us go, therefore, and help people, in order to be helped, and let us go at once, before the news spreads and it is too late”.

And he went to the sundry debtors of his master and he said to the first one: “How much do you owe my master for the money he lent you three years ago in springtime?”.

And the debtor replied: “One hundred measures of oil for money and interest”.

“Oh! Poor fellow! What, with such a large family and with your children afflicted by diseases, you have to give so much?! But did he not give you money to the value of thirty measures?!”.

“Yes, but I needed it urgently and he said to me: ‘I will give it to you, but on the condition that you will pay me back whatever the sum will yield to you in three years’. It yielded the equivalent of one hundred measures. And I must give them”.

“But that is usury! Don’t! He is rich, while you are not far from starving. He has a small family, you have a large one. Write here that it yielded to the value of fifty measures and forget about it. I will swear that it is the truth. And you will benefit by it”.

“But will you not betray me? And if he finds out?”.

“Do you think it is possible? I am the steward and what I swear is sacred. Do as I tell you and do not worry”.

The man signed the document, handed it to him and said: “May you be blessed! You are my friend and saviour. How can I compensate you?”.

“In no way! But if I should get into trouble and be dismissed because of this, you will welcome me out of gratitude”.

“Of course! Certainly! You may rely on that!”.

The steward went to another debtor and talked to him more or less in the same way. This debtor was to give back one hundred measures of wheat, because the drought had destroyed his crops for three years, and he had to borrow what was necessary to feed his family.

“Forget about doubling what he gave you! How can one deny wheat and exact twice as much when a fellow and his family are starving and one’s wheat is eaten by worms in the barns, because there is superabundance of it! Write eighty measures”.

“But if he remembers that he gave me twenty, then another twenty, and then ten?”.

“How can you expect him to remember? I gave them to you and I do not want to remember. Do as I say and it is all settled. There must be justice between rich and poor people! If I were the master, I would accept only the fifty measures, and perhaps I would remit them as well”.

“You are good! I wish they were all like you! Remember that my house is open to you”.

The steward called on other debtors, in the same way, stating that he was willing to get into trouble to put matters right according to justice. And offers of help and blessings rained upon him.

381.5

When he was reassured about his future, he went to his master, who, in turn, had dogged his steps and discovered his trick. The master, however, praised him saying: “What you did is not right and I do not praise you for that. But I must praise you for your cunning. The children of this world are really more cunning than the children of Light”.

And I repeat to you what the rich man said: “Fraud is not right, and I will never praise anyone for it. But I exhort you to be shrewd, at least like the children of this world, with the means of this world, to make them serve as money to enter the Kingdom of Light”. That is, make good use of earthly riches, which are means distributed unjustly and used to purchase a fleeting welfare, which is of no value in the eternal Kingdom, so that they may open its door to you. Assist the poor with the means you have, give back what you or any other member of your family took unjustly, break with the evil guilty love for riches. And all these things will be like friends who in the hour of your death will open the eternal gates to you and will receive you in the blissful abode.

How can you expect God to give His heavenly goods, if He sees that you cannot make good use even of earthly goods? As an impossible supposition, do you want Him to accept squanderers in the heavenly Jerusalem? No, never. Up there one will live with charity, generosity and justice. Everybody for One and everyone for everybody. The Communion of Saints is an active and honest society, it is a holy society. And no one who has proved to be unjust and unfaithful can enter it.

Do not say: “But we shall be faithful up there, because we shall have everything up there without any fear”. No. He who is unfaithful in little, would be unfaithful even if he possessed everything, and he who is unjust in little is unjust in much. God does not trust true wealth to those who in the earthly test prove that they do not know how to use earthly riches. How can God entrust you one day in Heaven with the mission of supporting spirits of your brothers on the Earth, when you have shown that extortions, frauds and greed are your prerogatives? He will, therefore, deny you your treasure, which He had kept for you, and He will give it to those who were shrewd on the Earth, by using also what is unjust and unwholesome in deeds which make them just and wholesome.

No servant can serve two masters. Because he will belong to one or to the other, and he will hate one or the other. The two masters whom man can choose are God or Mammon. But if he wishes to belong to the former, he cannot wear the colours, or follow the voice, or use the means of the latter.»

381.6

A voice rises from the group of the Essenes: «Man is not free to choose. He is forced to follow a fate. We do not state that it is distributed unwisely. On the contrary the perfect Mind has fixed, according to its own perfect plan, the number of those who will be worthy of Heaven. All the others strive in vain to become so. That is the situation. And it cannot be otherwise. As one coming out of a house may be killed by a stone falling from a cornice, whereas one in the thick of the battle may not suffer the slightest wound, likewise he who wants to save himself, but it is not written so, will only commit sin even unawares, because his damnation is fated.»

«No, man. It is not so. And change your mind. By thinking so you do the Lord wrong.»

«Why? Tell me and I will change my mind.»

«Because, by saying so, you mentally confess that God is unjust with His creatures. He created them in the same way and with the same love. He is a Father. Perfect in His paternity, as He is in everything else. How can He, therefore, make distinctions and curse a man when he is being conceived and is an innocent embryo? When he is incapable of committing sin?»

«To take His revenge for the offence received from man.»

«No. God does not take His revenge thus! He would not be satisfied with a miserable sacrifice like that, with an unjust forced sacrifice. The offence made to God can be removed by the God made Man. He will be the Expiator. Neither this nor that man. Oh! I wish it had been possible for Me to have to remove only the original sin! I wish there had been no Cain on the Earth, no Lamech, no corrupt sodomite, no homicide, thief, fornicator, adulterer, blasphemer, no one without love for one’s parents, no perjurer, and so forth! But of each of those sins, the sinner is guilty and the author, not God. God left His children free to choose between Good and Evil.»

«And that was wrong» shouts a scribe. «He tempted us beyond measure. Although He knew that we were weak, ignorant, poisoned, He led us into temptation. That is either imprudence or wickedness. Since You are just, You must grant that what I say is the truth.»

«You are telling lies to tempt Me. God had given Adam and Eve all the necessary advice, to what avail?»

«He did the wrong thing even then. He should not have put the tree, the temptation, in the Garden.»

«In that case, where is the merit of man?»

«He would have done without it. He would have lived with no merit of his own, but only with the merit of God.»

«They are tempting You, Master. Leave those serpents alone, and listen to us, who live in continence and meditation» shouts once again the Essene.

«Yes, you live. But badly. Why do you not live holily?»

381.7

The Essene does not reply to the questions, but he asks: «As You gave me a convincing answer on free will, and I will meditate on it with goodwill, hoping that I will be able to accept it, now tell me. Do You really believe in the resurrection of bodies and in the life of souls completed by it?»

«And do you want God to put an end to the life of man thus?»

«But the soul… Since the soul is happy with its reward, why make the matter rise again? Will it increase the happiness of the blessed souls?»

«Nothing will increase the bliss of a saint when he possesses God. Or rather, one thing only will increase it on the Last Day: the knowledge that there is no longer sin. But do you not think that it is fair, that as during this day body and soul were united in the struggle to possess Heaven, they should be united also in the eternal Day to enjoy the reward? Are you not convinced? Why do you live in continence and meditation, then?»

«To be… a more perfect man, the lord over the other animals that obey their instinct without control and to be better than most men who are soiled with animality even if they display phylacteries, fringes, tassels and wide garments and they call themselves “the separated ones”.»

Anathema! The Pharisees, upon hearing the pungent remark, which is approved by the crowds with a murmur, become excited and shout like madmen. «He is insulting us, Master! You are aware of our holiness. Defend us» they shout gesticulating.

Jesus replies: «He, too, is aware of your hypocrisy. Garments have nothing to do with holiness. When you deserve to be praised, I will be able to speak. But My answer to you, Essene, is that you sacrifice yourself for too little. Why? For whom? For how long? For human praise. For a mortal body. For as short a time as the flight of a falcon. Raise your sacrifice. Believe in the true God, in the blissful resurrection, in the free will of man. Lead an ascetic life, but for those supernatural reasons. And with your risen body you will enjoy eternal happiness.»

«It is late! I am old! I have perhaps wasted my life in an erroneous sect… It’s the end!…»

«No. It is never the end for those who want good!

381.8

Listen, sinners, and you, who are in error, or you, whatever your past may have been. Repent. Come to Mercy. It opens its arms to you. I show you the way. I am the pure vital fountain. Get rid of what has misled you so far. Undress and come to the fountain. Clothe yourselves with light. Revive. Have you stolen like highwaymen, or like gentlemen and craftily in business or in offices? Come. Have you had bad habits or lustful passions? Come. Have you oppressed your neighbour? Come. Repent. Come to love and to peace. Oh! Let the love of God flow upon you. Relieve that love, which is in anguish because of your resistance, your fear, your hesitation. I beg you in the name of My Father and yours. Come to Life and to the Truth, and you will have eternal life.»

A man shouts from the crowd: «I am rich and a sinner. What shall I do to come?»

«Give up everything for the sake of God and of your soul.»

The Pharisees grumble and scoff at Jesus, calling Him «vendor of illusions and heresies», and «sinner feigning holiness», and they warn Him that heretics are always heretics and that such are the Essenes. They say that sudden conversions are nothing but passing enthusiasm and that an impure man will always be impure, a thief will always be a thief and a murderer a murderer. They conclude by saying that, as they live in perfect holiness, they are the only ones entitled to Heaven and to preaching.

381.9

«This was a happy day. Seeds of holiness were falling into hearts. My love, nourished by the kiss of God, was giving life to the seed. The Son of man was happy in sanctifying… You have poisoned the day. But it does not matter. I say to you – and if I am not gentle, the fault is yours – I say to you that you are the ones who show themselves just, or try to do so, in the eyes of men, but you are not just. God knows your hearts. What is great in the eyes of men, is abominable before the immensity and perfection of God. You quote the old Law. Why, then, do you not live according to it? You alter the Law in your favour, aggravating it with burdens that give you a profit. Why, then, do you not allow Me to alter it to the benefit of these little ones, removing all the tassels and heavy useless burdens of the precepts made by you, which are so many and such that the essential Law disappears under them and is smothered? I feel sorry for these crowds, for these souls, who seek fresh air in Religion and find a slip-knot. They seek love and find terror… No. Come, little ones of Israel. The Law is love! God is love! This is what I say to those who are frightened among you. The severe Law and the threatening prophets who foretold Me, but notwithstanding the cries of their distressing prophecies they were not able to withhold sin, end with John. After John comes the Kingdom of God, the Kingdom of love. I say to the humble: “Go in. It is for you”. And everyone with a goodwill strives to go in. But for those who will not lower their heads, beat their chests and say: “I have sinned”, there will be no Kingdom. It is written[1]: “Circumcise your heart and be obstinate no longer”. This land saw the prodigy of Elisha[2], who made the foul water wholesome, by throwing some salt into it. And do I not throw the salt of Wisdom into your hearts? Why are you then worse than water and you do not change your spirits? Mix My salt with your formulae and they will have a fresh taste, because they will give the Law its primitive strength. In you, first of all, as you are the most needy. Do you say that I change the Law? No. You tell lies. I give the Law its original form, which you distorted. Because it is the Law that will last as long as the Earth, and both sky and earth will disappear before one only of its elements or its advice. And if you alter it, because you like to do so, and if you draw fine distinctions looking for loop-holes for your faults, you had better know that it is of no avail. It is of no avail, Samuel! Of no avail, Isaiah. It is written: “You shall not commit adultery” and I complete it adding: “He who sends back his wife to marry another one, is adulterous, and he, who marries a woman repudiated by her husband, is adulterous, because what God joined, death only can separate”. But harsh words are for obdurate sinners. Those who have sinned, but grieve desolately for doing so, must know and believe that God is Goodness, and let them come to Him Who absolves, forgives and admits to Life. Go with this certainty. Spread it in people’s hearts. Preach mercy, which gives you peace, blessing you in the name of the Lord.»

381.10

The crowds disperse slowly, both because the path is narrow and because they are attracted by Jesus. But they disperse.

The apostles remain with Jesus and while speaking they make their way. They seek the shade walking close to a thicket of ruffled tamarisks. But there is an Essene in it. The one who spoke to Jesus. He is taking off his white clothes.

Peter, who is ahead of everybody, is dumbfounded seeing that the man is left with only his undergarment on, and he runs back saying: «Master! A madman! The one who was speaking to You, the Essene. He is undressed and is weeping and sighing. We cannot go there.»

But the man, who is lean, bearded, with no clothes on his body except his undergarment and sandals, is already coming out of the thicket and he turns his steps towards Jesus weeping and beating his chest. He prostrates himself: «I am the one whose heart has been miraculously cured. You have cured my soul. I will obey Your word. I want to clothe myself with light, leaving every other thought, which might clothe me with errors. I will live apart to meditate on the true God, to obtain life and resurrection. Is that enough? Give me a new name and tell me a place where I can live of You and of Your words.»

«He is mad! We could not lead such a life and we have heard so many of His words! And he… just after one sermon…» say the apostles to one another.

But the man, who has heard them, says: «Are you going to put limitations to God? He has broken my heart to give me a free spirit. Lord!…» he implores, stretching his arms out towards Jesus.

«Yes. Your name is Elijah and be fire. That mountain is full of caves. Go there, and when you hear the earth quake because of a dreadful earthquake, come out, and look for the servants of the Lord to join them. You will then be re-born and you will be a servant, too. Go!»

The man kisses His feet, gets up and goes away.

«But is he going half-dressed like that?» ask the dumbfounded apostles.

«Give him a mantle, a knife, tinder and flint, and some bread. He will walk today and tomorrow and then he will retire to pray where we stopped and the Father will see to His son.»

Andrew and John run after him and they reach him when he is about to disappear around a bend.

They come back saying: «He took everything. We also told him where we were. What an unexpected prey, Lord!»

«God makes plants flower also on rocks. And in the deserts of hearts He makes spirits of goodwill rise to comfort Me. Now let us go towards Jericho. We will stop in some house in the country.»


Notes

  1. Qui est infidèle en peu de chose serait infidèle même s’il possédait le Tout : il faut comprendre cette expression à la lumière de Lc 16, 10-12. Maria Valtorta l’éclaircit par la note suivante, sur une copie dactylographiée : Manière de parler imagée pour rendre compréhensible la comparaison : bien évidemment, au Ciel on ne peut ni pécher ni être infidèle, car ceux qui sont au Ciel sont déjà confirmés en grâce et ne peuvent plus pécher. Mais Jésus fait cette comparaison pour être mieux compris.
  2. secte qui fait erreur, non pas à cause de la vie que les esséniens menaient et qui était de type monastique, mais à cause de la doctrine qu’ils professaient, dont les erreurs, déjà relevées en 80.3 et dans les dernières lignes de 80.4, sont mises en évidence et réfutées dans ce dialogue entre Jésus et l’essénien. Nous rencontrerons un autre essénien dans le chapitre 464.
  3. Il est dit, en Dt 10, 16. Le prodige d’Elisée, relaté en 2 R 2, 19-22.

Notes

  1. written, in: Deuteronomy 10,16.
  2. prodigy of Elisha, narrated in: 2 King 2, 19-22.