The Writings of Maria Valtorta

514. Conseils sur la sainteté à un jeune indécis.

514. Advice on the Holyness of an undecided young man.

514.1

Jésus est encore au milieu des montagnes. Des personnes le suivent, en compagnie des apôtres et des disciples. Parmi ceux-ci se trouvent maintenant des anciens bergers, devenus disciples, qu’ils ont peut-être trouvés dans quelque petit village qu’ils ont traversé.

Jésus monte d’une vallée vers une montagne, par une route dont les détours épousent la pente de la montagne. C’est certainement une voie romaine, comme le prouvent son pavage qu’on ne peut confondre et son entretien soigné que l’on trouve uniquement dans les routes construites et entretenues par les Romains. Des passants se dirigent vers la vallée ou en remontent en direction du massif montagneux, couronné à son sommet de villages ou de bourgades. Certains, voyant Jésus et sa suite, demandent de qui il s’agit et le suivent, alors que d’autres se contentent de regarder, ou encore hochent la tête en ironisant.

Un détachement de soldats romains les rejoint de son pas lourd dans un vrai tintamarre d’armes et de cuirasses. Ils se détournent pour regarder Jésus qui, quittant la voie romaine, va prendre un chemin… judaïque qui mène au sommet où se trouve un village. C’est un sentier caillouteux et boueux parce qu’il a plu, où le pied glisse sur les cailloux ou bien s’enfonce dans les ornières. Les soldats se dirigent certainement vers la même bourgade et, après une courte halte, se remettent en marche, obligeant les passants à se mettre de côté sur le trajet pour céder la place au détachement qui passe, rigidement encadré. Quelques insultes volent, mais la discipline de la marche en colonne empêche les soldats d’y répondre dans les mêmes termes.

Les voici de nouveau près de Jésus qui s’est rangé pour les laisser passer et les regarde avec douceur ; il paraît les bénir et les caresser de la lumière de ses yeux bleus. Les visages fermés des soldats s’éclairent d’une esquisse de sourire qui n’est pas moqueur, mais respectueux comme un salut.

Puis les gens se remettent en route derrière Jésus, qui marche en tête.

514.2

Un jeune homme se détache de la foule et rejoint le Maître en le saluant avec respect. Jésus lui rend sa salutation.

« Je voudrais te demander quelque chose, Maître.

– Parle.

– Je t’ai écouté par hasard, un matin après la Pâque, près d’un mont proche des gorges de Carit. Et, depuis lors, j’ai pensé que… je pouvais moi aussi faire partie de ceux que tu appelles. Mais avant de venir, j’ai voulu savoir exactement ce qu’il est nécessaire de faire et ce que l’on doit éviter. J’ai interrogé tes disciples chaque fois que je les ai rencontrés : mais l’un me parlait de ceci, l’autre de cela. Et j’étais incertain, presque épouvanté, parce qu’ils étaient tous d’accord, avec plus ou moins d’intransigeance, sur l’obligation d’être parfait. Or moi… Je suis un pauvre homme, Seigneur, et la perfection n’appartient qu’à Dieu… Je t’ai entendu une deuxième fois… et tu disais toi-même : “ Soyez parfaits. ” Je me suis alors découragé. Et une troisième fois, il y a quelques jours, au Temple. Et, bien que tu sois sévère, il ne m’a pas semblé impossible de le devenir, parce que… je ne sais moi-même pas pourquoi, comment me l’expliquer et te l’expliquer. Mais il me semblait que si c’était impossible, ou si c’était tellement dangereux de désirer se comporter comme si on voulait être des dieux, toi qui veux nous sauver, tu ne nous l’aurais pas proposé. Car la présomption est un péché et vouloir être des dieux, c’est le péché de Lucifer. Mais peut-être y a-t-il une manière de l’être, pour le devenir sans pécher, et c’est en suivant ta Doctrine, qui est sûrement une doctrine de salut. Est-ce que j’ai raison ?

– Tu as raison. Et alors ?

– Alors, j’ai continué d’interroger tel ou tel et, ayant appris que tu étais à Rama, j’y suis venu. Depuis lors je t’ai suivi, avec la permission de mon père, et voilà : de plus en plus, je voudrais venir…

– Eh bien, viens donc ! De quoi as-tu peur ?

– Je ne sais pas… Je ne le sais même pas moi-même… Je demande, je demande… En t’écoutant, il me paraît toujours facile de venir et je m’y décide, mais ensuite, à la réflexion — et ce qui est pire, en demandant à tel ou tel —, cela me paraît trop difficile.

– Je t’en dis la cause : c’est un piège du démon pour t’empêcher de venir. Il t’effraie par des fantômes, t’embrouille, te fait questionner des gens qui, comme toi, ont besoin de lumière… Pourquoi n’es-tu pas venu me trouver directement ?

– Parce que… j’avais… non pas peur, mais… Nos prêtres et rabbins sont si durs et orgueilleux ! Et toi… Je n’osais pas t’approcher. Mais à Emmaüs, hier !… Ah ! je crois avoir compris que je ne dois pas avoir peur. Et maintenant je suis ici, à te demander ce que je voudrais savoir. Tout à l’heure, l’un de tes apôtres m’a dit : “ Va sans crainte. Il est bon même avec les pécheurs. ” Et un autre : “ Réjouis-le par ta confiance. Celui qui se confie à lui le trouve plus doux qu’une mère. ” Et un autre encore : “ Je ne sais si je me trompe, mais je t’assure qu’il t’expliquera que la perfection réside dans l’amour. ” Voilà ce que m’ont dit tes apôtres — certains, du moins, plus doux que les disciples. Pas tous cependant, car parmi les disciples, il y en a qui font écho à ta voix, mais ils sont trop rares. Et parmi les apôtres, il y en a certains qui… font peur à un pauvre homme comme moi. L’un d’eux m’a dit, avec un rire qui n’était pas bon : “ Tu veux devenir parfait ? Nous ne le sommes pas, nous qui sommes ses apôtres et toi, tu voudrais l’être ? C’est impossible. ” Si les autres n’avaient pas parlé, je me serais enfui, découragé, mais je fais la dernière tentative… et si toi aussi tu me dis que c’est impossible…

514.3

– Mon fils, pourrais-je être venu proposer aux hommes des choses impossibles ? Qui penses-tu qui t’a mis dans le cœur ce désir de devenir parfait ? Ton cœur lui-même ?

– Non, Seigneur. Je crois que c’est toi par tes paroles.

– Tu n’es pas loin de la vérité. Mais réponds encore : pour toi, comment sont mes paroles ?

– Justes.

– C’est bien. Mais je veux dire : est-ce que ce sont des paroles d’homme ou celles de quelqu’un qui est plus grand qu’un homme ?

– Ah ! toi, tu parles comme la Sagesse, et avec plus de douceur et de clarté encore. Aussi, je pense que tes paroles sont celles de quelqu’un qui est plus grand qu’un homme. Et je ne crois pas me tromper, si j’ai bien compris ton discours dans le Temple, car il m’a semblé alors que tu disais être la Parole même de Dieu, donc que tu parles en Dieu.

– Tu as bien compris, et tu l’as bien exprimé. Par conséquent, qui t’a mis dans le cœur le désir de la perfection ?

– C’est Dieu qui me l’a mis, par l’intermédiaire de toi, sa Parole.

– Donc, c’est Dieu. Maintenant, réfléchis : si Dieu, qui connaît les capacités des hommes, leur dit : “ Venez à moi. Soyez parfaits ”, cela signifie qu’il sait que l’homme, s’il le veut, peut le devenir. C’est une parole ancienne. Elle a résonné la première fois aux oreilles d’Abraham[1] comme une révélation, un ordre, une invitation : “ Je suis le Dieu tout-puissant. Marche en ma présence. Sois parfait. ” Dieu se manifeste pour que le Patriarche n’ait aucun doute sur la sainteté du commandement et sur la vérité de l’invitation. Il lui ordonne de marcher en sa présence, car celui qui marche dans sa vie, convaincu de le faire sous le regard de Dieu, n’accomplit pas de mauvaises actions. En conséquence, il se met en condition de pouvoir devenir parfait comme Dieu l’invite à le faire.

– C’est vrai ! C’est tout à fait vrai ! Si Dieu l’a dit, c’est que c’est possible. Ah ! Maître ! Comme on comprend tout quand c’est toi qui parles ! Mais alors, pourquoi tes disciples, et même cet apôtre expriment-ils une idée aussi… effrayante de la sainteté ? Peut-être ne croient-ils pas vraies ces paroles et les tiennes ? Ou bien ils ne savent pas marcher en présence de Dieu ?

514.4

– N’en cherche pas la raison. Ne juge pas. Vois, mon fils. Parfois leur désir d’être parfaits et leur humilité leur fait craindre de ne pouvoir jamais le devenir.

– Mais alors le désir de perfection et l’humilité sont des obstacles pour devenir parfait ?

– Non, mon fils. Le désir de perfection et l’humilité ne sont pas des obstacles. Il faut même s’efforcer de les posséder profondément, mais bien ordonnés. Ils sont ordonnés quand il n’y a pas de hâte inconsidérée, d’accablements sans raison, de doutes et de défiance tels que croire que, vu l’imperfection de son être, l’homme ne peut devenir parfait. Toutes les vertus sont nécessaires et le vif désir d’arriver à la justice l’est aussi.

– Oui. Ceux que j’ai interrogés allaient dans le même sens : ils assuraient qu’il est nécessaire de posséder les vertus. Pourtant, les uns et les autres estimaient nécessaires des vertus différentes, et tous affirmaient l’absolue nécessité de celle qu’ils préconisaient comme indispensable pour être saint. Et cela m’effrayait, car comment peut-on avoir toutes les vertus sous une forme parfaite, les faire naître ensemble comme un bouquet de fleurs variées ? Il faut du temps… et la vie est si courte ! Toi, Maître, explique-moi quelle est la vertu indispensable.

– C’est la charité. Si tu aimes, tu seras saint, car c’est de l’amour pour le Très-Haut et pour le prochain que viennent toutes les vertus et toutes les bonnes actions.

– Oui ? Ainsi, c’est plus facile. La sainteté, alors, c’est l’amour. Si j’ai la charité, je possède tout… La sainteté est faite de cela.

– De cela, et des autres vertus. Car la sainteté, ce n’est pas seulement être humble, ou seulement prudent, ou seulement chaste et cætera, mais c’est être vertueux.

514.5

Vois, mon fils : quand un riche

veut faire un banquet, est-ce qu’il commande un seul plat ? Et encore : quand quelqu’un veut faire un bouquet de fleurs, pour l’offrir en hommage, prend-il par hasard une seule fleur ? Non, n’est-ce pas ? Car s’il mettait sur les tables nombre de plats d’un seul mets, ses convives le critiqueraient comme un hôte incapable, qui se préoccupe seulement d’étaler ses possibilités d’achat sans montrer sa finesse de seigneur préoccupé des goûts divers de ses invités et désireux que chacun, avec un mets ou un autre, non seulement se rassasie, mais se régale. Il en va de même de la personne qui compose un bouquet de fleurs : une seule fleur, si grande qu’elle soit, ne fait pas un bouquet, mais il faut des fleurs nombreuses ; ainsi les couleurs et les parfums variés charment l’œil et l’odorat, et font louer le Seigneur. La sainteté, que nous devons considérer comme un bouquet de fleurs offert au Seigneur, doit être composée de toutes les vertus. Dans une âme, c’est l’humilité qui prédominera, dans une autre la force, dans une autre la continence, ou la patience, ou encore l’esprit de sacrifice ou de pénitence, toutes vertus nées à l’ombre de la plante royale et magnifiquement parfumée de l’amour, dont les fleurs domineront toujours dans le bouquet ; mais ce sont toutes les vertus qui composent la sainteté.

– Et laquelle doit-on cultiver avec le plus de soin ?

– La charité. Je te l’ai dit.

– Et ensuite ?

– Il n’y a pas de méthode, mon fils. Si tu aimes le Seigneur, il t’accordera ses dons, c’est-à-dire se communiquera à toi, et alors les vertus que tu essaies de rendre robustes croîtront sous le soleil de la grâce.

– En d’autres termes, dans l’âme aimante se trouve Dieu, qui opère grandement ?

– Oui, mon fils. Dieu y opère grandement en laissant l’homme y mettre de lui-même sa libre volonté de tendre à la perfection, ses efforts pour repousser les tentations et se garder fidèle à ce qu’il se propose, ses luttes contre la chair, le monde, le démon, quand ils l’assaillent et cela pour que son fils aie du mérite dans sa sainteté.

– Ah ! voilà ! Alors il est très juste de dire que l’homme est fait pour être parfait comme Dieu le veut. Merci, Maître. Maintenant je sais, et maintenant j’agirai. Et toi, prie pour moi.

– Je te garderai dans mon cœur. Va, et ne crains pas que Dieu puisse te laisser sans secours. »

514.6

Le jeune homme se sépare de Jésus, tout content…

Les voilà près du village. Barthélemy, accompagné d’Etienne, rejoint Jésus pour lui raconter que, pendant qu’il parlait avec le jeune homme, un habitant de Bétéron, parent d’Elchias le pharisien, était venu le prier de le conduire immédiatement auprès de sa femme mourante.

« Allons-y. Je parlerai ensuite. Savez-vous où elle se trouve ?

– Il nous a laissé un serviteur. Il est en arrière avec les autres.

– Faites-le venir et pressons le pas. »

Le serviteur accourt. C’est un robuste vieillard ; il est consterné. Il salue et regarde par en dessous Jésus, qui lui sourit en lui demandant :

« De quoi meurt ta maîtresse ?

– De… Elle devait avoir un enfant, mais il est mort dans son sein et son sang s’est corrompu. Elle délire comme une folle et elle va mourir. On lui a ouvert les veines pour faire tomber la fièvre, mais le sang est complètement empoisonné, et elle doit mourir. On l’a descendue dans la citerne pour faire baisser sa température. Elle reste basse tant que la femme est dans l’eau glacée, puis elle est plus forte qu’avant, et elle tousse, elle tousse… et elle va mourir.

– Naturellement ! Avec de tels soins ! grommelle Matthieu entre ses dents.

– Depuis quand est-elle malade ? »

514.7

Le serviteur s’apprête à répondre quand arrive en courant, par la descente, le chef du manipule romain. Il s’arrête devant Jésus.

« Salut ! Tu es le Nazaréen ?

– C’est moi. Qu’attends-tu de moi ? »

Les disciples de Jésus accourent, croyant je ne sais quoi…

« Un jour, l’un de nos chevaux a heurté un enfant juif, et tu l’as guéri[2] pour empêcher les Hébreux de manifester contre nous. Maintenant, les pierres hébraïques ont fait tomber un soldat et il gît avec la jambe fracturée. Je ne puis m’arrêter, je suis de service. Personne ne veut de lui dans le village. Marcher lui est impossible, et moi je ne peux le traîner avec sa jambe fracturée. Je sais que tu ne nous méprises pas, comme le font tous les Hébreux…

– Tu veux que je guérisse le soldat ?

– Oui. Tu as guéri aussi le serviteur du centurion et la petite fille de Valéria. Tu as sauvé Alexandre de la colère de tes compatriotes. Cela se sait, en haut lieu et en bas.

– Allons trouver le soldat.

– Et ma maîtresse ? demande le serviteur, mécontent.

– Plus tard. »

Jésus se met à suivre le gradé qui dévore la route de ses longues jambes musclées et dégagées de vêtements encombrants. Mais, même en marchant ainsi devant tous, il trouve le moyen d’échanger quelques mots avec celui qui le suit immédiatement — et c’est Jésus — :

« J’ai été avec Alexandre autrefois. Lui te… Il parlait de toi. Le hasard me met en ta présence aujourd’hui.

– Le hasard ? Pourquoi ne pas dire Dieu, le vrai Dieu ? »

Le soldat se tait un instant, puis il murmure, de façon que seul Jésus puisse entendre :

« Le vrai Dieu serait celui des Hébreux… Mais il ne se fait pas aimer. S’il est comme eux ! Ils n’ont même pas pitié d’un blessé…

– Le vrai Dieu est le Dieu des Hébreux, comme des Romains, des Grecs, des Arabes, des Parthes, des Scythes, des Ibères, des Gaulois, des Celtes, des Libyens, et des Hyperboréens. Il n’y a qu’un Dieu ! Mais beaucoup ne le connaissent pas, d’autres le connaissent mal. S’ils le connaissaient bien, ils seraient comme des frères et il n’y aurait pas d’injustices, de haines, de calomnies, de vengeances, de luxure, de vols et d’homicides, d’adultères et de mensonges. Moi, je connais le vrai Dieu, et je suis venu pour le faire connaître.

– On dit… Nous devons avoir toujours les oreilles à l’écoute pour tout rapporter aux centurions, et eux au Proconsul. On dit que tu es Dieu. Est-ce vrai ? »

Le soldat est très… préoccupé. Il regarde Jésus par dessous l’ombre de son casque, et il semble presque effrayé.

« Je le suis.

– Par Jupiter ! Est-il donc vrai que les dieux descendent pour converser avec les hommes ? Avoir fait le tour du monde derrière les enseignes, et venir ici, déjà vieux, pour trouver un dieu !

– Le Dieu unique. Pas un dieu » corrige Jésus.

Mais le soldat est anéanti à l’idée de précéder un dieu… Il ne parle plus… Il pense.

514.8

Il réfléchit jusqu’au moment où, juste à l’entrée du village, ils trouvent le détachement arrêté autour du blessé qui gémit par terre.

« Voilà ! » dit le gradé avec beaucoup de concision.

Jésus se fraie un passage et s’approche. La jambe a une mauvaise fracture, le pied retourné vers l’intérieur et elle est déjà enflée et noirâtre. L’homme doit beaucoup souffrir, et, voyant Jésus allonger une main, il supplie :

« Ne me fais pas mal ! »

Jésus sourit. Il effleure à peine du bout des doigts l’endroit où le cercle livide indique la fracture, puis il ordonne :

« Lève-toi !

– Mais il a une seconde fracture plus haut, à la hanche » explique le gradé, en voulant sûrement dire : “ Et celle-là, tu ne la touches pas ? ”

A ce moment un habitant de Bétéron survient :

« Maître, Maître ! Tu perds ton temps avec des païens, et ma femme est en train de mourir !

– Va, et amène-la-moi.

– Je ne peux pas. Elle est folle !

– Va, et amène-la-moi, si tu as foi en moi.

– Maître, on n’arrive pas à la tenir. Elle est nue et on ne peut la vêtir. Elle est folle et déchire ses vêtements. Elle est mourante et il est impossible de la calmer.

– Va, et amène-la-moi, si ta foi n’est pas inférieure à celle de ces païens. »

L’homme repart mécontent.

514.9

Jésus regarde le Romain étendu à ses pieds :

« Et toi, tu sais avoir foi ?

– Moi, oui. Que dois-je faire ?

– Te lever.

– Attention, Camille, que… » commence à dire le gradé.

Mais le soldat est déjà debout, agile, guéri.

Les juifs ne crient pas hosanna. L’homme guéri n’est pas un Hébreu. Ils semblent même contrariés, ou du moins leurs visages expriment une critique de l’acte de Jésus. Mais les soldats, eux, ne boudent pas leur bonheur. Ils dégainent leurs courtes et larges dagues et les lèvent dans l’air gris après les avoir frappées sur leurs boucliers en signe de réjouissance. Jésus est au milieu du cercle des lames.

Le gradé le regarde. Il ne sait comment s’exprimer, que faire, lui, un homme près d’un dieu, lui, païen près de Dieu… Il réfléchit et il trouve qu’il doit au moins faire pour Dieu ce qu’il ferait pour César : il ordonne le salut militaire à l’empereur (je crois du moins qu’il en est ainsi, car j’entends résonner un “ Ave ! ” puissant, pendant que les lames scintillent quand ils les mettent presque horizontales tout en haut de leurs bras tendus). Et, pas encore satisfait, le gradé lui dit à voix basse :

« Marche tranquillement, même de nuit. Les routes… toutes surveillées. Service contre les voleurs. Tu seras en sûreté. Moi… »

Il s’arrête, ne sachant qu’ajouter.

Jésus lui sourit :

« Merci. Même avec les voleurs, fais preuve d’humanité. Sois fidèle à ton service, mais sans être cruel. Ce sont des malheureux, ils devront rendre compte de leurs actes devant Dieu. Va, et sois bon.

– Je le serai. Salut ! Je voudrais encore te voir… »

Jésus le regarde fixement, puis il dit :

« Nous nous reverrons. Sur un autre mont. » Et il répète : « Soyez bons. Adieu. »

Les soldats reprennent alors leur marche.

514.10

Jésus entre dans le village. Après quelques mètres, il voit venir à sa rencontre — et à celle de sa suite —, un groupe nombreux et hurlant. Il s’en détache un homme et une femme — l’homme de tout à l’heure — qui s’inclinent devant Jésus, la femme à genoux, l’homme seulement courbé.

« Levez-vous et louez le Seigneur. Mais à toi, homme, je dois dire que ta conscience n’est pas nette. Tu t’es adressé à moi par égoïsme, non par amour pour moi, ni par foi en moi. Tu as douté de ma parole, or tu sais qui je suis ! Ensuite, tu as eu une pensée qui n’était pas bonne, parce que je m’arrêtais pour guérir un païen, de même que tout le village s’était mal comporté en refusant d’accueillir le blessé. Par surcroît de miséricorde, et pour chercher à rendre bon ton cœur, j’ai guéri ton épouse sans entrer chez toi. Tu ne le méritais pas. Je l’ai fait pour te montrer qu’il n’est pas besoin que je me déplace pour agir, il suffit que je le veuille. Mais en vérité je vous dis, à vous tous, que ceux que vous méprisez sont meilleurs que vous et savent, mieux que vous, croire en ma puissance. Relève-toi, femme. Tu n’es pas coupable, car tu ne possédais pas toute ta raison. Va, et sache désormais croire par reconnaissance pour le Seigneur. »

L’attitude des habitants devient froide et hautaine sous le reproche de Jésus. L’air renfrogné, ils le suivent jusqu’à la place où il s’arrête pour parler, étant donné que le chef de la synagogue ne l’invite pas à entrer dans l’édifice et qu’aucune maison ne s’ouvre au Maître.

514.11

« Quand Dieu est avec les hommes, les hommes peuvent tout contre le malheur, quel que soit son nom. Quand Dieu, au contraire, n’est pas avec les hommes, ils n’y peuvent rien. Cette ville, dans ses chroniques[3], rappelle plus d’une fois ces vérité : Dieu était avec Josué, Josué vainquit les rois cananéens ; sur cette route Dieu l’aida à détruire les ennemis d’Israël “ en envoyant du ciel de grosses pierres sur eux, et il en périt davantage par la grêle de pierres que par l’épée ”, lit-on dans le livre de Josué.

Dieu était avec Judas Maccabée qui s’avança sur cette colline avec sa petite armée pour regarder l’armée puissante de Séron, le chef des troupes syriennes, et il a confirmé par une victoire retentissante les paroles du chef d’Israël.

Mais la condition nécessaire pour avoir Dieu avec nous, c’est d’agir en étant poussés par un désir de justice. “ Dans les batailles, la victoire ne dépend pas du nombre, mais de l’aide du Ciel ”, dit le livre des Maccabées. En toutes choses, le bien vient, non pas de la richesse, de la puissance ou d’autres causes, mais du secours du Ciel. Et il vient parce qu’on demande l’aide de Dieu pour ce qui est bon, “ pour nos vies et nos lois ”, ajoute le livre des Maccabées. Mais quand on recourt à Dieu pour des fins mauvaises ou impures, il est vain d’appeler son secours. Dieu ne répondra pas, ou il répondra par des châtiments au lieu de bénédictions.

Cette vérité est trop oubliée à présent en Israël. C’est pour des fins qui ne sont pas bonnes qu’on désire l’aide de Dieu et qu’on l’invoque. On ne pratique pas les vertus, et on n’observe pas les commandements d’une manière réelle, c’est-à-dire que, des commandements, on fait ce qui peut être vu et loué par les hommes ; mais ce que cache l’apparence est bien différent.

Moi, je viens pour dire : quand vous agissez, soyez sincères, car Dieu voit tout et inutiles sont les sacrifices, vaines les prières si on les fait par pur étalage de culte alors que le cœur est rempli de péché, de haine, de désirs mauvais.

514.12

Bétéron, que tes habitants ne fassent pas ce qu’Abdias dit d’Edom. Edom, qui se croyait en sécurité, se permettait d’opprimer Jacob et de se réjouir de ses défaites. N’agis pas ainsi, ville sacerdotale. Prends et médite le rouleau d’Abdias[4]. Médite, médite, médite, et change ton comportement. Suis la justice si tu ne veux pas connaître des jours d’horreur. Tu ne seras pas sauvé alors par ta situation sur ce sommet, ni parce que tu es apparemment hors des routes de la guerre. Moi, je vois chez toi beaucoup de gens qui n’ont pas Dieu avec eux, et qui ne veulent pas de Dieu. Vous protestez ? Moi, je vous dis la vérité. Je suis monté jusqu’ici pour vous la dire, pour vous sauver encore.

Ne portions-nous pas un seul nom ? Tout ne s’appelait-il pas Israël ? Pourquoi donc s’est-il divisé et a-t-il pris deux noms ? Ah ! vraiment cela me rappelle le mariage d’Osée avec la prostituée et les enfants nés de celle qui a forniqué. Mais que dit le prophète ? “ Les enfants d’Israël seront aussi nombreux que les grains de sable de la mer… Alors il ne leur sera pas dit : ‘ Vous n’êtes pas mon peuple’, mais : ‘Vous êtes les enfants du Dieu vivant ’. Et les fils de Judas et ceux d’Israël se réuniront, ils éliront un seul chef et ils monteront de la terre, car grand est le jour de Jizreël. ”

Ah ! pourquoi reprochez-vous à celui qui doit tout réunir et former un seul peuple, un grand peuple, unique comme l’est Dieu, d’aimer tous les fils de l’homme parce qu’ils sont tous enfants de Dieu ? Il doit rendre fils du Dieu vivant, même ceux qui actuellement semblent morts. Et pouvez-vous juger mes actes, leur cœur et le vôtre ? D’où vous vient la lumière ? La lumière vient de Dieu. Mais si Dieu m’envoie et me donne la charge de réunir tous les hommes sous un seul sceptre, comment pouvez-vous avoir une lumière qui soit vraiment divine, si elle vous montre les faits d’une manière contraire à la façon dont les voit Dieu ? Et pourtant vous voyez d’une manière contraire à ce que voit Dieu.

Ne vous indignez pas : c’est la vérité. Vous êtes hors de la justice ; mais ceux qui vous entraînent à l’injustice le sont davantage, et ils seront doublement punis. Vous m’accusez de forniquer avec l’ennemi, avec celui qui nous domine. Je le lis dans vos cœurs. Mais vous, ne forniquez-vous pas avec Satan en vous faisant les partisans de ceux qui combattent le Fils de l’homme, l’Envoyé de Dieu ? Voilà que vous me haïssez. Mais je connais le visage de celui qui distille la haine en vous.

Comme c’est écrit dans Osée, je suis venu les mains chargées de dons et le cœur rempli d’amour ; j’ai cherché à vous attirer par les manières les plus douces pour me faire aimer. J’ai parlé à mon peuple comme un époux à son épouse en lui offrant un éternel amour, ainsi que la paix, la justice, la miséricorde. Il reste encore une heure pour empêcher le peuple qui me repousse, les chefs qui l’excitent — je les connais — de rester sans roi, sans prince, sans sacrifice et sans autel. Mais près de la tanière, là où la haine est plus forte et où le châtiment sera plus grand, voici que l’on travaille à acheter les consciences pour les conduire au crime. En vérité, ceux qui détournent et dévoient les consciences seront jugés sept fois plus sévèrement que ceux qu’ils ont égarés.

Allons. Je suis venu, j’ai fait un miracle et je vous ai dit la vérité pour que vous sachiez qui je suis. Maintenant, je m’en vais. Et si parmi vous il y a un seul juste, qu’il me suive, car bien triste est l’avenir de ce lieu où se nichent les serpents pour séduire et trahir. »

Et Jésus fait demi-tour pour reprendre la route par laquelle il est arrivé.

514.13

« Pourquoi, Rabbi, leur as-tu parlé ainsi ? Ils vont te détester, demandent les apôtres.

– Je ne cherche pas à conquérir l’amour en pactisant avec le mensonge.

– Mais ne valait-il pas mieux ne pas venir ?

– Non. Il ne faut laisser aucun doute.

– Et qui as-tu convaincu ?

– Personne. Pour le moment, personne. Mais bientôt, on dira : “ Nous ne pouvons maudire personne, car nous avons été prévenus et nous n’avons pas agi. ” Et s’ils reprochent à Dieu de les frapper, leurs reproches seront comme un blasphème.

– Mais à qui voulais-tu faire allusion en disant…

– Demandez-le à Judas. Il connaît beaucoup de gens d’ici, et il est au courant de leurs astuces. »

Tous les apôtres regardent Judas.

« Oui. L’endroit est presque sous la coupe d’Elchias. Mais… je ne crois pas qu’Elchias… »

Les mots meurent sur les lèvres de Judas qui, en levant le regard de sa ceinture qu’il ajustait pour se donner une contenance, rencontre le regard de Jésus, un regard tellement étincelant et pénétrant, qu’il semble magnétique. Il baisse la tête et achève :

« Il est sûr que c’est un village orgueilleux et odieux, digne de celui qui le domine. A chacun ce qu’il mérite. Eux, ils ont Elchias, nous Jésus, et le Maître a bien fait de leur faire savoir qu’il est au courant. Très bien.

– Ils sont certainement mauvais. Vous avez vu ? Pas même un remerciement après le miracle ! Ni une obole ! Rien ! s’exclame Philippe.

– Mais moi, je tremble quand le Maître les démasque ainsi, gémit André.

– Le faire ou ne pas le faire, cela revient au même. Ils le haïssent de la même façon. Moi, je voudrais rentrer en Galilée ! dit Jean.

– En Galilée ! Oui ! » soupire Pierre en baissant la tête, pensif.

Derrière, ceux qui ont suivi Jésus et ne le quittent pas, ne cessent pas de faire des commentaires avec les disciples.

514.1

And Jesus is still in the mountains, followed by a crowd of peo­ple in addition to the apostles and disciples. Some of the disciples are ex-shepherds, who have perhaps been found when passing through some of the little villages. Jesus is climbing from a valley to a mountain, along a road, the curves of which follow the side of the mountain, and is certainly a Roman road, with its un­mistakable paving and well-kept maintenance, to be found only in roads built and maintained by the Romans. People are traveling along it, either going down to the valley, or up to the chain of mountains, the tops of which are crowned with towns or villages. And some of the wayfarers, seeing Jesus and those following Him, ask who He is and join the group, some watch only, some shake their heads and sneer.

A squad of Roman soldiers catches up with them with heavy steps and jingling of arms and armour. They turn around to look at Jesus, Who leaving the Roman road, is about to take a… Jewish one which climbs to the top where there is a village. It is a pebbly muddy road, because it has rained, and one’s feet either slip on the stones or sink into the puddles. The soldiers, who are obviously making for the same town, after stopping for a moment, set out again and people are compelled to move to the sides of the narrow road to make way for the squad that passes by in strict formation. Some insults are hissed in the air. But discipline prevents the soldiers in route column from giving sharp answers.

They are once again near Jesus Who has moved aside to let them pass and looks at them with his mild eyes which seem to be blessing and caressing with their bright sapphire irises. And the stern faces of the soldiers brighten in a remembering smile which is not a sneering one, on the contrary it is as respectful as a greeting.

They pass by. The people resume walking behind the Rabbi Who is in front of them all.

514.2

A young man departs from the crowd and catches up with the Master greeting him respectfully. Jesus exchanges the greeting.

«I would like to ask You something, Master.»

«Tell Me.»

«I listened to You by chance one morning after Passover near a mountain not far from the gorges of the Cherit. And since then I have been thinking that… I also could be among those whom You call. But before coming I wanted to have a very clear idea of what it is necessary to do and what must not be done. And I asked your disciples every time I met them. And some told me one thing, some a different one. And I was uncertain, almost frightened, because they all agreed on one thing, some more some less strictly, and that was the obligation to be perfect. I… I am a poor man, Lord, and God only is perfect… I listened to You a second time… and You also said: “Be perfect”. And I lost heart. The third time, a few days ago, I heard You in the Temple. And although You were very severe, I felt that it was not impossible to become so, because… I do not know myself why, how to explain it to myself and to You. But I felt that if it was something impossible, or it was so dangerous to wish to become so, as if one wanted to become a god, since You want to save us, You would not suggest it to us. Because presumption is a sin. To want to be a god is the sin of Lucifer. But perhaps there is a way to be perfect, to become so without commit­ting sin, and it is by following your Doctrine, which is certainly a Doctrine of salvation. Am I right?»

«Yes, you are. So?»

«So I continued to ask this one and that one. And when I heard that You were at Ramah I came here. And since then, with my father’s permission, I have been following You. And now I am more anxious to come…»

«Come, then! What are you afraid of?»

«I don’t know… I don’t know myself… I ask and ask… And every time, while it seems easy to me and I make up my mind to come when I hear You, afterwards, thinking it over, and what is even worse, when I ask this one and that one, it seems too difficult to me.»

«I will tell you how that happens: it is a snare of the demon to prevent you from coming. He frightens you with phantasms, he astounds you, he makes you ask those who are in need of Light as you are… Why did you not come to Me direct?»

«Because… I was… not afraid, but… Our priests and rabbis! So difficult and proud! And You… I did not dare to approach You. But yesterday at Emmaus!… I think that I understood that I must not be afraid. And now I am here, to ask You what I would like to know. One of Your apostles, a short time ago, said to me: “Go and do not be afraid. He is kind also to sinners”. And another one said: “Make Him happy by confiding in Him. Those who confide in Him find Him kinder than a mother”. And another one said: “I do not know whether I am mistaken, but I tell you that He will say to you that perfection is to love”. That is what your apostles said, at least some of them, who are kinder than the disciples. But not all of them, because among Your disciples there are some who sound like the echo of Your voice, but they are too few. And among the apostles there are some who… frighten a poor man like me. One said to me with a smile, which was not a kind one: “You want to become perfect? We, His apostles are not, and you want to be so? It’s impossible”. If the others had not spoken to me, I would have run away, completely discouraged. But I am trying for the last time… and if You also tell me that it is impossible…»

514.3

«Son, and is it possible that I came to propose impossible things to men? Who do you think it was that put in your heart the desire to become perfect? Your own heart?

«No, Lord. I think it was You with your words.»

«You are not far from the truth. But tell Me, according to you, my words, what are they?»

«They are just.»

«All right. But I mean: words of a man or of one who is more than a man?»

«Oh! You speak like Wisdom and even more kindly and clearly. So I say that your words are of one who is more than a man. And I do not think that I am wrong if I correctly understood what You said in the Temple. Because I got the impression that You said that You are the very Word of God, so You speak as God.»

«You understood correctly and what you say is right. So who put the desire of perfection into your heart?»

«God did, through You, His Word.»

«So it was God. Now just think: if God, Who is aware of the capabilities of men, says to them: “Come to Me. Be perfect”, it means that He knows that man, if he wishes, can become perfect. It is an old word. It resounded the first time for Abraham[1] as a revelation, a command, an invitation: “I am the Almighty God. Walk in my presence. Be perfect”. God revealed Himself so that the Patriarch might not be in doubt about the holiness of the com­mand and the truthfulness of the invitation. He ordered him to walk in his presence, because he who walks in his lifetime, con­vinced of doing so in the eyes of God, will not accomplish evil deeds. Consequently he puts himself in a condition of being able to become perfect according to God’s invitation.»

«That is true! It’s really true! If God said so, it means that it can be done. Oh! Master! How clear everything is when You speak! Why, then, do Your disciples, and also that apostle, give such a… frightful idea of holiness? Do they not believe that those words and Yours are true? Or can they not walk in the presence of God?»

«Do not worry about what it is. Do not judge.

514.4

See, son. At times their very anxiety to be perfect and their humbleness make them be afraid that they can never become so.»

«So are the desire for perfection and humbleness obstacles to becoming perfect?»

«No, son. Desire and humbleness are not obstacles. On the contrary one must strive to have them in a very deep but orderly way. They are orderly when they do not imply heedless haste, unfounded dejection, doubts and lack of confidence such as believing that, because of his imperfection, man cannot become perfect. All vir­tues are necessary, as well as the desire to achieve justice.»

“Yes. Also those whom I questioned told me that. They told me that it was necessary to be virtuous. But some said that one virtue was necessary, some another, and they all maintained the absolute necessity of having that one, which they said was indispensable to be saints. And that frightened me, because how can one have all the virtues in a perfect form, how can one grow them all together like a bunch of different flowers? It takes time… and life is so short! Master, tell me which is the essential virtue.»

«It is love. If you love you will be holy, because all virtues and all good deeds come from the love for the Most High and for our neighbour.»

«Do they? It is easier thus. So holiness is love. If I have love I have everything… Holiness is made of that.»

«Of that and of the other virtues. Because to be holy is not only to be humble, or only prudent, or only chaste and so forth, but to be virtuous.

514.5

See, son, when a rich man wishes to offer a dinner, does he order only one dish? Also: when one wants to present somebody with a bunch of flowers, does one take only one flower? One does not. Because even if he put piles of the same dish on the table his guests would criticise him as an incapable host concerned only with showing his means but not his refinement as a gentleman who is anxious to satisfy the different tastes of his guests and wants each of them not only to satisfy his appetite with this or that dish, but to enjoy them. The same applies to he who offers a bunch of flowers. One flower only, no matter how big it is, does not make a bunch. But many flowers do, and thus the dif­ferent colours and scents gratify one’s eyes and smell and make one praise the Lord. Holiness, which we must consider as a branch of flowers offered to the Lord, is to comprise all virtues. Humbleness will prevail in one spirit, strength in another, continence in another, patience in another, the spirit of sacrifice or penance in another, all virtues born in the shade of the regal most scented tree of love, whose flowers will always prevail in the bunch, but all the virtues make up holiness.»

«And which is to be cultivated more carefully?»

«Love. I told you.»

«Then?»

«There is no method, son. If you love the Lord, He will grant you His gifts, that is, He will communicate with you and then the vir­tues which you strive to grow in strength, will grow in the sun of Grace.»

«In other words, in a loving soul it is God Who acts mostly?» «Yes, son. It is God Who acts mostly, letting man put, as his own contribution, his free will to tend to perfection, his efforts to reject temptations in order to remain faithful to his purpose, his strug­gles against the flesh, the world, the demon, when they assail him. And the reason for that is that He wants His son to have merit in his holiness.»

«Ah! I see! Then it is quite right to say that man is made to be as perfect as God wants. Thank You, Master. It is now clear to me and I will act accordingly. And You, Lord, please pray for me.»

«I will keep you in My heart. Go and be assured that God will not leave you without help.»

The young man parts from Jesus looking satisfied…

514.6

They are by now near the village. Bartholomew with Stephen joins Jesus to tell Him that while He was speaking to the young man, a citizen of Beth-horon, a relative of Helkai the Pharisee, came begging them to take Him at once to his dying wife.

«Let us go. I will speak afterwards. Do you know where she is?»

«He left a servant with us. He is in the rear, with the others.»

«Make him come here and let us quicken our paces.»

The servant arrives. A strong old man looking dismayed. He greets and looks stealthily at Jesus Who smiles at him asking: «What is your mistress dying of?»

«Of… She was expecting. But the child died in her womb and her blood became infected. She is raving as if she were mad and is go­ing to die. They opened her vains to make her temperature drop. But her blood is completely poisoned and she will die. They put her in the cistern to abate her fierce heat. It drops while she is in the ice-cold water. Then it becomes stronger than before, and she coughs and coughs… and she will die.»

«No wonder! With such treatment!» grumbles Matthew between his teeth.

“How long has she been ill?»

514.7

The servant is about to reply when the leader of the Roman squad runs down the hill towards them and stops in front of Jesus. «Hail! Are You the Nazarene?»

«I am. What do you want of Me?»

Jesus’ followers rush there wondering who knows what…

«One day one of our horses struck a Jewish boy and You cured him[2] to prevent the Jews from making a din against us. Now the stones of the Jews have knocked down a soldier, who is now lying with a broken leg. I cannot stop because I am on duty. No one in the village wants to take him in and he cannot walk. I cannot drag him along with a broken leg. I know that You do not despise us as all the Jews do…»

«Do you want Me to cure the soldier?»

«Yes, I do. You cured also the servant of the Centurion and Valeria’s little girl. You saved Alexander from the wrath of Your fellow-citizens. These things are known both in high and in low quarters.»

«Let us go to the soldier.»

«And what about my mistress?» asks the discontented servant.

«Later.»

And Jesus follows the non-commissioned officer, who devours the way with his brawny legs free from hampering clothes. But even striding thus ahead of everybody, he manages to speak some words to Him Who is the first to follow him, that is to Jesus, and he says: “Some time ago I was with Alexander. He… used to speak of You. Chance has put You close to me just now.»

“Chance? Why not say God? The true God?»

The soldier is silent for a moment, then in a low voice so that Jesus only can hear he says: «The true God would be the Hebrew one… But He does not make Himself loved, if He is like the Hebrews. They do not take pity even on a wounded man…»

«The true God is the God of the Hebrews, as well as of the Romans, the Greeks, the Arabs, the Parthians, the Scythians, the Iberians, the Gauls, the Celts, the Lybians, the Hyperboreans. There is but one God! But many do not know Him, others have a wrong knowledge of Him. If they knew Him well, they would all be like brothers to one another, and there would be no abuse of power, no hatred, no slander, no revenge, no lust, no thefts, no homicides, no adulteries and no falsehood. I know the true God and I have come to make Him known.»

«They say… We must be all ears in order to report to the cen­turions who in turn have to report to the Proconsul. They say that You are God. Is that true?» The soldier is very… worried in saying so. He looks at Jesus from under the shade of his helmet, and he almost looks frightened.

«I am.»

«By Jove! So it is true that the gods descend to converse with men? After travelling all over the world following the banners, I have come here, an old man, to find a god!»

«The God. The Only One. Not a god» says Jesus correcting him.

But the soldier is stupified at the idea of preceding a god…

He does not speak any more…

514.8

He is pensive, until, just at the en­trance to the village they find the squad standing around the wounded soldier, who is moaning on the ground.

«Here he is!» says the non-commissioned officer briefly.

Jesus makes His way through the crowd approaching him. His leg, which is badly broken, is lying with the foot turned inside, and it is already swollen and livid. The man must be suffering very much and when he sees Jesus stretch His hand out he im­plores: «Don’t hurt me too much!»

Jesus smiles. With the tips of his fingers He lightly touches where the livid circle of the trauma shows the fracture. He then says: «Stand up!»

«But he has another fracture farther up, at his hip» explains the non-commissioned officer, certainly meaning: «Are You not going to touch that one?»

Just then a citizen from Beth-horon arrives and says: «Master, Master! You are wasting Your time with heathens, and my wife is dying!»

«Go and bring her here.»

«I cannot. She is mad!»

«Go and bring her here to Me, if you have faith in Me.»

«Master, no one can hold her. She is naked and we cannot dress her. She is mad and tears her clothes. She is dying and she cannot stand.»

«Go and bring her here if your faith is not inferior to the faith of these heathens.»

The man goes away discontentedly.

514.9

Jesus looks at the Roman lying at His feet: «And can you have faith?»

«Yes, I can. What must I do?»

«Stand up.»

«Be careful, Camillus, because…» the non-commissioned officer is saying. But the soldier is already on his feet, agile, cured.

The Israelites do not shout hosanna. The man who has been cured is not a Hebrew. On the contrary they appear to be dissatisfied or at least their faces seem to be criticising Jesus’ ac­tion. But the soldiers are not discontented, and they draw their short wide daggers and raise them into the grey air after beating their shields with them to make a joyful noise. Jesus is in the middle of a circle of blades.

The non-commissioned officer looks at Him. He does not know what to say or what to do, he, a man near a god, a heathen near God… He is pensive and he realises that he must at least do for God what he would for Caesar. And he orders his men to salute the emperor (at least I think it is so because I hear a mighty «Hail!» re­sound while the blades shine as they are held almost horizontally by the outstretched arms). And not yet satisfied, he says in a low voice: «Go without worrying also at night. The roads… are all watched. Watched against highwaymen. You will be safe, I…» He stops. He does not know what to say.

Jesus smiles at him saying: «Thank you. Go and be good. Be human also to highwaymen. Be faithful to your service without being cruel. They are poor wretches. And they will have to give ac­count of their deeds to God.»

«I will. Hail! I would like to meet You again…»

Jesus stares at him, then says: «We shall meet. On a different mountain.» And He repeats once again: «Be good. Goodbye.»

514.10

The soldiers start off again. Jesus enters the village. He walks a few metres and then He sees a large group come towards Him and His followers shouting comments. A man and a woman depart from the group – the man mentioned previously – and they bow before Jesus: the woman on her knees, the man stooping.

«Stand up and praise the Lord. But I must tell you, o man, that your conscience is not clear. You applied to Me out of selfishness, not out of love for Me or out of faith in Me. And you doubted My word. And you know who I am! Then you had an unkind thought because I stopped to cure a Gentile, as all the village acted unkind­ly by refusing to accept the wounded soldier. By an excess of mer­cy and in order to try and make your heart kinder I cured your wife without coming to your house. You did not deserve It. I did it to show you that I need not go to do something. It is enough for Me to want it. But I solemnly tell you all that those whom you despise are better than you are and they believe in My power more than you do. Stand up, woman. You are not guilty, because you were without the faculty of reason. Go and from now on believe out of gratitude to the Lord.»

The attitude of the inhabitants becomes cold and proud owing to Jesus’ reproach. They follow Him sulkily as far as the square where He stops to speak, as the synagogue leader does not invite Him into the synagogue and no house opens to the Master.

514.11

«When God is with men, men can do everything against misfor­tune whatever its name may be. When, on the contrary, God is not with men, they can do nothing against misfortune. The chronicles[3] of this town mention such an occurrence more than once. God was with Joshua and he defeated the Canaanites and along this road God helped him to destroy the enemies of Israel “hurling huge hailstones from heaven and more died under the hailstones than at the edge of the sword” we read in Joshua’s book. God was with Judas Maccabee who came upon this hill with his small army to look at the powerful army of Seron, the leader of the Syrian army, and God confirmed the words of the commander of Israel with a striking victory.

But the necessary condition to have God with us is to act for reasons of justice. “For victory in war does not depend on the size of the fighting force, but on the help that comes from Heaven” says the Book of Maccabees. All good things in life do not depend on wealth, or power, or any other cause, but on the help that comes from Heaven. And it comes because we ask for help for good things. For our lives and our laws, says the Book of Maccabees again. But when one has recourse to God for a wicked or impure purpose, it is useless to invoke His help. God will not reply or He will reply with punishments instead of blessings.

This truth is too much forgotten now in Israel. And they want God’s help and they implore Him for purposes which are not good. And they do not practise virtues and the commandments are not kept with true spirit of observance, that is, only their part that can be seen and praised by men is done. But what is hidden by ap­pearance is quite different. I have come to say: be sincere in your actions because God sees everything and sacrifices are useless and prayers vain, if they are offered out of mere ostentation of cult, while one’s heart is full of sin, hatred and wicked desires.

514.12

Beth-horon, do not do of your inhabitants what Obadiah says of Edom. Edom, thinking she was safe, took the liberty of oppress­ing Jacob and rejoicing at his defeats. Do not behave so, o sacerdotal town. Take and meditate on the roll of Obadiah[4]. Meditate on it and change your ways. Follow Justice if you do not wish to see days of horror. You will not be saved then by being on this sum­mit, or by being apparently out of the war routes. I see in you many who do not have God with them and who do not want God. Are you grumbling? I am telling you the truth. I came up here to tell you. That you may still be saved.

Was our name not one only? Was it not all Israel? Why then has it been divided and it has taken two names? Oh! that really reminds Me of the marriage of Hosea[5] with a prostitute and of the children born of her who had fornicated. But what does the prophet say[6]? “The number of the children of Israel will be like the sand of the seashore… Then, instead of saying to them: ‘You are not my people’ it will be said to them: ‘You are the children of the living God’. And the children of Judah and Israel will come together again and will elect only one chief and will rise from the Earth because great is the day of Jezreel”. Oh! why then do you criticise He Who is to re-unite them all and make one people only, a great people, one, as God is one, why do you criticise Him for loving all the children of man because they are all children of God, and Who is to make children of the living God also those who at present seem dead? And can you judge My actions and their hearts and yours? From where does light come to you? Light comes from God. But if God sends Me with the task of re-uniting all men under one sceptre, how can you have a light, a truly divine light, that shows you things contrary to how God sees them? And yet you see contrary to how God sees.

Do not grumble. It is the truth. You are outside justice. And those who seduce you into injustice are even more so. And they will receive double punishment. You accuse Me of fornicating with the enemy, with the ruler. I read your hearts. But do you not for­nicate with Satan by becoming followers of those who fight the Son of man, the Messenger of God? And now you hate Me. But I know the face of him who instils hatred into you. As it is said in Hosea I came with My hands laden with gifts and My heart full of love, I tried to attract you with all the kindest manners to make you love Me. I spoke to My people as a bridegroom to his bride offering them eternal love, peace, justice and mercy. There is still one hour left to prevent the people, who reject Me, and the leaders, who stir up the people – I know them – from being left without king, prince, sacrifice and altar. But near the den, where hatred is stronger and punishment will be more severe, they are working to purchase consciences in order to lead them to crime. Oh! it is true that those who lead consciences astray will be judged seven times seven more severely than those who have been misled.

Let us go. I have come and I worked a miracle and I have told you the truth to convince you Who I am. I am now going away. And if among you there is only one man who is just, let him follow Me, because sad is the future of this place, where snakes nestle to seduce and betray.»

And Jesus turns back to take the road by which He came.

514.13

«Why, Rabbi, did You speak to them thus? They will hate You» the apostles ask Him.

«I am not trying to conquer love through negotiations or falsehood.»

«But was it not better not to come here?»

«No. It is necessary not to leave the least doubt.»

«And whom did You convince?»

«Nobody, for the time being. But soon someone will say: We cannot curse anybody because we were warned and we did not take any action”. And if they reproach God for striking them, their reproach will be like blasphemy.»

«But to whom were You referring saying…»

«Ask Judas of Kerioth. He knows many people here and he is aware of their cunning.»

All the apostles look at Judas.

«Yes, this place is practically under Helkai’s control. But… I don’t think that Helkai…» the words die on the lips of Judas who, raising his eyes from his belt which he was putting in order to strike an attitude, meets Jesus’ eyes. The Master’s glance is so bright and piercing as to appear even magnetic. Judas lowers his head and concludes: «It is certainly a proud hateful village, worthy of him who dominates it. Everyone has what one deserves. They have Helkai. We have Jesus. And the Master did the right thing in letting them know that He knows. Very good.»

«They are certainly bad. Did you notice that? Not even a greeting after the miracle! Not even a mite! Nothing» remarks Philip.

«But I tremble when the Master unmasks them like that» says Andrew with a sigh.

«To do it or not to do it is the same thing. They hate Him just the same. I would like to go back to Galilee!» says John.

«To Galilee! Of course!» says Peter sighing and he lowers his head looking very pensive.

In the rear, those who have followed Jesus and will not leave Him, continue to make their comments with the disciples.


Notes

  1. aux oreilles d’Abraham, en Gn 17, 1.
  2. tu l’as guéri, en 115.1/2.
  3. dans ses chroniques : les passages cités se trouvent en Josué 10, 8-11 ; 1 M 3, 13-24.
  4. le rouleau d’Abdias : c’est le plus court des livres prophétiques puisqu’il ne comprend qu’un seul chapitre de 21 versets ; le mariage d’Osée, en Os 1 ; dit le prophète en Os 2, 1-2.

Notes

  1. for Abraham, in: Genesis 17,1.
  2. You cured him, in 115.1/2.
  3. chronicles, that for the parts quoted here are in: Joshua 10,8-11; 1 Maccabees 3,13-24.
  4. the roll of Obadiah, which is the shortest of the prophetic books: just one chapter of 21 verses.
  5. the marriage of Hosea, in: Hosea 1.
  6. the prophet say, in: Hosea 2,1-2.