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Je vois Marie qui, déchaussée et vive, va et vient dans la petite maison aux premières heures du jour. Dans son vêtement d’un bleu tendre, on dirait un gentil papillon qui effleure sans bruit murs et objets. Elle s’approche de la porte qui donne sur la route, l’ouvre en veillant à ne pas faire de bruit, puis la laisse entrouverte après avoir donné un coup œil sur le chemin encore désert. Elle remet de l’ordre, ouvre portes et fenêtres, entre dans l’atelier désormais abandonné par Joseph le menuisier et où se trouvent les métiers de Marie. Là aussi, elle s’active. Elle recouvre avec soin une toile en cours de tissage et sourit à une de ses pensées en la regardant.
Elle sort dans le jardin. Les colombes s’assemblent sur ses épaules. Elles volettent d’une épaule à l’autre pour avoir la meilleure place, querelleuses et jalouses par amour de leur maîtresse, et elles l’accompagnent jusqu’à une cabane où se trouvent les provisions. Elle y prend du grain pour elles et dit :
« Ici, aujourd’hui c’est ici. Ne faites pas de bruit. Il est si fatigué ! »
Puis elle mesure de la farine et va dans une petite pièce près du four. Elle se met à faire le pain et le pétrit, le sourire aux lèvres. Ah, comme elle sourit, aujourd’hui, la Vierge ! On dirait la toute jeune Mère de la Nativité, tellement la joie la rajeunit. Elle enlève un peu de pâte qu’elle met de côté en la couvrant, puis reprend son travail ; cela lui donne chaud ; ses cheveux sont devenus plus clairs à cause d’une mince couche de farine.