Los Escritos de Maria Valtorta

360. La mauvaise humeur des apôtres et le repos dans une grotte.

360. El malhumor de los apóstoles y el descanso

360.1

A cause des pluies continuelles, la plaine du côté oriental du Jourdain ressemble à un lac, particulièrement à l’endroit où se trouvent Jésus et les apôtres. Ils ont franchi depuis peu un torrent qui descend par une gorge étroite des collines voisines, qui semblent former une digue cyclopéenne du nord au sud le long du Jourdain, rompue çà et là par des vallées étroites par lesquelles dégorgent les inévitables torrents. Un long feston de collines paraît avoir été disposé par Dieu pour encadrer la grande vallée du Jourdain de ce côté-là. Je dirais même que c’est un feston monotone tant les arcs en sont égaux et montent à la même altitude. Le groupe des apôtres se trouve entre les deux derniers torrents, qui ont débordé à l’approche des rives du fleuve. Leur lit est donc plus large, surtout celui du sud dont la masse d’eau qu’il charrie des montagnes est imposante et dont les eaux troubles se précipitent en grondant vers le Jourdain. Le fleuve, à son tour, fait entendre un grand fracas là où ses méandres naturels, je pourrais dire ses étranglements con­tinuels, ou l’arrivée d’un affluent, produisent un engorgement des eaux. Or Jésus se trouve dans ce trapèze formé par les trois cours d’eau[1] en crue et il n’est pas facile d’arracher ses jambes à ce bourbier.

360.2

L’humeur des apôtres est plus sombre que la journée. Et c’est tout dire. Chacun veut donner son avis. Et toute parole cache un reproche sous l’apparence d’un conseil. C’est l’heure des : « Je l’avais bien dit », « Si on avait suivi mon idée », etc., si blessants pour celui qui a commis une erreur, et qui est déjà si ennuyé de l’avoir faite.

Il se trouve quelqu’un pour constater : « Il aurait mieux valu franchir le fleuve à la hauteur de Pella et aller de l’autre côté qui est moins difficile », ou bien : « Il fallait le prendre ce char ! Nous avons fait fait les braves, mais ensuite… », et encore : « Si nous étions restés sur les montagnes, nous n’aurions pas eu cette boue ! »

Jean soupire :

« Vous êtes les prophètes du passé. Qui pouvait prévoir cette persistance de la pluie ?

– C’est la saison. C’était couru d’avance, dit sentencieusement Barthélemy.

– Les autres années, ce n’était pas comme cela avant la Pâque. Je suis venu vers vous alors que le Cédron n’était certainement pas plein, et l’an dernier nous avons même eu de la sécheresse. Vous qui vous plaignez, ne vous rappelez-vous pas la soif dont nous avons souffert dans la plaine de Philistie ? demande Simon le Zélote.

– Eh ! C’est naturel ! Les deux sages le disent et le font entendre ! Lance ironiquement Judas.

– Tais-toi, je t’en prie. Tu ne sais que critiquer. Mais au bon moment, quand il s’agit de parler à quelque pharisien ou quelqu’un de semblable, tu restes muet comme si tu avais la langue liée, rétorque Jude, à bout de nerfs.

– Oui, il a raison. Pourquoi n’as-tu pas répliqué un seul mot, dans le dernier village, à ces trois serpents ? Tu savais bien que nous avons été aussi à Giscala et à Meieron, respectueux et obéissants, et que c’est lui, justement lui, qui a voulu y aller, car il honore les grands rabbins défunts. Mais tu n’as rien dit ! Tu sais comment il exige de nous le respect pour la Loi et les prêtres. Mais tu n’as rien dit ! C’est maintenant que tu parles. Maintenant, parce qu’il s’agit d’ironiser sur les meilleurs d’entre nous et de critiquer ce que fait le Maître, poursuit André qui, habituellement patient, est aujourd’hui vraiment nerveux.

– Tais-toi. Judas a tort, lui qui est l’ami de nombreux, de trop nombreux Samaritains… dit Pierre.

– Moi ? Qui sont-ils ? Dis leur nom si tu peux !

– Oui, mon ami. Tous les pharisiens, sadducéens, les puissants dont tu te vantes d’être l’ami et qui te connaissent, cela se voit ! Moi, ils ne me saluent jamais. Mais toi, si.

– Tu en es jaloux ! Mais moi, je suis un homme du Temple et pas toi.

– Grâce à Dieu, je suis un pêcheur. Oui. Et je m’en vante.

– Un pêcheur si nul qu’il n’a même pas su prévoir ce temps.

– Non ! Je l’ai dit : “Lune de Nisân, c’est de la pluie qui descend ”, énonce Pierre sentencieusement.

– Ah ! C’est là que je t’attendais ! Et toi, qu’en dis-tu, Jude ? Et toi, André ? Même Pierre, le chef, critique le Maître !

– Je ne critique personne ! Je cite un dicton.

– Qui, à bien l’entendre, est une critique et un reproche.

– Oui… Mais tout cela ne sert pas à assécher la terre, il me semble. Maintenant que nous y sommes, nous devons y rester. Gardons notre souffle pour sortir nos pieds de ce marécage » dit Thomas.

360.3

Et Jésus ? Jésus se tait. Il marche un peu en avant, en pataugeant dans la boue ou en cherchant des passages là où une motte verte émerge. Mais même là, il suffit d’y marcher pour que l’eau gicle à mi-jambes, comme si le pied avait écrasé une vessie au lieu d’une touffe d’herbe. Il se tait et laisse parler les apôtres mécontents, tout à fait hommes, rien de plus que des hommes que le moindre dérangement rend irascibles et injustes.

Les voilà arrivés près du torrent le plus au sud. Jésus voit passer le long de la rive inondée un homme sur un mulet. Il demande :

« Où est le pont ?

– Plus haut. J’y passe moi aussi. L’autre, en aval, le pont romain, est maintenant sous l’eau. »

Un autre chœur de murmures s’élève… Mais ils se hâtent de suivre l’homme qui parle avec Jésus.

« Il te faut pourtant te diriger vers la montagne » dit-il, avant d’ajouter : « Reviens à la plaine quand tu vas trouver le troisième cours d’eau après le Yarloq. Alors tu seras près du gué. Mais fais vite, ne t’arrête pas, car le fleuve monte d’heure en heure. Quelle mauvaise saison ! La gelée d’abord, et puis l’eau. Et aussi abondante ! C’est un châtiment de Dieu. Mais c’est juste ! Quand on ne lapide pas ceux qui blasphèment la Loi, Dieu punit. Et nous en avons, de ces gens-là ! Tu es galiléen, n’est-ce pas ? Alors tu dois connaître cet homme de Nazareth que les meilleurs abandonnent car il est la cause de tout le mal. Il attire la foudre par sa parole ! Les châtiments ! Il faut entendre ce que racontent de lui ceux qui étaient avec lui. Les pharisiens ont bien raison de le poursuivre. Qui sait quel malfaiteur c’est ! Il doit faire peur comme un Belzébuth. J’avais eu envie d’aller l’entendre car on m’avait dit d’abord beaucoup de bien de lui. Mais… c’étaient des discours de ceux de sa bande. Tous des gens sans scrupules comme lui. Les bons l’abandonnent, et ils font bien. Pour mon compte, je ne vais plus le voir. Et si le hasard l’amène près de moi, je lui jetterai des pierres comme on en a le devoir à l’égard des blasphémateurs.

– Dans ce cas, lapide-moi. Je suis Jésus de Nazareth. Je ne m’enfuis pas et je ne te maudis pas. Je suis venu racheter le monde en versant mon sang. Me voici. Sacrifie-moi, mais deviens juste. »

Jésus dit cela en ouvrant un peu les bras qu’il tend vers la terre. Il le dit lentement, doucement, et avec tristesse. Mais s’il l’avait maudit, il n’aurait pas tant impressionné l’homme, qui tire si brusquement les rênes que le mulet fait un écart et peu s’en faut qu’il ne tombe de la rive dans le fleuve en crue. Jésus saisit le mors et retient la bête à temps pour sauver l’homme et le mulet. L’homme ne cesse de répéter :

« Toi ! Toi !… » et, voyant le geste qui le sauve, il s’écrie : « Mais je t’ai dit que je t’aurais lapidé… Tu ne comprends pas ?

– Et moi, je te dis que je te pardonne et même que je souffrirai pour toi, pour te racheter. Voilà qui est le Sauveur. »

L’homme le regarde encore, talonne son mulet et part en vitesse. Il s’enfuit… Jésus baisse la tête…

360.4

Les apôtres éprouvent le besoin d’oublier la boue, la pluie et toutes les autres misères pour le consoler. Ils l’entourent et lui disent :

« Ne t’afflige pas ! Nous n’avons pas besoin de brigands, et celui-là en est un. Car seul un vaurien peut croire à de telles calomnies sur ton compte et avoir peur de toi.

– Pourtant, ajoutent-ils aussi, quelle imprudence, Maître ! Et s’il t’avait fait du mal ? Pourquoi révéler que tu es Jésus de Nazareth ?

– Parce que c’est la vérité… Dirigeons-nous vers les montagnes comme il l’a conseillé. Nous perdrons un jour, mais vous sortirez du marécage.

– Toi aussi, font-ils remarquer.

– Oh ! Pour moi cela ne compte guère. C’est le marécage des âmes mortes qui me peine. »

Et deux larmes lui coulent des yeux.

« Ne pleure pas, Maître. Nous rouspétons, mais nous t’aimons bien. Si nous pouvions rencontrer ceux qui te dénigrent ! Nous te vengerions.

– Vous pardonneriez comme je le fais. Mais laissez-moi pleurer. Je suis l’Homme, enfin ! Et d’être trahi, renié, abandonné, cela me fait souffrir !

– Regarde-nous, regarde-nous. Nous sommes peu nombreux et bons. Aucun de nous ne te trahira, ne t’abandonnera. Tu peux en être sûr, Maître.

– Cela va sans dire ! C’est offensant pour notre âme de penser que nous puissions te trahir ! » s’exclame Judas.

Mais Jésus est affligé. Il se tait, et des larmes coulent lentement sur les joues pâles de son visage fatigué et amaigri.

Ils approchent des montagnes.

« Allons-nous monter là-haut ou les longer ? Il y a des villages à mi-côte. Regarde. Des deux côtés de la rivière, lui font-ils remarquer.

– La nuit tombe. Cherchons à atteindre un village. Celui-ci ou celui-là, c’est égal. »

Jude, qui a de très bons yeux, scrute les pentes. Il approche de Jésus et dit :

« Au besoin, il y a des fentes dans la montagne. Tu les vois, là-bas ? Nous allons nous y réfugier. Ce sera toujours mieux que dans la boue.

– Nous ferons du feu, dit André pour les réconforter.

– Avec du bois trempé ? » demande ironiquement Judas.

Personne ne lui répond. Pierre murmure :

« Je bénis l’Eternel qu’il n’y ait avec nous ni les femmes ni Marziam. »

360.5

Ils passent le pont – vraiment préhistorique – qui se trouve au fond de la vallée et en prennent le côté méridional en suivant un chemin muletier qui mène à un village. La nuit tombe rapidement, si bien qu’ils décident de se réfugier dans une vaste grotte pour échapper à une averse violente. C’est peut-être une grotte qui sert de refuge aux bergers, car il y a du fourrage, des ordures et un foyer rudimentaire.

« Cela ne peut pas servir de lit. Mais pour faire du feu… » dit Thomas en montrant les ramilles souillées éparses sur le sol avec des fougères sèches et des branches de genévrier ou de plantes du même genre. Il les pousse avec un bâton vers le foyer, les amoncelle et y met le feu.

Il se dégage du feu une fumée puante mêlée à des odeurs de résine et de genévrier. Et pourtant cette chaleur est agréable, et tous s’installent en demi-cercle puis, à la lumière mobile de la flamme, ils mangent du pain et du fromage.

« On pouvait pourtant essayer d’arriver au village, dit Matthieu, qui est enroué et gelé.

– Oh, écoute ! Pour recommencer l’histoire d’il y a trois soirs ? Ici, personne ne va nous chasser. Nous resterons assis sur ce bois et nous ferons du feu tant que nous pourrons. Maintenant que l’on y voit, il y en a du bois ! Regarde, regarde ! Et aussi de la paille !… C’est vraiment un bercail, certainement pour l’été ou pour la tranohumance.

360.6

Et par là, où ça va ? Prends une branche allumée, André, je veux voir » ordonne Pierre qui tourne, en veine de découvertes.

André obéit. Ils s’engagent dans un étroit passage dans la paroi de la grotte.

« Faites attention qu’il n’y ait pas de bêtes nuisibles ! Crient les autres.

– Ou des lépreux » dit Jude.

Après un moment, la voix de Pierre arrive.

« Venez ! Venez ! Ici, on est mieux. C’est propre et sec, et il y a des bancs de bois et du bois pour brûler. Mais c’est un palais de roi, pour nous ! Apportez des branches allumées pour que nous fassions du feu tout de suite. »

Ce doit être réellement un abri pour les bergers. Cette partie est celle où les bergers se reposent et dorment, alors que dans l’autre veillent à tour de rôle ceux qui gardent le troupeau. C’est une excavation dans la montagne, beaucoup plus petite et peut-être faite de main d’homme, ou au moins agrandie et consolidée par des poteaux destinés à soutenir la voûte. Une chape de cheminée primitive communique avec la première grotte et permet l’évacuation de la fumée dans cette direction. Il y a des planches et de la paille le long des murs où sont enfoncés des pitons pour accrocher des lanternes, des vêtements ou des besaces.

« Mais c’est rudement bien ! Allons, faisons beaucoup de feu ! Nous serons au chaud et nous sécherons nos manteaux. Retirons nos ceintures, faisons-en des cordes pour y pendre les manteaux » ordonne Pierre.

Puis il arrange les planches et la paille, et il dit :

« Maintenant on va pouvoir dormir pendant que quelqu’un, à tour de rôle, entretiendra le feu pour que l’on puisse y voir et rester au chaud. Quelle grâce de Dieu ! »

Judas grommelle entre ses dents. Fâché, Pierre se retourne :

« En comparaison de la grotte de Bethléem où le Seigneur est né, celle-là est un palais de roi. Si lui, il est né dans ces conditions, nous pourrons bien passer une nuit ici.

– Elle est même plus belle que les grottes d’Arbel. Là, il n’y avait de beau que notre cœur, meilleur que maintenant, dit Jean qui se perd dans un souvenir mystique.

– Et encore bien mieux que celle qui a abrité le Maître quand il se préparait à la prédication » ajoute sévèrement Simon le Zélote en regardant Judas comme pour lui intimer de se taire.

Pour finir, Jésus dit :

« Et elle est sans comparaison plus chaude et plus confortable que celle où j’ai fait pénitence pour toi, Judas, fils de Simon, dans ce mois de Tébet.

– Pénitence pour moi ? Pourquoi ? Il n’en était pas besoin !

– En vérité, nous devrions, toi et moi, passer la vie en pénitence pour te délivrer de tout ce qui t’alourdit. Et encore, cela ne suffirait pas. »

La sentence, exprimée avec calme, mais avec une grande détermination, tombe comme un coup de foudre sur le groupe médusé… Judas baisse la tête et se retire dans un coin. Il n’a pas l’audace de réagir.

360.7

Après un moment, Jésus ordonne :

« C’est moi qui vais veiller. Je m’occuperai du feu. Vous, dormez. »

Et, peu après, au pétillement du bois s’unit la lourde respiration des douze apôtres fatigués, allongés sur les planches dans la paille. Jésus, lorsque la paille tombe et les laisse découverts, se lève et l’étend de nouveau sur les dormeurs avec l’affection d’une mère. Néanmoins, il pleure en contemplant dans leur sommeil les visages hermétiques de certains, ou paisibles, ou courroucés. Il regarde Judas qui semble ricaner même dans son sommeil, renfrogné, les poings serrés… Il regarde Jean qui dort une main sous sa joue, le visage couvert par ses cheveux blonds, les joues roses, tranquille comme un enfant au berceau. Il regarde le visage honnête de Pierre et celui, sévère, de Nathanaël, celui, variolé, de Simon le Zélote, celui, aristocratique, de son cousin Jude, et il s’arrête longuement à regarder Jacques, fils d’Alphée, qui est un Joseph de Nazareth très jeune. Il sourit en entendant les monologues de Thomas et d’André, qui semblent parler au Maître. Il couvre bien Matthieu qui respire péniblement, il prend encore de la paille pour le tenir au chaud et l’étend sur les pieds de Matthieu après l’avoir chauffée devant la flamme. Il sourit en entendant Jacques qui balbutie : « Croyez dans le Maître et vous aurez la Vie »… et continue de prêcher à des personnages de rêve. Il se penche pour ramasser une bourse, où Philippe garde des souvenirs chers, en la replaçant doucement sous sa tête. Dans les intervalles, il médite et prie…

360.8

Le premier à se réveiller, c’est Simon le Zélote. Il voit Jésus qui est encore près du feu allumé dans la grotte bien chaude. En voyant le tas de bois réduit à presque rien, il comprend qu’il s’est écoulé de longues heures. Il descend de sa paillasse et, sur la pointe des pieds, va vers Jésus :

« Maître, ne viens-tu pas dormir ? Moi, je vais veiller.

– C’est l’aube, Simon. Je suis sorti il y a un instant. J’ai vu le ciel qui déjà commence à blanchir.

– Mais pourquoi ne nous as-tu pas appelés ? Tu es fatigué, toi aussi !

– Ah ! Simon ! J’avais un tel besoin de penser… et de prier. »

Et il appuie sa tête sur la poitrine de Simon.

Le Zélote, debout près de lui qui est assis, le caresse et soupire. Il lui demande :

« Penser à quoi, Maître? Tu n’as pas besoin de penser. Tu sais tout.

– Penser non pas à ce que je dois dire, mais à ce que je dois faire. Je suis désarmé contre ce monde rusé car, moi, je n’ai pas la malice du monde et l’astuce de Satan. Le monde triomphe… et je suis si las…

– Et affligé. Et nous y sommes pour quelque chose, bon Maître que nous ne méritons pas d’avoir. Pardonne-moi et pardonne à mes compagnons. Je te le dis pour tous.

– Je vous aime tant… Je souffre tant… Pourquoi si souvent ne me comprenez- vous pas ? »

360.9

Leur conversation éveille Jean, qui est le plus proche. Il ouvre ses yeux bleu clair et regarde avec étonnement autour de lui, puis il se souvient et se lève aussitôt et il arrive derrière les deux hommes qui parlent. Il entend ainsi les paroles de Jésus :

« Pour que toute la haine et toutes les incompréhensions ne soient plus rien à mes yeux et soient supportables, votre amour, votre compréhension me suffiraient… Au contraire, vous ne me comprenez pas… Et c’est ma première torture. Elle est lourde ! Lourde ! Mais ce n’est pas votre faute. Vous êtes des hommes… Ce sera votre douleur de ne pas m’avoir compris quand vous ne pourrez plus réparer… A cause de cela, et parce qu’alors vous expierez ce que vous avez de superficiel maintenant, de mesquin, d’étroit, je vous pardonne et je dis d’avance: “ Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font, ni la douleur qu’ils me causent. ” »

Jean se glisse par devant, s’agenouille et embrasse les genoux de son Jésus affligé, et les larmes lui viennent aux yeux quand il murmure :

« O mon Maître ! »

Simon le Zélote, qui a toujours la tête de Jésus sur la poitrine, se penche pour embrasser ses cheveux en disant :

« Et pourtant nous t’aimons tant ! Mais nous voudrions avoir la possibilité de te défendre, de nous défendre, de triompher. Nous sommes humiliés de te voir homme, soumis aux hommes, aux intempéries, à la misère, à la méchanceté, aux besoins de la vie… Nous sommes pitoyables. Mais c’est ainsi. Pour nous, tu es le Roi, le Triomphateur, le Dieu. Nous n’arrivons pas à comprendre la sublimité de ton abnégation, de ta soumission à tant d’épreuves par amour pour nous. C’est que, toi seul, tu sais aimer. Nous, nous ne le savons pas…

– Oui, Maître. Simon a raison. Nous ne savons pas aimer comme aime Dieu : toi. Et ce qui est infinie bonté, amour infini, nous le prenons pour de la faiblesse et nous en abusons… Augmente notre amour, augmente ton amour, toi qui en es la source, fais-le déborder comme les fleuves en ce moment, pénètre-nous, combles-nous-en comme les prés le long de la vallée. Il n’est pas nécessaire d’avoir la sagesse, la valeur, l’austérité, pour être parfaits comme tu nous veux. Il suffit d’avoir l’amour… Seigneur, moi, je m’en accuse au nom de tous : nous ne savons pas aimer.

– Vous deux, qui me comprenez davantage, vous vous accusez. Vous êtes l’humilité. Mais l’humilité est amour. Les autres aussi ne sont séparés de vous sur ce point que par une mince cloison. Et je l’abattrai. Car en effet, je suis Roi, Triomphateur et Dieu. Pour toujours. Mais, en ce moment, je suis l’Homme. Mon front s’incline déjà sous le supplice de ma couronne. Cela a toujours été une couronne torturante que d’être l’Homme… Merci, mes amis. Vous m’avez consolé. Car voici ce que le fait d’être homme a de bon : avoir une mère aimante et des amis sincères.

360.10

Maintenant, réveillons nos compagnons. Il ne pleut plus, les manteaux sont secs, les corps reposés. Mangez et partons. »

Il hausse la voix lentement, mais le “ partons ” est un ordre précis. Tous se lèvent et regrettent d’avoir dormi tout du long, pendant que Jésus veillait. Ils se préparent, mangent, prennent leurs manteaux, éteignent le feu et sortent sur le sentier humide pour commencer à descendre jusqu’à un chemin muletier qui suit la côte, suffisamment en pente pour ne pas être une mer de boue. La lumière est encore faible car il n’y a pas de soleil et le temps est couvert. Mais elle suffit pour voir.

360.11

André et les deux fils d’Alphée marchent tout en avant. A un certain moment, ils se penchent, regardent et reviennent en courant.

« Il y a une femme ! Elle semble morte ! Elle barre le sentier.

– Ah ! Quel ennui ! On commence mal. Comment va-t-on faire ? Maintenant, il va aussi falloir se purifier ! »

Ce sont les premiers murmures de la journée.

« Allons voir si elle est morte, dit Thomas à Judas.

– Pas question ! Répond ce dernier.

– Moi, je viens avec toi, Thomas » dit Simon le Zélote en s’avançant.

Ils s’approchent d’elle, se penchent et Thomas revient en arrière en courant et criant.

« Elle est assassinée, peut-être, suppose Jacques, fils de Zébédée.

– Ou bien morte de froid » répond Philippe.

Mais Thomas les rejoint et crie :

« Elle a le vêtement décousu des lépreux… »

On croirait qu’il a vu le diable, tant il est effrayé.

« Mais elle est morte ? demandent-ils.

– Qui peut savoir ! Moi, je me suis enfui. »

Simon le Zélote se relève et s’empresse de venir vers Jésus. Il dit :

« Maître, c’est une sœur lépreuse. Je ne sais pas si elle est morte. On ne dirait pas. Il me semble que son cœur bat encore.

– Tu l’as touchée ! S’écrient plusieurs en s’éloignant.

– Oui. Je n’ai pas peur de la lèpre depuis que j’appartiens à Jésus. Et j’ai pitié, car je sais ce que c’est qu’être lépreux. Peut-être la malheureuse a-t-elle été frappée, car elle saigne de la tête. Peut-être était-elle descendue chercher de la nourriture. C’est terrible, savez-vous, de mourir de faim et d’être obligé de défier les hommes pour avoir un pain.

– Elle est très abîmée ?

– Non. Je ne sais pas comment elle est parmi les lépreux. Elle n’a pas de squames, ni de plaies, ni de gangrène. Elle l’est peut-être depuis peu. Viens, Maître, je t’en prie. Comme pour moi, aie pitié de la sœur lépreuse !

– Allons. Donnez-moi du pain, du fromage et le peu de vin qu’il nous reste.

– Tu ne vas pas la faire boire là où nous buvons ! S’écrie Judas, terrorisé.

– N’aie pas peur, elle boira dans ma main. Viens, Simon. »

360.12

Ils s’approchent… mais la curiosité attire les autres aussi. Sans plus se soucier de ce que les feuillages mouillés font pleuvoir de l’eau des branches qu’ils remuent, ni de la mousse trempée, ils montent sur la côte pour regarder sans s’approcher de la femme. Ils voient Jésus se pencher, la prendre sous les bras, la transporter et la faire asseoir contre un rocher. Sa tête pend comme si elle était morte.

« Simon, relève-lui la tête, que je puisse faire couler dans sa gorge un peu de vin. »

Il obéit sans crainte et Jésus, tenant la petite outre en l’air, fait tomber des gouttes de vin entre les lèvres blêmes et entrouvertes. Il dit :

« Elle est glacée, la malheureuse ! Et elle est toute trempée.

– Si elle n’était pas lépreuse, nous pourrions l’amener là où nous étions, dit André, compatissant.

– Il ne manquerait plus que cela ! Lance Judas, furieux.

– Mais si elle n’est pas lépreuse ! Elle n’a pas de trace de lèpre.

– Elle en a le vêtement. Cela suffit. »

Pendant ce temps le vin agit. La femme pousse un soupir fatigué. Jésus, voyant qu’elle avale, lui en fait couler une gorgée dans la bouche. La femme ouvre des yeux embués et épouvantés. Elle voit des hommes. Elle essaye de se lever et de fuir en s’écriant :

« Je suis infectée ! Je suis infectée ! »

Mais les forces lui manquent. Elle se couvre le visage des mains. Elle gémit :

« Ne me lapidez pas ! Je suis descendue parce que j’ai faim… Cela fait trois jours que personne ne m’a rien jeté…

– Voici du pain et du fromage. Mange. N’aie pas peur. Bois un peu de vin dans ma main, dit Jésus en se versant dans le creux des mains un peu de vin et en le lui donnant.

– Mais tu n’as pas peur ? demande la malheureuse, stupéfaite.

– Je n’ai pas peur » répond Jésus.

Et il sourit en se levant, mais il reste près de la femme qui mange avidement le pain et le fromage. On dirait un fauve affamé. L’impatience de se nourrir la fait haleter.

360.13

Puis, une fois apaisé le désir animal de son estomac, elle regarde autour d’elle… Elle compte à haute voix :

« Un… deux… trois… treize… Mais alors ?… Oh ! Qui est le Nazaréen ? Toi, n’est-ce pas ? Toi seul peut avoir pitié d’une lépreuse, comme tu l’as montré !… »

La femme se met à genoux difficilement à cause de sa faiblesse.

« C’est moi, oui. Que veux-tu ? Guérir ?

– Oui… Mais auparavant je dois te dire une chose… J’avais entendu parler de toi. Quelques passants m’en avaient parlé, il y a tellement longtemps… Tellement ? Non. C’était l’automne. Mais pour un lépreux… chaque jour vaut une année… J’aurais voulu te voir, mais comment aurais-je pu venir en Judée, en Galilée ? On me traite de “ lépreuse ”. Mais j’ai seulement une plaie à la poitrine, et elle m’a été transmise par mon mari qui m’a prise vierge et saine, mais lui n’était pas sain. Mais c’est un grand… et il a tout pouvoir. Même celui de dire que je l’avais trahi en venant à lui malade et de me répudier pour cette raison, afin de prendre une autre femme dont il était amoureux. Il m’a dénoncée comme lépreuse et, comme je voulais me disculper, on m’a jeté des pierres. Etait-ce juste, Seigneur ? Hier soir, un homme est passé par Betjaboc, en annonçant que tu venais et qu’il allait à ta rencontre pour te chasser. Moi, j’étais là… J’étais descendue jusqu’aux maisons parce que j’avais faim. J’aurais fouillé dans le fumier pour me rassasier… Moi qui avais été une “ dame ”, j’aurais cherché à prendre aux poules un peu de pâtée aigrie… »

Elle pleure… Puis elle reprend :

« Le désir de te trouver, pour toi, pour te dire : “ Fuis ! ” et aussi pour moi, pour te dire : “ Pitié ! ” m’a fait oublier que, contrairement à notre loi, les chiens, les porcs, les poulets vivent près des maisons d’Israël, mais que le lépreux ne peut descendre demander un pain, pas même une femme qui n’a de lépreuse que le nom. Et je me suis avancée pour demander où tu étais. Ils ne m’ont pas vue tout de suite dans l’ombre, et ils m’ont dit : “ II monte par la berge du fleuve. ” Mais ensuite ils m’ont vue et, au lieu de pain, ils m’ont jeté des pierres. J’ai couru pendant la nuit pour venir à ta rencontre, pour fuir les chiens. J’avais faim, j’avais froid, j’avais peur. Je suis tombée là où tu m’as trouvée. Ici. J’ai cru mourir. Au contraire, je t’ai rencontré, toi, Seigneur. Je ne suis pas lépreuse, mais c’est cette plaie au sein qui m’empêche de revenir parmi les vivants. Je ne demande pas à redevenir Rose de Jéricho comme au temps de mon père, mais au moins à vivre parmi les hommes et à te suivre. Ceux qui m’ont parlé en octobre m’ont dit que tu avais des femmes disciples et que tu étais avec elles… Mais, d’abord, sauve-toi. Ne meurs pas, toi qui es bon !

– Je ne mourrai pas tant que l’heure ne sera pas venue.

360.14

Va jusqu’à ce rocher, là-bas. Il y a une grotte sûre. Repose-toi et ensuite va trouver le prêtre.

– Pourquoi, Seigneur ? »

La femme tremble d’anxiété.

Jésus sourit :

« Redeviens la Rose de Jéricho qui fleurit dans le désert et qui vit toujours, même si elle paraît morte. Ta foi t’a guérie. »

La femme entrouvre son vêtement sur la poitrine, regarde et s’écrie :

« Plus rien ! O Seigneur, mon Dieu ! »

Et elle tombe front contre terre.

« Donnez-lui du pain et de la nourriture. Et toi, Matthieu, donne-lui une paire de tes sandales. Moi, je vais lui passer un manteau pour qu’elle puisse aller trouver le prêtre quand elle se sera restaurée. Remets-lui aussi l’obole, Judas, pour les dépenses de la purification. Nous l’attendrons à Gethsémani pour la confier à Elise. Elle m’a demandé une fille.

– Non, Seigneur, je ne me repose pas. J’y vais tout de suite, tout de suite.

– Descends au fleuve, alors, lave-toi, mets le manteau…

– Seigneur, dit Simon le Zélote, c’est moi qui vais le donner à ma sœur lépreuse. Permets-le-moi et je la conduirai à Elise. Je guéris une seconde fois, en me revoyant en elle, heureux.

– Qu’il en soit comme tu veux. Procure-lui ce qu’il lui faut. Femme, écoute bien : tu iras te purifier, après quoi tu iras à Béthanie, tu demanderas Lazare et tu lui diras de te prendre chez lui jusqu’à mon arrivée. Va en paix.

– Seigneur ! Quand pourrai-je te baiser les pieds ?

– Bientôt. Va. Mais sache que seul le péché me répugne. Et pardonne à ton époux, parce que c’est par son intermédiaire que tu m’as trouvé.

– C’est vrai. Je lui pardonne. Je pars… Ah ! Seigneur ! Ne t’arrête pas ici où l’on te hait. Pense que j’ai marché, épuisée, pendant toute une nuit pour venir te prévenir et, si au lieu de te trouver j’en avais trouvé d’autres, je pouvais être lapidée comme un serpent.

– Je m’en souviendrai. Va, femme. Brûle le vêtement. Accompagne-la, Simon. Nous vous suivrons. Nous vous rejoindrons au pont. »

360.15

Ils se séparent. Judas intervient :

« Tout de même, il nous faut maintenant nous purifier. Nous sommes tous impurs.

– Elle n’était pas lépreuse, Judas, fils de Simon. C’est moi qui te le dis.

– Eh bien ! Moi, je me purifierai. Je ne veux pas d’impureté sur moi.

– Quel lys candide ! » s’exclame Pierre. « Si le Seigneur ne s’estime pas impur, veux-tu l’être, toi ?

– Et pour une femme dont le Seigneur affirme qu’elle n’était pas lépreuse ? Mais qu’avait-elle, Maître ? Tu as vu la plaie ?

– Oui. C’est le fruit de la luxure d’un homme. Mais elle n’était pas lépreuse, et si l’homme avait été honnête, il ne l’aurait pas chassée, car il était plus malade qu’elle. Mais tout sert aux luxurieux pour rassasier leur faim. Toi, Judas, si tu veux, tu peux y aller. Nous nous retrouverons à Gethsémani. Et purifie-toi ! Purifie-toi ! Mais la première des purifications, c’est la sincérité. Tu es hypocrite. Souviens-t’en. Mais tu peux y aller.

– Non, je reste ! Puisque tu le dis, je le crois. Je ne suis donc pas impur et je reste avec toi. Tu veux dire que je suis luxurieux et que je profitais de l’occasion pour… Je te prouve que c’est toi qui es mon amour. »

Ils descendent rapidement.

Le 15 décembre.

360.16

Jésus dit :

« Vous placerez ici la vision du “ miracle du Jourdain en crue ” que tu as eue le 17 septembre 1944. »

360.1

La llanura del lado oriental del Jordán, por las continuas lluvias, parece haberse convertido en una laguna, especialmente en el lugar en que se encuentran ahora Jesús y los apóstoles. Hace poco, han cruzado un torrente que desciende por una estrechura de las cercanas colinas, las cuales parecen formar verdaderamente una presa ciclópica, de Norte a Sur, paralela al Jordán, interrumpida acá o allá por estrechos valles por los que surge el inevitable torrente. Parece como si Dios hubiera puesto un gran festón de collados para orla del gran valle del Jordán, por esta parte. Diría, incluso, que son tan iguales sus salientes, formas y alturas, que es un festón monótono. El grupo apostólico está entre los dos últimos torrentes, que además se han desbordado y han ocupado las zonas rayanas de sus orillas, ampliando así su lecho; especialmente el que está al Sur, imponente por la masa de agua que trae de las montañas, que rumorea, turbia, en dirección al Jordán, cuyo rumor, a su vez, se oye fuerte, especialmente en las zonas en que las curvas naturales — podría decir, las estrechuras que continuamente presenta — o la desembocadura de un afluente producen una excesiva acumulación de aguas. Pues bien, Jesús está dentro de este triángulo truncado, formado por tres cursos de agua crecidos; y salir de ese pantano no es cosa fácil.

360.2

El humor apostólico está más turbio que el día. Con eso está todo dicho. Todos quieren expresar su opinión. Todas las cosas que se dicen celan, bajo la apariencia de un consejo, una crítica. Es la hora de los: «Yo lo había dicho», «si se hubiera hecho como aconsejaba yo»… tan violentos para una persona que haya cometido un error, para alguien que ya de por sí se sienta abatido por ello.

Aquí se dice: «Hubiera sido mejor pasar el río a la altura de Pel.la y luego ir por la otra parte, que es menos dificultosa», o: «¡Hubiera convenido tomar aquel carro! Sí, hemos cumplido, ¿pero luego?…», y también: «¡Si nos hubiéramos quedado en los montes, no habría este barro!».

Juan dice: «Sois los profetas de las cosas realizadas. ¿Quién podía prever esta insistencia de la lluvia?».

«Es su tiempo. Era natural» sentencia Bartolomé.

«Los otros años no ha sido así antes de la Pascua. Cuando fui donde vosotros, el Cedrón no estaba crecido, y el año pasado hemos tenido incluso tiempo seco. Vosotros que os quejáis, ¿no os acordáis de la sed que pasamos en la llanura filistea?» dice el Zelote.

«¡Claro! ¡Natural! ¡Hablan los dos sabios y nos contradicen!» dice con ironía Judas de Keriot.

«Tú cállate, por favor. Sabes sólo criticar. Pero, en los momentos importantes, cuando hay que hablar con algún fariseo o similar, te quedas callado como si tuvieras trabada la lengua» le dice, inquieto, Judas Tadeo.

«Sí. Tiene razón. ¿Por qué no has replicado ni una palabra a esas tres serpientes en el último pueblo? Sabías que habíamos estado también en Yiscala y en Meirón, respetuosos y obsequiosos; y que allí quiso ir Él, justamente Él, que honra a los grandes rabíes difuntos. ¡Pero no has hablado! Sabes cómo exige de nosotros respeto a la Ley y a los sacerdotes. ¡Pero no has hablado! Hablas ahora. Ahora, porque hay alguna ironía que hacer sobre los mejores de entre nosotros, y críticas que hacer a las acciones del Maestro» dice, en tono apremiante, Andrés, que normalmente es paciente pero que hoy se manifiesta muy nervioso.

«Calla tú. Judas está equivocado. Él, que es amigo de muchos, demasiados, samaritanos…» dice Pedro.

«¿Yo! ¿Quiénes son? Dime sus nombres, si puedes».

«¡Sí, sí, amigo! Todos los fariseos, saduceos y gente influyente de cuya amistad te jactas. ¡Se ve que te conocen! A mí no me saludan nunca. A ti, sí».

«¡Estás celoso! Bueno, yo pertenezco al Templo y tú no».

«Por gracia de Dios soy un pescador. Sí, y me glorío de ello».

«Un pescador tan necio, que no ha sabido ni siquiera prever este tiempo».

«¡No? Ya lo dije: “Luna de Nisán mojada, agua a cantaradas”» sentencia Pedro.

«¡Ah! ¡Aquí te quería ver! ¿Y tú qué opinas, Judas de Alfeo? ¿Y tú, Andrés? ¡También Pedro, el Jefe, critica al Maestro!».

«Yo no critico absolutamente a ninguno. Estoy diciendo un proverbio».

«Que, para quien lo oye, significa crítica y reproche».

«Sí… pero todo esto no sirve para secar la tierra, me parece. Ya estamos aquí, y aquí debemos estar. Vamos a reservar el aliento para desencajar los pies de este pantano» dice Tomás.

360.3

¿Y Jesús? Jesús guarda silencio. Va un poco adelantado, chapoteando en el lodo, o buscando pedazos de tierra herbosa no sumergidos. Pero también basta con pisarlos para que salpiquen agua hasta la mitad de las espinillas, como si el pie hubiera pisado una bolsa, en vez de un trozo de tierra con hierba. Guarda silencio, les deja hablar, descontentos, enteramente hombres, nada más que hombres a quienes la mínima molestia vuelve irascibles e injustos.

Ya está cerca el río más meridional. Jesús, viendo pasar a lo largo del ribazo inundado a un hombre a lomos de un mulo, pregunta: «¿Dónde está el puente?».

«Más arriba. Yo también paso por él. El otro, hacia abajo, el romano, está ya sumergido».

Otro coro de quejas… Pero se apresuran a seguir al hombre, que habla con Jesús.

«De todas formas, te conviene subir hacia las colinas» dice. Y termina: «Vuelve al llano cuando encuentres el tercer río después del Yaloc. Tendrás ya cerca el vado. Pero apresúrate. No te detengas. Porque el río crece cada hora que pasa. ¡Qué estación más horrible! Primero el hielo, luego el agua. Y fuerte como ahora. Un castigo de Dios. ¡Pero es justo! Cuando no se apedrea a los blasfemos de la Ley, Dios castiga. ¡Y tenemos blasfemos de ésos! ¿Tú eres galileo, no es verdad? Entonces conocerás a ese de Nazaret del que todos los buenos se separan porque provoca todos los males. ¡Atrae las potencias destructoras con su palabra! ¡Los castigos! Hay que oír lo que cuentan de Él los que le seguían. Tienen razón los fariseos en perseguirle. ¡Qué gran ladrón será! Debe dar miedo como Belcebú. Me vinieron ganas de ir a escucharle, porque antes me habían hablado muy bien de Él. Pero… eran discursos de los de su banda. Todos gente sin escrúpulos como Él. Los buenos le abandonan. Y hacen bien. Yo, por mi parte, ya no trataré de verle otra vez. Y si me coincide en mi camino, le apedreo, como se debe hacer contra los blasfemos».

«Apedréame entonces. Soy Yo Jesús de Nazaret. No huyo ni te maldigo. He venido para redimir al mundo derramando mi Sangre. Aquí me tienes. Sacrifícame, pero hazte justo».

Jesús dice esto abriendo un poco los brazos, hacia abajo; lo dice lentamente, mansamente, con tristeza. Pero, si hubiera maldecido al hombre, no le habría impresionado más. Éste tira tan bruscamente de los ramales, que el mulo pega una reparada que por poco si no se cae por el ribazo al río hinchado. Jesús echa mano al bocado y sujeta al animal, a tiempo de salvar hombre y mulo.

El hombre no hace sino repetir: «¡Tú! ¡Tú!…» y, viendo el acto que le ha salvado, grita: «Pero si te he dicho que te apedrearía… ¿No comprendes?».

«Y Yo te digo que te perdono y que sufriré también por ti para redimirte. Esto es el Salvador».

El hombre le mira todavía; luego da un golpe de talón en el costado del mulo y se marcha veloz… Huye… Jesús agacha la cabeza…

360.4

Los apóstoles sienten la necesidad de olvidarse del barro, la lluvia y todas las otras miserias, para consolarle. Le circundan y dicen: «¡No te aflijas! No tenemos necesidad de bandidos. Y ése lo es. Porque sólo una persona mala puede creer que son verdaderas las calumnias que se dicen de ti, y tener miedo de ti».

«De todas formas» dicen también «¡qué imprudencia, Maestro! ¿Y si te hubiera agredido? ¿Por qué decir que eras Tú Jesús de Nazaret?».

«Porque es la verdad… Vamos hacia las colinas, como ha aconsejado. Perderemos un día, pero vosotros saldréis del pantano».

«También Tú» objetan.

«¡Para mí no cuenta! El pantano que me cansa es el de las almas muertas» y dos lágrimas gotean de sus ojos.

«No llores, Maestro. Nosotros nos quejamos, pero te queremos. ¡Si encontramos a los que te difaman!… Nos vengaremos».

«Vosotros perdonaréis como perdono Yo. Pero dejadme llorar. ¡Al fin y al cabo, soy el Hombre! Y que me traicionen, que renieguen de mí, que me abandonen, me causa dolor».

«Míranos a nosotros, a nosotros. Pocos pero buenos. Ninguno de nosotros te traicionará ni te abandonará. Créelo, Maestro».

«¡Ciertas cosas no hay ni que decirlas! ¡Pensar que podamos cometer una traición es una ofensa a nuestra alma!» exclama Judas Iscariote.

Pero Jesús está afligido. Guarda silencio. Y lentas lágrimas ruedan por las pálidas mejillas de un rostro cansado y enflaquecido.

Se acercan a los montes. «¿Vamos a subir allá arriba o sólo vamos a bordear las bases de los montes? Hay pueblos a mitad de la ladera. Mira. De esta parte del río y de la otra» le indican.

«Está cayendo la tarde. Vamos a tratar de llegar a un pueblo. Que sea uno u otro es lo mismo».

Judas Tadeo, que tiene muy buenos ojos, escruta las laderas. Se acerca a Jesús. Dice: «En caso de necesidad, hay grietas en el monte. ¿Las ves allí? Nos podemos refugiar en ellas. Siempre será mejor que no el barro».

«Encendemos fuego» dice Andrés queriendo consolar.

«¿Con la leña húmeda?» pregunta con ironía Judas de Keriot.

Ninguno le responde. Pedro susurra: «Bendigo al Eterno porque no están con nosotros ni las mujeres ni Margziam».

360.5

Pasan el puente — verdaderamente prehistórico —, que está justo en los lindes del valle. Toman el lado meridional de éste, por un camino de herradura que lleva a un pueblo. Las sombras descienden rápidamente; tanto, que deciden refugiarse en una amplia gruta para huir de un chaparrón violento. Quizás es una gruta que sirve de refugio a los pastores, porque hay paja, suciedad y un tosco hogar.

«Como cama no sirve. Pero para hacer fuego…» dice Tomás, señalando los ramajes sucios y desmenuzados que hay por el suelo, desperdigados; y helechos secos y ramas de enebro o de otra planta similar. Y los arrima al hogar ayudándose con un palo. Los amontona. Prende fuego.

Humo y hedor, junto a olor de resina y enebro, se alzan del fuego. Y, no obstante, se agradece ese calor; todos hacen un semicírculo, y comen pan y queso a la luz móvil de las llamas.

«De todas formas se habría podido intentar en el pueblo» dice Mateo, que está ronco y resfriado.

«¡Sí, ya! ¿Para repetir la historia de hace tres noches? De aquí no nos echa nadie. Estamos sentados en aquella leña y hacemos fuego hasta que podamos. Ahora que se ve, ¡hay leña en cantidad, eh? ¡Mira, mira, también paja!… Es un redil. Para verano, o para cuando trashuman.

360.6

¿Y por aquí? ¿A dónde se va? Coge una rama encendida, Andrés, que quiero ver» ordena Pedro, mientras se mueve buscando hacer algún descubrimiento.

Andrés obedece. Se meten por una estrecha hendidura que hay en una pared de la gruta.

«¡Tened cuidado, no vaya a haber algún animal peligroso!» gritan los otros. «O leprosos» dice Judas Tadeo.

Al cabo de poco, llega la voz de Pedro. «¡Venid! ¡Venid! Aquí se está mejor. Está limpio y seco, y hay bancos de madera, y leña para el fuego. ¡Es un palacio para nosotros! Traed ramas encendidas, que hacemos fuego inmediatamente».

Debe ser, sí, un refugio de pastores: ésta es la gruta donde duermen los que están de descanso, mientras que en la otra velan los que, por turno, vigilan el rebaño. Es una excavación en el monte, mucho más pequeña, quizás hecha por el hombre, o por lo menos ampliada y reforzada con palos, colocados para sujetar la bóveda. Una campana de chimenea primitiva se pliega en forma de gancho hacia la primera gruta, para aspirar el humo que, si no, no tendría salida. Contra las paredes, toscos bancos y paja; en éstas hay clavados unos ganchos para colgar lámparas, indumentos o bolsas.

«¡Está magnífico, hombre! ¡Venga, vamos a hacer un buen fuego! Estaremos calientes y se secarán los mantos. Fuera los cintos; vamos a usarlos como cuerdas para tender los mantos» indica Pedro. Luego se pone a colocar los bancos y la paja y dice: «Y ahora, un poco cada uno, dormimos y nos turnamos en mantener vivo el fuego. Para ver y estar calientes. ¡Qué gracia de Dios!».

Judas barbota entre dientes. Pedro se vuelve resentido: «Respecto a la gruta de Belén, donde nació el Señor, esto es un palacio; si Él nació allí, podremos estar una noche nosotros aquí».

«También es más bonita que las grutas de Arbela. Allí lo único hermoso que había era nuestro corazón, que era mejor que ahora» dice Juan, internándose en un místico recuerdo suyo.

«También es mucho mejor que la que hospedó al Maestro para prepararse a la predicación» dice en tono severo el Zelote, mirando a Judas Iscariote como diciéndole “¡ya está bien, ¿no?!”.

Jesús, por último, abre su boca y dice: «Y es, sin comparación, más caliente y cómoda que en la que hice penitencia por ti, Judas de Simón, el pasado Tébet».

«¿Penitencia por mí! ¿Por qué? ¡No hacía falta!».

«Verdaderamente deberíamos tú y Yo pasar la vida en penitencia para liberarte de todo lo que te grava. Y no sería suficiente todavía».

La sentencia, muy decidida aunque haya sido dada con serenidad, cae como un rayo en el grupo atónito… Judas baja la cara y se retira a un rincón. No tiene la audacia de reaccionar.

360.7

«Yo me quedo despierto. Me encargo del fuego. Dormid vosotros» ordena Jesús pasado un rato.

Y, poco después, a los chasquidos de la leña se une la respiración pesada de los doce cansados, echados entre paja encima de los toscos bancos. Y Jesús, si la paja se cae y los deja descubiertos, se levanta y vuelve a extenderla encima de los durmientes, amoroso como una madre. Y llora incluso mientras contempla los rostros herméticos de algunos en el sueño, o plácidos, o contrariados. Mira a Judas Iscariote, que parece sonreír maliciosamente incluso en el sueño, torvo, con los puños cerrados… Mira a Juan, que duerme con una mano debajo de la cara, velado el rostro por sus rubios cabellos, róseo, sereno como un niño en la cuna. Mira el rostro honesto de Pedro y el grave de Natanael, el virolento del Zelote, el rostro aristocrático de su primo Judas, y se detiene largamente a mirar a Santiago de Alfeo, que es un José de Nazaret muy joven. Sonríe al oír los monólogos de Tomás y Andrés, que parecen hablar al Maestro. Tapa muy bien a Mateo, que respira con dificultad, cogiendo más paja para que esté caliente; paja que extiende encima de sus pies después de haberla calentado al fuego. Sonríe al oír a Santiago proclamar: «Creed en el Maestro y tendréis la Vida»… y continuar predicando a personajes de sueño. Y se inclina a recoger una bolsa donde Felipe conserva entrañables recuerdos, y se la coloca despacio debajo de la cabeza. En los intervalos medita y ora…

360.8

El primero en despertarse es el Zelote. Ve a Jesús todavía cabe el fuego encendido en la gruta ya bien caliente. Y, por el montón de la leña, reducido a una miseria, comprende que han pasado muchas horas. Baja de su yacija y se acerca de puntillas a Jesús. «¿Maestro, no vienes a dormir? Velo yo».

«Ya amanece, Simón. Hace poco he ido allí y he visto que el cielo se está aclarando».

«Pero, ¿por qué no nos has llamado? ¡Tú también estás cansado!».

«Simón, tenía mucha necesidad de pensar… y de orar» y le apoya la cabeza sobre el pecho.

El Zelote, en pie, junto a Él sentado, le acaricia, y suspira. Pregunta: «¿Pensar en qué, Maestro? Tú no tienes necesidad de pensar. Tú sabes todo».

«Pensar no en lo que debo decir, sino en lo que debo hacer. Estoy desarmado frente al mundo astuto, porque no tengo ni la malicia del mundo ni la astucia de Satanás. Y el mundo me vence… Y estoy muy cansado…».

«Y apenado. Y nosotros contribuimos a ello, Maestro bueno inmerecido por nuestra parte. Perdóname a mí y a mis compañeros. Lo digo por todos».

«Os amo mucho… Sufro mucho… ¿Por qué tantas veces no me comprendéis?».

360.9

El bisbiseo de los dos despierta a Juan, que es el que está más cerca. Abre sus ojos zarcos, mira a su alrededor extrañado, luego recuerda y, en seguida, se pone de pie, y se acerca por detrás a los dos que están hablando.

Por este motivo, oye las palabras de Jesús: «Para que todo el odio y las incomprensiones se transformaran en una insignificancia soportable, me bastaría vuestro amor, vuestra comprensión… Pero vosotros no me comprendéis… Y ésta es mi primera tortura. ¡Es dura! ¡Dura! Pero no tenéis culpa de ello. Sois hombres… Será vuestro dolor el no haberme comprendido, cuando ya no podáis repararlo… Por eso, porque entonces expiaréis las superficialidades de ahora, las mezquindades de ahora, las cerrazones de ahora, Yo os perdono y digo anticipadamente: “Padre, perdónalos porque no saben lo que hacen, ni el dolor que me causan”».

Juan cae delante y de rodillas, y abraza las rodillas de su Jesús afligido, y ya está para llorar cuando susurra: «¡Oh, Maestro mío!».

El Zelote, que sigue teniendo en su pecho la cabeza de Jesús, se inclina a besarle en los cabellos y dice: «¡Y, a pesar de todo, te queremos mucho! Sólo que pretenderíamos de ti una capacidad de defenderte, de defendernos, de triunfar. Nos deprime el verte hombre, sujeto a los hombres, a las inclemencias, a la miseria, a la maldad, a las necesidades de la vida… Somos unos necios. Pero así es. Para nosotros eres el Rey, el Triunfador, el Dios. No logramos comprender la sublimidad de tu renuncia a tanto por amor nuestro. Porque Tú sólo sabes amar. Nosotros no sabemos…».

«Sí, Maestro. Simón ha hablado bien. No sabemos amar como ama Dios: Tú. Y lo que es infinita bondad, infinito amor, lo interpretamos como debilidad y nos aprovechamos de ello… Aumenta nuestro amor, aumenta tu amor, Tú que eres su fuente; hazle desbordarse como ahora se desbordan los ríos; empápanos, satúranos de amor, como están los prados en todo el valle. No son necesarios la sabiduría, el coraje, la austeridad, para ser perfectos como Tú quieres. Basta con tener el amor… Señor, yo me acuso por todos: no sabemos amar».

«Vosotros, los dos que más comprenden, os acusáis. Sois la humildad. Y la humildad es amor. Pero también los otros tienen sólo una barrera para ser como vosotros. Y Yo la abatiré. Porque efectivamente soy Rey, Triunfador y Dios. Eternamente. Pero ahora soy el Hombre. Mi frente pesa ya bajo el suplicio de mi corona. Siempre ha sido una corona torturadora el ser Hombre… Gracias, amigos. Me habéis consolado. Porque esto tiene de bueno el ser hombres: tener una madre que ama y amigos sinceros.

360.10

Ahora vamos a despertar a los compañeros. Ya no llueve. Los mantos están secos. Los cuerpos descansados. Comed y nos ponemos en marcha».

Alza la voz lentamente, hasta que el «nos ponemos en marcha» es una orden firme. Todos se levantan y manifiestan su contrariedad por haber dormido todo el tiempo mientras Jesús velaba. Se arreglan un poco, comen, cogen los mantos, apagan el fuego y salen al sendero húmedo, y empiezan a bajar hasta el camino de herradura, que tiene el suficiente desnivel como para no ser un mar de lodo. La luz todavía es poca, porque ni hay sol ni el cielo está claro. Suficiente, de todas formas, para ver.

360.11

Andrés y los dos hijos de Alfeo van delante de todos. Llegados a un punto del camino, se inclinan, miran y rápidamente vuelven. «¡Hay una mujer! ¡Parece muerta! Tapa el sendero».

«¡Qué lata! Ya empezamos mal. ¿Cómo es posible? ¡Ahora vamos a tener que purificarnos incluso!». Las primeras quejas del día.

«Vamos a ver nosotros si está muerta» dice Tomás a Judas Iscariote.

«Voy yo contigo, Toma» dice el Zelote, y va adelante.

Llegan adonde la mujer, se agachan, y Tomás regresa corriendo y gritando.

«Quizás la han asesinado» dice Santiago de Zebedeo.

«O ha muerto de frío» responde Felipe.

Pero Tomás se llega a ellos y grita: «Lleva la túnica descosida de los leprosos…» (está tan desconcertado, que parece como si hubiera visto al diablo).

«¿Pero está muerta?» preguntan.

«¡Qué sé yo? He salido corriendo».

El Zelote se levanta y, a buen paso, viene hacia Jesús. Dice: «Maestro, una hermana leprosa. No sé si está muerta. Creo que no. Creo que el corazón todavía late».

«¡¿La has tocado?!» gritan bastantes separándose.

«Sí. Desde que soy de Jesús, no tengo miedo de la lepra. Y siento compasión, porque sé lo que es ser leproso. Quizás le han dado un golpe, porque está sangrando por la cabeza. Quizás había bajado buscando algo de comer. Es tremendo, ¿sabéis?, morirse de hambre y tener que hacer frente a los hombres para conseguir un pan».

«¿Está muy maltrecha?».

«No. Es más, no sé cómo es que está con los leprosos. No tiene ni escamas ni llagas ni gangrenas. Quizás es leprosa desde hace poco. Ven, Maestro. Te lo ruego. ¡Como de mí, ten piedad de esta hermana leprosa!».

«Vamos. Dadme pan, queso y ese poco de vino que tenemos todavía».

«¿No le irás a dar de beber de donde bebemos nosotros!» grita aterrorizado Judas Iscariote.

«No temas. Beberá en mi mano. Ven, Simón».

360.12

Van hacia delante… pero la curiosidad manda adelante también a los otros. Sin sentir ya molestias por el agua del follaje (que llueve de las ramas encima de las cabezas cuando menean aquéllas) ni por el musgo empapado, suben por la ladera para ver a la mujer sin acercarse. Y ven que Jesús se agacha, la toma por las axilas, la arrastra sentada y la apoya contra una roca. La cabeza pende como si estuviera muerta.

«Simón, vuélvele la cabeza, para que pueda echarle en la garganta un poco de vino».

El Zelote obedece sin miedo, y Jesús, manteniendo en alto el calabacino, deja caer unas gotas de vino dentro de los labios entreabiertos y lívidos. Y dice: «¡Está helada esta infeliz! Y empapada».

«Si no fuera leprosa, la podíamos llevar adonde hemos estado nosotros» dice Andrés compadecido.

«¡Sí!» prorrumpe Judas «¡sólo faltaba eso!».

«¡Pero si no está leprosa! No tiene señales de lepra».

«Tiene la túnica y es suficiente».

El vino actúa mientras tanto. La mujer emite un suspiro cansado. Jesús, viendo que traga, le vierte un chorro en la boca. La mujer abre los ojos obnubilados y asustados. Ve a algunos hombres. Trata de alzarse y de huir, mientras grita: «¡Estoy contaminada! ¡Estoy contaminada!». Pero las fuerzas no la ayudan. Se tapa el rostro con las manos y gime: «¡No me apedreéis! He bajado porque tengo hambre… Hace tres días que ninguno me echa nada…».

«Aquí hay pan y queso. Come. No tengas miedo. Bebe un poco de vino en mi mano» dice Jesús echando en el cuenco de su mano un poco de vino y dándoselo.

«¿Pero no tienes miedo!» dice, asombrada, la infeliz.

«No tengo miedo» responde Jesús. Y, poniéndose en pie, sonríe; se queda, de todas formas junto a la mujer, que come con avidez el pan y el queso.

Parece una fiera hambrienta. Jadea incluso, por el ansia de nutrirse.

360.13

Luego, sedada la animalidad de las entrañas vacías, mira alre dedor de sí… Cuenta en voz alta: «Uno… dos… tres… trece… ¿Pero entonces?… ¿Quién es el Nazareno? ¿Tú, no? ¡Sólo Tú puedes tener compasión como has tenido de una leprosa!…». La mujer se pone de rodillas con dificultad por la flaqueza.

«Soy Yo, sí. ¿Qué quieres? ¿Curarte?».

«Eso también… Pero antes debo decirte una cosa… Yo tenía noticia de ti. Me habían hablado hace mucho unos que pasaron… ¿Mucho? No. El otoño pasado. Pero para un leproso… cada día es un año… Hubiera deseado verte. Pero ¿cómo podía ir a Judea o a Galilea? Me llaman “leprosa”. Pero lo único que tengo es una llaga en el pecho, que me la ha transmitido mi marido, que me tomó virgen y sana, y él no estaba sano. Pero es una persona importante… y puede todo. Incluso decir que le había traicionado yendo a él ya enferma, y así repudiarme, para tomar a otra mujer de la que estaba prendado. Me denunció como leprosa. Por pretender justificarme, empezaron a pedradas conmigo. ¿Era justo, Señor? Ayer tarde, un hombre ha pasado, de Bet-Yaboc, avisando que venías, y exhortando a salir a tu encuentro para echarte de aquí. Yo estaba… Había bajado hasta las casas porque tenía hambre. Habría hurgado incluso en los estercoleros para matar mi hambre… Yo, que era la “señora”, habría querido quitarles a los pollos un poco de su frangollo agriado…».

Llora… Luego continúa: «La ansiedad por encontrarte — por ti, para decirte: “¡Huye!”; por mí, para decirte: “¡Piedad!” — me ha hecho olvidarme de que, infringiendo nuestra ley, perros, cerdos y pollos viven junto a las casas de Israel, pero que el leproso no puede bajar a pedir un pan, ni siquiera cuando es una que de leprosa sólo tiene el nombre. Y he venido, preguntando dónde estabas. No me vieron en ese momento, por la obscuridad, y me dijeron: “Sube por el ribazo del río”. Pero luego me vieron, y en vez de pan me dieron piedras. Salí corriendo, en la noche, para venir a tu encuentro, para evitar los perros. Tenía hambre, tenía frío, tenía miedo. Caí donde me has encontrado. Aquí. Creía que moría. Sin embargo, te he encontrado a ti. Señor, no estoy leprosa. Pero esta llaga que tengo aquí en el pecho me impide volver con los vivos. No pido volver a ser la Rosa de Jericó de los tiempos de mi padre; pero por lo menos vivir con los demás hombres y seguirte a ti. Los que me hablaron en octubre dijeron que tienes discípulas y que estabas con ellas… Pero primero sálvate Tú. ¡No mueras, Tú que eres bueno!».

«No moriré hasta que no llegue mi hora.

360.14

Ve allí, a aquella peña. Hay una gruta segura. Descansa. Luego ve al sacerdote».

«¿Para qué, Señor?». La mujer tiembla de ansiedad.

Jesús sonríe: «Vuelve a ser la Rosa de Jericó que florece en el desierto y que siempre está viva aunque parezca muerta. Tu fe te ha curado».

La mujer alza ligeramente la parte de vestido que cubre el pecho, mira… y grita: «¡Ya no hay nada! ¡Oh, Señor, mi Dios!» y cae rostro en tierra.

«Dadle pan y otras cosas de comer. Y tú, Mateo, dale un par de sandalias tuyas. Yo doy un manto. Para que pueda ir, después de reponer fuerzas, al sacerdote. Dale también el óbolo, Judas. Para los gastos de purificación. La esperaremos en Getsemaní para dársela a Elisa, que me pidió una hija».

«No, Señor. No descanso. Me pongo en marcha ya. En seguida. En seguida».

«Baja, entonces al río, lávate, ponte encima el manto…».

«Señor, se lo doy yo a la hermana leprosa. Deja que lo haga. Yo la guío adonde Elisa. Me curo otra vez viéndome a mí en ella, así, dichosa» dice el Zelote.

«Sea como quieres. Dale todo lo necesario. Mujer, escucha bien. Irás a purificarte. Luegos irás a Betania y preguntarás por Lázaro. Le dices que te dé hospedaje hasta que llegue Yo. Ve en paz».

«¡Señor! ¿Cuándo voy a poder besarte los pies?».

«Pronto. Ve. Mas has de saber que sólo el pecado me produce horror. Y perdona a tu marido, porque por medio suyo me has encontrado a mí».

«Es verdad. Le perdono. Me voy… ¡Oh, Señor! No te detengas aquí que te odian. Piensa que he caminado exhausta, durante una noche, para venir a decírtelo, y que si en vez de encontrarte a ti hubiera encontrado a otros me podían haber matado a pedradas como a una serpiente».

«Lo recordaré. Vete, mujer. Quema la túnica. Acompáñala, Simón. Nosotros os seguiremos. En el puente os alcanzaremos».

360.15

Se separan.

«Pero ahora tenemos que purificarnos. Todos estamos contaminados».

«No era lepra, Judas de Simón. Yo te lo digo».

«Bueno, pues, de todas formas me voy a purificar. No quiero cargar con impuridades».

«¡Que cándida azucena!» exclama Pedro. «¡No se siente impuro el Señor, y te vas a sentir tú impuro!».

«¿Y por una que Él dice que no está leprosa? Pero, ¿qué tenía, Maestro? ¿Has visto la llaga?».

«Sí. Un fruto de la lujuria masculina. Pero no era lepra. Y si el hombre hubiera sido honesto no la habría repudiado, porque estaba más enfermo que ella. Pero todo les sirve a los lujuriosos para saciar su hambre. Tú, Judas, si quieres, vete también. Nos encontraremos en el Getsemaní. ¡Y purifícate! ¡Purifícate! Pero la primera purificación es la sinceridad. Tú eres hipócrita. No lo olvides. Vete, vete, si quieres».

«¡No, no, que me quedo! Si Tú lo dices, creo. No estoy, por tanto, contaminado y me quedo contigo. Tú quieres decir que soy lujurioso y que aprovechaba la ocasión para… Te demuestro que mi amor eres Tú».

Y caminan raudos cuesta abajo.

15 de diciembre.

360.16

Dice Jesús: «Aquí pondréis la visión del “Milagro del Jordán engrosado”, del día 17 de septiembre de 1944».


Notes

  1. trapèze formé de trois cours d’eau qui, sur l’esquisse de Maria Valtorta, sont les deux derniers affluents au sud et le cours du Jourdain entre l’un et l’autre. Le mot Jourdain est écrit sur le grand cours d’eau à l’ouest, tandis qu’à l’est les collines sont dessinées. L’inscription cours d’eau tributaire du lac se trouve un peu plus haut.