Une fois le silence établi, Jésus répète la phrase, à plus forte voix encore. Puis il poursuit :
« En tant que Fils du Père, qui est le Père de la Lumière, je suis la Lumière du monde. Un fils ressemble toujours au père qui l’a engendré et il a la même nature. De même, je ressemble à Celui qui m’a engendré et j’ai la même nature que lui. Dieu, le Très-Haut, l’Esprit parfait et infini, est lumière d’Amour, lumière de Sagesse, lumière de Puissance, lumière de Bonté, lumière de Beauté. Il est le Père des lumières, et celui qui vit de lui et en lui voit, parce qu’il est dans la Lumière, de même que Dieu désire que les créatures voient. Il a donné à l’homme l’intelligence et le sentiment pour qu’il puisse voir la Lumière, c’est-à-dire lui-même, la comprendre et l’aimer. Il lui a aussi donné des yeux pour qu’il puisse voir la plus belle des choses créées, la perfection des éléments, qui rend visible la Création, celle qui est l’une des premières actions du Dieu Créateur et porte le signe le plus visible de Celui qui l’a créée : la lumière, incorporelle, lumineuse, béatifique, consolante, nécessaire comme l’est le Père de tous : Dieu éternel et très-haut.
Par un ordre de sa Pensée, il a créé le firmament et la terre, c’est-à-dire la masse de l’atmosphère et la masse de la poussière, l’incorporel et le corporel, ce qui est très léger et ce qui est lourd, mais tous les deux encore pauvres, vides et informes, parce qu’enveloppés dans les ténèbres, sans astres et sans vie.
L’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux et ne faisait qu’un avec le Créateur qui créait et l’Inspirateur qui poussait à créer, pour pouvoir aimer non seulement lui-même dans le Père et dans le Fils, mais aussi un nombre infini de créatures portant le nom d’astres, planètes, eaux, mers, forêts, plantes, fleurs, animaux qui volent, frétillent, rampent, courent, sautent, grimpent, et enfin l’homme, la plus parfaite des créatures, plus parfait que le soleil parce qu’il a une âme en plus de la matière, l’intelligence en plus de l’instinct, la liberté en plus de l’ordre, l’homme semblable à Dieu par l’esprit, semblable à l’animal par la chair, le demi-dieu qui devient dieu par participation, par la grâce de Dieu et sa propre volonté, l’être humain qui, s’il le veut, peut se transformer en ange, le plus aimé de la Création sensible pour lequel, tout en le sachant pécheur dès avant l’existence du temps, Dieu a préparé le Sauveur, la Victime dans l’Etre aimé sans mesure, dans le Fils, dans le Verbe, pour qui tout a été fait.
Mais pour donner à la terre et au firmament leur vraie physionomie, pour en faire deux splendeurs, utiles, adaptées à la continuation de l’œuvre créatrice, voilà que l’Esprit de Dieu qui se tenait dans le cosmos crie — et c’est la Parole qui pour la première fois se manifeste — : « Que la lumière soit. » Et la lumière existe, bonne, salutaire, puissante pendant la journée, affaiblie de nuit. Elle ne disparaîtra jamais tant que durera le temps.
De cet océan de merveilles qu’est le trône de Dieu, le sein de Dieu, Dieu tire son plus beau joyau, et c’est la lumière, qui précède cette pierre précieuse la plus parfaite qu’est la création de l’homme, en qui se trouve non pas un joyau de Dieu, mais Dieu lui-même, avec son souffle qu’il a envoyé sur la boue pour en faire une chair et une vie, et son héritier dans le Paradis céleste où il attend les justes, ses enfants, pour se réjouir en eux et eux en lui.
Si, au début de la création, Dieu a voulu sur ses œuvres la lumière, si, pour faire apparaître la lumière, il s’est servi de sa Parole, si Dieu donne à ceux qu’il aime davantage sa ressemblance la plus parfaite : la lumière — lumière matérielle joyeuse et incorporelle, lumière spirituelle sage et sanctifiante — pourrait-il ne pas avoir donné au Fils de son amour ce qu’il est lui-même ? En vérité, à Celui en qui il se complaît de toute éternité, le Très-Haut a tout donné, et il a voulu que la première chose et la plus puissante soit la lumière, pour que sans attendre de monter au Ciel les hommes connaissent la merveille de la Trinité, ce qui fait chanter les Cieux dans les chœurs bienheureux, chanter en raison de l’harmonie de la joie éblouie que suscite chez les anges la contemplation de la lumière, c’est-à-dire de Dieu, la Lumière qui remplit le Paradis et fait la béatitude de tous ses habitants.
Je suis la Lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la Vie ! De même que la lumière sur la terre informe a permis que les plantes et les animaux aient la vie, ainsi ma lumière permet aux âmes d’obtenir la vie éternelle. Moi qui suis la Lumière, je crée en vous la vie et je la conserve, la développe, vous recrée en elle, je vous transforme, je vous amène à la Demeure de Dieu par des chemins de sagesse, d’amour, de sanctification. Celui qui a la lumière en lui, possède Dieu en lui, car la lumière ne fait qu’un avec la charité. Or qui a la charité possède Dieu. Celui qui a la lumière a en lui la vie, car Dieu est présent là où il est fait bon accueil à son Fils bien-aimé.