Los Escritos de Maria Valtorta

632. Apparitions ici et là à diverses personnes.

632. Apariciones a varias personas en distintos lugares.

632.1

Elise, la mère d’Annalia, sanglote désespérément dans sa maison, enfermée dans une chambre où se trouve un petit lit sans couverture, peut-être celui d’Annalia. Elle a la tête abandonnée sur ses bras, qui s’abandonnent à leur tour, tendus vers le lit comme pour l’étreindre tout entier. Son corps repose sur ses genoux en une attitude de langueur. De vigoureux, il n’y a que ses pleurs.

Un peu de lumière pénètre par la fenêtre ouverte. Le jour revient depuis peu. Mais il se produit une vive lumière lorsque Jésus entre.

J’emploie le verbe “ entrer ”, pour dire qu’il se trouve soudain dans la pièce. Je l’emploierai toujours, désormais, pour signifier son apparition dans un endroit clos, sans répéter comment il se découvre de derrière une grande clarté qui rappelle celle de la Transfiguration, de derrière un feu blanc, si on me permet la comparaison, qui semble liquéfier les murs et les portes pour permettre à Jésus d’entrer avec son corps véritable, respirant, solide, glorifié, un feu, une clarté qui se referme sur lui et le dissimule à son départ. Mais aussitôt, il prend le bel aspect du Ressuscité, mais homme, vraiment homme, mais cent fois plus beau qu’avant la Passion. C’est lui, mais c’est lui glorieux, Roi.

632.2

« Pourquoi pleures-tu, Elise ? »

Je ne sais comment la femme ne reconnaît pas cette voix qu’on ne peut confondre. Peut-être la douleur l’étourdit-elle. Elle répond comme si elle parlait à un parent qui l’aurait rejointe après la mort d’Annalia.

« Tu as entendu hier soir ces hommes ? Il n’était rien. Il avait un pouvoir magique, mais pas divin. Et moi qui me résignais à la mort de ma fille en pensant qu’elle était aimée de Dieu, en paix… Il me l’avait assuré ! »

Elle redouble de larmes.

« Mais beaucoup l’ont vu ressuscité. Dieu seul peut se ressusciter lui-même.

– C’est ce que j’ai dit, moi aussi, à ceux d’hier. Tu l’as entendu. J’ai combattu leurs paroles, parce qu’elles représentaient la mort de mon espérance, de ma paix. Mais eux, tu as entendu ? ont affirmé : “ Tout cela, c’est de la comédie de ses partisans pour ne pas reconnaître qu’ils sont fous. Il est mort et bien mort, putréfié, ils l’ont enlevé et détruit, en prétendant qu’il est ressuscité. ” C’est ce qu’ils disaient… Et que c’est pour cela que le Très-Haut a envoyé le second tremblement de terre, pour leur faire sentir sa colère devant leur mensonge sacrilège. Oh ! je n’ai plus aucun réconfort !

– Mais si tu voyais de tes yeux le Seigneur ressuscité, et si tu le touchais de tes mains, croirais-tu ?…

– Je n’en suis pas digne… Bien évidemment, je croirais ! Il me suffirait de le voir. Je n’oserais pas toucher sa chair, car s’il en était ainsi, ce serait une chair divine, or une femme ne peut s’approcher du Saint des Saints.

632.3

– Lève la tête, Elise, et regarde qui se tient devant toi ! »

La femme lève sa tête chenue, son visage défiguré par les larmes, et elle voit… Elle tombe encore plus bas sur ses talons, se frotte les yeux, ouvre la bouche en un cri qui veut sortir, mais que la stupeur étrangle dans la gorge.

« C’est moi, le Seigneur. Touche ma main, baise-la. Tu m’as sacrifié ta fille, tu le mérites. Et retrouve, sur cette main, le baiser spirituel de ton enfant. Elle est au Ciel, et elle est bienheureuse. Tu parleras de cela aux disciples, et de ce jour-ci. »

La femme est tellement fascinée qu’elle n’ose pas faire le geste, de sorte que c’est Jésus lui-même qui presse sur ses lèvres la pointe de ses doigts.

« Oh ! Tu es vraiment ressuscité ! Que je suis heureuse ! Heureuse ! Bénis sois-tu de m’avoir consolée ! »

Elle se penche pour lui baiser les pieds, et reste ainsi. La lumière surnaturelle enveloppe le Christ de sa splendeur et soudain la pièce est vide. Mais Elise a dans le cœur une certitude inébranlable.

II. A Marie, mère de Judas, à Kérioth, avec Anne, mère de Joanne, et le vieil Ananie.

632.4

Je vois la maison d’Anne, mère de Joanne. C’est la maison de campagne où Jésus, accompagné de la mère de Judas, a accompli le miracle[1] de la guérison d’Anne. Là aussi, je vois une pièce, et une femme étendue sur un lit. Une femme qui est méconnaissable tant elle est défigurée par une angoisse mortelle. Son visage est ravagé. Une fièvre dévorante lui empourpre les pommettes, qui sont tellement saillantes que les joues en sont creusées. Les yeux, dans un cercle noir, eux aussi rougis par la fièvre et les pleurs, sont mi-clos sous des paupières gonflées. Là où il n’y a pas de rougeur de fièvre, le teint est d’un jaune intense, verdâtre comme si la bile était répandue dans le sang. Les bras décharnés, les mains effilées, sont abandonnés sur les couvertures que l’essoufflement soulève.

Près de la malade, qui n’est autre que la mère de Judas, se trouve Anne, la mère de Joanne. Elle essuie les larmes et la sueur, agite un éventail de palmier, change les linges trempés dans du vinaigre aromatisé et posés sur le front et la gorge de la malade, caresse ses mains, ses cheveux en désordre. Devenus en peu de temps plus blancs que noirs, ils sont épars sur l’oreiller et collés par la sueur sur les oreilles devenues transparentes. Anne pleure également, en disant des paroles de réconfort :

« Ce n’est pas cela, Marie ! Apaise-toi ! Assez ! C’est lui… lui, qui a péché. Mais toi, toi tu sais comme le Seigneur Jésus…

– Tais-toi ! Ce nom… quand on me le dit, on le profane… Je suis la mère… du Caïn de Dieu ! Ah ! »

Les larmes tranquilles se changent en de longs sanglots déchirants. Elle a l’impression de se noyer, s’attache au cou de son amie qui la secourt pendant qu’elle vomit de la bile.

« Paix ! Paix, Marie ! Ce n’est pas cela ! Ah, quels mots trouver pour te convaincre que le Seigneur t’aime ? Je te le répète ! Je te le jure sur ce qui est le plus sacré pour moi : mon Sauveur et mon enfant. C’est lui qui me l’a dit quand tu me l’as amené. Il a eu pour toi des paroles et des prévenances d’un amour infini. Tu es innocente. Il t’aime. Je suis certaine, je suis certaine qu’il se donnerait lui-même une autre fois pour te rendre la paix, pauvre mère martyre.

– Mère du Caïn de Dieu ! Tu entends ? Ce vent, là, dehors… Il le dit… Elle va à travers le monde, la voix… la voix du vent, et elle répète : “ Marie, femme de Simon, mère de Judas, celui qui a trahi le Maître et l’a livré à ceux qui l’ont crucifié. ” Tu entends ? Tout le dit… Le ruisseau, là dehors… Les tourterelles.., les brebis… Toute la terre crie que je suis… Non, je ne veux pas guérir. Je veux mourir !… Dieu est juste et ne me frappera pas dans l’autre vie. Mais ici, non. Le monde ne pardonne pas… ne distingue pas… Je deviens folle car le monde hurle… : “ Tu es la mère de Judas ! ” »

Elle retombe épuisée sur ses oreillers. Anne la redresse et sort pour porter dehors les linges tachés…

Marie, les yeux clos, exsangue après l’effort qu’elle a fait, gémit :

« La mère de Judas ! de Judas ! de Judas ! » Elle halète, puis reprend : « Mais qu’est-ce que Judas ? Qu’ai-je enfanté ? Qu’est-ce que Judas ? Qu’ai-je… »

632.5

Jésus est dans la pièce qu’éclaire une lumière tremblante, car la lumière du jour est encore trop faible pour éclairer la vaste pièce dans laquelle le lit est au fond, très loin de l’unique fenêtre. Il appelle doucement :

« Marie ! Marie, femme de Simon ! »

La femme délire presque et ne remarque pas la voix. Elle est absente, prise dans le vertige de sa douleur, et répète sans fin les pensées qui l’obsèdent, d’une manière monotone, comme le tic-tac d’une pendule :

« La mère de Judas ! Qu’ai-je enfanté ? Le monde hurle : “ La mère de Judas… ” »

Jésus en a presque les larmes aux yeux. Cela m’étonne beaucoup. Je ne pensais pas que Jésus pourrait pleurer encore après sa Résurrection…

Il se penche. Le lit est tellement bas pour lui, qui est si grand ! Il pose la main sur le front enfiévré, en repoussant les linges trempés dans le vinaigre, et dit :

« C’est un malheureux, rien d’autre. Si le monde crie, Dieu couvre les hurlements du monde en te disant : “ Aie la paix parce que, moi, je t’aime. ” Regarde-moi, pauvre mère ! Reprends tes esprits égarés et remet ton âme entre mes mains. Je suis Jésus !… »

Marie, femme de Simon, ouvre les yeux comme si elle sortait d’un cauchemar ; elle voit le Seigneur, sent sa main sur son front, porte ses mains tremblantes à son visage et gémit :

« Ne me maudis pas ! Si j’avais su ce que j’engendrais, je me serais arraché les entrailles pour qu’il ne naisse pas.

– Et tu aurais péché. Marie ! Oh, Marie ! Ne perds pas ta justice à cause de la faute d’un autre. Les mères qui ont fait leur devoir ne doivent pas se considérer comme responsables des péchés de leurs enfants. Tu as fait ton devoir, Marie. Donne-moi tes pauvres mains. Sois tranquille, pauvre mère.

– Je suis la mère de Judas. Je suis impure comme tout ce que ce démon a touché. Mère d’un démon ! Ne me touche pas. »

Elle se débat pour échapper aux mains divines qui veulent la tenir. Les larmes de Jésus tombent sur son visage rougi par un accès de fièvre.

« Je t’ai purifiée, Marie. Mes larmes de pitié sont sur toi. Je n’ai pleuré sur personne depuis que j’ai enduré ma souffrance. Mais je pleure sur toi avec toute mon affectueuse pitié. »

Il a réussi à lui saisir les mains et s’assied, oui, il s’assied vraiment sur le bord du lit, en tenant ces mains tremblantes dans les siennes.

La pitié affectueuse de ses yeux étincelants caresse, enveloppe, soigne la malheureuse qui se calme en pleurant silencieusement et en murmurant :

« N’as-tu pas de rancœur à mon égard ?

– J’ai de l’amour. C’est pour cela que je suis venu. Aie la paix.

– Toi, tu pardonnes ! Mais le monde ! Et ta Mère ! Elle va me haïr.

– Elle pense à toi comme à une sœur. Le monde est cruel, c’est vrai. Ma Mère est la Mère de l’Amour, et elle est bonne. Tu ne peux aller de par le monde, mais elle viendra à toi quand tout sera en paix. Le temps pacifie…

– Fais-moi mourir, si tu m’aimes…

– Encore un peu de temps. Ton fils n’a rien su me donner. Toi, donne-moi un temps de ta souffrance. Il sera court.

– Mon fils t’a trop donné… C’est l’horreur infinie qu’il t’a donnée.

– Et toi tu m’as donné la douleur infinie. L’horreur est passée, elle ne sert plus à rien. Mais ta douleur est utile : elle s’unit à mes plaies, de sorte que tes larmes et mon sang lavent le monde. Toute la souffrance s’unit pour laver le monde. Tes larmes se mêlent à mon sang et aux pleurs de ma Mère, entourés de toute la douleur des saints qui souffriront pour le Christ et pour les hommes, pour mon amour et celui des hommes. Pauvre Marie ! »

Il la couche doucement, lui croise les mains, la regarde se calmer…

632.6

Anne revient et reste, stupéfaite, sur le seuil.

Jésus, qui s’est relevé, la regarde en disant :

« Tu as obéi à mon désir. Les obéissants obtiennent la paix. Ton âme m’a compris. Vis dans ma paix. »

Il baisse de nouveau les yeux sur Marie, qui le regarde en versant des larmes plus calmes, et il lui sourit une nouvelle fois. Il ajoute :

« Place ton espérance dans le Seigneur. Il t’apportera ses consolations. »

Après l’avoir bénie, il s’apprête à partir.

Mais Marie pousse un cri passionné :

« On dit que mon fils t’a trahi par un baiser ! Est-ce vrai, Seigneur ? Si oui, laisse-moi le laver en te baisant les mains. Je ne puis faire autre chose ! Je ne puis faire autre chose pour effacer… pour effacer… »

La douleur la reprend avec force.

Jésus ne lui donne pas ses mains à baiser, ces mains sur lesquelles la large manche de son vêtement blanc retombe jusqu’au milieu du métacarpe en cachant les blessures, mais il lui prend la tête entre ses mains et se penche pour effleurer de ses lèvres divines le front brûlant de la plus malheureuse des femmes. Et il lui dit en se redressant :

« Mes larmes et un baiser ! Personne n’a autant obtenu de moi. Reste donc dans la paix puisque, entre toi et moi, il n’y a que de l’amour. »

Il la bénit et, après avoir traversé rapidement la pièce, il sort derrière Anne, qui n’a pas osé s’avancer ni parler, mais qui pleure d’émotion.

632.7

Pourtant, dès qu’ils se trouvent dans le corridor qui mène à la porte de la maison, Anne ose poser la question qui lui tient tant à cœur :

« Ma Joanne ?

– Depuis quinze jours, elle est bienheureuse au Ciel. Je n’en ai pas parlé parce qu’il y a trop de contraste entre ta fille et le fils de Marie.

– C’est vrai ! Quel déchirement ! Je crois qu’elle en meurt.

– Non. Pas tout de suite.

– Maintenant, elle sera plus en paix. Tu l’as consolée. Toi ! Toi qui, plus que tous…

– Moi qui la plains plus que tous. Je suis la divine Compassion. Je suis l’Amour. Je te le dis, femme : si seulement Judas m’avait jeté un regard de repentir, je lui aurais obtenu le pardon de Dieu… »

Quelle tristesse se peint sur le visage de Jésus ! La femme en est frappée. Paroles et silence combattent sur ses lèvres, mais elle est femme, et la curiosité l’emporte. Elle demande :

« Mais est-ce que cela a été une… un… Je veux dire : ce malheureux a-t-il péché soudainement ou bien…

– Depuis des mois il péchait, et aucune parole, aucun geste de ma part n’a pu l’arrêter tant était forte sa volonté de pécher. Mais ne lui en parle pas à elle…

– Je n’en dirai rien !… Seigneur ! Quand Ananie, qui s’était enfui de Jérusalem sans même terminer la Pâque, la nuit même de la Parascève, est entré ici en hurlant : “ Ton fils a trahi le Maître et l’a livré à ses ennemis ! Il l’a trahi par un baiser. J’ai vu le Maître frappé et couvert de crachats, flagellé, couronné d’épines, chargé de la croix, crucifié et mort à cause de ton fils. Et les ennemis du Maître crient notre nom avec un air de triomphe obscène. On raconte l’acte de ton fils qui, pour moins que le prix d’un agneau, a vendu le Messie et l’a trahi par un baiser pour le désigner aux gardes ! ” Marie est tombée à terre, elle devenue noire sur le coup. Le médecin dit que son fiel s’est répandu, que son foie a éclaté et que tout le sang en est corrompu. Et… le monde est mauvais. Elle a raison… J’ai dû la transporter ici, car ils venaient crier près de sa maison de Kérioth : “ Ton fils est déicide et s’est suicidé ! Il s’est pendu ! Belzébuth a pris son âme et même Satan est venu prendre son corps. ” Cet horrible prodige est-il vrai ?

– Non, femme. On l’a trouvé mort, pendu à un olivier…

– Ah ! Ils criaient encore : “ Le Christ est ressuscité, et il est Dieu. Ton fils a trahi Dieu. Tu es la mère de celui qui a trahi Dieu. Tu es la mère de Judas. ” Pendant la nuit, avec Ananie et un serviteur fidèle, le seul qui me soit resté, car personne ne voulait rester auprès d’elle… je l’ai portée ici. Mais Marie entend ces cris dans le vent, dans les bruits de la terre, en tout.

– Pauvre mère ! C’est horrible, oui.

– Mais ce démon n’a pas pensé à cela, Seigneur ?

– C’était une des raisons que j’invoquais pour le retenir. Mais cela n’a servi à rien. Comme Judas n’a jamais aimé d’un amour véritable son père et sa mère, ni personne d’autre qui soit son prochain, il en est venu à haïr Dieu.

– C’est vrai !

– Adieu, femme. Que ma bénédiction te donne la force de supporter le mépris du monde pour ta pitié envers Marie. Baise ma main. A toi, je peux la montrer. A elle, cela lui aurait fait trop de mal de le voir. »

Il retrousse sa manche pour découvrir son poignet transpercé.

Anne pousse un gémissement en effleurant à peine de ses lèvres le bout des doigts.

632.8

On entend le bruit d’une porte qui s’ouvre et un cri étouffé : “ Le Seigneur ! ” Un homme âgé se prosterne et reste ainsi.

« Ananie, le Seigneur est bon. Il est venu consoler ta parente, et nous consoler nous aussi » dit Anne pour réconforter le petit vieillard, trop ému.

Mais l’homme n’ose faire le moindre mouvement. Il gémit en pleurant :

« Nous sommes d’un sang honni. Je ne peux pas regarder le Seigneur. »

Jésus s’avance vers lui. Il lui touche la tête en lui parlant dans les mêmes termes qu’à Marie :

« Les parents qui ont fait leur devoir ne doivent pas se tenir pour responsables du péché de leur proche. Prends courage, homme ! Dieu est juste. Paix à toi et à cette maison. Moi, je suis venu, et toi, tu te rendras là où je t’envoie. Pour la Pâque supplémentaire les disciples seront à Béthanie. Tu iras les trouver, et tu leur raconteras que, le douzième jour après sa mort, tu as vu le Seigneur à Kérioth, vivant, avec sa véritable chair, son âme et sa Divinité. Ils te croiront, car j’ai été déjà beaucoup avec eux. Mais apprendre que je me trouvais à plusieurs endroits le même jour les confirmera dans leur foi en ma nature divine. Avant cela encore, tu iras aujourd’hui même à Kérioth pour demander au chef de la synagogue de rassembler le peuple, et tu diras en présence de tout le monde que je suis venu ici, et qu’ils doivent se rappeller mes paroles d’adieu[2]. Ils te demanderont certainement : “ Pourquoi n’est-il pas venu chez nous ? ” Tu répondras ceci : “ Le Seigneur m’a recommandé de vous dire que, si vous vous étiez conduits comme il vous avait enjoint de le faire envers une mère qui n’était pas coupable, il se serait montré. Mais vous avez manqué à l’amour, c’est pourquoi le Seigneur ne s’est pas montré. ” Le feras-tu ?

– C’est difficile, Seigneur ! C’est difficile à faire ! Ils nous tiennent tous pour des cœurs lépreux… Le chef de la synagogue ne m’écoutera pas. Le peuple ne me laissera pas parler. Peut-être même me frapperont-ils… Je le ferai néanmoins, puisque tu le désires. »

Le vieillard ne lève pas la tête. Il parle courbé dans un profond prosternement.

« Regarde-moi, Ananie ! »

L’homme montre un visage que la vénération rend tout tremblant.

Jésus est resplendissant et beau comme sur le Thabor… La lumière le couvre, en cachant son aspect et son sourire… Et le couloir reste sans lui, sans qu’aucune porte n’ait bougé pour lui livrer passage.

Anne et Ananie adorent longuement, ils sont devenus tout adoration par la manifestation divine.

III. Aux enfants de Yutta et à leur mère Sarah.

632.9

Le verger de la maison de Sarah. Les enfants jouent sous les arbres feuillus. Le plus petit se roule dans l’herbe près d’une rangée serrée de pampres, les plus grands jouent à cache-cache derrière les haies et les vignes et se poursuivent avec des cris d’hirondelles joyeuses.

Voilà que Jésus apparaît près du petit auquel il a donné son nom[3]. Oh ! sainte simplicité des innocents ! Yésaï ne s’étonne pas de le voir là à l’improviste, mais il lui tend ses petits bras pour que Jésus le prenne dans les siens, et Jésus le prend : cela se passe avec le plus grand naturel.

Les autres surviennent en courant encore une fois, bienheureuse simplicité des enfants ! et sans stupeur, heureux, s’approchent de lui. On dirait qu’il n’y a rien de changé pour eux. Peut-être ne savent-ils pas. Mais une fois que chacun a obtenu sa caresse, Marie, la plus grande et la plus sensée, dit :

« Alors tu ne souffres plus, Seigneur, maintenant que tu es ressuscité ? J’ai eu tant de peine !

– Je ne souffre plus. Je suis venu pour vous bénir avant de monter vers mon Père et le vôtre, au Ciel. Mais de là aussi je vous bénirai toujours, si vous êtes toujours bons. Vous direz à ceux qui m’aiment que je vous ai laissé ma bénédiction, aujourd’hui. Rappelez-vous ce jour.

632.10

– Tu ne viens pas à la maison ? Maman est là. Ils ne nous croiront pas » dit Marie.

Mais son frère ne pose pas la question. Il s’écrie : “ Maman, Maman ! Le Seigneur est ici !… ” et, en courant à la maison, il répète ce cri.

Sarah accourt, apparaît… juste à temps pour voir Jésus, très beau, disparaître à la limite du verger, dans la lumière qui l’absorbe…

« Le Seigneur ! Pourquoi ne pas m’avoir appelée plus tôt ?… » demande Sarah dès qu’elle retrouve l’usage de la parole. « Mais quand et d’où est-il venu ? Etait-il seul ? Sots que vous êtes !

– Nous l’avons trouvé ici. Une minute plus tôt il n’y était pas… Il n’est pas venu de la route, ni du jardin. Il tenait Yésaï dans les bras… Il nous a dit qu’il était venu nous bénir et nous apporter sa bénédiction pour ceux qui l’aiment à Yutta, et il nous a demandé de nous rappeler ce jour. Maintenant, il monte au Ciel, mais il nous aimera si nous sommes bons. Comme il était beau ! Il avait les mains blessées, mais elles ne lui font plus mal. Ses pieds aussi étaient blessés. Je les ai vus dans l’herbe. Cette fleur-là touchait exactement la blessure d’un de ses pieds. Je la cueille…»

Ils parlent tous ensemble, échauffés par l’émotion. Leur surexcitation les fait même transpirer.

Sarah les caresse en murmurant :

« Dieu est grand ! Allons, venez. Allons le dire à tout le monde. Parlez, vous qui êtes innocents. Vous pouvez parler de Dieu. »

IV. Au jeune Jaias, à Pella.

632.11

Le jeune homme travaille avec ardeur autour d’une charrette. Il est en train de la charger de légumes cueillis dans un jardin voisin. L’âne frappe de son sabot le sol dur du chemin de campagne.

En se tournant pour prendre un panier de laitues, il voit Jésus qui lui sourit. Il laisse tomber à terre le panier et s’agenouille en se frottant les yeux, ne croyant pas à ce qu’il voit, et il murmure :

« Très-Haut, ne m’induis pas en illusion ! Ne permets pas, Seigneur, que je sois trompé par Satan par de faux aspects séduisants. Il est bien mort, mon Seigneur ! Il a été enseveli, et on dit maintenant que son cadavre a été enlevé. Pitié, Seigneur Très-Haut ! Montre-moi la vérité.

– Je suis la Vérité, Jaias. Je suis la Lumière du monde. Regarde-moi. Vois-moi. C’est pour cela que je t’ai rendu la vue[4] : pour que tu puisses témoigner de ma puissance et de ma Résurrection.

– Oh ! C’est vraiment le Seigneur ! C’est toi ! Oui, c’est toi, Jésus ! »

Il se traîne sur les genoux pour lui baiser les pieds.

« Tu diras que tu m’as vu, que tu m’as parlé, et que je suis bien vivant. Tu diras que tu m’as vu aujourd’hui. A toi la paix et ma bénédiction. »

Jaias reste seul, heureux. Il oublie la charrette et les légumes. C’est en vain que l’âne, énervé, frappe le chemin et brait pour protester contre la longueur de l’attente… Jaias est en extase.

632.12

Une femme sort de la maison près du jardin, et elle le voit là, pâle d’émotion, le visage absent. Elle s’écrie :

« Jaias ! Qu’est-ce que tu as ? Que t’est-il arrivé ? »

Elle accourt, le secoue, le ramène sur la terre…

« Le Seigneur ! J’ai vu le Seigneur ressuscité. Je lui ai baisé les pieds et j’ai vu ses plaies. Ils ont menti. Il était vraiment Dieu et il est ressuscité. J’avais peur d’être trompé. Mais c’est lui ! C’est vraiment lui ! »

Tremblante, frissonnante d’émotion, la femme murmure :

« En es-tu vraiment sûr ?

– Tu es bonne, femme. Par amour pour lui, tu nous as pris comme serviteurs, ma mère et moi. Ne te refuse pas à croire !…

– Si tu en es sûr, je crois. Mais avait-il une vraie chair ? Il était chaud ? Il respirait ? Il parlait ? Avait-il vraiment une voix ou était-ce une impression ?

– J’en suis sûr. C’était la chair tiède d’un vivant, c’était une voix véritable, c’était une respiration. Il avait la beauté d’un Dieu, mais il était homme comme toi et moi. Allons, allons raconter cela à ceux qui souffrent ou qui doutent. »

V. A Jean de Nobé.

632.13

Le vieillard est seul chez lui, mais il est serein. Il répare une sorte de siège qui s’est décloué d’un côté, et sourit à je ne sais quel rêve.

Un coup à la porte. Le vieillard, sans quitter son travail, dit :

« Entrez ! Que voulez-vous, vous qui venez ? Etes-vous encore de ceux-là ? Je suis trop vieux pour changer ! Même si tout le monde me criait : “ Il est mort ”, moi je continuerais à soutenir qu’il est vivant. Même si cela devait me coûter la vie. Entrez donc ! »

Il se redresse pour aller voir à la porte qui frappe sans entrer. Mais quand il en est tout proche, elle s’ouvre et Jésus entre.

« Oh ! Oh ! Oh ! Mon Seigneur ! Vivant ! J’ai cru ! Et il vient récompenser ma foi ! Béni ! Moi, je n’ai jamais douté. Dans ma douleur, je me suis dit : “ S’il m’a envoyé l’agneau[5] pour le banquet de joie, c’est signe qu’en ce jour il ressuscitera. ” Alors j’ai tout compris.

Quand tu es mort et que la terre a tremblé, j’ai compris ce que je n’avais pas encore compris. Et j’ai passé pour un fou, à Nobé, parce que, une fois couché le soleil du lendemain du sabbat, j’ai préparé le banquet et je suis allé inviter des mendiants en annonçant : “ Notre Ami est ressuscité ! ” On prétendait déjà que ce n’était pas vrai. On disait qu’ils t’avaient enlevé la nuit. Mais moi, je ne les ai pas crus, car, dès le moment de ta mort, j’ai compris que tu mourais pour ressusciter, et que c’était cela, le signe de Jonas. »

632.14

Jésus le laisse parler en souriant. Puis il demande :

« Et maintenant veux-tu encore mourir[6], ou rester pour témoigner de ma gloire ?

– Ce que tu veux, Seigneur !

– Non. Ce que toi, tu veux. »

Le vieillard réfléchit, puis il décide :

« Ce serait beau de sortir du monde où tu n’es plus comme avant. Mais je renonce à la paix du Ciel pour annoncer aux incrédules : “ Moi, je l’ai vu ! ” »

Jésus lui pose la main sur la tête pour le bénir, et ajoute :

« Mais bientôt tu connaîtras aussi la paix, et tu viendras à moi avec le titre de confesseur du Christ. »

Et il s’en va. Ici, peut-être par pitié pour le vieillard âgé, il n’a pas donné à son apparition et à sa disparition une forme merveilleuse, mais il a agi en tout comme s’il était le Jésus d’autrefois, qui entrait et sortait, humainement, d’une maison.

VI. Chez Matthias, le solitaire de Jabès Galaad.

632.15

Le vieil homme travaille autour de ses légumes et il monologue :

« Toutes ces richesses que j’ai pour lui, il n’y goûtera jamais plus. J’ai travaillé en vain. Je crois qu’il était le Fils de Dieu, mort et ressuscité. Mais ce n’est plus le Maître qui s’assied à la table du pauvre ou du riche et partage avec un égal amour la nourriture du pauvre et du riche — et même avec plus d’amour, c’est certain. Maintenant, il est le Seigneur ressuscité. Il est ressuscité pour nous confirmer dans la foi, nous, ses fidèles. Certains prétendent que ce n’est pas vrai, que personne n’est jamais ressuscité par lui-même. Personne. Non, aucun homme. Mais lui, si, parce qu’il est Dieu. »

Il bat des mains pour chasser ses colombes qui descendent ramasser des graines dans la terre fraîchement bêchée et ensemencée, et reprend :

« Inutile désormais que vous ayez des petits ! Il n’y goûtera plus ! Et vous, abeilles inutiles, pour qui produisez-vous votre miel ?

J’avais espéré l’avoir au moins une fois avec moi, maintenant que je suis moins misérable. Tout a prospéré ici, depuis sa venue… Ah ! Mais avec ces deniers auxquels je n’ai jamais touché, je veux aller à Nazareth, chez sa Mère, pour lui dire : “ Prends-moi comme serviteur, mais laisse-moi vivre auprès de toi, car tu es encore lui. »

Il essuie une larme du revers de la main…

632.16

« Matthias, as-tu du pain pour un pèlerin ? »

Matthias lève la tête, mais agenouillé comme il l’est, il ne voit pas qui lui parle de derrière la haute haie qui entoure sa petite propriété perdue dans cette solitude verte qu’est cet endroit de l’autre côté du Jourdain. Mais il répond :

« Qui que tu sois, viens, au nom du Seigneur Jésus. »

Et il se redresse pour ouvrir la grille.

Il se trouve en face de Jésus, et reste la main sur le verrou, sans pouvoir faire un geste.

« Tu ne veux pas de moi comme hôte, Matthias ? Tu l’as fait une fois[7]. Tu te plaignais de ne plus pouvoir le faire. Je suis ici et tu ne m’ouvres pas ? dit Jésus en souriant.

– Oh ! Seigneur… moi.., je… je ne suis pas digne que mon Seigneur entre ici… Moi… »

Jésus passe la main par-dessus la grille et pousse le verrou en disant :

« Le Seigneur entre là où il veut, Matthias. »

Il pénètre dans l’humble jardin, se dirige vers la maison, et dit, sur le seuil :

« Sacrifie donc les petits de tes colombes. Sors de la terre tes légumes, et du miel à tes abeilles. Nous partagerons le pain ensemble et ton travail n’aura pas été inutile, ni ton désir vain. Et cet endroit te sera cher sans que tu ailles là où il y aura bientôt silence et abandon. Je suis partout, Matthias. Celui qui m’aime est avec moi, toujours. Mes disciples seront à Jérusalem. C’est là que naîtra mon Eglise. Fais en sorte d’y être pour la Pâque supplémentaire.

– Pardonne-moi, Seigneur. Mais je n’ai pas su rester là-bas, et je me suis enfui. J’y étais arrivé la veille de la Parascève à none, et le jour suivant… j’ai fui pour ne pas te voir mourir. Pour cette seule raison, Seigneur !

– Je le sais. Et je sais que tu es revenu, l’un des premiers, pleurer sur mon tombeau. Mais je n’y étais déjà plus. Je sais tout. Voilà, je m’assieds ici et je me repose. Je me suis toujours reposé ici… Les anges le savent. »

632.17

L’homme se met à l’œuvre, mais semble se mouvoir dans une église tant ses gestes sont respectueux. De temps en temps, il essuie une larme qui veut se mêler à son sourire, pendant qu’il va et vient pour prendre les petites colombes, les tuer, les préparer, attiser le feu, cueillir et laver les légumes, disposer sur un plat les figues précoces, et dresser la pauvre table avec sa meilleure vaisselle.

Mais quand tout est prêt, comment pourrait-il s’asseoir et manger ? Il veut servir et cela lui paraît déjà beaucoup. Il ne désire rien de plus. Mais Jésus, qui a offert et béni la nourriture, lui offre une moitié du pigeon qu’il a découpé en mettant la viande sur un morceau de fouace qu’il a trempée dans la sauce.

« Oh ! Tu me traites comme un préféré ! » s’exclame l’homme.

Il mange en pleurant de joie et d’émotion, sans quitter des yeux Jésus qui mange… qui boit, qui goûte les légumes, les fruits, le miel, qui lui offre sa coupe après avoir absorbé une gorgée de vin — avant, il avait toujours bu de l’eau.

Le repas est fini.

« Je suis bien vivant. Tu le vois, et tu es bienheureux. Rappelle-toi qu’il y a douze jours de cela, je suis mort par la volonté des hommes, mais que celle-ci est nulle quand elle n’est pas en accord avec la volonté de Dieu. Et même : la volonté contraire des hommes devient l’instrument servile de la Volonté éternelle. Adieu, Matthias. Puisque j’ai dit que ceux qui m’auront donné à boire quand j’étais le Pèlerin sur lequel il était encore permis d’avoir des doutes seraient avec moi, je te l’affirme : tu auras part à mon Royaume céleste.

– Mais maintenant, je te perds, Seigneur !

– Reconnais-moi en tout pèlerin ; je suis en tout mendiant, en tout malade, en tous ceux qui ont besoin de pain, d’eau et de vêtements. Je suis en tout homme qui souffre, et ce qui est fait à celui qui souffre, c’est à moi que cela est fait. »

Il ouvre les bras pour bénir et disparaît.

VII. Chez Abraham d’Engaddi, qui meurt dans ses bras.

632.18

La place d’Engaddi est un temple hypostyle de palmiers bruissants. La fontaine est le miroir du ciel d’avril. Les colombes forment le bas murmure d’un orgue.

Le vieil Abraham la traverse avec ses outils de travail sur les épaules. Il paraît encore plus âgé, mais serein comme quelqu’un qui a trouvé le calme après une grande tempête. Il parcourt le reste de la ville, et se dirige vers les vignes près des sources. Ce sont de belles vignes fécondes, déjà pleines des promesses d’une récolte abondante. Il y entre, se met à sarcler, à tailler, à lier. De temps à autre, il se relève, s’appuie sur sa pioche, réfléchit. Il lisse sa barbe patriarcale, soupire, hoche la tête, tout à un discours intérieur.

Un homme bien enveloppé dans son manteau monte la route vers les sources et les vignes. Je dis : un homme, mais c’est Jésus, car ce sont sa démarche et son vêtement. Mais pour le vieillard, c’est un homme. Et l’homme interpelle Abraham :

« Puis-je m’arrêter ici ?

– L’hospitalité est sacrée. Je ne l’ai jamais refusée à personne. Viens. Entre. Que te soit doux le repos à l’ombre de mes vignes. Veux-tu du lait ? Du pain ? Je te donnerai ce que je possède ici.

– Et moi, que puis-je te donner ? Je n’ai rien.

– Celui qui est le Messie m’a tout donné, pour tous les hommes. Et quoi que je t’offre, ce ne sera rien par rapport à ce que lui m’a donné.

– Sais-tu qu’ils l’ont crucifié ?

– Je sais qu’il est ressuscité. Es-tu de ceux qui l’ont crucifié ? Je ne peux pas te haïr parce que lui ne veut pas de haine. Mais si je le pouvais, je te haïrais si tu l’étais.

– Je ne suis pas de ceux qui l’ont crucifié. Sois en paix. Tu sais donc tout de lui.

– Tout. Et Elisée… C’est mon fils, tu sais ? Elisée n’est plus revenu de Jérusalem. Il m’avait dit : “ Permets-moi de partir, père, car je quitte tous mes biens pour prêcher le Seigneur. J’irai à Capharnaüm à la recherche de Jean, et je m’unirai aux disciples fidèles. ”

– Ton fils t’a donc abandonné ? Alors que tu es si vieux et seul ?

– Ce que tu appelles abandon était mon rêve et fait ma joie. La lèpre ne m’avait-elle pas privé de lui ? Et qui me l’a rendu ? Le Messie. Alors est-ce que je le perds parce qu’il part annoncer le Seigneur ? Mais non ! Je le retrouverai dans la vie éternelle.

632.19

Mais tu parles d’une façon qui me donne des soupçons. Serais-tu un émissaire du Temple ? Viens-tu persécuter ceux qui croient au Ressuscité ? Frappe ! Je ne fuis pas. Je n’imite pas les trois sages[8] d’autrefois. Je reste. Car si je tombe pour lui, je le rejoins au Ciel et ma prière de l’an dernier est exaucée.

– C’est vrai. Tu disais alors : “ J’ai attendu le Seigneur avec impatience, et il s’est tourné vers moi. ”

– Comment sais-tu cela ? Es-tu un de ses disciples ? Etais-tu avec lui quand je l’en ai prié ? Ah ! Si c’est le cas, aide-moi à lui faire entendre mon cri, pour qu’il s’en souvienne. »

Il se prosterne, croyant parler à un apôtre.

« C’est moi, Abraham d’Engaddi, et je te dis : “ Viens. ” »

Jésus lui ouvre les bras en se manifestant ainsi et l’invite à s’y précipiter et à s’abandonner sur son cœur.

A ce moment, entre dans la vigne un enfant, suivi d’un jeune homme, en criant :

« Père ! Père ! Nous voici pour t’aider. »

Mais son cri d’enfant est couvert par le cri puissant du vieillard, un vrai cri de délivrance :

« Voilà ! Je viens ! »

Et Abraham se jette dans les bras de Jésus, en criant encore :

« Jésus, Messie saint ! Entre tes mains je remets mon esprit ! »

Mort bienheureuse ! Mort que j’envie ! Sur le cœur du Christ, dans la paix sereine de la campagne fleurie d’avril…

632.20

Jésus dépose avec calme le vieillard sur l’herbe fleurie qui ondule à la brise, au pied d’une rangée de vignes, et il dit aux enfants, étonnés et effrayés, tout près de pleurer :

« Ne pleurez pas. Il est mort dans le Seigneur. Bienheureux ceux qui meurent en lui ! Allez, mes enfants, prévenir les habitants d’Engaddi que le chef de la synagogue a vu le Ressuscité et que sa prière a été exaucée. Ne pleurez pas ! Ne pleurez pas ! »

Il les caresse en les conduisant à la sortie. Puis il revient près du défunt, lui remet en ordre la barbe et les cheveux, lui baisse les paupières restées mi-closes, met en place ses membres et étend sur lui le manteau qu’Abraham avait enlevé pour travailler.

Il reste jusqu’au moment où il entend des voix sur la route. Alors il se redresse. Splendide… Ceux qui accourent le voient. Ils crient. Ils hâtent le pas pour rejoindre Jésus. Mais lui se dérobe à leurs regards dans l’éclat d’un rayon plus vif du soleil.

VIII. Elie, l’essénien du Kérith.

632.21

L’âpre solitude de l’âpre montagne au fond de laquelle coule le Kérith. Elie est en prière, encore plus décharné et plus barbu. Il porte un vêtement de laine rêche, ni gris ni marron, qui le rend semblable aux rochers qui l’entourent.

Il perçoit un son, comme si c’était le vent ou le tonnerre. Il lève la tête : Jésus est apparu sur un rocher en équilibre au-dessus d’un précipice au fond duquel court le torrent.

« Le Maître ! »

Il se jette à terre, le visage contre le sol.

« C’est moi, Elie. Tu n’as pas senti le tremblement de terre[9] de la Parascève ?

– Si, je l’ai senti et je suis descendu à Jéricho et chez Nikê. Je n’ai trouvé personne de ceux qui t’aiment. J’ai demandé de tes nouvelles. Ils m’ont frappé. Puis j’ai senti une seconde fois la terre trembler, mais plus légèrement, et je suis revenu ici faire pénitence, en pensant que les digues de la colère céleste se sont ouvertes.

– C’étaient celles de la miséricorde divine. Je suis mort et ressuscité. Regarde mes plaies. Rejoins sur le Thabor les serviteurs du Seigneur et dis-leur que c’est moi qui t’ai envoyé. »

Il le bénit et disparaît.

IX. A Dorca et à son enfant, au château de Césarée de Philippe.

632.22

L’enfant de Dorca, soutenu par sa mère, fait ses premiers pas sur le bastion de la forteresse. Et Dorca, penchée comme elle l’est, ne voit pas apparaître le Seigneur. Mais quand elle lui laisse quelque liberté, elle le voit qui se met à marcher avec assurance et rapidité vers le coin du bastion. Elle se redresse donc pour courir afin de l’empêcher de tomber, et peut-être de mourir s’il passe à travers les mâchicoulis ou passages destinés aux armes offensives. Ce faisant, elle voit Jésus prendre l’enfant sur son cœur et l’embrasser. La femme n’ose faire un geste, mais elle pousse un cri. Un cri qui fait lever la tête aux personnes qui se tiennent dans les cours et attire les visages aux fenêtres :

« Le Seigneur ! Le Seigneur ! Le Messie est ici ! Il est vraiment ressuscité ! »

Mais avant que les gens ne puissent accourir, Jésus a déjà disparu.

« Tu es folle ! Tu as rêvé ! Un jeu de lumière t’aura fait voir un fantôme.

– Oh ! Il était bien vivant ! Voyez comme mon fils regarde dans cette direction, et comme il a dans ses mains une pomme belle comme son petit visage. Il la ronge avec ses quenottes en riant. Moi, je n’ai pas de pommes…

– Personne n’a des pommes mûres ces jours-ci, et si fraîches… constatent-ils avec émotion.

632.23

Interrogeons Tobie, suggèrent quelques femmes.

– Et que voulez-vous qu’il réponde ? Il sait à peine dire maman ! »

Les hommes se moquent d’elles. Mais elles se penchent sur le petit garçon et demandent :

« Qui t’a donné cette pomme ? »

Et l’enfant, qui sait à peine prononcer les mots les plus élémentaires, dit avec assurance, en riant de toutes ses petites dents et de ses gencives encore vides :

« Jésus.

– Oh !

– Hé ! vous l’appelez Yésaï ! Il sait dire son nom.

– Jésus-toi, ou Jésus le Seigneur ? Quel Seigneur ? Où l’as-tu vu ? »

Les femmes le harcèlent de questions.

« Là, le Seigneur. Jésus le Seigneur.

– Où est-il ? Où est-il allé ?

– Là. »

Il indique le ciel plein de soleil en riant de bonheur, et il mord sa pomme.

Pendant que les hommes s’éloignent en hochant la tête, Dorca dit aux femmes :

« Il était beau. Il semblait vêtu de lumière. Et il avait sur les mains la marque des clous, rouge comme un bijou dans tant de blancheur. Je l’ai bien vu, car il tenait l’enfant ainsi : »

Elle mime le geste de Jésus.

632.24

L’intendant accourt, se fait répéter le récit, réfléchit et conclut :

« Le psaume le dit bien[10] : “ Ta splendeur est chantée par la bouche des enfants, des tout-petits. ” Alors pourquoi pas la vérité ? Eux sont innocents. Quant à nous… souvenons-nous de ce jour… Mais non ! Je vais dans le village des disciples. Je vais voir si le Rabbi s’y trouve… Il était pourtant mort… Mais… »

Et sur ce “ mais… ” qu’il finit de conclure intérieurement, l’intendant s’en va, tandis que les femmes, exaltées, continuent de poser d’interroger le petit garçon, qui rit et répète :

« Jésus, là. Et puis là. Jésus Seigneur »

Et il indique le lieu où était Jésus, puis le soleil où il l’a vu disparaître, heureux, heureux.

X. Aux personnes rassemblées dans la synagogue de Cédès.

632.25

Les habitants de Cédès sont rassemblés dans la synagogue et discutent des derniers événements avec le vieux Matthias, le chef de la synagogue. La synagogue est plutôt obscure, car les portes sont fermées et les rideaux baissés sur les fenêtres, de lourds rideaux que le vent d’avril a du mal à faire bouger.

Un éclair illumine la pièce. Cela semble être un éclair, mais c’est la lumière qui précède Jésus. Sa manifestation frappe de stupeur une grande partie de l’assistance. Il ouvre les bras. Ses blessures aux mains et aux pieds sont bien visibles, car il apparaît sur la plus haute des trois marches qui conduisent à une porte fermée. Il dit :

« Je suis ressuscité. Je vous rappelle la discussion[11] que j’ai eue avec les scribes. A cette génération mauvaise, j’ai donné le signe que j’avais promis : celui de Jonas. A qui m’aime et est fidèle je donne ma bénédiction. »

Rien de plus. Il a disparu.

« Mais c’était lui ! D’où vient-il ? Il était bien vivant ! Il l’avait dit ! Voilà ! Maintenant, je comprends. Le signe de Jonas, ce sont les trois jours qu’il a passés dans les entrailles de la terre, puis la résurrection… »

Les commentaires forment un vrai brouhaha…

XI. A un groupe de rabbins, à Giscala.

632.26

Je vois un groupe venimeux de rabbins tenter de convaincre quelques hommes hésitants. Ils voudraient obtenir que ces derniers se rendent chez Gamaliel, qui s’est enfermé chez lui et refuse de voir qui que ce soit.

Ces hommes leur répliquent :

– « Nous vous le certifions, il n’est pas ici. Nous ne savons pas où il est. Il est venu, il a consulté des rouleaux, et il est reparti sans dire un mot. Il faisait peur tant il paraissait bouleversé et vieilli. »

De mauvaise grâce, les rabbins leur tournent le dos et s’éloignent en maugréant :

« Gamaliel est aussi fou que Simon ! Ce n’est pas vrai que le Galiléen est ressuscité ! Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai qu’il est Dieu. Ce n’est pas vrai. Rien n’est vrai. Nous seuls sommes dans le vrai. »

L’angoisse même avec laquelle ils répètent que ce n’est pas vrai montre leur peur que ce ne le soit, leur besoin de se rassurer.

Après avoir longé les murs de la maison, ils parviennent à côté de la tombe de Hillel. Aboyant toujours leurs négations, ils lèvent la tête… et s’enfuient en poussant les hauts cris. Jésus, qui est très bon avec les bons, est ici terrible de puissance. Il a les bras ouverts comme sur la croix. Les plaies des mains rougissent comme si elles suintaient du sang. Il ne dit pas un mot, mais il les foudroie du regard.

Les rabbins fuient, tombent, se relèvent, se blessent contre des arbres ou des pierres… Ils sont fous de peur. Ils ressemblent à des meurtriers qui se retrouvent en présence de leur victime.

XII. A Joachim et Marie, à Bozra.

632.27

« Marie ! Marie ! Joachim et Marie ! Venez, sortez ! »

Ceux-ci se trouvent dans une pièce paisible, éclairée par une lampe, l’une occupée à coudre, l’autre à faire des comptes. Ils lèvent la tête, se regardent… Joachim, blanc de peur, murmure :

« C’est la voix du Rabbi ! Il vient de l’autre vie… »

Craintive, la femme apeurée se serre contre l’homme.

Mais l’appel se répète et tous deux, en se tenant étroitement pour se donner du courage, osent sortir, aller dans la direction de la voix.

Dans le jardin, qu’éclaire la faucille de la nouvelle lune, Jésus resplendit. La lumière qui l’entoure, plus forte que plusieurs lunes, fait de lui un Dieu. Son sourire très doux et son regard plein d’amour en font un homme :

« Allez dire aux habitants de Bozra que vous m’avez vu vivant et réel. Racontez-le au Thabor, toi, Joachim, à ceux qui vont s’y rassembler. »

Après les avoir bénis, il disparaît.

« Mais c’était lui ! Ce n’était pas un rêve ! Demain, je pars en Galilée. Il a bien parlé du Thabor, n’est-ce pas ?… »

XIII. A Ephraïm, chez Marie, femme de Jacob.

632.28

La femme est en train de pétrir de la farine pour faire du pain. Elle se retourne en s’entendant appeler, et voit Jésus. Elle se prosterne aussitôt, le visage contre le sol, les mains par terre, muette d’adoration, un peu effrayée.

Jésus prend la parole :

« Tu diras à tous que tu m’as vu et que je t’ai parlé. Le Seigneur n’est pas soumis au tombeau. Je suis ressuscité le troisième jour, comme je l’avais promis. Persévérez, vous qui êtes dans ma voie, et ne vous laissez pas séduire par les paroles de ceux qui m’ont crucifié. Que ma paix soit avec toi. »

XIV. Chez Syntica à Antioche.

632.29

Syntica est occupée à plier des vêtements pour préparer un sac de voyage. C’est le soir, car une petite lampe, posée sur une table, diffuse une très relative lueur tremblante. La pièce s’illumine vivement. Etonnée, Syntica lève la tête pour voir ce qui arrive, d’où vient cette lumière si claire dans cette pièce toute close. Mais avant qu’elle ne voie, Jésus la devance :

« C’est moi. N’aie pas peur. Je me suis montré à plusieurs personnes pour les confirmer dans la foi. Je me montre à toi aussi, qui es obéissante et fidèle. Je suis ressuscité. Tu vois ? Je ne souffre plus. Pourquoi pleures-tu ? »

Devant la beauté du Glorifié, la femme ne trouve pas ses mots… Jésus lui sourit pour l’encourager et ajoute :

« Je suis ce même Jésus qui t’a accueillie[12] sur la route, près de Césarée. Tu savais parler à cette époque, alors que tu étais toute craintive et que j’étais pour toi l’Inconnu. Et maintenant, tu ne sais pas me dire un mot ?

– Seigneur ! Je m’apprêtais à partir… pour m’ôter du cœur tant d’inquiétude et de douleur…

– Pourquoi de la douleur ? Ne t’a-t-on pas annoncé que j’étais ressuscité ?

– On l’a annoncé et démenti. Mais je ne me suis pas laissée troubler par ces contradictions. Je savais que tu ne pouvais pas te décomposer dans un tombeau. J’ai pleuré sur ton martyre. J’ai cru, avant même qu’on ne m’en parle, à ta résurrection. Et j’ai continué de croire quand d’autres sont venus prétendre le contraire. Mais je voulais aller en Galilée. Je pensais : à lui, on ne peut plus faire de mal. Il est davantage Dieu qu’homme. Je ne sais si je m’exprime bien…

– Je comprends ta pensée.

– Et je me disais : je l’adorerai et je verrai Marie. Je supposais que tu ne resterais pas beaucoup parmi nous, de sorte que je hâtais mon départ. Je pensais : quand il sera retourné au Père, comme il disait, sa Mère sera un peu triste malgré sa joie, car c’est une âme, mais aussi une mère… Et j’essaierai de la consoler, maintenant qu’elle est seule… J’étais orgueilleuse !

– Non. C’était de la pitié. Je ferai part de ton désir à ma Mère. Mais n’y va pas. Reste là où tu es et continue à œuvrer pour moi, plus encore maintenant qu’avant. Tes frères, les disciples, ont besoin du travail de tous pour pouvoir propager ma doctrine. Tu m’as vu. Marie est confiée à Jean. N’aie plus aucune peine. La certitude de m’avoir vu et la puissance de ma bénédiction te permettront de fortifier ton âme. »

632.30

Syntica a un grand désir de l’embrasser, mais elle n’ose pas. Jésus lui dit :

« Viens. »

Elle s’enhardit alors et se traîne à genoux près de Jésus. Mais au moment de lui baiser les pieds, elle voit les deux plaies et retient son geste. En larmes, elle prend un coin du vêtement et le baise en murmurant :

« Que t’ont-ils fait ! » Puis une question : « Et Jean-Félix ? »

– Il est heureux. Il ne se souvient plus que de l’amour, et il vit en lui. Paix à toi, Syntica. »

Il disparaît.

La femme reste dans l’adoration, à genoux, le visage levé, les mains un peu tendues, des larmes sur le visage, un sourire sur les lèvres…

XV. Chez Zacharie le lévite.

632.31

Il est assis dans une petite pièce, l’air pensif, la tête penchée sur une main. C’est Zacharie, le lévite[13].

« Ne sois pas dubitatif. N’écoute pas les voix qui te troublent. Je suis la Vérité et la Vie. Regarde-moi. Touche-moi. »

Le jeune homme a levé la tête aux premières paroles, il a vu Jésus et a glissé à genoux. Il s’écrie :

« Pardonne-moi, Seigneur. J’ai péché. J’ai laissé le doute sur ta vérité s’installer en moi.

– Les coupables sont, plus que toi, ceux qui cherchent à séduire ton esprit. Ne cède pas à leurs tentations. Je suis un corps vivant et réel. Sens le poids et la chaleur, la consistance et la force de ma main. »

Il lui prend l’avant-bras et le lève avec force :

« Lève-toi et marche dans les voies du Seigneur, loin du doute et de la peur. Heureux seras-tu si tu sais persévérer jusqu’à la fin. »

Il le bénit et disparaît.

Le jeune homme, après un instant d’étourdissement émerveillé, se précipite hors de la pièce en criant :

« Mère ! Père ! J’ai vu le Maître. Ce que prétendent les autres n’est pas vrai ! Je n’étais pas fou. Ne continuez pas à croire au mensonge, mais bénissez avec moi le Très-Haut qui a eu pitié de son serviteur. Je pars. Je vais en Galilée. Je vais trouver quelques-uns des disciples. Je vais leur dire de croire qu’il est vraiment ressuscité. »

Il ne prend ni sac, ni nourriture ni vêtements. Il saisit son manteau et part en courant sans même laisser à ses parents le temps de revenir de leur stupeur et de pouvoir intervenir pour le retenir.

XVI. A une femme de la plaine de Saron, qui obtient la guérision de son fils malade.

632.32

Je vois une route du littoral. Il est possible que ce soit celle qui unit Césarée à Joppé, ou une autre, je l’ignore. Je sais que je vois de la campagne à l’intérieur et la mer à l’extérieur, bleu vif, après la ligne jaunâtre de la rive. La route est certainement une artère romaine, comme en témoigne son pavement.

Une femme en pleurs marche sur cette voie aux premières heures d’un matin serein. L’aurore est encore toute proche. La femme doit être très lasse, car elle s’arrête de temps à autre pour s’asseoir sur une borne milliaire ou sur la route. Puis elle se relève et poursuit son chemin, comme si quelque chose la poussait à se hâter, en dépit de sa fatigue.

Jésus, un voyageur couvert d’un manteau, vient à côté d’elle. La femme ne le regarde pas. Elle avance, absorbée dans sa douleur. Jésus lui demande :

« Pourquoi pleures-tu, femme ? D’où viens-tu ? Et où vas-tu ainsi toute seule ?

– Je viens de Jérusalem et je retourne chez moi.

– C’est loin ?

– A mi-chemin entre Joppé et Césarée.

– A pied ?

– Dans la vallée qui précède Modin, des voleurs ont pris mon âne et ce qu’il portait.

– Tu as été imprudente de voyager seule. Ce n’est pas l’habitude de faire route seul pour la Pâque.

– Je n’étais pas venue pour la Pâque. J’étais restée à la maison, car j’ai un enfant malade ; j’espère l’avoir encore… Mon mari était parti avec les autres. Je l’ai laissé prendre de l’avance et, quatre jours après, je me suis mise en chemin. Car j’ai pensé : “ Certainement, Jésus est à Jérusalem pour la Pâque. Je vais l’y chercher. ” J’avais un peu peur, mais je me suis dit : “ Je ne fais rien de mal. Dieu me voit. Je crois et je sais qu’il est bon. Il ne me repoussera pas, parce que… »

Elle s’arrête, comme apeurée, et jette un coup d’œil rapide sur l’homme qui marche près d’elle, si bien couvert qu’on voit à peine ses yeux, les yeux uniques de Jésus. Celui-ci prend la parole :

632.33

« Pourquoi te tais-tu ? Tu as peur de moi. Crois-tu que je sois un ennemi de celui que tu cherchais ? Car tu cherchais le Maître de Nazareth pour lui demander de venir chez toi guérir l’enfant, en l’absence de ton mari…

– Je vois que tu es un prophète. C’est bien cela. Mais quand je suis arrivée en ville, le Maître était mort. »

Les sanglots l’étouffent…

« Il est ressuscité. Ne le crois-tu pas ?

– Je le sais. Je le crois. Mais moi… je… Pendant quelques jours, j’ai espéré le voir, moi aussi… On dit qu’il s’est montré à certains. J’ai retardé mon départ… Chaque jour m’était une douleur car… mon enfant est si malade… Mon cœur était partagé… Partir pour le consoler au moment de la mort… Rester pour chercher le Maître… Je n’avais pas la prétention de lui demander de venir chez moi, mais de me promettre la guérison.

– Et tu aurais cru ? Tu penses que, de loin… ?

– Je crois. Ah ! s’il m’avait dit : “ Va en paix. Ton fils guérira ”, je n’aurais pas douté. Mais je ne le mérite pas, car… »

Elle sanglote, et presse son voile sur sa bouche comme pour s’empêcher de parler.

« Parce que ton mari est l’un des accusateurs et des bourreaux de Jésus-Christ. Mais Jésus-Christ est le Messie. Il est Dieu. Or Dieu est juste, femme. Il ne punit pas un innocent à cause d’un coupable. Il ne torture pas une mère parce que le père est pécheur. Jésus-Christ est la Miséricorde vivante…

– Oh ! Tu es peut-être l’un de ses apôtres ? Tu sais où il est ? Toi… Peut-être t’a-t-il envoyé me dire cela. Il a senti, il a vu ma douleur, ma foi, et il t’envoie à moi comme le Très-Haut a envoyé l’archange Raphaël à Tobie. Dis-le-moi s’il en est ainsi et, bien que je sois épuisée jusqu’à en être fiévreuse, je retournerai sur mes pas chercher le Seigneur.

– Je ne suis pas un apôtre. Mais les apôtres sont restés plusieurs jours encore à Jérusalem après sa Résurrection…

– C’est vrai. Je pouvais le leur demander.

– Certainement. Ils sont le prolongement du Maître.

– Je ne pensais pas qu’ils pourraient faire des miracles.

– Ils en ont fait encore…

– Mais maintenant… On m’a dit qu’un seul est resté fidèle, et je ne croyais pas…

– Si. C’est ton mari qui t’a tenu ces propos, pour se moquer de toi dans son délire de faux triomphateur. Mais moi, je te dis que tout homme peut pécher, car Dieu seul est parfait. Et il peut se repentir. Or s’il se repent, sa force grandit et Dieu augmente ses grâces en raison de sa contrition. Le Très-Haut n’a-t-il pas pardonné à David ?

632.34

– Mais qui es-tu ? Qui es-tu pour me parler avec tant de douceur et de sagesse, si tu n’es pas un apôtre ? Un ange, peut-être ? L’ange gardien de mon enfant ? Il a peut-être expiré et tu es venu me préparer… »

Jésus laisse tomber le manteau qui lui couvrait la tête et le visage et, passant de l’humble aspect d’un pèlerin ordinaire à sa majesté de Dieu-Homme, revenu de la mort, il dit avec une douce solennité :

« C’est moi. Je suis le Messie qu’on a crucifié en vain. Je suis la Résurrection et la Vie. Va, femme. Ton fils vit, car j’ai récompensé ta foi. Ton fils est guéri. Car si le Rabbi de Nazareth a achevé sa mission, l’Emmanuel continue la sienne jusqu’à la fin des siècles pour tous ceux qui ont foi, espérance et charité dans le Dieu un et trine, dont le Verbe incarné est une Personne qui, en raison du divin amour, a quitté le Ciel pour venir enseigner, souffrir et mourir pour donner la Vie aux hommes. Va en paix, femme. Et sois forte dans la foi, car le temps est venu où, dans une même famille, l’époux s’opposera à son épouse, le père à ses enfants et ces derniers à celui-là, par haine ou par amour pour moi. Mais bienheureux ceux que la persécution n’arrachera pas à ma Voie. »

Il la bénit et disparaît.

XVII. A des bergers sur le grand Hermon.

632.35

Un groupe de bergers séjournent avec leurs troupeaux sur les pentes de magnifiques pâturages. Ils discutent des événements de Jérusalem. Ils se disent avec peine : “ Nous n’aurons plus sur la terre l’ami des bergers ” et ils rappellent leurs nombreuses rencontres avec lui, ici ou là…

« Rencontres, soupire un vieux berger, que nous ne ferons jamais plus. »

Jésus apparaît comme s’il arrivait de derrière un bosquet enchevêtré où les grands troncs sont entourés de buissons bas qui cachent la vue du sentier. Ils ne le reconnaissent pas en cet homme solitaire et murmurent, en le voyant ainsi enveloppé dans un vêtement blanc :

« Qui cela peut-il être ? Un essénien ? Ici ? Un riche pharisien ? »

Ils sont perplexes.

Jésus leur demande :

« Pourquoi dites-vous que vous ne rencontrerez plus le Seigneur ? Car celui dont vous parlez, c’est le Seigneur.

– Nous le savons. Mais ignores-tu ce qu’on lui a fait ? Certains racontent qu’il est ressuscité, d’autres non. Mais même s’il est ressuscité, comme nous préférons le croire, maintenant il est parti. Comment peut-il désormais aimer et rester au milieu d’un peuple qui l’a crucifié ? Et nous qui l’aimions, même si nous ne l’avions pas tous connu, nous sommes tristes de l’avoir perdu.

– Il y a une manière de l’avoir encore auprès de vous. Il enseignait ce moyen.

– Oui, en agissant selon son enseignement. Alors on obtient le Royaume des Cieux et l’on est avec lui. Mais auparavant, il faut vivre et mourir. Or il n’est plus parmi nous pour nous réconforter. »

Ils hochent la tête.

« Mes petits-enfants, ceux qui mettent son enseignement en pratique et gardent sa doctrine dans leur cœur, c’est comme s’ils avaient Jésus dans le cœur. En effet Parole et Doctrine sont une seule et même science. Il n’était pas un Maître à enseigner des choses qui ne lui ressemblent pas. Par conséquent, Jésus vit en chaque homme fidèle à sa parole. Celui-ci n’en est donc pas séparé.

– Tu parles bien, mais nous sommes de pauvres hommes et… nous voudrions aussi le voir de nos yeux pour bien ressentir la joie… Moi, je ne l’ai jamais vu, et mon fils non plus, ni Jacob — celui-ci —, ni Melchias — celui-là —, pas plus que Jacques — cet autre —, ou Saül. Tu vois combien, parmi nous, ne l’ont pas vu ? Nous étions sans cesse à sa recherche, et quand nous arrivions, il était parti !

– Vous n’étiez pas à Jérusalem ce jour-là ?

– Oh si ! Mais quand nous avons appris ce qu’on voulait lui faire, nous nous sommes enfuis comme des fous sur les montagnes, pour revenir en ville après le sabbat. Nous ne sommes pas coupables de son sang, car nous n’étions pas dans la ville. Mais nous avons mal agi en étant lâches. Nous l’aurions vu, au moins, et salué. Il nous aurait sûrement bénis pour notre salut… Mais, vraiment, nous n’avons pas eu le courage de le voir endurer de tels tourments !

– C’est lui qui vous bénit maintenant. Regardez celui dont vous désirez connaître le visage. »

Il se manifeste, splendidement divin sur la verdure du pré. Devant leur stupeur qui les jette à terre, mais qui aussi cloue leurs pupilles sur le visage divin, il disparaît dans une lumière éblouissante.

XVIII. A Sidon, dans la maison de l’enfant aveugle-né.

632.36

L’enfant joue tout seul sous une tonnelle touffue. Il s’entend appeler, et se trouve face à Jésus. Bien peu craintif, il lui demande :

« Tu es le Rabbi qui m’a donné mes yeux[14] ? »

De ses yeux limpides d’enfant, d’un bleu pareil à ceux de Jésus, son regard plonge dans les yeux divins étincelants.

« C’est bien moi, mon enfant. Tu n’as pas peur de moi ? »

Il lui caresse la tête.

« Peur, non. Mais maman et moi, nous avons beaucoup pleuré quand mon père est revenu plus tôt que prévu, et nous a raconté qu’il s’était enfui parce qu’on avait attrapé le rabbi pour le tuer. Il n’a pas fait la Pâque et doit partir de nouveau pour la faire. Mais tu n’es pas mort, alors ?

– Je suis mort. Regarde mes blessures. Mort sur la croix. Mais je suis ressuscité. Tu diras à ton père de demeurer quelque temps à Jérusalem après la seconde Pâque, et de rester aux alentours de l’Oliveraie, à Bethphagé. Il trouvera là quelqu’un qui lui indiquera ce qu’il doit faire.

– Mon père pensait te chercher. A la fête des Tentes, il n’a pas pu te parler. Il voulait te dire qu’il t’aimait en raison des yeux que tu m’as donnés. Mais il n’a pas pu le faire, ni alors, ni maintenant…

– Il le fera en ayant foi en moi. Adieu, mon enfant. Paix à toi et à ta famille. »

XIX. Chez les paysans de Yokhanan.

632.37

Les champs de Yokhanan s’étendent sous le baiser de la lune. Silence absolu. Cette nuit étouffante oblige les paysans à garder ouverte au moins une porte de leur pauvre demeure pour ne pas mourir de chaleur dans les pièces basses où sont entassés trop de corps pour ce qu’elles peuvent contenir.

Jésus entre dans une pièce. Il semble que c’est la lune elle-même qui allonge son rayonnement pour lui étendre un tapis royal sur le sol de terre battue. Il se penche sur un dormeur, qui se tient à plat ventre dans un sommeil lourd de fatigue. Il l’appelle. Il passe à un autre, et à un suivant. Il les appelle tous, ses fidèles et pauvres amis. Il a la légèreté et la rapidité d’un ange qui vole. Il entre dans d’autres masures… Puis il va les attendre dehors, près d’un bouquet d’arbres.

Les paysans, encore à moitié endormis, sortent de leurs taudis. Deux, trois, un seul, cinq ensemble, quelques femmes. Ils sont stupéfaits d’avoir tous été appelés par une voix connue qui a dit à chacun les mêmes mots :

« Venez à la pommeraie. »

Ils s’y rendent, les hommes en finissant d’enfiler leurs pauvres vêtements, et les femmes d’arranger leurs tresses, et ils parlent doucement.

« Il m’a semblé que c’était la voix de Jésus de Nazareth.

– Peut-être son âme. Ils l’ont tué. L’avez-vous entendu dire ?

– Moi, je ne peux pas le croire. Il était Dieu.

– Pourtant Joël l’a vu sous la croix…

– On m’a raconté hier, pendant que j’attendais que le régisseur traite ses affaires, que ses disciples sont passés par Jezraël et qu’ils ont annoncé qu’il était vraiment ressuscité.

– Tais-toi ! Tu sais ce qu’a dit le maître : la flagellation attend celui qui tient ce genre de propos.

– La mort, peut-être. Mais ne serait-ce pas mieux plutôt que de souffrir ainsi ?

– Et il n’est plus là, désormais !

– Ils sont encore plus mauvais, maintenant qu’ils ont réussi à le tuer.

– Ils sont méchants parce qu’il est ressuscité. »

Ils parlent tout bas en se dirigeant vers le lieu qui leur a été indiqué.

632.38

« Le Seigneur ! s’exclame une femme en tombant la première à genoux.

– Son fantôme ! » s’écrient d’autres.

Certains prennent peur.

« C’est moi. Ne craignez rien. Ne criez pas. Avancez. C’est vraiment moi. Je suis venu confirmer votre foi, que je sais attaquée par d’autres. Vous voyez ? Mon corps fait de l’ombre parce que c’est un vrai corps. Vous ne rêvez pas, non. C’est bien ma vraie voix. Je suis ce même Jésus qui rompait le pain avec vous et vous montrait son amour. Maintenant aussi, je vous donne mon amour. Je vous enverrai mes disciples. Et ce sera encore moi, car ils vous donneront ce que je vous donnais et ce que je leur ai donné pour pouvoir me communiquer à ceux qui croient en moi.

Portez votre croix comme j’ai porté la mienne. Soyez patients. Pardonnez. Ils vous raconteront comment je suis mort. Imitez-moi. Le chemin de la douleur est le chemin du Ciel. Suivez-le avec paix et vous obtiendrez mon Royaume. Il n’y a pas d’autre voie que celle de la résignation à la volonté de Dieu, de la générosité, de la charité envers tous. S’il en avait existé une autre, je vous l’aurais indiquée. Moi, je suis passé par elle, car c’est la voie juste. Soyez fidèles à la Loi du Sinaï dont les dix commandements sont immuables, et à ma Doctrine. Il en viendra qui vous instruiront pour que vous ne soyez pas abandonnés aux menées des mauvais. Je vous bénis. Rappelez-vous toujours que je vous ai aimés et que je suis venu parmi vous avant et après ma glorification. En vérité, je vous dis que beaucoup auraient désiré me voir maintenant, et ne me verront pas. Beaucoup de grands. Je me montre à ceux que j’aime et qui m’aiment. »

Un homme ose dire :

« Alors… le Royaume des Cieux existe vraiment ? Tu étais vraiment le Messie ? Eux nous influencent…

– N’écoutez pas leurs paroles. Rappelez-vous les miennes, et faites bon accueil à celles de mes disciples, que vous connaissez. Ce sont des paroles de vérité. Et ceux qui les accueillent et les mettent en pratique, même s’ils sont serviteurs ou esclaves, seront habitants et cohéritiers de mon Royaume. »

Il les bénit en ouvrant les bras et disparaît.

632.39

« Oh ! Je n’ai plus peur de rien, moi !

– Moi non plus. Tu as entendu ? Même pour nous, il y a une place !

– Il nous faut être bons !

– Pardonner !

– Patienter !

– Savoir résister.

– Chercher les disciples.

– Il est venu chez nous, pauvres serviteurs…

– Nous le dirons à ses apôtres.

– Si Yokhanan le savait !

– Et Doras !

– Ils nous tueraient pour nous empêcher de parler !

– Mais nous nous tairons. Nous n’en parlerons qu’aux serviteurs du Seigneur.

– Michée, ne dois-tu pas te rendre avec cette charge à Séphoris ? Pourquoi n’irais-tu pas à Nazareth en parler…

– A qui ?

– A la Mère de Jésus. Aux apôtres. Ils seront peut-être avec elle… »

Ils s’éloignent en parlant de leurs projets.

XX. Sur les terres de Daniel, parent d’Elchias, avec Simon, le membre du Sanhédrin.

632.40

Elchias, le pharisien, est en train de discuter avec ses pareils pour savoir ce qu’il faut faire de Simon, le membre du Sanhédrin qui, devenu fou le vendredi saint, parle et dit trop de choses. Les avis divergent. Certains suggèrent de l’isoler dans quelque endroit désert où ses cris ne pourraient être entendus que par un serviteur très fidèle et partageant leurs idées ; d’autres, plus bienveillants et plus confiants, pensent qu’il s’agit d’un malaise passager et qu’il suffirait de le laisser là où il est.

Elchias répond :

« Ne sachant où le conduire, je l’ai amené ici. Mais vous savez que je doute beaucoup de mon parent Daniel… »

D’autres, plus mauvais encore qu’Elchias, s’exclament :

« Il veut fuir, aller en mer. Pourquoi ne pas le satisfaire ?

– Parce qu’il n’est pas capable de faire des actes ordonnés. Seul en mer, il périrait et aucun de nous n’est capable de mener une barque.

– Et même si c’était le cas ! Qu’arriverait-il au lieu du débarquement, avec ce qu’il dit ? Laissez-le choisir sa route… En présence de tous, et même de ton parent, fais en sorte qu’il lui indique sa volonté, et qu’il soit fait selon son désir. »

Cette proposition est approuvée. Elchias hèle un serviteur, et lui ordonne de faire venir Simon et d’appeler Daniel. Ils arrivent l’un et l’autre et, si Daniel a l’air d’un homme qui se sent mal à l’aise auprès de certaines gens, l’autre a vraiment l’air d’un fou.

« Ecoute-nous, Simon. Tu dis que nous te gardons prisonnier parce que nous voulons te tuer…

– Vous le devez, car tel est le commandement.

– Tu délires, Simon. Tais-toi et écoute. Où te semble-t-il que tu guérirais ?

– En mer. En mer. Au milieu de la mer. Là où il n’y a ni voix ni tombeau. Car les tombeaux s’ouvrent, et les morts en sortent. Ma mère dit…

– Tais-toi ! Ecoute : nous t’aimons comme notre chair. Veux-tu vraiment y aller ?

– Bien sûr que je le veux. Car ici les tombeaux s’ouvrent. Ma mère…

– Tu iras… Nous allons te conduire au bord de la mer, nous te donnerons une barque et tu…

– Mais c’est un homicide ! Il est fou ! Il ne peut s’y rendre seul ! s’écrie l’honnête Daniel.

– Dieu ne fait pas violence à la volonté de l’homme. Pourrions-nous faire ce que Dieu ne fait pas ?

– Mais il est fou ! Il n’a plus de volonté propre. Il est plus simplet qu’un nouveau-né ! Vous ne pouvez pas !…

– Tais-toi. Tu es un paysan, rien de plus. C’est nous qui savons… Demain, nous partirons pour la mer. Sois content, Simon. Pour la mer, comprends-tu ?

– Ah ! je n’entendrai plus les voix de la terre ! Plus les voix…Ah ! »

632.41

Un long cri, un spasme d’agitation, ses yeux et ses oreilles se ferment. Et un autre cri, celui de Daniel qui s’enfuit, terrorisé.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’arrive-t-il ? Arrêtez ce fou et cet imbécile ! Serions-nous tous en train de perdre la tête ? » s’exclame Elchias.

Mais après avoir couru quelques mètres, celui qu’Elchias appelle l’imbécile, c’est-à-dire son parent Daniel, se prosterne sur le sol, pendant que l’autre écume en une convulsion effrayante, et hurle :

« Faites-le taire ! Il n’est pas mort et il crie, il crie, il crie ! Plus que ma mère, plus que mon père, plus qu’il ne le faisait sur le Golgotha ! Là, là, vous ne le voyez pas ? »

Il indique l’endroit où se trouve Daniel, paisible, souriant, la tête levée.

Furieux, Elchias le rejoint et le secoue rudement sans s’occuper de Simon, qui se roule par terre en écumant et pousse des cris de bête au milieu du cercle terrifié des autres.

Elchias apostrophe Daniel :

« Visionnaire fainéant, veux-tu me dire ce que tu fais ?

– Laisse-moi. Maintenant, je te connais. Et je m’éloigne de toi. J’ai vu celui que vous voulez me faire croire mort. Il s’est montré bienveillant pour moi, terrible pour vous. Je pars. Plus que l’argent et n’importe quelle richesse, je protège mon âme. Adieu, maudit ! Et, si tu peux, fais en sorte de mériter le pardon de Dieu.

– Mais où vas-tu ? Moi, je ne veux pas !

– As-tu le droit de me garder prisonnier ? Qui te l’a donné ? Je t’abandonne ce que tu aimes et je m’apprête à suivre ce que j’aime. Adieu. »

Il lui tourne le dos et s’éloigne d’un bon pas, comme tiré par une force surhumaine, avant de descendre la pente verte des oliviers et des vergers.

Elchias est livide et pas lui seul. La colère les étrangle tous. Elchias menace de se venger sur son parent, sur tous ceux qui “ avec leurs frénésies ” prétendent que le Galiléen est vivant. Il veut parler, il veut agir…

Quelqu’un, je ne sais qui, intervient :

« Nous agirons, nous agirons, mais nous ne pourrons pas fermer toutes les bouches et tous les yeux de ceux qui parlent parce qu’ils voient. Nous sommes vaincus ! Notre crime nous accable. Maintenant arrive l’expiation… »

Pris d’une angoisse qui le rend semblable à un condamné qui gravit les marches d’un échafaud, il se frappe la poitrine.

« C’est la vengeance de Yahveh » ajoute-t-il.

La terreur millénaire d’Israël lui déforme la voix.

Pendant ce temps, blessé, écumant, effrayant, Simon fait entendre des cris de damné :

« Parricide[15], m’a-t-il dit ! Faites-le taire ! Parricide ! C’est ce que disait ma mère ! Les morts emploient-ils donc tous les mêmes mots ? »

XXI. A une femme de Galilée, qui obtient la résurrection de son mari.

632.42

La nouvelle lune, près de se coucher, est sur le point de faire disparaître son croissant encore mince derrière la bosse d’une montagne. Sa clarté est donc très relative, et elle ne dominera bientôt plus la vaste campagne.

Un voyageur marche cependant sur le chemin solitaire, un petit chemin, un sentier au milieu des champs plus qu’autre chose. Il tient, suspendue par un anneau, l’une de ces lanternes rudimentaires vieilles comme le monde qui servent généralement aux charretiers pour s’éclairer la nuit. Comme le verre n’est pas courant — je le crois même tout à fait inconnu, car il ne m’est jamais arrivé d’en voir dans aucune maison, que ce soit comme verre à boire, vase, ou protection aux fenêtres —, la flamme de cette lanterne est abritée par quelque chose qui peut être aussi bien du mica que du parchemin. Sa lueur est si faible qu’elle peut tout juste servir à créer un halo. Mais comme la lune se cache entièrement, la lumière de ce pauvre fanal paraît plus vigoureuse et apporte une clarté vacillante dans l’obscurité de la campagne.

Le voyageur marche sans s’arrêter…

L’aube commence à poindre à l’extrémité de l’horizon, mais si faiblement, pour l’instant, qu’elle n’éclaire rien, et le lumignon est encore nécessaire.

Près d’un petit pont attend ou se repose une autre personne bien emmitouflée dans son manteau. Hésitant, le voyageur au fanal, qui se dirige vers ce pont, fait halte. Il se demande s’il doit passer par là ou revenir en arrière, à l’endroit où le lit d’un petit torrent est garni de larges pierres qui peuvent servir à passer à pied sec.

La personne assise sur la rive rustique faite d’un tronc d’arbre qui a encore son écorce blanc-vert, lève la tête pour observer celui qui s’est arrêté. Elle se met debout et dit :

« N’aie pas peur de moi. Approche. Je suis un bon compagnon, pas un voleur. »

C’est Jésus. Je le reconnais à sa voix plus qu’à son aspect, encore voilé par le crépuscule profond que la lumière n’arrive pas à rompre jusqu’à l’endroit où se tient Jésus. Mais le voyageur hésite.

« Viens, femme. Ne crains rien. Nous allons faire un bout de chemin ensemble, et ce sera bon pour toi. »

La femme — je sais maintenant que c’est une femme — avance, vaincue par la douceur de la voix ou par une force secrète, mais elle hoche la tête en murmurant :

« Rien ne sera jamais plus bon pour moi. »

632.43

Ils marchent maintenant côte à côte sur le chemin, assez large pour permettre le passage de deux piétons. L’aube qui progresse découvre, d’un côté, une rigide forêt miniature de blés mûrs qui attendent d’être fauchés. De l’autre côté, ils sont déjà coupés et gisent en gerbes sur le champ dépouillé de sa gloire de moissons mûres.

« Maudites ! » lance à voix basse la femme en jetant un regard sur les gerbes étendues par terre.

Jésus se tait.

Le jour avance. La femme éteint sa pauvre lanterne et, ce faisant, découvre son visage dévasté par les larmes. Elle lève la tête pour regarder vers l’orient, où une ligne jaune-rose annonce le lever du soleil. Elle tend le poing dans cette direction, et reprend :

« Maudit sois-tu !

– Le jour ? C’est Dieu qui l’a fait, comme il a fait les blés. Ce sont des bienfaits de Dieu. Il ne faut pas les maudire… dit doucement Jésus.

– Mais moi je les maudis. Je maudis le soleil et les moissons. Et j’ai raison de le faire.

– N’ont-ils pas été bons pour toi pendant tant d’années ? Le premier n’a-t-il pas fait mûrir pour toi le pain quotidien, le raisin qui se change en vin, les légumes et les fruits du jardin, et n’a-t-il pas fait pousser l’herbe dans les pâturages pour nourrir les brebis et les agneaux dont le lait et la viande t’ont nourrie et avec la toison desquels tu as tissé tes vêtements ? Et le blé ne t’a-t-il pas donné le pain, à toi, mais également à tes enfants, à ton père et à ta mère, à ton époux ? »

Elle éclate en sanglots et pousse un cri :

« Je n’ai plus d’époux ! Ils l’ont tué ! Il était allé travailler, car nous avons sept enfants et le peu que nous possédions ne suffisait pas à nourrir dix personnes. Hier soir, il est arrivé en disant : “ Je suis fatigué, je ne me sens pas bien ”, et il s’est jeté sur le lit, brûlant de fièvre. Sa mère et moi l’avons secouru comme nous le pouvions. Nous avions l’intention d’appeler aujourd’hui le médecin de la ville… Mais il est mort après le chant du coq. Le soleil l’a tué. Je vais en ville chercher ce qu’il faut. A mon retour, je penserai à prévenir ses frères. J’ai laissé sa mère pour veiller son fils et mes enfants… et je suis partie pour faire ce qu’il convient… Et je ne devrais pas maudire le soleil brûlant et les blés ? »

Si elle était maîtresse d’elle-même au début, à tel point que je ne me doutais pas que c’était une femme et surtout une femme affligée, elle a maintenant laissé sa douleur rompre ses digues et déborder avec force. Elle confie tout ce qu’elle n’a pas dit chez elle “ pour ne pas réveiller ses enfants qui dorment dans la pièce voisine ”, tout ce qui lui pesait tellement sur le cœur que cela lui donnait l’impression qu’il allait éclater. Souvenirs d’amour, peur de l’avenir, douleur de veuve passent confusément comme des débris arrachés à la rive, sur l’eau gonflée d’un fleuve en crue…

632.44

Jésus la laisse parler. Car Jésus sait compatir à la douleur, il la laisse s’épancher, pour que la personne soit soulagée et que la fatigue qui succède au débordement de la douleur la rende capable d’écouter celui qui la console. Alors, il lui dit d’une voix douce :

« A Naïm, à Nazareth, et dans les villages situés entre les deux, il y a des disciples du Rabbi de Nazareth. Va les trouver…

– Et que veux-tu qu’ils fassent ? Si le Rabbi était encore là !… Mais eux ? Ce ne sont pas des saints ! Mon mari était à Jérusalem ce fameux jour… Et il sait… Oh non ! Il savait ! Il ne sait plus rien ! Il est mort !

– Que faisait ton mari ce jour-là ?

– Quand la clameur de la rue l’a réveillé, il a couru sur la terrasse de la maison où il se trouvait avec ses frères, et il a vu passer le Rabbi que l’on conduisait au Prétoire. Avec les autres Galiléens, il l’a suivi jusqu’à ce qu’il soit mort. On leur a jeté des pierres, à lui et aux autres, quand on a découvert qu’il était galiléen, là-haut sur la colline, et on les a repoussés plus bas. Mais ils sont restés là jusqu’à ce que tout soit accompli. Puis… ils s’éloignèrent… Et maintenant mon mari est mort. Ah ! Si au moins je savais que, grâce à sa pitié pour le Rabbi, il est en paix ! »

Jésus ne répond pas à ce désir, mais il dit :

« Dans ce cas, il aura vu qu’il y avait des disciples sur le Golgotha. Peut-être que tous les Galiléens se sont conduits comme ton mari ?

– Oh non ! Beaucoup, même de Nazareth, l’ont injurié. On le sait. Quelle honte !

– Alors, si beaucoup, même à Nazareth, n’ont pas éprouvé d’amour pour leur Jésus, si pourtant il leur a pardonné — et beaucoup se sanctifieront à l’avenir —, pourquoi veux-tu juger de la même manière les disciples du Christ ? Veux-tu être plus sévère que Dieu ? Dieu accorde beaucoup à ceux qui pardonnent…

– Il n’est plus là, le bon Rabbi ! Il n’est plus là ! Et mon mari est mort lui aussi…

– Le Rabbi a donné à ses disciples le pouvoir de faire ce que lui faisait.

– Je veux le croire. Mais lui seul était capable de vaincre la mort. Lui seul !

– Ne lit-on pas qu’Elie rendit l’esprit au fils de la veuve de Sarepta ? En vérité, je te dis qu’Elie était un grand prophète, mais que les serviteurs du Sauveur, qui est mort et ressuscité parce qu’il était le Fils du vrai Dieu incarné pour racheter les hommes, ont un pouvoir encore plus grand. La raison en est que, sur la croix, Jésus leur a pardonné leurs péchés à eux d’abord : il connaissait, par sa divine sagesse, la véritable douleur de leurs esprits contrits. Il les a sanctifiés après sa résurrection par un nouveau pardon et leur a infusé l’Esprit Saint pour qu’ils puissent me représenter dignement à la fois par la parole et par les actes, afin que le monde ne reste pas dans la désolation après mon départ. »

632.45

La femme recule vivement, stupéfaite. Elle rejette son voile en arrière pour bien voir son compagnon. Mais elle ne le reconnaît pas et croit avoir mal compris. Pourtant, elle n’ose plus parler…

« As-tu peur de moi ? Tu m’as d’abord pris pour un voleur prêt à te dépouiller de l’argent que tu caches dans ton sein, et qui est destiné à acheter le nécessaire pour la sépulture. Et tu as eu peur. Maintenant, redoutes-tu de savoir que je suis Jésus ? Et Jésus n’est-il pas celui qui donne et ne prend pas ? Celui qui sauve et ne détruit pas ? Reviens sur tes pas, femme. Je suis la Résurrection et la Vie. Linceul et aromates ne seront pas nécessaires pour celui qui n’est pas mort, qui n’est plus mort, car je suis celui qui vainc la mort et récompense celui qui a foi. Va ! Rentre chez toi ! Ton mari est vivant. Aucune foi en moi ne reste sans récompense. »

Il fait le geste de la bénir et de s’en aller.

La femme sort de sa stupéfaction. Elle ne demande rien, elle ne doute pas… Non. Elle tombe à genoux pour adorer. Puis, finalement, elle ouvre la bouche et, fouillant dans son sein, elle en tire une bourse, petite, une pauvre bourse de pauvres gens auxquels la misère interdit des honneurs solennels pour leurs morts, et elle dit :

« Je n’ai rien d’autre pour te montrer ma reconnaissance, pour t’honorer, pour…

– Je n’ai pas besoin d’argent, femme. Tu le porteras à mes apôtres.

– Oh oui ! J’irai avec mon mari… Mais que te donner alors, mon Seigneur ? Quoi ? Toi, qui m’es apparu… ce miracle… et moi, qui ne t’ai pas reconnu… qui étais si si fâchée… qui me suis montrée si injuste, jusqu’avec les merveilles qui m’entourent…

– Oui. Et tu ne pensais pas qu’elles sont parce que, moi, je suis, et que tout est bon de ce que Dieu a fait. Si le soleil n’avait pas existé, s’il n’y avait pas eu les blés, tu n’aurais pas eu cette grâce que tu viens d’obtenir.

– Mais quelle douleur, pourtant !… »

La femme pleure en y pensant.

Jésus sourit et lui montre ses mains :

« Voici une minime partie de ma souffrance. Et je l’ai consumée tout entière sans me plaindre, pour votre bien. »

La femme s’incline jusqu’au sol pour reconnaître :

« C’est vrai. Pardonne ma plainte. »

632.46

Jésus disparaît dans sa lumière habituelle et, quand elle se redresse, elle se découvre seule. Elle se lève, regarde autour d’elle. Rien ne peut gêner sa vue, car c’est maintenant plein jour, et il n’y a que des champs de moissons tout autour. La femme se dit à elle-même :

« Pourtant, je n’ai pas rêvé ! »

Le démon, peut-être, la tente pour la faire douter, et elle a un instant d’incertitude tandis qu’elle soupèse la bourse dans ses mains.

Mais sa foi a le dessus. Elle tourne le dos à la direction vers laquelle elle faisait route, pour revenir sur ses pas, rapide comme si le vent la portait, sans qu’elle se fatigue, le visage éclairé d’un bonheur plus grand que toute joie humaine, tant il est paisible. Elle répète à chaque instant :

« Comme le Seigneur est bon ! Il est vraiment Dieu ! Il est Dieu. Que soit béni le Très-Haut et celui qu’il a envoyé. »

Elle ne sait pas dire autre chose. Et sa litanie se mêle maintenant au chant des oiseaux.

La femme est tellement absorbée qu’elle n’entend pas les salutations de certains moissonneurs qui la voient passer et lui demandent d’où elle vient à cette heure…

L’un d’eux la rejoint et lui demande :

« Marc va-t-il mieux ? Tu es allée chercher le médecin ?

– Marc est mort au chant du coq, puis il est ressuscité, car le Messie du Seigneur a fait cela, répond-elle sans ralentir.

– La douleur l’aura rendue folle ! » murmure l’homme,

En hochant la tête, il rejoint ses compagnons qui ont commencé à faucher le blé.

Les champs se peuplent progressivement. Mais la curiosité triomphe chez beaucoup, et ils se décident à suivre la femme, qui ne cesse de hâter le pas.

632.47

Elle court, elle vole. Voici une très pauvre maison, basse, solitaire, perdue dans la campagne. Elle s’y dirige en serrant ses mains sur son cœur.

A peine y a-t-elle posé le pied qu’une vieille femme se jette dans ses bras en criant :

« Ma fille, quelle grâce du Seigneur ! Prends courage, ma fille, car ce que je dois te dire est chose si grande, si heureuse, que…

– Je le sais, mère. Marc n’est plus mort. Où est-il ?

– Tu le sais… mais comment ?

– J’ai rencontré le Seigneur. Je ne l’ai pas reconnu, mais lui m’a parlé et quand cela lui a plu, il m’a annoncé : “ Ton mari vit. ” Mais ici… quand ?

– J’avais ouvert la fenêtre, et je regardais le premier rayon de soleil qui tombait sur le figuier. Oui, c’est vraiment ainsi. Le premier rayon a touché alors le figuier contre la pièce… quand j’ai entendu un profond soupir, comme quelqu’un qui se réveille. Tout effrayée, je me suis retournée et j’ai vu Marc s’asseoir, repousser le drap que je lui avais posé sur le visage, et regarder vers le haut avec un visage… un visage… Puis il a tourné les yeux vers moi, et s’est exclamé : “ Mère, je suis guéri ! ” Moi… Il s’en est fallu de peu que je meure à mon tour ! Il m’a secourue et a compris qu’il avait été mort. Il ne se rappelle rien. Il assure qu’il se souvient du moment où on l’a mis au lit, mais ensuite de plus rien jusqu’à ce qu’il voie un ange, une espèce d’ange qui avait le visage du Rabbi de Nazareth et qui lui a dit : “ Lève-toi ! ” Et il s’est levé. Exactement à l’heure où le soleil surgissait tout entier.

– C’est l’heure à laquelle Jésus m’a annoncé : “ Ton mari vit. ” Oh ! mère, quelle grâce ! Comme Dieu nous a aimés ! »

632.48

Les arrivants les trouvent embrassées et en larmes. Ils croient que Marc est mort et que sa femme, dans un instant de lucidité, a compris son malheur. Mais Marc, qui entend les voix, apparaît, serein, avec un enfant dans les bras et les autres attachés à sa tunique, et il dit à haute voix :

« Me voici. Bénissons le Seigneur ! »

On l’assaille de questions et, comme toujours dans les réalités humaines, la contradiction s’élève. Les uns croient à une véritable résurrection, les autres — les plus nombreux — qu’il était tombé en catalepsie, mais qu’il n’était pas réellement mort. Certains admettent que le Christ est apparu à Rachel, d’autres prétendent que ce sont là des fables car “ Jésus est mort ”, et d’autres encore :

« Il est ressuscité, mais il est tellement indigné, il doit l’être, qu’il ne fait plus de miracles pour son peuple assassin.

– Dites ce que bon vous semble, lance l’homme, qui perd patience, et dites-le où vous voulez. Il suffit que ce ne soit pas ici, dans cette maison où le Seigneur m’a ressuscité. Et allez-vous-en, malheureux ! Veuille le Ciel vous ouvrir l’intelligence pour que vous croyiez. Mais pour l’instant, partez et laissez-nous en paix ! »

Il les pousse dehors et ferme la porte.

632.49

Il serre sur son cœur sa femme et sa mère avant de reprendre :

« Nazareth n’est pas loin. Je vais y proclamer le miracle.

– C’est ce que veut le Seigneur, Marc. Nous porterons cet argent à ses disciples. Allons bénir le Seigneur. Comme nous sommes. Nous sommes pauvres, mais lui aussi l’était, et ses apôtres ne nous mépriseront pas. »

Elle entreprend de lacer les sandalettes des enfants pendant que sa belle-mère jette quelques provisions dans un sac et ferme portes et fenêtres. Marc va faire je ne sais quoi.

Ils sortent dès qu’ils sont prêts et marchent rapidement, les plus petits portés dans les bras, les autres joyeux et un peu stupéfaits autour de leurs parents. Ils prennent la direction de l’est de Nazareth, on le devine aisément. Cet endroit se trouve peut-être encore dans la plaine d’Esdrelon, mais dans une région différente de celles des domaines de Yokhanan.

632.1

Elisa, la madre de Analía, llora desconsoladamente en su casa, cerrada dentro de un cuarto de reducidas dimensiones, donde hay una cama pequeña sin cobertores, que quizás es la de Analía. Tiene la cabeza relajada sobre los brazos, desmayados a su vez, extendidos sobre la cama como para abrazarla por entero. El cuerpo pesa, desfallecido, sobre las rodillas. Lo único vigoroso es su llanto.

Poca luz entra por la ventana abierta. El día ha renacido hace poco. Pero una luz viva brilla cuando entra Jesús.

Digo “entra” para expresar que está en el cuarto, mientras que antes no estaba. Y lo diré siempre así para significar sus apariciones en lugares cerrados, sin repetirme respecto a cómo Él se descubre tras una gran luminosidad que recuerda a la de la Transfiguración, tras un fuego blanco —se me permita la comparación— que parece licuar paredes y puertas para permitirle entrar con su verdadero, respirador, sólido Cuerpo glorificado (un fuego, una luminosidad que se repliega sobre Él y le oculta cuando se marcha). Después, adquiere el aspecto hermosísimo de Resucitado, pero Hombre, verdaderamente Hombre, de una belleza centuplicada respecto a la que ya tenía antes de la Pasión. Es Él, pero glorioso, Rey.

632.2

«¿Por qué lloras, Elisa?».

No sé cómo la mujer no reconoce esa Voz inconfundible. Quizás el dolor la aturde. Responde como si hablara con un pariente que, quizás, ha ido donde ella después de la muerte de Analía.

«¿Has oído ayer por la tarde a esos hombres? Él no era nada. Poder mágico, no divino. Y yo que me resignaba a la muerte de mi hija figurándomela amada por un Dios, en paz… ¡Me lo había dicho!…», llora aún más fuerte.

«Pero muchos le han visto resucitado. Sólo Dios puede resucitarse por sí mismo».

«Esto se lo dije yo también a los de ayer. Tú lo oíste. Me opuse a sus palabras, porque sus palabras significaban la muerte de mi esperanza, de mi paz. Pero ellos —¿lo oíste?—, ellos dijeron: “No es más que una comedia de sus seguidores, para no reconocer su falta de cordura. Él está muerto y bien muerto, y ya en estado de descomposición han robado su cadáver y lo han destruido, y dicen que ha resucitado”. Esto dijeron… Y también dijeron que por eso el Altísimo ha mandado el segundo terremoto, para hacerles sentir su ira por su sacrílego embuste. ¡Oh, ya no tengo consuelo!».

«Pero si vieras al Señor resucitado, con tus ojos, y le palparas con tus manos, ¿creerías?».

«No soy digna de ello… Pero ¡claro que creería! Me bastaría con verle. No me atrevería a tocar sus Carnes, porque, si así fuera, serían carnes divinas, y una mujer no puede acercarse al Santo de los Santos».

632.3

«¡Alza la cabeza, Elisa, y mira quién tienes delante!».

La mujer alza la cabeza cana, alza la cara desfigurada por el llanto, y ve… Cae más aún su cuerpo, gravitando más en los talones; se restriega los ojos; abre la boca, por un grito que quiere subir pero que el estupor estrangula en la garganta…

«Soy Yo. El Señor. Toca mi Mano. Bésala. Me has sacrificado tu hija. Lo mereces. Y halla de nuevo, en esta Mano, el beso espiritual de tu hija. Está en el Cielo. Bienaventurada. Dirás esto a los discípulos, y se lo dirás este día».

La mujer está tan arrobada, que no se atreve a llevar a cabo ese gesto. Es Jesús mismo el que le aprieta la punta de sus dedos contra los labios.

«¡Oh! ¡¡¡Verdaderamente has resucitado!!! ¡Feliz! ¡Soy feliz! ¡Bendito seas, Tú que me has consolado!».

Se inclina para besarle los pies, y lo hace, y se queda así.

La luz sobrenatural envuelve en su esplendor a Cristo y la habitación queda vacía de Él; pero la madre tiene el corazón lleno de inquebrantable certeza.

II. A María de Simón, en Keriot, con Ana, madre de Yoana, y el anciano Ananías.

632.4

Es la casa de Ana, madre de Yoana; la casa de campo donde Jesús, acompañado de la madre de Judas, obró el milagro[1] de la curación de Ana. También aquí una habitación, y una mujer que yace sobre un lecho; irreconocible ella, de tan desfigurada como está a causa de una mortal angustia. Su rostro aparece consumido, devorado por la fiebre que enciende los pómulos, salientes de tan ahondados como están los carrillos. Los ojos, dentro de un círculo negro, rojos de fiebre y llanto, están semicerrados bajos los párpados hinchados. Donde no hay enrojecimiento de fiebre hay amarillez intensa, verdastra, como por bilis esparcida en la sangre. Los brazos descarnados, las manos afiladas, están desmayados sobre las mantas que un veloz jadeo levanta.

Junto a la enferma, que no es sino la madre de Judas, está la madre de Yoana, Ana, secando lágrimas y sudor, agitando un paipái, cambiando en la frente y la garganta de la enferma paños impregnados en un vinagre aromatizado, acariciando a la enferma las manos, y los sueltos cabellos, esos cabellos que, en poco tiempo, han pasado a ser más blancos que negros y que están esparcidos sobre la almohada o aglutinados por el sudor tras las orejas ahora transparentes. Y llora también Ana, diciendo palabras de consuelo: «¡Así no, María! ¡Así no! ¡Basta! Él… él ha pecado. Pero tú, tú sabes cómo el Señor Jesús…».

«¡Calla! Ese Nombre… diciéndomelo a mí… se profana… ¡Soy la madre… del Caín… de Dios! ¡Ay!». El llanto quedo se transforma en extremo, lacerante sollozo. La mujer siente ahogarse, se agarra al cuello de su amiga, que la socorre; un vómito bilioso le sale por la boca.

«¡Cálmate! ¡Cálmate, María! ¡Así no! ¡Oh!, ¿qué puedo decirte para convencerte de que Él, el Señor, te quiere? ¡Te lo repito! ¡Te lo juro por las cosas para mí más santas: por el Salvador y por mi hija! Él me lo dijo cuando le condujiste a mí. Él tuvo para ti palabras y detalles de un amor infinito. Tú eres inocente. Él te quiere. Estoy segura, segura estoy de que se entregaría otra vez por darte paz, pobre madre mártir».

«¡Madre del Caín de Dios! ¿Oyes? El viento, ahí afuera… lo dice… Va por el mundo la voz… la voz del viento, y dice: “María de Simón, madre de Judas, el que traicionó al Maestro y lo entregó a sus crucifixores”. ¿Oyes? Todo lo dice… El arroyo, ahí afuera… Las tórtolas… las ovejas… Toda la Tierra grita que soy yo… No, no quiero curarme. ¡Morir es lo que quiero!… Dios es justo y no descargará su mano contra mí en la otra vida. Pero aquí, no. El mundo no perdona… no distingue… Me vuelvo loca porque el mundo grita…: “¡Eres la madre de Judas!”».

Vuelve a caer, exhausta, sobre la almohada. Ana la coloca y sale para llevarse los paños ya sucios…

María, con los ojos cerrados, exangüe después del esfuerzo realizado, gimiendo, dice: «¡La madre de Judas!, ¡de Judas!, ¡de Judas!». Jadea. Luego continúa: «Pero ¿qué es Judas? ¿Qué di a luz? ¿Qué es Judas? ¿Qué di…?».

632.5

Jesús está en la habitación, que una trémula luz clarea (y es que todavía la luz del día es demasiado escasa como para iluminar esta vasta habitación, en la que la cama está en el fondo, muy lejos de la única ventana que hay). Llama dulcemente: «¡María! ¡María de Simón!».

La mujer está casi en estado de delirio y no da relevancia a la voz. Está ausente, enajenada dentro de los torbellinos de su dolor, y repite las ideas que obsesionan su cerebro, monótonamente, como el tictac de un péndulo: «¡La madre de Judas! ¿Qué di a luz? El mundo grita: “La madre de Judas”…».

Jesús tiene dos lágrimas en el lagrimal de sus ojos dulcísimos. Me asombran mucho. No creía que Jesús pudiera llorar después de su resurrección…

Se agacha. ¡La cama es tan baja para Él tan alto…! Pone la mano en la frente febril, apartando los paños impregnados en vinagre, y dice: «Un desdichado. Esto. Nada más. Si el mundo grita, Dios cubre el grito del mundo diciéndote: “Ten paz, porque Yo te quiero”. ¡Pobre madre, mírame! Recoge tu espíritu desorientado y ponlo en mis manos. ¡Soy Jesús!…».

María de Simón abre los ojos como saliendo de una pesadilla y ve al Señor, siente su Mano en su frente, se lleva las manos temblorosas a la cara y, gimiendo, dice: «¡No me maldigas! Si hubiera sabido lo que engendraba, me habría arrancado las entrañas para impedir que naciera».

«Y habrías pecado. ¡María! ¡Oh, María! No te apartes de tu justicia por el pecado de otro. Las madres que han cumplido con su tarea no deben considerarse responsables del pecado de sus hijos. Tú has cumplido con tu deber, María. Dame tus pobres manos. Pobre madre, tranquilízate».

«Soy la madre de Judas. Impura estoy como todo lo que ese demonio tocó. ¡Madre de un demonio! No me toques». Forcejea tratando de evitar las Manos divinas, que quieren sujetarla.

Las dos lágrimas de Jesús le caen a la mujer en la cara, que otra vez está encendida de fiebre. «Yo te he purificado, María. Tienes en ti mis lágrimas de piedad. Por ninguno he llorado desde que consumé mi dolor. Pero por ti lloro con toda mi amorosa piedad». Ha logrado tomarle las manos y se sienta, sí, realmente se sienta en el borde de la cama, y tiene esas manos temblorosas entre las suyas.

La piedad amorosa de sus fúlgidos ojos acaricia, envuelve, medica a la infeliz, que se calma y llora quedamente, y susurra: «¿No me guardas rencor?».

«Te tengo amor. He venido por esto. Ten paz».

«¡Tú perdonas! ¡Pero el mundo! ¡Tu Madre! Me odiará».

«Ella piensa en ti como en una hermana. El mundo es cruel. Es verdad. Pero mi Madre es la Madre del Amor, y es buena. Tú no puedes ir por el mundo, pero Ella vendrá a ti cuando todo esté en paz. El tiempo pacifica…».

«Hazme morir, si me quieres…».

«Todavía un poco. Tu hijo no supo darme nada. Tú dame un tiempo de tu sufrimiento. Será breve».

«Mi hijo te dio demasiado… Te dio el horror infinito».

«Y tú el dolor infinito. El horror ha pasado. Ya no tiene utilidad. Tu dolor sí; se une a estas llagas mías, y tus lágrimas y mi Sangre lavan al mundo. Todo el dolor se une para lavar al mundo. Tus lágrimas están entre mi Sangre y el llanto de mi Madre, y alrededor está todo el dolor de los santos que sufrirán por Cristo y por los hombres, por amor mío y amor a los hombres. ¡Pobre María!».

La recuesta dulcemente, le cruza las manos, la mira mientras se tranquiliza…

632.6

Vuelve Ana. Se queda atónita en la puerta.

Jesús, que de nuevo se ha alzado, la mira diciendo: «Has obedecido a mi deseo. Para los obedientes, paz. Tu alma me ha comprendido. Vive en mi paz».

Baja de nuevo los ojos hacia María de Simón, que lo mira detrás de un fluir de lágrimas ahora más serenas; y le sonríe y le dice todavía: «Pon todas tus esperanzas en el Señor. Él te dará todas sus consolaciones». La bendice y hace ademán de marcharse.

María de Simón emite un grito apasionado: «¡Se dice que mi hijo te traicionó con un beso! ¿Es verdad, Señor? Si es así, deja que yo lo lave besándote las Manos. ¡No puedo hacer otra cosa! No puedo hacer otra cosa para borrar… para borrar…». El dolor le vuelve, más fuerte.

Jesús, ¡oh!, no es que le dé a besar las Manos —esas Manos que quedan semicubiertas por la ancha manga de la cándida túnica, que pende hasta la mitad del metacarpo y esconde las heridas—, lo que hace es que toma la cabeza de la mujer entre sus manos y se agacha para rozar con los labios divinos la frente ardiente de esta mujer desdichadísima entre todas las mujeres. Y al alzarse le dice: «¡Mis lágrimas y mi beso! Ninguno ha recibido tanto de mí. Quédate, pues, con la paz de saber que entre tú y Yo no hay sino amor». La bendice y, cruzando rápidamente la habitación, sale detrás de Ana, que no se ha atrevido a entrar ni a hablar, sino que sólo llora de emoción.

632.7

Pero, una vez en el pasillo que lleva a la puerta de casa, Ana se atreve a hablar, a hacer la pregunta que tiene en su corazón: «¿Mi Yoana?».

«Desde hace quince días goza en el Cielo. No lo he dicho ahí porque demasiado grande es el contraste entre tu hija y su hijo».

«¡Es verdad! ¡Gran congoja! Creo que morirá de ello».

«No. No enseguida».

«Ahora tendrá más paz. La has consolado. ¡Tú, Tú que más que nadie…!».

«Yo que más que nadie me compadezco de ella. Yo soy la divina Compasión. Soy el Amor. Te digo, mujer, que hubiera bastado con que Judas me hubiera dirigido una mirada de arrepentimiento para que le hubiera obtenido el perdón de Dios…». ¡Qué tristeza hay en el rostro de Jesús!

La mujer se siente impresionada por esta tristeza. Palabras y silencio luchan en sus labios, pero es mujer, y la curiosidad la vence. Pregunta: «Pero fue una… un… Sí, lo que quiero decir es que si ese desdichado pecó de repente o…».

«Hacía meses que pecaba. Y tan fuerte era su voluntad de pecar, que ninguna palabra mía ni acto mío valieron para frenarle. Pero no le digas esto a ella…».

«¡No se lo diré!… ¡Señor! Fíjate, cuando Ananías, que en la misma noche de la Parasceve había huido de Jerusalén sin siquiera concluir la Pascua, entró aquí gritando: “¡Tu hijo ha traicionado al Maestro y le ha entregado a sus enemigos! Con un beso le ha traicionado. Y yo he visto al Maestro cargado de golpes y esputos, flagelado, coronado de espinas, cargando con la cruz, crucificado y muerto por obra de tu hijo. Y los enemigos del Maestro gritan nuestro nombre con un repugnante sentido de triunfo. Y se narran las hazañas de tu hijo, que ha vendido al Mesías por menos de lo que cuesta un cordero y le ha señalado ante la gente armada con un beso de traición”, María cayó al suelo, ennegrecida de repente. Y el médico dice que se esparció su hiel y se rompió su higado, quedando corrompida toda su sangre. Y… el mundo es malo… ella tiene razón… Tuve que traerla aquí, porque en Keriot se acercaban a la casa para gritar: “¡Tu hijo deicida y suicida! ¡Se ha ahorcado! Belcebú ha atrapado su alma, y hasta ha ido por el cuerpo Satanás”. ¿Es verdad que ha sucedido este horrendo prodigio?».

«No, mujer. Fue hallado muerto colgado de un olivo…».

«¡Ah! Y gritaban: “Cristo ha resucitado y es Dios. Tu hijo ha traicionado a Dios. Eres la madre del traidor de Dios. Eres la madre de Judas”. De noche, con Ananías y un criado fiel, el único que me ha quedado, porque ninguno ha querido permanecer al lado de ella… la traje aquí. Pero María oye esos gritos en el viento, en el rumor de la tierra, en todo».

«¡Pobre madre! Es horrendo, sí».

«¿Pero ese demonio no pensó en esto, Señor?».

«Era una de las razones que yo usaba para pararle. Pero no fue eficaz. Judas, que nunca había amado con verdadero amor ni a su padre ni a su madre ni a ningún prójimo suyo, llegó a odiar a Dios».

«¡Sí, nunca había amado!».

«Adiós, mujer. Que mi bendición te conforte para soportar los ultrajes del mundo por tu piedad con María. Besa mi mano. A ti te la puedo enseñar; a ella le habría hecho demasiado daño el ver esto». Retira la manga, descubriendo así la muñeca traspasada.

Ana emite un gemido mientras roza apenas con los labios la punta de los dedos.

632.8

Se oye el ruido de una puerta que se abre y un grito ahogado: «¡El Señor!». Un hombre ya entrado en años se arrodilla y permanece postrado.

«Ananías, bueno es el Señor. Ha venido a confortar a tu pariente y también a nosotros» dice Ana, que quiere también confortar al anciano en su demasiado grande emoción.

Pero el hombre no se atreve a hacer movimiento alguno. Llora mientras dice: «Somos de una sangre horrible. No puedo mirar al Señor».

Jesús se acerca a él. Le toca la cabeza y dice las mismas palabras ya dichas a María de Simón: «Los parientes que han cumplido con su deber no deben considerarse responsables del pecado de su pariente. ¡Ánimo, Ananías! Dios es justo. La paz a ti y a esta casa. Yo he venido y tú irás a donde te envío. Para la Pascua suplementaria los discípulos estarán en Betania. Irás a ellos y les dirás que el duodécimo día después de su muerte viste en Keriot al Señor, vivo y verdadero, en Carne y Alma y Divinidad. Te creerán, porque ya mucho he estado con ellos. Pero los confirmará en la fe en mi Naturaleza divina el saber que estoy en todas partes en el mismo día. Y antes, hoy mismo, irás a Keriot y le pedirás al arquisinagogo que reúna al pueblo, y dirás en presencia de todos que Yo he venido aquí, y que recuerden las palabras de mi despedida[2]. Te dirán: “¿Por qué no ha venido a nosotros?”. Responderás así: “El Señor me ha dicho que os diga que, si hubierais hecho lo que Él os había dicho que hicierais respecto a la madre no culpable, se habría mostrado. Habéis faltado contra el amor y el Señor no se ha mostrado por eso”. ¿Lo harás?».

«¡Es difícil esto, Señor! ¡Difícil de hacer! Todos nos consideran leprosos del corazón… No me escuchará el arquisinagogo y no me dejará que hable al pueblo. Quizás me pegue… De todas formas, puesto que Tú lo quieres, lo haré». El anciano no alza la cabeza; habla permaneciendo inclinado en actitud de postración profunda.

«¡Mírame, Ananías!».

El hombre alza un rostro trémulo de veneración.

Jesús refulge y está hermoso como en el Tabor… La luz le cubre, celando su aspecto y su sonrisa… Y vacío de Él se queda el pasillo, sin que ninguna puerta se haya movido para abrirle paso.

Los dos adoran, siguen adorando, en adoración viviente convertidos por la divina manifestación.

III. A los niños de Yuttá con su mamá Sara.

632.9

Es el huerto de la casa de Sara. Los niños juegan bajo los frondosos árboles. El más pequeño se revuelca junto a una tupida hilera de vides; los otros, más mayores, corren unos tras otros con gritos de golondrinas festivas, jugando a esconderse tras los setos y las vides y a descubrirse.

Jesús se aparece junto al pequeñuelo a quien dio el nombre[3]. ¡Oh, santa sencillez de los inocentes! Iesaí no se asombra al verle ahí de repente, sino que tiende a Él sus bracitos para que Jesús le suba en brazos, y Jesús lo hace: la máxima naturalidad en el acto de ambos.

Acuden presurosos, los otros y —también aquí se ve esa sencillez beata de los niños—, sin expresiones de asombro, se acercan a Él felices. Parece como si para ellos nada hubiera cambiado. Quizás no saben lo que ha sucedido. Pero, después de la caricia de Jesús a cada uno de ellos, María, la más grandecita y de juicio más maduro, dice: «Entonces, ahora que has resucitado, ¿ya no sufres, Señor? ¡He sufrido mucho!…».

«Ya no sufro. He venido a bendeciros antes de subir al Cielo, al Padre mío y vuestro. Pero desde allí seguiré bendiciéndoos siempre, si sois siempre buenos. Decid a los que me quieren que os he dejado hoy a vosotros mi bendición. Recordad este día».

632.10

«¿No entras en casa? Está nuestra mamá. A nosotros no nos creerán» dice María. Pero su hermano no pregunta. Grita: «¡Mamá! ¡Mamá! ¡El Señor está aquí!…» y, corriendo hacia la casa, repite ese grito.

Sara, presurosa, sale, se asoma… a tiempo de ver a Jesús, hermosísimo en el linde del huerto, anulándose en la luz que le absorbe…

«¡El Señor! ¿Pero por qué no me habéis llamado antes?…» dice Sara en cuanto puede hablar. «¿Pero cuándo? ¿por dónde ha venido? ¿Estaba solo? ¡Qué calamidades que sois!».

«Le hemos encontrado aquí. Un minuto antes no estaba… Por el camino no ha venido, ni tampoco por el huerto. Y tenía en brazos a Iesaí… y nos ha dicho que había venido a bendecirnos y a darnos la bendición para los que le quieren de Yuttá, y que recordemos este día. Ahora va al Cielo. Pero nos querrá si somos buenos. ¡Qué guapo estaba! Tenía las manos heridas. Pero ya no le hacen daño. También los pies estaban heridos. Los he visto entre la hierba. Esa flor de ahí tocaba justo la herida de un pie. Voy a cogerla…», hablan todos al tiempo, encendidos de emoción. Hasta sudan con la ansiedad de hablar.

Sara los acaricia susurrando: «¡Dios es grande! Vamos. Venid. Vamos a decírselo a todos. Hablad vosotros, que sois inocentes. Vosotros podéis hablar de Dios».

IV. Al jovencito Yaia, en Pel.la.

632.11

El jovencito está trabajando con ardor en cargar un carrito de verduras (recogidas en un huerto cercano). El burrito golpea con su pezuña en el suelo duro del camino campestre.

Al volverse para coger un canasto de lechugas, ve a Jesús, que le sonríe. Deja caer el cesto al suelo y se arrodilla; se restriega los ojos, incrédulo de lo que ve, y susurra: «¡Altísimo, no me pongas ante un espejismo; no permitas, Señor, que me engañe Satanás con falsas imágenes seductoras! ¡Mi Señor está bien muerto! Y fue sepultado y ahora dicen que robaron el cadáver. ¡Piedad, Señor altísimo! Muéstrame la verdad».

«Yo soy la Verdad, Yaia. Yo soy la Luz del mundo. Mírame. Veme.

Por esto te devolví la vista[4], para que pudieras dar testimonio de mi poder y de mi Resurrección».

«¡Oh, es realmente el Señor! ¡Eres Tú! ¡Sí! ¡Tú eres Jesús!». Se arrastra de rodillas para besarle los pies.

«Dirás que me has visto y que has hablado conmigo, y que estoy bien vivo. Dirás que me has visto hoy. La paz a ti y mi bendición».

Yaia está otra vez solo. Feliz. Se olvida del carrito y de las verduras. En vano el burro patea inquieto el camino y rebuzna protestando por la espera… Yaia está en éxtasis.

632.12

Una mujer sale de la casa cercana al huerto y le ve allí, pálido de emoción y con un rostro ausente. Grita: «¡Yaia! ¿Qué te pasa? ¿Qué te ha sucedido?». Se acerca a él, le zarandea, le hace volver a este mundo…

«¡El Señor! He visto al Señor resucitado. Le he besado los pies y le he visto las llagas. Han mentido. Era realmente Dios y ha resucitado. Yo tenía miedo de que fuera un engaño. ¡Pero es Él! ¡Es Él!».

La mujer tiembla por un escalofrío de emoción y susurra: «¿Estás completamente seguro?».

«Tú eres buena, mujer. Por amor a Él nos has aceptado como criados, a mí y a mi madre. ¡No quieras no creer!…».

«Si tú estás seguro, creo. ¿Pero era verdaderamente de carne y hueso? ¿Estaba caliente? ¿Respiraba? ¿Hablaba? ¿Tenía verdaderamente voz o sólo te lo ha parecido?».

«Estoy seguro. Su carne tenía el calor de la carne viva. Era una voz verdadera. Era respiración. Hermoso como Dios, pero Hombre como yo y como tú. Vamos, vamos a decírselo a los que sufren o dudan».

V. A Juan de Nob.

632.13

El anciano está solo en su casa, pero sereno. Está arreglando una especie de silla que se ha desclavado por un lado. Sonríe (¡quién sabe ante qué sueño?).

Llaman a la puerta. El anciano, sin dejar su trabajo, dice: «¡Adelante! ¿Qué queréis, vosotros que venís? ¿Todavía de aquéllos? ¡Soy viejo para cambiar! Aunque todo el mundo me gritara: “¡Está muerto!”, yo diría: “Está vivo”. Aunque ello me acarreara la muerte. ¡Pasad, pues!».

Se levanta para ir a la puerta, para ver quién es el que llama y no entra. Pero, cuando está ya cerca, la puerta se abre y Jesús entra.

«¡Oh! ¡Oh! ¡Oh! ¡Mi Señor! ¡Vivo! ¡He creído y viene a premiar mi fe! ¡Bendito! Yo no he dudado. En mi dolor dije: “Si me ha mandado el cordero[5] para el banquete de alegría, señal es de que este día resucitará”. Entonces comprendí todo. Cuando moriste y la tierra tembló, comprendí lo que hasta ese momento no había entendido. Y parecí un loco, en Nob, porque, tras la puesta del Sol del día siguiente del sábado, preparé el banquete y fui a invitar a unos mendigos diciendo: “¡Ha resucitado nuestro Amigo!”. Ya se decía que no era verdad. Se decía que habían robado tu cadáver por la noche. Pero yo creí, porque desde que moriste comprendí que morías para resucitar, y que ésta era la señal de Jonás».

632.14

Jesús, sonriendo, le deja hablar. Luego pregunta: «¿Y ahora quie­res todavía morir[6], o quieres seguir viviendo para dar testimonio de mi gloria?».

«¡Lo que Tú quieras, Señor!».

«No. Lo que tú quieras».

El anciano piensa. Luego decide: «Sería hermoso salir de este mundo en el que ya no estás como antes. Pero renuncio a la paz del Cielo para decir a los incrédulos: “¡Yo le he visto!”».

Jesús le pone la mano en la cabeza, le bendice y añade: «Pero pronto llegará también la paz y tú vendrás a mí con el grado de confesor del Cristo».

Y se marcha. Aquí, quizás por piedad hacia el longevo anciano, no ha dado una forma maravillosa a su aparecer y desaparecer, sino que, en todo, se ha manifestado como si fuera el Jesús de antes, que entraba y salía de una casa humanamente.

VI. A Matías, el solitario de los aledaños de Yabés Galaad.

632.15

Está trabajando el anciano en sus verduras. Monologa: «Todos estos bienes los tengo por Él. Y Él no los saboreará ya nunca más. En vano he trabajado. Yo creo que Él era el Hijo de Dios, que ha muerto y resucitado. Pero ya no es el Maestro que se sienta a la mesa del pobre o del rico y comparte con igual amor… quizás, bueno, seguro, con más amor… el alimento con el pobre y con el rico. Ahora es el Señor resucitado. Ha resucitado para confirmarnos en la fe a nosotros sus fieles. Y esa gente dice que no es verdad. Que nadie nunca se ha resucitado a sí mismo. Nadie. No. Ningún hombre. Pero Él sí. Porque Él es Dios».

Da unas palmadas para que se alejen sus palomas, que bajan a robar semillas de la tierra recientemente layada y sembrada, y dice: «¡Ya es inútil que criéis! ¡Él no comerá ya de vuestra prole! ¿Y vosotras, inútiles abejas? ¿Para qué fabricáis la miel? Había abrigado la esperanza de tenerle conmigo, al menos una vez ahora que soy menos pobre. Todo ha prosperado aquí después de su venida… ¡Ah!, pero con ese dinero que nunca he tocado quiero ir a Nazaret, donde su Madre, y decirle: “Hazme siervo tuyo, pero déjame aquí donde tú estás, porque tú eres todavía Él”…». Se seca una lágrima con el dorso de la mano…

632.16

«Matías, ¿tienes un pan para un peregrino?».

Matías alza la cabeza. Pero estando, como está, de rodillas, no ve quién es el que habla detrás del alto seto que rodea su pequeña propiedad perdida en esta soledad verde que es este lugar de la Transjordania. Pero responde: «Quienquiera que seas, ven, en nombre del Señor Jesús». Y se pone en pie para abrir la barrera.

Se encuentra enfrente a Jesús y se queda con la mano en el cerrojo, sin poder hacer ya ningún movimiento.

«¿No me quieres como huésped, Matías? Una vez me abriste[7] tu casa. Te estabas lamentando de no poder hacerlo ya. Estoy aquí… ¿y no me abres?» dice Jesús sonriendo.

«¡Oh! Señor… yo… yo… no soy digno de que mi Señor entre aquí… Yo…».

Jesús pasa la mano por encima de la barrera y libera el cerrojo diciendo: «El Señor entra donde quiere, Matías».

Entra, se adentra en el humilde huerto, va hacia la casa y, ya en el umbral de la puerta, dice: «Sacrifica, pues, a los hijos de tus palomas. Saca de la tierra tus verduras. Recoge la miel de tus abejas. Compartiremos el pan, y no habrá sido inútil tu trabajo ni vano tu deseo. Y amarás este lugar; sin ir a Nazaret, donde pronto habrá silencio y abandono. Yo estoy en todas parte, Matías. El que me ama está conmigo, siempre. Mis discípulos estarán en Jerusalén. Allí surgirá mi Iglesia. Haz plan de estar en la Pascua suplementaria».

«Perdóname, Señor, pero no supe resistir en aquel lugar, y huí. Había llegado a la hora nona del día antes de la Parasceve, y al día siguiente… ¡Oh, huí por no verte morir! Sólo por eso, Señor».

«Lo sé. Y sé que volviste —uno de los primeros— para llorar ante mi sepulcro. Pero ya estaba vacío. Yo ya no estaba en él. Sé todo. Mira, Yo me siento aquí y descanso. Aquí siempre he descansado… Y los ángeles lo saben».

632.17

El hombre se pone manos a la obra. Pero se mueve con gestos tan reverentes, que parece moverse dentro de una iglesia. De vez en cuando se seca una lágrima que quiere mezclarse con su sonrisa, mientras va y viene para tomar los pichones, matarlos, prepararlos, atizar la lumbre, arrancar y enjuagar las verduras, disponer en un plato los higos tempranos, aparejar la pobre mesa con las mejores piezas de vajilla. Ya está todo preparado. Pero ¿cómo sentarse a comer? Quiere servir, y ello ya le parece mucho; no quiere nada más.

Pero Jesús, que ha ofrecido y bendecido los alimentos, le da la mitad del pichón (lo ha cortado y ha puesto la carne en un trozo de hogaza que antes ha untado en el jugo).

«¡Como a un predilecto!» dice el hombre, y come, llorando de alegría y de emoción, sin quitar los ojos de Jesús, que come… que bebe, que saborea las verduras, la fruta, la miel, y que le ofrece su copa después de haber bebido un sorbo de vino. Antes había bebido sólo agua.

Termina la comida.

«Estoy bien vivo. Ya lo ves. Y tú bien contento. Recuerda que hace doce días Yo moría por voluntad de los hombres. Pero que nula es la voluntad de los hombres cuando no goza del consenso de la voluntad de Dios. Es más, la voluntad contraria de los hombres se vuelve instrumento servil de la Voluntad eterna. Adiós, Matías. Porque he dicho que conmigo estará quien me haya dado de beber, quien dio de beber cuando era el Peregrino al respecto del cual todavía era lícito tener dudas; así, Yo te digo: tú tendrás parte en mi Reino celeste».

«¡Pero ahora te pierdo, Señor!».

«Veme en todos los peregrinos, en todos los mendigos, en todos los enfermos, en todos los que necesitan pan, agua y ropa. Yo estoy en todos los que sufren, y lo que se hace con uno que sufre a mí se me hace».

Abre los brazos bendiciendo y desaparece.

VII. A Abraham de Engadí, que muere en sus brazos.

632.18

La plaza de Engadí: templo hipóstilo de palmeras susurrantes. La fuente: espejo para este cielo abrileño. Las palomas: murmullo bajo de órgano.

El anciano Abraham la cruza con sus intrumentos de trabajo cargados al hombro. Aún más viejo, pero sereno, como quien hubiera hallado calma después de mucha tempestad. Cruza también el resto de la ciudad y va a las viñas cercanas a las fuentes, las hermosas viñas fecundas, ya llenas de promesas de vendimia copiosa. Entra, se pone a sachar, a podar, a atar. De vez en cuando se endereza, se apoya en la azada y piensa. Se alisa esa barba suya patriarcal, suspira, menea la cabeza… desarrollando un discurso interior.

Un hombre muy arropado en su manto sube por el camino hacia las fuentes y las viñas. Digo: un hombre. Pero es Jesús, porque es su indumento y es su modo majestuoso de andar. Pero para el viejo es: un hombre. Y el Hombre pregunta a Abraham: «¿Puedo hacer un alto aquí?».

«Sagrada es la hospitalidad. No se la he negado nunca a nadie. Ven. Entra. Te sea dulce el descanso a la sombra de mis vides. ¿Quieres leche? ¿Pan? Te daré lo que poseo, aquí».

«¿Y Yo que te puedo dar? No tengo nada».

«El que es el Mesías me ha dado todo, por todos los hombres. Y por mucho que dé, nada doy respecto a lo que Él me ha dado».

«¿Sabes que le han crucificado?».

«Sé que ha resucitado. ¿Eres tú un crucifixor? Yo no puedo odiar, porque Él no quiere odio. Pero, si pudiera, te odiaría si lo fueras».

«No soy un crucifixor suyo. Estáte tranquilo. Tú, entonces, sabes todo sobre Él».

«Todo. Y Eliseo, que es mi hijo, no ha vuelto de Jerusalén. Había dicho: “Despídeme, padre, porque dejo todos los bienes para predicar al Señor. Iré a Cafarnaúm, a buscar a Juan, y me uniré a los discípulos fieles”».

«¿Entonces tu hijo te ha dejado? ¿Tan anciano y tan solo?».

«Esto que llamas abandono es mi gozo soñado. ¿No me había despojado de él la lepra? ¿Y quién me lo devolvió? El Mesías. ¿Y le pierdo, acaso, porque predique al Señor? ¡Por supuesto que no! Le encontraré de nuevo en la vida eterna.

632.19

Pero… hablas de una manera que despierta en mí sospechas. ¿Eres un emisario del Templo? ¿Vienes a perseguir a los que creen en el Resucitado? ¡Descarga tu mano! No huyo. No imito a los tres sabios[8] del pasado lejano. Yo me quedo. Porque, si caigo por Él, le encuentro en el Cielo y se cumple mi súplica del año anterior a éste».

«Es verdad. Tú dijiste entonces: “He esperado ansiosamente al Señor y Él se ha inclinado hacia mí”».

«¿Cómo lo sabes? ¿Eres uno de sus discípulos? ¿Estabas aquí con Él cuando le hice esta súplica? ¡Oh, si lo eres, ayúdame a hacerle llegar mi grito, para que lo recuerde». Se postra, creyendo que está hablando con un apóstol.

«Abraham de Engadí, Soy Yo, y te digo: “Ven”». Jesús le abre los brazos manifestándose, y le invita a lanzarse a ellos, a abandonarse en su Corazón.

Entra en ese momento en la viña un niño, seguido por un jovencito; viene llamando: «¡Padre! ¡Padre! Venimos en tu ayuda».

Pero el trinado grito del niño queda ahogado por el poderoso grito del anciano, un verdadero grito de liberación: «¡Sí, voy!». Y Abraham se arroja a los brazos de Jesús, gritando todavía estas palabras: «¡Jesús, Mesías Santo! ¡En tus manos encomiendo mi espíritu!».

¡Oh, muerte dichosa! ¡Muerte que envidio! Sobre el Corazón de Cristo, en la paz serena del campo floreciente de abril…

632.20

Jesús deposita serenamente al anciano sobre la hierba florecida que ondea con la brisa; le deposita al pie de una hilera de vides, y, a los niños, que se han quedado casi llorando atónitos y asustados, les dice: «No lloréis. Ha muerto en el Señor. ¡Bienaventurados los que mueren en Él! Id, niños, a avisar a los de Engadí de que su arquisinagogo ha visto al Resucitado y Él ha escuchado su súplica. ¡No lloréis! ¡No lloréis!». Los acaricia mientras los guía hacia la salida.

Luego vuelve donde el difunto y le alisa la barba y el pelo, le baja los párpados que habían quedado semicerrados, le extiende encima del manto que Abraham se había quitado para trabajar y le coloca los brazos y las piernas.

Está allí hasta que oye voces procedentes del camino. Entonces se yergue. Espléndido… Los que llegan le ven. Gritan. Aceleran su ya veloz marcha para llegar donde Jesús. Pero Él se cela a sus miradas en el fulgor de un rayo más vivo que el Sol.

VIII. A Elías, el esenio del Carit.

632.21

La soledad áspera de la abrupta montaña por cuyo pie corre el Carit. Elías orando, aún más flaco y barbado, vestido con una áspera túnica de lana, ni gris ni marrón, que le hace semejante a las rocas que le rodean.

Oye un ruido como de viento o trueno. Alza la cabeza. Jesús ha aparecido sobre una peña suspendida en equilibrio sobre el precipicio por cuyo fondo corre el torrente.

«¡El Maestro!». Se arroja al suelo, rostro en tierra.

«Yo, Elías. ¿No sentiste el terremoto[9] de Parasceve?».

«Lo sentí y bajé a Jericó y a casa de Nique. No encontré a ninguno de los que te quieren. Pedí noticias sobre ti. Me pegaron. Luego sentí otra vez temblar la tierra, pero más ligeramente, y volví aquí, en actitud de penitencia, pensando que se había abierto el dique de la ira celeste».

«De la Misericordia divina. Yo he muerto y he resucitado. Mira mis llagas. Únete, en el Tabor, a los siervos del Señor y diles que te he enviado Yo».

Le bendice y desaparece.

IX. A Dorca y a su hijo, en el castillo de Cesarea de Filipo.

632.22

El hijo de Dorca, sujetado por su madre, da los primeros pasos sobre el bastión de la fortaleza. Dorca, estando encorvada, no ve aparecer al Señor. Pero cuando, habiendo dejado un poco libre al niñito y viendo que éste camina seguro y rápido hacia el ángulo del bastión, se yergue para correr (para impedir que se caiga, y quizás perezca, si pasa por entre las almenas o pasajes hábilmente hechos para las armas ofensivas), entonces ve a Jesús, que está recogiendo en su pecho al infante y le está besando.

La mujer no se atreve a moverse. Pero grita, grita fuerte; un grito que hace levantar la cabeza a los que están en los patios, y hace asomar las caras por las ventanas: «¡El Señor! ¡El Señor! ¡El Mesías está aquí! Ha resucitado verdaderamente». Pero, antes de que la gente pueda acudir, Jesús ya ha desaparecido.

«¡Estás loca! ¡Soñabas! Un juego de luz te ha hecho ver un fantasma».

«¡Estaba bien vivo! Mirad cómo mira mi hijo hacia allá. Mirad, tiene en sus manos una linda manzana, tan linda como su carita. La está mordiendo con sus dientecitos y sonríe. Yo no tengo manzanas…».

«Nadie tiene manzanas maduras en estos días, y tan frescas…» dicen impresionados.

632.23

«Vamos a preguntarle a Tobías» dicen algunas mujeres.

«¿Pero qué pretendéis! ¡Apenas sabe decir “mamá”!» dicen algunos hombres en tono sarcástico.

Pero las mujeres se agachan hacia el niñito y dicen: «¿Quién te ha dado la manzana?».

Y esa boca, que casi no sabe pronunciar las más elementales palabras, sonriente toda con sus diminutos dientecitos y sus encías todavía vacías, dice segura: «Jesús».

«¡Oh!».

«¡Claro, le llamáis Iesaí! Sabe decir su nombre».

«¿Jesús tú o Jesús el Señor? ¿Qué Señor? ¿Dónde le has visto?» insisten, apremiantes, las mujeres.

«Allí, el Señor. Jesús el Señor».

«¿Dónde está? ¿A dónde se ha ido?».

«Allí». Señala hacia el cielo lleno de sol, y ríe feliz mordiendo su manzana.

Y, mientras los hombres se marchan meneando la cabeza, Dorca dice a las mujeres: «Estaba hermoso. Parecía vestido de luz. Y tenía en las manos la señal de los clavos, rojas como una gema en medio de una gran blancura. He visto bien, porque tenía al niño así» y repite el gesto de Jesús.

632.24

Acude el superintendente. Pide que le repitan lo acaecido, piensa, concluye: «El salmo lo dice[10]: “En la boca de los niños y de los lactantes has puesto la alabanza perfecta”. ¿Y por qué no va a ser así? Ellos son inocentes. Y nosotros… Recordemos este día… ¡Qué va, hombre… lo que hago es que voy al pueblo donde están los discípulos! Voy a ver si está allí el Rabí… Pero el caso es que… había muerto… ¡En fin!…».

Y diciendo este «¡en fin!», que se concluye internamente, el superintendente se marcha, mientras las mujeres, exaltadas, siguen haciendo preguntas al niño, que ríe y repite: «Jesús, allí. Y luego allí. Jesús Señor», y señala al lugar donde estaba Jesús, luego hacia el Sol, tras el que le vio desaparecer, feliz, feliz.

X. A las personas reunidas en la sinagoga de Quedes.

632.25

La gente de Quedes está reunida en la sinagoga y comenta con el viejo Matías, el arquisinagogo, los últimos acontecimientos. La sinagoga aparece más bien semiobscura, y es que las puertas están cerradas y las cortinas de las ventanas echadas, cortinas gruesas apenas movidas por el viento de abril.

Un relámpago ilumina el interior de la sinagoga. Parece un relámpago, pero es la luz que precede a Jesús. Y Jesús, ante el estupor de las muchas personas presentes, se manifiesta. Abre los brazos y, bien visibles, aparecen las heridas de las manos; y también de los pies, porque se ha presentado en el último de los tres peldaños que conducen a una puerta cerrada. Dice: «He resucitado. Os recuerdo la disputa[11] que hubo entre mí y los escribas. A esta generación malvada le he dado la señal que había prometido. La señal de Jonás. A quien me ama y me es fiel le doy mi bendición». Nada más. Ha desaparecido.

«¡Era Él! ¿De dónde? ¡Y estaba vivo! ¡Él lo había dicho! ¡Ahora comprendo! La señal de Jonás: tres días en las entrañas de la Tierra y luego la resurrección…».

Murmullo de comentarios…

XI. A un grupo de rabíes en Yiscala.

632.26

Un grupo venenoso de rabíes que tratan de persuadir de sus exigencias a algunos hombres que titubean. Lo que quieren es conseguir que éstos vayan donde Gamaliel, que se ha encerrado en su casa y no quiere ver a nadie.

Dicen estos hombres: «Os decimos que no está aquí. No sabemos dónde está. Ha venido. Ha consultado unos rollos. Se ha marchado. No ha dicho una sola palabra». Y otros añaden: «Tenía un aspecto tan alterado, y estaba tan envejecido, que metía miedo».

Con gesto de descortesía, los rabíes dan la espalda a estos que están hablando, y se marchan diciendo: «¡Gamaliel también está loco, como Simón! ¡No es verdad que el Galileo ha resucitado! No es verdad. ¡No es verdad! No es verdad que es Dios. No es verdad. Nada es verdad. Sólo nosotros estamos en la verdad». El propio afán con que dicen que no es verdad muestra su miedo a que sea verdad y su necesidad de afianzarse.

Han bordeado la pared de la casa, ahora van en dirección a la tumba de Hil.lel. Mientras siguen ladrando sus negaciones, alzan la cara… y huyen lanzando un grito. Jesús, bonísimo con los buenos, está allí, lleno de terrible potencia, con los brazos abiertos como en la cruz… Las llagas en las manos rojean como si todavía gotearan sangre. No dice una sola palabra. Pero sus miradas fulminan.

Los rabíes huyen, caen, vuelven a levantarse, se hieren contra plantas y piedras, enloquecidos, trastornados por el miedo. Asemejan a homicidas a los que se condujera a la presencia de la víctima.

XII. A Joaquín y María, en Bosra.

632.27

«¡María! ¡María! ¡Joaquín y María! Venid afuera».

Los dos, que están en una habitación tranquila e iluminada por una lámpara, ella cosiendo, él haciendo cuentas, alzan la cabeza, se miran… Joaquín, palideciendo de miedo, susurra: «¡La voz del Rabí! Viene de la otra vida…». La mujer, aterrada, se abraza al hombre.

Pero la llamada se repite, y los dos, bien estrechados el uno con el otro, para infundirse valor recíprocamente, se atreven a salir, a ir en la dirección de la voz.

En el jardín, iluminado por el hocino de una luna nueva, resplandece, envuelto por una luz más fuerte que muchas lunas, Jesús. La luz le rodea y le hace Dios; la sonrísa dulcísima y la mirada amorosa le hacen Hombre: «Id a decir a los de Bosra que me habéis visto vivo y real. Y decidlo en el Tabor, tú, Joaquín, a los que estén congregados allí». Los bendice. Desaparece.

«¡Era Él! ¡No era un sueño! Yo… Mañana voy a Galilea. ¿Ha dicho al Tabor, verdad?…».

XIII. A María de Jacob, en Efraím.

632.28

La mujer está amasando harina para hacer pan. Se vuelve al oír que la llaman. Ve a Jesús. Rostro en tierra, las manos en el suelo, muda de adoración, un poco asustada.

Jesús habla: «Dirás a todos que me has visto y que te he hablado. El Señor no está sujeto al sepulcro. He resucitado al tercer día, como había predicho. Perseverad, vosotros que estáis en mi camino, y no os dejéis seducir por las palabras de los que me crucificaron. Mi paz a ti».

XIV. A Síntica, en Antioquía.

632.29

Síntica está preparando una bolsa de viaje. Es de noche. En efecto, puesta encima de una mesa, junto a la mujer, que está doblando unos vestidos, arde una lámpara pequeña, temblorosa, de luz bastante limitada.

La habitación se ilumina vivamente. Síntica alza la cabeza, asombrada, para ver qué es lo que sucede, de dónde viene esa luz tan clara en esa habitación enteramente cerrada. Pero, antes de ver, Jesús la previene: «Soy Yo. No temas. Me he mostrado a muchos para confirmarlos en la fe. También a ti me muestro, discípula obediente y fiel. He resucitado. ¿Ves? Ya no tengo dolor. ¿Por qué lloras?».

La mujer, ante la belleza del Glorificado, no encuentra las palabras… Jesús le sonríe para animarla, y añade: «Soy el mismo Jesús que te acogió[12] en el camino cerca de Cesarea. Supiste hablar entonces, estando tan atemorizada como estabas y siendo Yo para ti “el Desconocido”, ¿y ahora no sabes decirme una palabra?».

«¡Oh, Señor! Yo me estaba marchando… para quitarme del corazón tanta inquietud y dolor».

«¿Por qué dolor? ¿No te han dicho que había resucitado?».

«Han dicho y han contradicho. Pero no me han turbado sus contradicciones. Yo sabía que no podías descomponerte en un sepulcro. He llorado por tu martirio. He creído en tu resurrección antes incluso de que me la refirieran. Y he seguido creyendo cuando han venido otros a decirme que no era verdad. Pero quería ir a Galilea. Pensaba: a Él ya no le puedo perjudicar. Él ahora es más Dios que Hombre. No sé si me sé expresar bien…».

«Comprendo tu pensamiento».

«Y decía: le adoraré, y veré a María. Pensaba que Tú no ibas a permanecer mucho tiempo entre nosotros. De forma que estaba acelerando la partida. Decía: una vez vuelto al Padre, como Él decía, su Madre estará un poco triste dentro de su alegría. Porque es un alma, pero es también una madre… Y voy a tratar de consolarla, ahora que está sola… ¡Era soberbia yo!».

«No. Compasiva. Le referiré a mi Madre este pensamiento tuyo. Pero no vayas allá. Quédate aquí donde estás y sigue trabajando para mí. Ahora más que antes. Tus hermanos, los discípulos, tienen necesidad del trabajo de todos para poder propagar mi doctrina. Me has visto. María está confiada a Juan. Cesen todas tus penas. Podrás fortalecer tu espíritu en la certidumbre de haberme visto y con la potencia de mi bendición».

632.30

Síntica siente grandes deseos de besarle. Pero no se atreve. Jesús le dice: «Ven». Y ella se determina a arrastrarse de rodillas hasta Jesús, y hace el ademán de besarle los pies. Pero ve las dos llagas y no se atreve a hacerlo. Susurra: «¿Qué te hicieron!».

Luego pregunta: «¿Y Juan-Félix?».

«Vive feliz. Sólo recuerda el amor, y en él vive. La paz a ti, Síntica». Desaparece.

La mujer permanece en su actitud de adoración, de rodillas, alzada la cara, las manos un poco tendidas hacia delante, lágrimas en el rostro, una sonrisa en los labios…

XV. Al levita Zacarías.

632.31

Es una habitación pequeña. Pensativo está sentado, reclinada la cabeza sobre una mano, Zacarías, el levita[13].

«No abrigues dudas, no acojas las voces que te turban. Yo soy la Verdad y la Vida. Mírame. Tócame».

El joven, que al oír las primeras palabras ha levantado la cara y ha visto a Jesús, y luego ha caído de rodillas, grita: «¡Perdóname, Señor! He pecado. He acogido dentro de mí la duda acerca de tu verdad».

«Más que tú, son culpables los que tratan de seducir tu espíritu. No cedas a sus tentaciones. Soy cuerpo vivo y real. Siente el peso y el calor, la consistencia y la fuerza de mi Mano». Le toma por un antebrazo y le alza con fuerza, diciendo: «Álzate y camina por los caminos del Señor. Al margen de la duda y del miedo. Bienaventurado serás si sabes perseverar hasta el final». Le bendice y desaparece.

El joven, pasados unos instantes de perpleja maravilla, sale precipitadamente de la habitación gritando: «¡Madre! ¡Padre! He visto al Maestro. ¡No es verdad lo que dicen los otros! No estaba loco. No queráis persistir en creer en la mentira. No. Bendecid conmigo al Altísimo, que ha tenido piedad de su siervo. Me marcho. Voy a Galilea. Encontraré a algunos de los discípulos. Voy a decirles que crean, que realmente ha resucitado».

No toma consigo ninguna bolsa con alimento o vestidos. Se echa el manto encima y sale presuroso, sin dar siquiera tiempo a sus padres de salir de su estupor y poder intervenir para retenerle.

XVI. A una mujer de la llanura de Sarón, que obtiene la curación de su hijo enfermo.

632.32

Un camino litoral. Quizás es el que une Cesarea con Joppe, o quizás otro; no lo sé. Lo que sé es que veo campos hacia dentro y el mar hacia fuera, azul vivo después de la línea amarillenta de la orilla. El camino es, esto sí es seguro, una arteria romana: su pavimentación lo atestigua.

Una mujer llorando va por él en las primeras horas de una mañana serena. La aurora poco ha que ha nacido. La mujer debe estar cansadísima porque de vez en cuando se detiene y se sienta en un cipo o en el mismo camino. Y luego vuelve a alzarse y sigue, como si algo la aguijara a andar a pesar del fuerte cansancio.

Jesús, un viandante arropado en su manto, se pone a su lado. La mujer no le mira. Camina absorta en su dolor. Jesús le pregunta: «¿Por qué lloras, mujer? ¿De dónde vienes? ¿A dónde vas tan sola?».

«Vengo de Jerusalén y vuelvo a mi casa».

«¿Lejos?».

«A mitad de camino entre Joppe y Cesarea».

«¿A pie?».

«En el valle, antes de Modín, unos bandidos me han quitado el burro y todo lo que llevaba el animal».

«Ha sido una imprudencia venir sola. No es costumbre ir solos para la Pascua».

«No había venido para la Pascua. Me había quedado en casa, porque tengo, espero tenerlo todavía, un hijito enfermo. Mi marido había ido con los otros. Yo dejé que se adelantara, y cuatro días después fui yo. Porque dije: “Sin duda, Él estará en Jerusalén para la Pascua. Le buscaré”. Tenía un poco de miedo. Pero dije: “No hago nada malo. Dios lo ve. Yo creo. Y sé que es bueno. No me rechazará, porque…”». Para de hablar, como con miedo, y dirige una fugaz mirada al hombre que va caminando a su lado, tan tapado que apenas se le ven los ojos, esos inconfundibles ojos de Jesús.

632.33

«¿Por qué callas? ¿Tienes miedo de mí? ¿Crees que soy enemigo del que tú buscabas? Porque buscabas al Maestro de Nazaret, para pedirle que fuera a tu casa a curar al niño mientras tu marido estaba ausente…».

«Veo que eres profeta. Así es. Pero cuando llegué a la ciudad el Maestro había muerto». El llanto la ahoga…

«Ha resucitado. ¿No lo crees?».

«Lo sé. Lo creo. Pero yo… Pero yo… durante algunos días, también he tenido la esperanza de verle… Se dice que se ha mostrado a algunos. Y he retardado mi salida de la ciudad… cada día que pasaba una congoja, porque… mi hijo está muy enfermo… Mi corazón está dividido… Ir para consolarle en su muerte… Quedarme para buscar al Maestro… No pretendía que fuera a mi casa; pero sí, que me prometiera la curación».

«¿Y habrías creído? ¿Tú piensas que desde lejos?…».

«Creo. ¡Oh, si me hubiera dicho: “Ve en paz, que tu hijo se curará”, no habría dudado. Pero no lo merezco porque…», llora, apretándose el velo contra los labios como para impedirles hablar.

«Porque tu marido es uno de los acusadores y verdugos de Jesucristo. Pero Jesucristo es el Mesías. Es Dios. Y Dios es justo, mujer. No castiga a un inocente por el culpable. No tortura a una madre porque un padre sea pecador. Jesucristo es Misericordia viva…».

«¿No serás tú uno de sus apóstoles! ¡Quizás sabes dónde está Él! Tú… Quizás te ha enviado a mí Él para decirme esto. Ha sentido, ha visto mi dolor, mi fe, y te envía a mí igual que a Tobías el Altísimo mandó al arcángel Rafael[14]. Dime si es así, y yo, a pesar de estar tan cansada que hasta tengo fiebre, volveré sobre mis pasos para buscar al Señor».

«No soy un apóstol. Pero en Jerusalén se quedaron los apóstoles bastantes días después de su Resurrección…».

«Es verdad. Hubiera podido dirigirme a ellos».

«Eso es. Ellos continúan al Maestro».

«No creía que pudieran hacer milagros».

«Aún los han hecho…».

«Pero ahora… Me han dicho que sólo uno permaneció fiel, y yo no creía…».

«Sí. Tu marido te ha dicho eso, escarneciéndote movido por su delirio de falso triunfador. Pero Yo te digo que el hombre puede pecar, porque sólo Dios es perfecto. Y puede arrepentirse. Y, si se arrepiente, su fortaleza crece, y Dios le aumenta sus gracias por su contrición. ¿No perdonó, acaso, a David[15] el Señor altísimo?».

632.34

«¿Pero quién eres? ¿Quién eres, que hablas con tanta dulzura y sabiduría, si no eres apóstol? ¿Eres un ángel? El ángel de mi hijo. Quizás es que ha expirado y Tú has venido a prepararme…».

Jesús deja caer, de la cabeza y de la cara, el manto, y, pasando del aspecto modesto de un peregrino común a la majestuosidad suya de Dios-Hombre, resucitado de la muerte, dice con dulce solemnidad: «Soy Yo. El Mesías crucificado en vano. Soy la Resurrección y la Vida. Ve, mujer. Tu hijo vive porque he premiado tu fe. Tu hijo está curado. Porque, aunque la misión del Rabí de Nazaret haya terminado, la del Emmanuel continúa hasta el final de los siglos para todos los que tienen fe en el Dios Uno y Trino, y esperanza en el Dios Uno y Trino, y caridad hacia el Dios Uno y Trino, del que el Verbo encarnado es una Persona, que por divino amor ha dejado el Cielo para venir a enseñar, a padecer y morir para dar a los hombres la Vida. Ve en paz, mujer. Y sé fuerte en la fe, porque ha llegado el tiempo en que en una familia el marido esté contra su esposa, el padre contra los hijos y éstos contra su padre, por odio o amor hacia mí. ¡Y bienaventurados aquellos a los que la persecución no aparte de mi Camino!».

La bendice y desaparece.

XVII. A unos pastores en el Gran Hermón.

632.35

Un grupo de rebaños y pastores. Han hecho un alto en su marcha en unas laderas de espléndidos pastos. Hablan de los acontecimientos de Jerusalén. Están apenados. Se dicen unos a otros: «Ya no tendremos en la Tierra al Amigo de los pastores», y evocan los muchos momentos en que se encontraron, acá o allá, con Él… «Encuentros» dice un anciano «que no volveremos a tener».

Jesús aparece, como saliendo de una espesura de tupidas y enmarañadas frondas, de un bosque de altos troncos abrazados por matorrales que impiden la visión del sendero. No le reconocen en este hombre solitario, y, viéndole tan envuelto en vestiduras blancas, comentan en tono bajo: «¿Quién es? ¿Un esenio? ¿Aquí? ¿Un fariseo rico?». Muestran perplejidad.

Jesús pregunta: «¿Por qué decís que no volveréis a encontraros con el Señor? Porque este de que habláis es el Señor».

«Lo sabemos. ¿Y Tú no sabes lo que le hicieron? Ahora hay quien dice que ha resucitado, y hay quien dice que no. Pero aunque, como preferimos creer nosotros, haya resucitado, se habrá marchado. ¿Cómo puede seguir amando a un pueblo que le ha crucificado? ¿Cómo puede seguir entre la gente de ese pueblo? Y nosotros, que le queríamos, aunque no todos le habíamos conocido, estamos tristes porque le hemos perdido».

«Hay una manera de tenerle todavía. Él lo enseñaba».

«¡Sí! Haciendo lo que Él enseñaba. Entonces se tiene el Reino de los Cielos y se está con Él. Pero antes uno debe vivir y luego morir. Y Él ya no está en medio de nosotros para confortarnos». Menean la cabeza.

«Hijitos míos, los que viven lo que Él ha enseñado, teniendo en el corazón su enseñanza, es como si tuvieran a Jesús en su corazón. Porque Palabra y Doctrina son una sola cosa. No era un Maestro que enseñara cosas que no fueran como Él era. Por eso, el que hace lo que Él ha dicho tiene a Jesús vivo dentro y no está separado de Él».

«Así es. Pero somos pobres seres humanos y… queremos ver también con los ojos para sentir bien la alegría… Yo no le vi nunca, y tampoco mi hijo; ni Jacob, ése; ni Melquías, ése; ni ése, Santiago; ni Saúl. ¿Ves? Ya entre nosotros, sin ir más lejos, hay muchos que no le han visto. Le buscábamos siempre, y cuando llegábamos ya se había marchado».

«¿No estabais en Jerusalén ese día?».

«¡Sí que estábamos! Pero cuando supimos lo que querían hacerle huimos como locos a los montes, y volvimos a la ciudad después del sábado. No somos culpables de su Sangre, porque no estábamos en la ciudad. Pero hicimos mal siendo cobardes. Al menos, le habríamos visto, y dirigido nuestro saludo. Sin duda, nos habría bendecido por nuestro saludo… Pero no, verdaderamente no tuvimos el valor de verle entre tormentos…».

«Él os bendice ahora. Mirad a Aquel cuyo Rostro deseáis conocer».

Se manifiesta, espléndidamente divino sobre el verdor del prado. Y ante su estupor, que les hace arrojarse al suelo, pero que también clava sus pupilas en el Rostro divino, desaparece envuelto en un fulgor de luz.

XVIII. Al niño que era ciego de nacimiento, en Sidón.

632.36

El niño está jugando completamente solo bajo una tupida enramada. Oye que le llaman y se encuentra delante a Jesús. Le pregunta, bien poco tímido: «¿Pero Tú eres el Rabí que me dio los ojos[16]?», y clava sus límpidos ojos de niño, de un azul igual que el de los de Jesús, en los fulgurantes ojos divinos.

«Soy Yo, niño. ¿Tú no tienes miedo de mí?». Le acaricia en la cabeza.

«Miedo no. Pero yo y mamá lloramos mucho cuando mi padre volvió antes de lo previsto y nos dijo que había huido porque habían apresado al Rabí para matarle. No hizo la Pascua y tiene que marcharse otra vez para hacerla. Pero ¿entonces no moriste?».

«Morí. Mira las heridas. Morí en la cruz. Pero he resucitado. Vas a decirle a tu padre que se detenga un tiempo en Jerusalén después de la segunda Pascua, y que esté en las cercanías del Monte de los Olivos, en Betfagé. Allí encontrará a alguien que le dirá lo que ha de hacer».

«Mi padre pensaba buscarte. Durante la Fiesta de los Tabernáculos no pudo hablar contigo. Quería decirte que te quería por los ojos que me diste. Pero no pudo hacerlo entonces, ni tampoco ha podido esta vez…».

«Lo hará con la fe en mí. Adiós, niño. La paz a ti y a tu familia».

XIX. A los campesinos de Jocanán.

632.37

La Luna besa los campos de Jocanán. Silencio absoluto. Las pobres moradas de los labriegos, en una noche de bochorno que obliga a tener abierta al menos la puerta para no morir de calor en esas habitaciones bajas en que se agrupan demasiados cuerpos respecto a la cabida de los espacios.

Jesús entra en una de esas habitaciones. Parece como si la propia Luna alargara su rayo para poner una alfombra regia sobre el suelo de tierra. Se inclina hacia uno de los que duermen, que está boca abajo por el pesado sueño cargado de fatiga. Le llama. Pasa a otro, y a otro. Llama a todos estos fieles y pobres amigos suyos. Pasa ligero y rápido como un ángel en vuelo. Entra en otros cuchitriles… Luego va a esperarlos afuera, al pie de un grupo de árboles.

Los labriegos, medio dormidos, salen de sus chamizos: dos, tres, uno solo, cinco juntos, algunas mujeres. Están asombrados de haber sido llamados así, por una voz conocida que ha dicho a todos las mismas palabras: «Venid al pomar». Van allí, terminando de ponerse las pobres ropas los hombres, o de fijarse los cabellos las mujeres, y hablan en voz baja.

«A mí me ha parecido la voz de Jesús de Nazaret».

«Quizás su espíritu. Le han matado. ¿Habéis oído?».

«Yo no puedo creerlo. Era Dios».

«Pues Joel le vio incluso pasar cargado de la cruz…».

«A mí me han dicho ayer, mientras esperaba a que el encargado hiciera sus compraventas, que han pasado por Jesrael los discípulos y han dicho que realmente ha resucitado».

«¡Calla! Ya sabes lo que dice el patrón. Al que diga esto le espera la flagelación».

«La muerte, quizás. Pero ¿no sería mejor que sufrir de esta manera?».

«¡Y ahora ya no está Él!».

«Ahora que han conseguido matarle son incluso peores».

«Son malos porque ha resucitado».

Hablan en voz baja mientras se dirigen al punto que les ha sido indicado.

632.38

«¡El Señor!» grita una mujer (y es la primera en caer de rodillas).

«¡Su fantasma!» gritan otros. Y algunos tienen miedo.

«Soy Yo. No temáis. No gritéis. Acercaos. Soy realmente Yo. He venido a confirmar vuestra fe, que sé que se ve insidiada por otros. ¿Veis? Mi Cuerpo proyecta sombra porque es verdadero cuerpo. No estáis soñando, no. Mi voz es verdadera voz. Soy el mismo Jesús que compartía con vosotros el pan y os daba amor. También ahora os doy amor. Enviaré a mis discípulos a vosotros. Y seguiré siendo Yo, porque ellos os darán lo que Yo os daba y lo que les he dado para entrar en comunión con los que creen en mí. Soportad vuestra cruz, como Yo he soportado la mía. Sed pacientes. Perdonad. Os dirán cómo morí. Imitadme. El camino del dolor es el camino del Cielo. Seguidlo con paz y tendréis el Reino mío. No hay otro camino sino el de la resignación a la voluntad de Dios y la generosidad y la caridad hacia todos. Si hubiera habido otro, os lo habría indicado. Yo lo he recorrido, porque es el auténtico camino. Sed fieles a la Ley del Sinaí, que es inmutable en sus diez preceptos, y a mi Doctrina. Vendrán los que os van a instruir para que no estéis abandonados a las maniobras de los malvados. Yo os bendigo. Recordad siempre que os he amado y que he venido a vosotros antes y después de mi glorificación. En verdad os digo que muchos desearían verme ahora, pero no me verán. Muchos grandes. Pero Yo me muestro a los que amo y me aman».

Uno de los hombres se resuelve a decir: «Entonces… ¿existe verdaderamente el Reino de los Cielos? ¿Tú eres verdaderamente el Mesías? Ellos tratan de influir en nosotros…».

«No escuchéis sus palabras. Recordad las mías y acoged las de los discípulos míos que conocéis. Son palabras veraces. Y quien las acoge y practica, aunque aquí sea siervo o esclavo, será ciudadano y coheredero de mi Reino».

Los bendice abriendo los brazos y desaparece.

632.39

«¡Oh! ¡Yo… yo ya no temo nada!».

«Y yo tampoco. ¿Has oído? ¡También para nosotros hay un lugar!».

«¡Debemos ser buenos!».

«¡Perdonar!».

«¡Tener paciencia!».

«Saber resistir».

«Buscar a los discípulos».

«Ha venido a visitarnos a nosotros, que somos unos pobres siervos».

«Se lo diremos a sus apóstoles».

«¡Si lo supiera Jocanán!».

«¡Y Doras!».

«Nos matarían para que no habláramos».

«Pero nosotros guardaremos silencio. Sólo se lo diremos a los siervos del Señor».

«Miqueas, ¿no tienes que ir con aquella carga a Seforí? ¿Por qué no vas a Nazaret a decir…?».

«¿A quién?».

«A la Madre. A los apóstoles. Quizás estén con Ella…».

Se alejan comentando en voz baja sus proyectos.

XX. A Daniel, pariente del fariseo Elquías, con el Anciano Simón.

632.40

Elquías, el fariseo, con otros de su misma índole, está deliberando sobre las medidas que deben tomarse con el Anciano Simón, el cual, enloquecido el viernes santo, habla y dice demasiadas cosas. Varias son las propuestas. Hay quien propone aislarle en algún lugar desierto, donde sus gritos no puedan ser oídos sino por un criado fidelísimo y de las mismas ideas que ellos; hay quien, más benigno, confía en que, siendo un trastorno pasajero, bastaría dejarle donde está.

Elquías responde: «Le he traído aquí porque no sabía a qué otro lugar llevarle. Pero vosotros sabéis que tengo muchas dudas sobre mi pariente Daniel…».

Otros, más malvados aún que Elquías, dicen: «Quiere huir, irse por el mar. ¿Por qué no complacerle?».

«Porque es incapaz de actos ordenados. En el mar él solo perecería; y ninguno de nosotros es capaz de guiar una barca».

«¡Y aunque lo fuéramos! ¿Qué sucedería en el lugar de llegada, con esas cosas que dice? Dejadle a él elegir el camino… En presencia de todos, incluso de tu pariente, haz que él exprese su voluntad; y que se haga como él desea».

Se aprueba esta propuesta. Elquías, llamando a un criado, ordena que lleven a Simón y llamen a Daniel. Aparecen ambos, y, si Daniel tiene aspecto de un hombre que se siente violento en compañía de cierta gente, el otro tiene verdaderamente el aspecto de un demente.

«Óyenos, Simón. Dices que te tenemos prisionero porque queremos matarte…».

«Debéis. Porque ésa es la orden».

«Tú deliras, Simón. Calla y escucha. ¿Dónde te parecería que te curarías?».

«En el mar. En el mar. En medio del mar, donde no hay ninguna voz, donde no hay ningún sepulcro; porque los sepulcros se abren y salen los muertos y mi madre dice…».

«¡Calla! Escucha. Nosotros te estimamos. Como si fueras carne nuestra. ¿Estás seguro de que quieres ir al mar?».

«Claro que lo quiero. Porque aquí los sepulcros se abren y mi madre…».

«Pues irás. Te llevaremos al mar, te daremos una barca y tú…».

«¡Haciendo eso, cometéis un homicidio! ¡Está fuera de sí! ¡No puede ir solo!» grita el honesto Daniel.

«Dios no fuerza la voluntad del hombre. ¿Podríamos nosotros hacer lo que Dios no hace?».

«¡Pero él no razona! No tiene voluntad ya. ¡Tiene menos inteligencia que un recién nacido! ¡No podéis…!».

«Tú calla, que no eres más que un labriego. Nosotros sabemos… Mañana partiremos para el mar. Puedes estar contento, Simón. ¿Al mar, comprendes?».

«¡Ah! ¡Dejaré de oír las voces de la Tierra! Ya sin las voces…

632.41

¡Ah!», un grito largo, un espasmo de agitación, un taparse los ojos y los oídos. Y otro grito, el de Daniel, que huye aterrorizado.

«¿Pero qué pasa? ¿Qué sucede? ¡Parad a ese loco y a ese necio! ¿Pero es que estamos todos perdiendo el juicio?» grita Elquías.

Pero ese al que Elquías llama “el necio”, o sea, su pariente Daniel, tras haber corrido durante unos metros, se postra en el suelo; el otro, por el contrario, en el sitio en que está, echa espuma mientras sufre una convulsión horrorosa, y grita, grita: «¡Hacedle callar! ¡No está muerto, y grita, grita, grita! ¡Más que mi madre, más que mi padre, más que en el Gólgota! ¡Allí, allí! ¡No veis allí?». Señala hacia donde está Daniel, sereno, sonriente, alzado su rostro, después de haber estado rostro en tierra.

Elquías llega adonde Daniel. Le zarandea bruscamente, furioso, sin ocuparse de Simón, que se revuelca por el suelo y echa espuma y emite gritos bestiales en el centro del aterrorizado círculo que forman los demás. Elquías increpa a Daniel: «Visionario ocioso, ¿quieres decirme qué es lo que haces?».

«Déjame. Ahora te conozco. Y me alejo de ti. He visto —para mí benigno, para vosotros terrible— a Aquel que queréis hacerme creer que está muerto. Yo me marcho. Más que el dinero y todas las otras riquezas, lo que tutelo es mi alma. ¡Adiós, maldito! Y, si puedes, procura merecer el perdón de Dios».

«¡Pero, a dónde vas? ¿A dónde? ¡Yo no quiero!».

«¿Tienes, acaso, el derecho de tenerme prisionero? ¿Quién te ha dado ese derecho? Te dejo a ti lo que tú amas y sigo lo que yo amo. Adiós», le vuelve la espalda y se marcha rápido, como arrastrado por una fuerza sobrehumana, hacia abajo, por la ladera vestida del verde de olivos y árboles frutales.

Elquías —y no sólo él— está lívido. La ira los ahoga a todos. Elquías amenaza venganza contra su pariente, contra todos los que «con sus frenesíes», dice, afirman que el Galileo vive. Quiere decir, quiere actuar…

Uno —no sé quién es— dice: «Actuaremos, actuaremos, pero no podremos cerrar todas las bocas, ni las pupilas, que hablan porque ven. ¡Estamos derrotados! Pesa sobre nosotros el delito. Ahora viene la expiación…», y se golpea el pecho, envuelto en una angustia que le hace parecerse a uno que esté subiendo los peldaños de un patíbulo. «La venganza de Yeohveh» dice, y todo el terror milenario de Israel aflora en su voz.

Entretanto, herido, echando espuma, aterrorizado, Simón brama con gritos de réprobo: «¡Parricida[17] me ha llamado! ¡Haced que se calle! ¡Que se calle! ¡Parricida! ¡La misma palabra de mi madre! ¡¿Es que todos los muertos dicen las mismas palabras?!…».

XXI. A una mujer galilea, que obtiene la resurrección de su marido muerto.

632.42

La Luna, casi en su ocaso, está para esconder tras la giba de un monte su arco, aún sutil, de Luna nueva. Su luz, pues, es muy relativa, y dentro de poco habrá desaparecido de la amplia campiña.

Pero por el camino solitario —más que nada, una senda, un sendero, entre los campos— va un viandante. Camina llevando cogido de una argolla un rudimentario farol (de los que —yo creo que tan viejos como el mundo— generalmente usan los carreteros para alumbrar su camino por la noche). Éste, no siendo el cristal una cosa común —es más, creo que lo desconocen por completo, porque nunca he tenido ocasión de ver cristal en ninguna casa, ni como vaso, ni como recipiente, ni como protección de las ventanas—, tiene, como protección de la llama, una cosa que puede ser tanto mica como pergamino. La luz la traspasa, tan leve, que apenas es suficiente para dar claridad a un pequeño espacio alrededor del farol. Pero, en cuanto la Luna se esconde del todo, esa luz del pobre farol parece crecer en vigor, y pone un oscilante punto claro en la obscuridad de la campiña.

El viandante camina, camina… En el cielo se insinúa un principio de alba en el extremo horizonte. Pero es tan tenue, que, por ahora, no ilumina nada, y el pobre farolillo es útil todavía.

En un puentecito está esperando —o descansando— otro viandante, arropado todo en su manto.

El del farol, que va en la dirección de ese puente, se detiene incierto: duda si pasar por allí o volver hacia atrás, a un lugar en que el guijarral de un pequeño torrente tiene anchas piedras que pueden servirle de paso por la poca agua del fondo.

El que está sentado en la rústica orilla del puente, hecha con un tronco sin desbastar de corteza blanco-verde, alza la cabeza y observa al que se ha detenido. Se pone en pie y dice: «No tengas miedo de mí. Acércate. Soy un buen compañero, no un salteador».

Es Jesús. Le reconozco más por la voz que por el aspecto, velado por el oscuro crepúsculo que el farol no consigue romper en el lugar donde Él se encuentra. Pero la persona, parada, todavía duda.

«Mujer, ven. No temas. Incluso caminaremos juntos un trecho. Será bueno para ti».

La mujer —ahora sé que es una mujer—, vencida por la dulzura de la voz o por una fuerza arcana, se acerca; menea la cabeza mientras camina, y susurra: «Para mí ya no hay nada bueno».

632.43

Ahora van caminando juntos por ese estrecho sendero cuya anchura sólo permite el paso de dos personas. El alba avanza y muestra, a un lado del camino, una inmóvil selva en miniatura, de cereales maduros que esperan la hoz. En el otro lado los cereales, ya segados, están extendidos en gavillas sobre el campo desvestido de su gloria de mieses maduras.

«¡Malditos!» dice en voz baja la mujer, lanzando una mirada hacia las gavillas acostadas.

Jesús calla.

El día avanza. La mujer apaga el humilde farol, y, para hacerlo, descubre su cara devastada por el llanto. Y alza la cara para mirar al Oriente, donde una estría amarillo-rosa anuncia el surgir del Sol. Agita el puño hacia Oriente y dice otra vez: «¡Y maldito tú!».

«¿El día? Dios lo ha hecho. Como también ha hecho el trigo. Son dones de Dios y no se los debe maldecir…» dice Jesús con dulzura.

«Yo los maldigo. Maldigo al Sol y a las mieses. Y tengo razón en hacerlo».

«¿No han sido buenos para ti durante muchos años? ¿No te ha madurado, el primero, el pan de cada día y la uva que se hace vino y las verduras y las frutas del huerto?, ¿no te ha hecho crecer los pastos para alimentar ovejas y corderos con cuya leche y carne te has alimentado y con cuya lana te tejes los vestidos? ¿Y el trigo no os ha dado pan a ti, a tus hijos, a tu padre y a tu madre, a tu marido?».

Un estallido de llanto y un grito: «¡Ya no tengo marido! ¡Ellos me le han matado! Había ido a trabajar como jornalero, porque tenemos siete hijos y no nos bastaba lo poco nuestro que teníamos para dar de comer a diez personas. Y ayer, al anochecer, vino; decía: “Estoy cansado y aturdido”, y se echó en la yacija, ardiendo de fiebre. Yo y su madre le socorrimos como pudimos. Pensábamos llamar hoy al médico de la ciudad… Pero después del galicinio se me ha muerto. Le ha matado el Sol. Voy, sí, a la ciudad, a tomar todas las cosas que hacen falta. A la vuelta me preocuparé de avisar a los hermanos. He dejado a la madre velando a su hijo y cuidando de los míos… y yo me he marchado para hacer las cosas que hay que arreglar… ¿Y no debería maldecir al Sol ardiente y a los cereales?».

Al principio estaba muy contenida (tanto, que no habría imaginado que fuera una mujer, y, menos todavía, una mujer afligida), pero ahora ha dado rienda suelta a su dolor, que rebosa impetuoso. Dice todo lo que no ha dicho en su casa «para no despertar a los niños, que dormían en la habitación de al lado»; todo lo que tanto le pesaba en su corazón, que le daba la impresión de que se le fuera a estallar. Recuerdos de amor, abatimiento ante el futuro, las angustias propias de una viuda… se entremezclan y pasan, como sobre las hinchadas ondas durante una riada los detritos arrancados con violencia…

632.44

Jesús la deja hablar. Y es que Jesús, como sabe comprender el dolor, deja que éste se desahogue, para que la criatura se vea aliviada y el propio cansancio que sigue a la impetuosidad del dolor haga a la criatura capaz de entender al que la consuela. Entonces dice dulcemente: «En Naím y en Nazaret, y en los lugares entre ambas ciudades, están los discípulos del Rabí de Nazaret. Ve donde ellos…».

«¿Y qué crees que van a hacer? ¡Si Él estuviera aquí todavía!… ¿Pero ellos? ¡Ellos no son santos! Mi marido estaba en Jerusalén ese día. Y sabe… ¡No, no sabe!… ¡Sabía; que ya no sabe nada, porque está muerto!».

«¿Qué hizo tu marido ese día?».

«Cuando el clamor de la calle le despertó, corrió a la terraza de la casa donde estaba con sus hermanos, y vio pasar al Rabí —le llevaban al Pretorio— y, con otros galileos, le siguió hasta que murió. A mi marido y a los otros les tiraron piedras cuando se dieron cuenta de que eran galileos, y los obligaron a distanciarse hacia abajo. Pero estuvieron allí hasta el final. Luego… se marcharon… Y ahora ha muerto él. ¡Si al menos supiera si por su piedad para con el Rabí descansa en paz!».

Jesús no responde a este deseo. Pero dice: «Vería, entonces, que había discípulos en el Gólgota. ¿Acaso todos los galileos fueron como tu marido?».

«¡No, no! Muchos, incluso de Nazaret, le injuriaron. Esto se sabe. ¡Una vergüenza!».

«Pues si muchos, incluso de Nazaret, no tuvieron amor hacia su Jesús, y, a pesar de ello, Él los ha perdonado, y muchos incluso se santificarán en el futuro, ¿por qué quieres medir a todos los discípulos de Cristo con el mismo rasero? ¿Quieres ser tú más severa que Dios? Dios concede mucho a quien perdona…».

«¡Ya no está el Rabí bueno! ¡Ya no está aquí! Y mi marido está muerto».

«El Rabí ha dado a sus discípulos el poder de hacer lo que Él hacía».

«Quiero creerlo. Pero sólo Él vencía a la muerte. ¡Sólo Él!».

«¿Y no se lee[18] que Elías devolvió el espíritu al hijo de la viuda de Sarepta? En verdad te digo que Elías era un gran profeta, pero que los siervos del Salvador, que ha muerto y resucitado porque era el Hijo de Dios verdadero, encarnado para redimir a los hombres, tienen un poder todavía mayor, porque Él, en la Cruz, les ha perdonado sus pecados, a ellos los primeros, conociendo por divina sabiduría el verdadero dolor de sus espíritus contritos, los ha santificado después de la resurrección con un nuevo perdón, y ha infundido en ellos el Espíritu Santo, para que pudieran representarme dignamente, tanto con las palabras como con los actos, de manera que el mundo no se quedara desolado después de que Yo me marchara».

632.45

La mujer retrocede briosamente, sorprendida. Echa hacia atrás el velo para mirar bien a su compañero. Pero no le reconoce. Cree que ha entendido mal. Pero ya no se atreve a hablar…

«¿Tienes miedo de mí? Al principio me has tomado por un salteador que quería robarte los denarios que llevas en el pecho y que sirven para comprar las cosas necesarias para la sepultura. Y has tenido miedo. ¿Ahora tienes miedo de saber que soy Jesús? ¿Y no es Jesús el que da y no toma, el que salva y no destruye? Vuelve sobre tus pasos, mujer. Yo soy la Resurrección y la Vida. No son necesarios ni el sudario ni los perfumes, para uno que no está muerto, que ya no está muerto, porque Yo soy Aquel que vence a la muerte y premia a quien tiene fe. ¡Ve! ¡Ve a tu casa! Tu marido vive. La fe en mí nunca queda sin premio». Hace un gesto de bendecirla y querer marcharse.

La mujer sale de su estatismo. No pregunta, no duda… Nada. Cae de rodillas adorando. Y luego, por fin, abre su boca y, buscando en su pecho, saca una bolsa, pequeña, una bolsa raquítica, como las bolsas de la gente pobre, a quienes la miseria impide hacer solemnes honras a sus muertos; y, ofreciendo la bolsa, dice: «No tengo nada más… Nada más con que expresarte mi agradecimiento, con que honrarte, con que…».

«Yo ya no necesito dinero, mujer. Llévaselo a mis apóstoles».

«¡Oh, sí! Iré con mi marido… ¿Pero qué puedo darte entonces, mi Señor? ¿Qué? Tú, aparecerte a mí… este milagro… y yo no reconocerte… y yo tan nerviosa… sí, incluso injusta con las cosas…».

«Sí. Y no pensabas que las cosas existen porque Yo existo, y que todo lo que Dios ha hecho es bueno. Si no hubiera habido Sol, si no hubieran existido los cereales, no habrías recibido esta gracia de ahora».

«Sí… ¡pero cuánto dolor!…». La mujer llora al recordar.

Jesús sonríe y muestra sus manos diciendo: «Ésta es una parte mínima de mi dolor. Y lo he sorbido todo, sin quejarme, por vuestro bien».

La mujer agacha su cabeza profundamente y confiesa: «Es verdad. Perdona mi queja».

632.46

Jesús desaparece envuelto en su luz, y, cuando ella alza la cara, se ve sola. Se levanta, mira a su alrededor. Nada puede ser obstáculo para la vista, porque ya el día está luminoso y alrededor no hay sino campos de cereales. La mujer se dice a sí misma: «¡Pues no he soñado!». Quizás la está tentando el demonio para hacerla dudar, porque se ve en ella un momento de incertidumbre mientras sopesa la bolsa entre sus manos.

Pero vence la fe y vuelve la espalda al lugar hacia el que se dirigía; vuelve sobre sus pasos, rápida como si el viento la llevara sin que ella tuviera que hacer esfuerzo, iluminada su cara con una tan serena alegría, que mayor es que la alegría humana. Va repitiendo de trecho en trecho: «¡Qué bueno es el Señor! ¡Él, verdaderamente, es Dios! Él es Dios. ¡Benditos sean el Altísimo y su Enviado!». No sabe decir nada más. Y esta letanía suya se mezcla ahora con los cantos de los pájaros.

La mujer está tan absorta en sus palabras, que no oye el saludo de algunos segadores que la ven pasar y le preguntan de dónde viene a esa hora… Uno se llega a ella y le dice: «¿Marcos está mejor? ¿Has ido a llamar al médico?».

«Marcos ha muerto en la hora del galicinio y ha resucitado. Porque el Mesías del Señor lo ha hecho» responde ella manteniendo su rápido paso.

«¡El dolor la ha desquiciado!» susurra el hombre, meneando la cabeza y volviendo donde sus compañeros, que han empezado a segar la mies.

Los campos se van poblando cada vez más. Pero la curiosidad vence a muchos, que se deciden a seguir a la mujer, la cual camina cada vez más deprisa.

632.47

Y camina, camina. Se ve una casa pobrísima, baja, solitaria, perdida en medio del campo. A ella se dirige, apretando las manos contra su corazón.

Entra. Pero, en cuanto cruza la puerta, una anciana se arroja a sus brazos gritando: «¡Oh, hija mía, qué gracia del Señor! ¡Cobra ánimo, hija, porque lo que he de decirte es tan grande, tan dichoso, que…».

«Lo sé, madre. Marcos ya no está muerto. ¿Dónde está?».

«¡Lo sabes!… ¿Y cómo?».

«He visto al Señor por el camino. No le reconocí, pero Él me habló y, cuando quiso, me dijo: “Tu marido vive”. Pero aquí… ¿cuándo?».

«Acababa de abrir la ventana y estaba mirando el primer rayo de sol en la higuera. Sí, justamente así. Y, al tocar el primer rayo la higuera de enfrente de la habitación… oí un suspiro fuerte, como de uno que se despertara. Me volví aterrada y vi a Marco que se estaba sentando y que apartaba la sábana con que le había cubierto la cara, y que miraba hacia arriba ¡con una expresión en su rostro!… Luego me miró y me dijo: “¡Madre! ¡Estoy curado!”. Yo… poco faltó para que no me muriera yo. Él me socorrió, y comprendió que había estado muerto. No recuerda nada. Dice que recuerda hasta cuando le metimos en la cama, y ya nada más, hasta el momento en que vio un ángel, una especie de ángel que tenía la cara del Rabí de Nazaret y que le dijo: “¡Levántate!”. Se levantó. Justo a la hora en que el Sol aparecía por entero».

«A la hora en que me ha dicho: “Tu marido vive”. ¡Oh, madre, qué don! ¡Cuánto nos ha amado Dios!».

632.48

Los que llegan en ese momento las encuentran abrazadas, llorando. Y creen que Marcos ha muerto y que su esposa, en un destello de lucidez, se ha percatado de la desventura. Pero Marcos, que oye las voces, aparece sereno con un niño en brazos y los otros agarrados a su tunica, y dice fuerte: «Aquí estoy. ¡Bendigamos al Señor!».

Los llegados le asedian con sus preguntas, y, como siempre pasa en las cosas humanas, surge la contradicción. Hay quien cree en una verdadera resurrección; otros —la mayoría— dicen que solamente había caído en un sopor, pero que no ha estado muerto. Hay quien admite el que Cristo se haya aparecido a Raquel. Y hay quien dice que todo eso son patrañas, porque —unos dicen— «Él está muerto», o porque —dicen otros— «Ha resucitado, pero está tan indignado, debe estarlo, que ya no hace milagros para su pueblo asesino».

«Decid lo que os parezca» dice el hombre perdiendo la paciencia «y decidlo donde os parezca. Basta con que no lo digáis aquí, donde el Señor Jesús me ha resucitado. ¡Y marchaos de aquí, desdichados! ¡Quiera el Cielo abriros la cerviz para creer. Pero ahora marchaos y dejadnos en paz». Los empuja afuera y cierra la puerta.

632.49

Estrecha contra su corazón a su esposa y a su madre y dice: «Nazaret no está lejos. Voy allí a proclamar el milagro».

«Así lo quiere el Señor, Marcos. Llevaremos estos denarios a sus discípulos. Vamos a bendecir al Señor. Así, como estamos. Somos pobres, pero Él también lo era, y sus apóstoles no nos despreciarán».

Se pone a atar las sandalias a los niños mientras la madre echa algunos alimentos en una bolsa y cierra puertas y ventanas, y Marcos va a hacer no sé qué.

Salen cuando están todos listos y caminan a buen paso, los más pequeños en brazos, los otros niños, felices y un poco desconcertados, alrededor; hacia el Este, hacia Nazaret lógicamente. Quizás este lugar está todavía en la llanura de Esdrelón, pero es un punto distinto del de las propiedades de Jocanán.


Notes

  1. a accompli le miracle, au chapitre 395.
  2. mes paroles d’adieu, en 394.3.
  3. auquel il a donné son nom, en 76.9/10.
  4. je t’ai rendu la vue, en 358.10.
  5. S’il m’a envoyé l’agneau, en 576.2.
  6. veux-tu encore mourir, comme en 529.8.
  7. Tu l’as fait une fois, au chapitre 359.
  8. les trois sages, rappelés par lui-même en 390.6 ; ma prière, en 390.4.
  9. le tremblement de terre que Jésus lui avait prédit en 381.10.
  10. le dit bien, en Ps 8, 3.
  11. la discussion, en 342.6/7.
  12. qui t’a accueillie, en 254.4/7.
  13. Zacharie, le lévite, rencontré en 201.4 – 281.11.14 – 490.9/10 – 506.1 – 507.2.10/12.
  14. qui m’a donné mes yeux, en 473.2/6.
  15. Parricide, comme en 548.15, en référence à 520.6/11 et 535.11.

Notas

  1. obró el milagro, en 395.
  2. las palabras de mi despedida, en 394.3.
  3. a quien dio el nombre, en 76.9/10.
  4. te devolví la vista, en 358.10.
  5. me ha mandado el cordero, en 576.2.
  6. quieres todavía morir, como en 529.8.
  7. Una vez me abriste, en 359.
  8. los tres sabios, recordados por él mismo en 390.6; mi súplica, en 390.4.
  9. el terremoto, que le había sido anunciado por Jesús en 381.10.
  10. lo dice, en el Salmo 8, 3.
  11. la disputa, en 342.6/7.
  12. te acogió, en 254.4/7.
  13. el levita, encontrado en: 201.4, 281.11.14, 490.9/10, 506.1, 507.2.10/12.
  14. el Altísimo mandó al arcángel Rafael, como se lee en: Tobías 5-12.
  15. ¿No perdonó, acaso, a David…?, como se lee en: 2 Samuel 12, 13.
  16. me dio los ojos, en 473.2/6.
  17. Parricida, como en 548.15, con referencia a 520.6/11 y 535.11.
  18. se lee, en 1 Reyes 17, 17-24.