Gli Scritti di Maria Valtorta

632. Apparitions ici et là à diverses personnes.

632. Apparizioni a varie persone in luoghi diversi.

632.1

Elise, la mère d’Annalia, sanglote désespérément dans sa maison, enfermée dans une chambre où se trouve un petit lit sans couverture, peut-être celui d’Annalia. Elle a la tête abandonnée sur ses bras, qui s’abandonnent à leur tour, tendus vers le lit comme pour l’étreindre tout entier. Son corps repose sur ses genoux en une attitude de langueur. De vigoureux, il n’y a que ses pleurs.

Un peu de lumière pénètre par la fenêtre ouverte. Le jour revient depuis peu. Mais il se produit une vive lumière lorsque Jésus entre.

J’emploie le verbe “ entrer ”, pour dire qu’il se trouve soudain dans la pièce. Je l’emploierai toujours, désormais, pour signifier son apparition dans un endroit clos, sans répéter comment il se découvre de derrière une grande clarté qui rappelle celle de la Transfiguration, de derrière un feu blanc, si on me permet la comparaison, qui semble liquéfier les murs et les portes pour permettre à Jésus d’entrer avec son corps véritable, respirant, solide, glorifié, un feu, une clarté qui se referme sur lui et le dissimule à son départ. Mais aussitôt, il prend le bel aspect du Ressuscité, mais homme, vraiment homme, mais cent fois plus beau qu’avant la Passion. C’est lui, mais c’est lui glorieux, Roi.

632.2

« Pourquoi pleures-tu, Elise ? »

Je ne sais comment la femme ne reconnaît pas cette voix qu’on ne peut confondre. Peut-être la douleur l’étourdit-elle. Elle répond comme si elle parlait à un parent qui l’aurait rejointe après la mort d’Annalia.

« Tu as entendu hier soir ces hommes ? Il n’était rien. Il avait un pouvoir magique, mais pas divin. Et moi qui me résignais à la mort de ma fille en pensant qu’elle était aimée de Dieu, en paix… Il me l’avait assuré ! »

Elle redouble de larmes.

« Mais beaucoup l’ont vu ressuscité. Dieu seul peut se ressusciter lui-même.

– C’est ce que j’ai dit, moi aussi, à ceux d’hier. Tu l’as entendu. J’ai combattu leurs paroles, parce qu’elles représentaient la mort de mon espérance, de ma paix. Mais eux, tu as entendu ? ont affirmé : “ Tout cela, c’est de la comédie de ses partisans pour ne pas reconnaître qu’ils sont fous. Il est mort et bien mort, putréfié, ils l’ont enlevé et détruit, en prétendant qu’il est ressuscité. ” C’est ce qu’ils disaient… Et que c’est pour cela que le Très-Haut a envoyé le second tremblement de terre, pour leur faire sentir sa colère devant leur mensonge sacrilège. Oh ! je n’ai plus aucun réconfort !

– Mais si tu voyais de tes yeux le Seigneur ressuscité, et si tu le touchais de tes mains, croirais-tu ?…

– Je n’en suis pas digne… Bien évidemment, je croirais ! Il me suffirait de le voir. Je n’oserais pas toucher sa chair, car s’il en était ainsi, ce serait une chair divine, or une femme ne peut s’approcher du Saint des Saints.

632.3

– Lève la tête, Elise, et regarde qui se tient devant toi ! »

La femme lève sa tête chenue, son visage défiguré par les larmes, et elle voit… Elle tombe encore plus bas sur ses talons, se frotte les yeux, ouvre la bouche en un cri qui veut sortir, mais que la stupeur étrangle dans la gorge.

« C’est moi, le Seigneur. Touche ma main, baise-la. Tu m’as sacrifié ta fille, tu le mérites. Et retrouve, sur cette main, le baiser spirituel de ton enfant. Elle est au Ciel, et elle est bienheureuse. Tu parleras de cela aux disciples, et de ce jour-ci. »

La femme est tellement fascinée qu’elle n’ose pas faire le geste, de sorte que c’est Jésus lui-même qui presse sur ses lèvres la pointe de ses doigts.

« Oh ! Tu es vraiment ressuscité ! Que je suis heureuse ! Heureuse ! Bénis sois-tu de m’avoir consolée ! »

Elle se penche pour lui baiser les pieds, et reste ainsi. La lumière surnaturelle enveloppe le Christ de sa splendeur et soudain la pièce est vide. Mais Elise a dans le cœur une certitude inébranlable.

II. A Marie, mère de Judas, à Kérioth, avec Anne, mère de Joanne, et le vieil Ananie.

632.4

Je vois la maison d’Anne, mère de Joanne. C’est la maison de campagne où Jésus, accompagné de la mère de Judas, a accompli le miracle[1] de la guérison d’Anne. Là aussi, je vois une pièce, et une femme étendue sur un lit. Une femme qui est méconnaissable tant elle est défigurée par une angoisse mortelle. Son visage est ravagé. Une fièvre dévorante lui empourpre les pommettes, qui sont tellement saillantes que les joues en sont creusées. Les yeux, dans un cercle noir, eux aussi rougis par la fièvre et les pleurs, sont mi-clos sous des paupières gonflées. Là où il n’y a pas de rougeur de fièvre, le teint est d’un jaune intense, verdâtre comme si la bile était répandue dans le sang. Les bras décharnés, les mains effilées, sont abandonnés sur les couvertures que l’essoufflement soulève.

Près de la malade, qui n’est autre que la mère de Judas, se trouve Anne, la mère de Joanne. Elle essuie les larmes et la sueur, agite un éventail de palmier, change les linges trempés dans du vinaigre aromatisé et posés sur le front et la gorge de la malade, caresse ses mains, ses cheveux en désordre. Devenus en peu de temps plus blancs que noirs, ils sont épars sur l’oreiller et collés par la sueur sur les oreilles devenues transparentes. Anne pleure également, en disant des paroles de réconfort :

« Ce n’est pas cela, Marie ! Apaise-toi ! Assez ! C’est lui… lui, qui a péché. Mais toi, toi tu sais comme le Seigneur Jésus…

– Tais-toi ! Ce nom… quand on me le dit, on le profane… Je suis la mère… du Caïn de Dieu ! Ah ! »

Les larmes tranquilles se changent en de longs sanglots déchirants. Elle a l’impression de se noyer, s’attache au cou de son amie qui la secourt pendant qu’elle vomit de la bile.

« Paix ! Paix, Marie ! Ce n’est pas cela ! Ah, quels mots trouver pour te convaincre que le Seigneur t’aime ? Je te le répète ! Je te le jure sur ce qui est le plus sacré pour moi : mon Sauveur et mon enfant. C’est lui qui me l’a dit quand tu me l’as amené. Il a eu pour toi des paroles et des prévenances d’un amour infini. Tu es innocente. Il t’aime. Je suis certaine, je suis certaine qu’il se donnerait lui-même une autre fois pour te rendre la paix, pauvre mère martyre.

– Mère du Caïn de Dieu ! Tu entends ? Ce vent, là, dehors… Il le dit… Elle va à travers le monde, la voix… la voix du vent, et elle répète : “ Marie, femme de Simon, mère de Judas, celui qui a trahi le Maître et l’a livré à ceux qui l’ont crucifié. ” Tu entends ? Tout le dit… Le ruisseau, là dehors… Les tourterelles.., les brebis… Toute la terre crie que je suis… Non, je ne veux pas guérir. Je veux mourir !… Dieu est juste et ne me frappera pas dans l’autre vie. Mais ici, non. Le monde ne pardonne pas… ne distingue pas… Je deviens folle car le monde hurle… : “ Tu es la mère de Judas ! ” »

Elle retombe épuisée sur ses oreillers. Anne la redresse et sort pour porter dehors les linges tachés…

Marie, les yeux clos, exsangue après l’effort qu’elle a fait, gémit :

« La mère de Judas ! de Judas ! de Judas ! » Elle halète, puis reprend : « Mais qu’est-ce que Judas ? Qu’ai-je enfanté ? Qu’est-ce que Judas ? Qu’ai-je… »

632.5

Jésus est dans la pièce qu’éclaire une lumière tremblante, car la lumière du jour est encore trop faible pour éclairer la vaste pièce dans laquelle le lit est au fond, très loin de l’unique fenêtre. Il appelle doucement :

« Marie ! Marie, femme de Simon ! »

La femme délire presque et ne remarque pas la voix. Elle est absente, prise dans le vertige de sa douleur, et répète sans fin les pensées qui l’obsèdent, d’une manière monotone, comme le tic-tac d’une pendule :

« La mère de Judas ! Qu’ai-je enfanté ? Le monde hurle : “ La mère de Judas… ” »

Jésus en a presque les larmes aux yeux. Cela m’étonne beaucoup. Je ne pensais pas que Jésus pourrait pleurer encore après sa Résurrection…

Il se penche. Le lit est tellement bas pour lui, qui est si grand ! Il pose la main sur le front enfiévré, en repoussant les linges trempés dans le vinaigre, et dit :

« C’est un malheureux, rien d’autre. Si le monde crie, Dieu couvre les hurlements du monde en te disant : “ Aie la paix parce que, moi, je t’aime. ” Regarde-moi, pauvre mère ! Reprends tes esprits égarés et remet ton âme entre mes mains. Je suis Jésus !… »

Marie, femme de Simon, ouvre les yeux comme si elle sortait d’un cauchemar ; elle voit le Seigneur, sent sa main sur son front, porte ses mains tremblantes à son visage et gémit :

« Ne me maudis pas ! Si j’avais su ce que j’engendrais, je me serais arraché les entrailles pour qu’il ne naisse pas.

– Et tu aurais péché. Marie ! Oh, Marie ! Ne perds pas ta justice à cause de la faute d’un autre. Les mères qui ont fait leur devoir ne doivent pas se considérer comme responsables des péchés de leurs enfants. Tu as fait ton devoir, Marie. Donne-moi tes pauvres mains. Sois tranquille, pauvre mère.

– Je suis la mère de Judas. Je suis impure comme tout ce que ce démon a touché. Mère d’un démon ! Ne me touche pas. »

Elle se débat pour échapper aux mains divines qui veulent la tenir. Les larmes de Jésus tombent sur son visage rougi par un accès de fièvre.

« Je t’ai purifiée, Marie. Mes larmes de pitié sont sur toi. Je n’ai pleuré sur personne depuis que j’ai enduré ma souffrance. Mais je pleure sur toi avec toute mon affectueuse pitié. »

Il a réussi à lui saisir les mains et s’assied, oui, il s’assied vraiment sur le bord du lit, en tenant ces mains tremblantes dans les siennes.

La pitié affectueuse de ses yeux étincelants caresse, enveloppe, soigne la malheureuse qui se calme en pleurant silencieusement et en murmurant :

« N’as-tu pas de rancœur à mon égard ?

– J’ai de l’amour. C’est pour cela que je suis venu. Aie la paix.

– Toi, tu pardonnes ! Mais le monde ! Et ta Mère ! Elle va me haïr.

– Elle pense à toi comme à une sœur. Le monde est cruel, c’est vrai. Ma Mère est la Mère de l’Amour, et elle est bonne. Tu ne peux aller de par le monde, mais elle viendra à toi quand tout sera en paix. Le temps pacifie…

– Fais-moi mourir, si tu m’aimes…

– Encore un peu de temps. Ton fils n’a rien su me donner. Toi, donne-moi un temps de ta souffrance. Il sera court.

– Mon fils t’a trop donné… C’est l’horreur infinie qu’il t’a donnée.

– Et toi tu m’as donné la douleur infinie. L’horreur est passée, elle ne sert plus à rien. Mais ta douleur est utile : elle s’unit à mes plaies, de sorte que tes larmes et mon sang lavent le monde. Toute la souffrance s’unit pour laver le monde. Tes larmes se mêlent à mon sang et aux pleurs de ma Mère, entourés de toute la douleur des saints qui souffriront pour le Christ et pour les hommes, pour mon amour et celui des hommes. Pauvre Marie ! »

Il la couche doucement, lui croise les mains, la regarde se calmer…

632.6

Anne revient et reste, stupéfaite, sur le seuil.

Jésus, qui s’est relevé, la regarde en disant :

« Tu as obéi à mon désir. Les obéissants obtiennent la paix. Ton âme m’a compris. Vis dans ma paix. »

Il baisse de nouveau les yeux sur Marie, qui le regarde en versant des larmes plus calmes, et il lui sourit une nouvelle fois. Il ajoute :

« Place ton espérance dans le Seigneur. Il t’apportera ses consolations. »

Après l’avoir bénie, il s’apprête à partir.

Mais Marie pousse un cri passionné :

« On dit que mon fils t’a trahi par un baiser ! Est-ce vrai, Seigneur ? Si oui, laisse-moi le laver en te baisant les mains. Je ne puis faire autre chose ! Je ne puis faire autre chose pour effacer… pour effacer… »

La douleur la reprend avec force.

Jésus ne lui donne pas ses mains à baiser, ces mains sur lesquelles la large manche de son vêtement blanc retombe jusqu’au milieu du métacarpe en cachant les blessures, mais il lui prend la tête entre ses mains et se penche pour effleurer de ses lèvres divines le front brûlant de la plus malheureuse des femmes. Et il lui dit en se redressant :

« Mes larmes et un baiser ! Personne n’a autant obtenu de moi. Reste donc dans la paix puisque, entre toi et moi, il n’y a que de l’amour. »

Il la bénit et, après avoir traversé rapidement la pièce, il sort derrière Anne, qui n’a pas osé s’avancer ni parler, mais qui pleure d’émotion.

632.7

Pourtant, dès qu’ils se trouvent dans le corridor qui mène à la porte de la maison, Anne ose poser la question qui lui tient tant à cœur :

« Ma Joanne ?

– Depuis quinze jours, elle est bienheureuse au Ciel. Je n’en ai pas parlé parce qu’il y a trop de contraste entre ta fille et le fils de Marie.

– C’est vrai ! Quel déchirement ! Je crois qu’elle en meurt.

– Non. Pas tout de suite.

– Maintenant, elle sera plus en paix. Tu l’as consolée. Toi ! Toi qui, plus que tous…

– Moi qui la plains plus que tous. Je suis la divine Compassion. Je suis l’Amour. Je te le dis, femme : si seulement Judas m’avait jeté un regard de repentir, je lui aurais obtenu le pardon de Dieu… »

Quelle tristesse se peint sur le visage de Jésus ! La femme en est frappée. Paroles et silence combattent sur ses lèvres, mais elle est femme, et la curiosité l’emporte. Elle demande :

« Mais est-ce que cela a été une… un… Je veux dire : ce malheureux a-t-il péché soudainement ou bien…

– Depuis des mois il péchait, et aucune parole, aucun geste de ma part n’a pu l’arrêter tant était forte sa volonté de pécher. Mais ne lui en parle pas à elle…

– Je n’en dirai rien !… Seigneur ! Quand Ananie, qui s’était enfui de Jérusalem sans même terminer la Pâque, la nuit même de la Parascève, est entré ici en hurlant : “ Ton fils a trahi le Maître et l’a livré à ses ennemis ! Il l’a trahi par un baiser. J’ai vu le Maître frappé et couvert de crachats, flagellé, couronné d’épines, chargé de la croix, crucifié et mort à cause de ton fils. Et les ennemis du Maître crient notre nom avec un air de triomphe obscène. On raconte l’acte de ton fils qui, pour moins que le prix d’un agneau, a vendu le Messie et l’a trahi par un baiser pour le désigner aux gardes ! ” Marie est tombée à terre, elle devenue noire sur le coup. Le médecin dit que son fiel s’est répandu, que son foie a éclaté et que tout le sang en est corrompu. Et… le monde est mauvais. Elle a raison… J’ai dû la transporter ici, car ils venaient crier près de sa maison de Kérioth : “ Ton fils est déicide et s’est suicidé ! Il s’est pendu ! Belzébuth a pris son âme et même Satan est venu prendre son corps. ” Cet horrible prodige est-il vrai ?

– Non, femme. On l’a trouvé mort, pendu à un olivier…

– Ah ! Ils criaient encore : “ Le Christ est ressuscité, et il est Dieu. Ton fils a trahi Dieu. Tu es la mère de celui qui a trahi Dieu. Tu es la mère de Judas. ” Pendant la nuit, avec Ananie et un serviteur fidèle, le seul qui me soit resté, car personne ne voulait rester auprès d’elle… je l’ai portée ici. Mais Marie entend ces cris dans le vent, dans les bruits de la terre, en tout.

– Pauvre mère ! C’est horrible, oui.

– Mais ce démon n’a pas pensé à cela, Seigneur ?

– C’était une des raisons que j’invoquais pour le retenir. Mais cela n’a servi à rien. Comme Judas n’a jamais aimé d’un amour véritable son père et sa mère, ni personne d’autre qui soit son prochain, il en est venu à haïr Dieu.

– C’est vrai !

– Adieu, femme. Que ma bénédiction te donne la force de supporter le mépris du monde pour ta pitié envers Marie. Baise ma main. A toi, je peux la montrer. A elle, cela lui aurait fait trop de mal de le voir. »

Il retrousse sa manche pour découvrir son poignet transpercé.

Anne pousse un gémissement en effleurant à peine de ses lèvres le bout des doigts.

632.8

On entend le bruit d’une porte qui s’ouvre et un cri étouffé : “ Le Seigneur ! ” Un homme âgé se prosterne et reste ainsi.

« Ananie, le Seigneur est bon. Il est venu consoler ta parente, et nous consoler nous aussi » dit Anne pour réconforter le petit vieillard, trop ému.

Mais l’homme n’ose faire le moindre mouvement. Il gémit en pleurant :

« Nous sommes d’un sang honni. Je ne peux pas regarder le Seigneur. »

Jésus s’avance vers lui. Il lui touche la tête en lui parlant dans les mêmes termes qu’à Marie :

« Les parents qui ont fait leur devoir ne doivent pas se tenir pour responsables du péché de leur proche. Prends courage, homme ! Dieu est juste. Paix à toi et à cette maison. Moi, je suis venu, et toi, tu te rendras là où je t’envoie. Pour la Pâque supplémentaire les disciples seront à Béthanie. Tu iras les trouver, et tu leur raconteras que, le douzième jour après sa mort, tu as vu le Seigneur à Kérioth, vivant, avec sa véritable chair, son âme et sa Divinité. Ils te croiront, car j’ai été déjà beaucoup avec eux. Mais apprendre que je me trouvais à plusieurs endroits le même jour les confirmera dans leur foi en ma nature divine. Avant cela encore, tu iras aujourd’hui même à Kérioth pour demander au chef de la synagogue de rassembler le peuple, et tu diras en présence de tout le monde que je suis venu ici, et qu’ils doivent se rappeller mes paroles d’adieu[2]. Ils te demanderont certainement : “ Pourquoi n’est-il pas venu chez nous ? ” Tu répondras ceci : “ Le Seigneur m’a recommandé de vous dire que, si vous vous étiez conduits comme il vous avait enjoint de le faire envers une mère qui n’était pas coupable, il se serait montré. Mais vous avez manqué à l’amour, c’est pourquoi le Seigneur ne s’est pas montré. ” Le feras-tu ?

– C’est difficile, Seigneur ! C’est difficile à faire ! Ils nous tiennent tous pour des cœurs lépreux… Le chef de la synagogue ne m’écoutera pas. Le peuple ne me laissera pas parler. Peut-être même me frapperont-ils… Je le ferai néanmoins, puisque tu le désires. »

Le vieillard ne lève pas la tête. Il parle courbé dans un profond prosternement.

« Regarde-moi, Ananie ! »

L’homme montre un visage que la vénération rend tout tremblant.

Jésus est resplendissant et beau comme sur le Thabor… La lumière le couvre, en cachant son aspect et son sourire… Et le couloir reste sans lui, sans qu’aucune porte n’ait bougé pour lui livrer passage.

Anne et Ananie adorent longuement, ils sont devenus tout adoration par la manifestation divine.

III. Aux enfants de Yutta et à leur mère Sarah.

632.9

Le verger de la maison de Sarah. Les enfants jouent sous les arbres feuillus. Le plus petit se roule dans l’herbe près d’une rangée serrée de pampres, les plus grands jouent à cache-cache derrière les haies et les vignes et se poursuivent avec des cris d’hirondelles joyeuses.

Voilà que Jésus apparaît près du petit auquel il a donné son nom[3]. Oh ! sainte simplicité des innocents ! Yésaï ne s’étonne pas de le voir là à l’improviste, mais il lui tend ses petits bras pour que Jésus le prenne dans les siens, et Jésus le prend : cela se passe avec le plus grand naturel.

Les autres surviennent en courant encore une fois, bienheureuse simplicité des enfants ! et sans stupeur, heureux, s’approchent de lui. On dirait qu’il n’y a rien de changé pour eux. Peut-être ne savent-ils pas. Mais une fois que chacun a obtenu sa caresse, Marie, la plus grande et la plus sensée, dit :

« Alors tu ne souffres plus, Seigneur, maintenant que tu es ressuscité ? J’ai eu tant de peine !

– Je ne souffre plus. Je suis venu pour vous bénir avant de monter vers mon Père et le vôtre, au Ciel. Mais de là aussi je vous bénirai toujours, si vous êtes toujours bons. Vous direz à ceux qui m’aiment que je vous ai laissé ma bénédiction, aujourd’hui. Rappelez-vous ce jour.

632.10

– Tu ne viens pas à la maison ? Maman est là. Ils ne nous croiront pas » dit Marie.

Mais son frère ne pose pas la question. Il s’écrie : “ Maman, Maman ! Le Seigneur est ici !… ” et, en courant à la maison, il répète ce cri.

Sarah accourt, apparaît… juste à temps pour voir Jésus, très beau, disparaître à la limite du verger, dans la lumière qui l’absorbe…

« Le Seigneur ! Pourquoi ne pas m’avoir appelée plus tôt ?… » demande Sarah dès qu’elle retrouve l’usage de la parole. « Mais quand et d’où est-il venu ? Etait-il seul ? Sots que vous êtes !

– Nous l’avons trouvé ici. Une minute plus tôt il n’y était pas… Il n’est pas venu de la route, ni du jardin. Il tenait Yésaï dans les bras… Il nous a dit qu’il était venu nous bénir et nous apporter sa bénédiction pour ceux qui l’aiment à Yutta, et il nous a demandé de nous rappeler ce jour. Maintenant, il monte au Ciel, mais il nous aimera si nous sommes bons. Comme il était beau ! Il avait les mains blessées, mais elles ne lui font plus mal. Ses pieds aussi étaient blessés. Je les ai vus dans l’herbe. Cette fleur-là touchait exactement la blessure d’un de ses pieds. Je la cueille…»

Ils parlent tous ensemble, échauffés par l’émotion. Leur surexcitation les fait même transpirer.

Sarah les caresse en murmurant :

« Dieu est grand ! Allons, venez. Allons le dire à tout le monde. Parlez, vous qui êtes innocents. Vous pouvez parler de Dieu. »

IV. Au jeune Jaias, à Pella.

632.11

Le jeune homme travaille avec ardeur autour d’une charrette. Il est en train de la charger de légumes cueillis dans un jardin voisin. L’âne frappe de son sabot le sol dur du chemin de campagne.

En se tournant pour prendre un panier de laitues, il voit Jésus qui lui sourit. Il laisse tomber à terre le panier et s’agenouille en se frottant les yeux, ne croyant pas à ce qu’il voit, et il murmure :

« Très-Haut, ne m’induis pas en illusion ! Ne permets pas, Seigneur, que je sois trompé par Satan par de faux aspects séduisants. Il est bien mort, mon Seigneur ! Il a été enseveli, et on dit maintenant que son cadavre a été enlevé. Pitié, Seigneur Très-Haut ! Montre-moi la vérité.

– Je suis la Vérité, Jaias. Je suis la Lumière du monde. Regarde-moi. Vois-moi. C’est pour cela que je t’ai rendu la vue[4] : pour que tu puisses témoigner de ma puissance et de ma Résurrection.

– Oh ! C’est vraiment le Seigneur ! C’est toi ! Oui, c’est toi, Jésus ! »

Il se traîne sur les genoux pour lui baiser les pieds.

« Tu diras que tu m’as vu, que tu m’as parlé, et que je suis bien vivant. Tu diras que tu m’as vu aujourd’hui. A toi la paix et ma bénédiction. »

Jaias reste seul, heureux. Il oublie la charrette et les légumes. C’est en vain que l’âne, énervé, frappe le chemin et brait pour protester contre la longueur de l’attente… Jaias est en extase.

632.12

Une femme sort de la maison près du jardin, et elle le voit là, pâle d’émotion, le visage absent. Elle s’écrie :

« Jaias ! Qu’est-ce que tu as ? Que t’est-il arrivé ? »

Elle accourt, le secoue, le ramène sur la terre…

« Le Seigneur ! J’ai vu le Seigneur ressuscité. Je lui ai baisé les pieds et j’ai vu ses plaies. Ils ont menti. Il était vraiment Dieu et il est ressuscité. J’avais peur d’être trompé. Mais c’est lui ! C’est vraiment lui ! »

Tremblante, frissonnante d’émotion, la femme murmure :

« En es-tu vraiment sûr ?

– Tu es bonne, femme. Par amour pour lui, tu nous as pris comme serviteurs, ma mère et moi. Ne te refuse pas à croire !…

– Si tu en es sûr, je crois. Mais avait-il une vraie chair ? Il était chaud ? Il respirait ? Il parlait ? Avait-il vraiment une voix ou était-ce une impression ?

– J’en suis sûr. C’était la chair tiède d’un vivant, c’était une voix véritable, c’était une respiration. Il avait la beauté d’un Dieu, mais il était homme comme toi et moi. Allons, allons raconter cela à ceux qui souffrent ou qui doutent. »

V. A Jean de Nobé.

632.13

Le vieillard est seul chez lui, mais il est serein. Il répare une sorte de siège qui s’est décloué d’un côté, et sourit à je ne sais quel rêve.

Un coup à la porte. Le vieillard, sans quitter son travail, dit :

« Entrez ! Que voulez-vous, vous qui venez ? Etes-vous encore de ceux-là ? Je suis trop vieux pour changer ! Même si tout le monde me criait : “ Il est mort ”, moi je continuerais à soutenir qu’il est vivant. Même si cela devait me coûter la vie. Entrez donc ! »

Il se redresse pour aller voir à la porte qui frappe sans entrer. Mais quand il en est tout proche, elle s’ouvre et Jésus entre.

« Oh ! Oh ! Oh ! Mon Seigneur ! Vivant ! J’ai cru ! Et il vient récompenser ma foi ! Béni ! Moi, je n’ai jamais douté. Dans ma douleur, je me suis dit : “ S’il m’a envoyé l’agneau[5] pour le banquet de joie, c’est signe qu’en ce jour il ressuscitera. ” Alors j’ai tout compris.

Quand tu es mort et que la terre a tremblé, j’ai compris ce que je n’avais pas encore compris. Et j’ai passé pour un fou, à Nobé, parce que, une fois couché le soleil du lendemain du sabbat, j’ai préparé le banquet et je suis allé inviter des mendiants en annonçant : “ Notre Ami est ressuscité ! ” On prétendait déjà que ce n’était pas vrai. On disait qu’ils t’avaient enlevé la nuit. Mais moi, je ne les ai pas crus, car, dès le moment de ta mort, j’ai compris que tu mourais pour ressusciter, et que c’était cela, le signe de Jonas. »

632.14

Jésus le laisse parler en souriant. Puis il demande :

« Et maintenant veux-tu encore mourir[6], ou rester pour témoigner de ma gloire ?

– Ce que tu veux, Seigneur !

– Non. Ce que toi, tu veux. »

Le vieillard réfléchit, puis il décide :

« Ce serait beau de sortir du monde où tu n’es plus comme avant. Mais je renonce à la paix du Ciel pour annoncer aux incrédules : “ Moi, je l’ai vu ! ” »

Jésus lui pose la main sur la tête pour le bénir, et ajoute :

« Mais bientôt tu connaîtras aussi la paix, et tu viendras à moi avec le titre de confesseur du Christ. »

Et il s’en va. Ici, peut-être par pitié pour le vieillard âgé, il n’a pas donné à son apparition et à sa disparition une forme merveilleuse, mais il a agi en tout comme s’il était le Jésus d’autrefois, qui entrait et sortait, humainement, d’une maison.

VI. Chez Matthias, le solitaire de Jabès Galaad.

632.15

Le vieil homme travaille autour de ses légumes et il monologue :

« Toutes ces richesses que j’ai pour lui, il n’y goûtera jamais plus. J’ai travaillé en vain. Je crois qu’il était le Fils de Dieu, mort et ressuscité. Mais ce n’est plus le Maître qui s’assied à la table du pauvre ou du riche et partage avec un égal amour la nourriture du pauvre et du riche — et même avec plus d’amour, c’est certain. Maintenant, il est le Seigneur ressuscité. Il est ressuscité pour nous confirmer dans la foi, nous, ses fidèles. Certains prétendent que ce n’est pas vrai, que personne n’est jamais ressuscité par lui-même. Personne. Non, aucun homme. Mais lui, si, parce qu’il est Dieu. »

Il bat des mains pour chasser ses colombes qui descendent ramasser des graines dans la terre fraîchement bêchée et ensemencée, et reprend :

« Inutile désormais que vous ayez des petits ! Il n’y goûtera plus ! Et vous, abeilles inutiles, pour qui produisez-vous votre miel ?

J’avais espéré l’avoir au moins une fois avec moi, maintenant que je suis moins misérable. Tout a prospéré ici, depuis sa venue… Ah ! Mais avec ces deniers auxquels je n’ai jamais touché, je veux aller à Nazareth, chez sa Mère, pour lui dire : “ Prends-moi comme serviteur, mais laisse-moi vivre auprès de toi, car tu es encore lui. »

Il essuie une larme du revers de la main…

632.16

« Matthias, as-tu du pain pour un pèlerin ? »

Matthias lève la tête, mais agenouillé comme il l’est, il ne voit pas qui lui parle de derrière la haute haie qui entoure sa petite propriété perdue dans cette solitude verte qu’est cet endroit de l’autre côté du Jourdain. Mais il répond :

« Qui que tu sois, viens, au nom du Seigneur Jésus. »

Et il se redresse pour ouvrir la grille.

Il se trouve en face de Jésus, et reste la main sur le verrou, sans pouvoir faire un geste.

« Tu ne veux pas de moi comme hôte, Matthias ? Tu l’as fait une fois[7]. Tu te plaignais de ne plus pouvoir le faire. Je suis ici et tu ne m’ouvres pas ? dit Jésus en souriant.

– Oh ! Seigneur… moi.., je… je ne suis pas digne que mon Seigneur entre ici… Moi… »

Jésus passe la main par-dessus la grille et pousse le verrou en disant :

« Le Seigneur entre là où il veut, Matthias. »

Il pénètre dans l’humble jardin, se dirige vers la maison, et dit, sur le seuil :

« Sacrifie donc les petits de tes colombes. Sors de la terre tes légumes, et du miel à tes abeilles. Nous partagerons le pain ensemble et ton travail n’aura pas été inutile, ni ton désir vain. Et cet endroit te sera cher sans que tu ailles là où il y aura bientôt silence et abandon. Je suis partout, Matthias. Celui qui m’aime est avec moi, toujours. Mes disciples seront à Jérusalem. C’est là que naîtra mon Eglise. Fais en sorte d’y être pour la Pâque supplémentaire.

– Pardonne-moi, Seigneur. Mais je n’ai pas su rester là-bas, et je me suis enfui. J’y étais arrivé la veille de la Parascève à none, et le jour suivant… j’ai fui pour ne pas te voir mourir. Pour cette seule raison, Seigneur !

– Je le sais. Et je sais que tu es revenu, l’un des premiers, pleurer sur mon tombeau. Mais je n’y étais déjà plus. Je sais tout. Voilà, je m’assieds ici et je me repose. Je me suis toujours reposé ici… Les anges le savent. »

632.17

L’homme se met à l’œuvre, mais semble se mouvoir dans une église tant ses gestes sont respectueux. De temps en temps, il essuie une larme qui veut se mêler à son sourire, pendant qu’il va et vient pour prendre les petites colombes, les tuer, les préparer, attiser le feu, cueillir et laver les légumes, disposer sur un plat les figues précoces, et dresser la pauvre table avec sa meilleure vaisselle.

Mais quand tout est prêt, comment pourrait-il s’asseoir et manger ? Il veut servir et cela lui paraît déjà beaucoup. Il ne désire rien de plus. Mais Jésus, qui a offert et béni la nourriture, lui offre une moitié du pigeon qu’il a découpé en mettant la viande sur un morceau de fouace qu’il a trempée dans la sauce.

« Oh ! Tu me traites comme un préféré ! » s’exclame l’homme.

Il mange en pleurant de joie et d’émotion, sans quitter des yeux Jésus qui mange… qui boit, qui goûte les légumes, les fruits, le miel, qui lui offre sa coupe après avoir absorbé une gorgée de vin — avant, il avait toujours bu de l’eau.

Le repas est fini.

« Je suis bien vivant. Tu le vois, et tu es bienheureux. Rappelle-toi qu’il y a douze jours de cela, je suis mort par la volonté des hommes, mais que celle-ci est nulle quand elle n’est pas en accord avec la volonté de Dieu. Et même : la volonté contraire des hommes devient l’instrument servile de la Volonté éternelle. Adieu, Matthias. Puisque j’ai dit que ceux qui m’auront donné à boire quand j’étais le Pèlerin sur lequel il était encore permis d’avoir des doutes seraient avec moi, je te l’affirme : tu auras part à mon Royaume céleste.

– Mais maintenant, je te perds, Seigneur !

– Reconnais-moi en tout pèlerin ; je suis en tout mendiant, en tout malade, en tous ceux qui ont besoin de pain, d’eau et de vêtements. Je suis en tout homme qui souffre, et ce qui est fait à celui qui souffre, c’est à moi que cela est fait. »

Il ouvre les bras pour bénir et disparaît.

VII. Chez Abraham d’Engaddi, qui meurt dans ses bras.

632.18

La place d’Engaddi est un temple hypostyle de palmiers bruissants. La fontaine est le miroir du ciel d’avril. Les colombes forment le bas murmure d’un orgue.

Le vieil Abraham la traverse avec ses outils de travail sur les épaules. Il paraît encore plus âgé, mais serein comme quelqu’un qui a trouvé le calme après une grande tempête. Il parcourt le reste de la ville, et se dirige vers les vignes près des sources. Ce sont de belles vignes fécondes, déjà pleines des promesses d’une récolte abondante. Il y entre, se met à sarcler, à tailler, à lier. De temps à autre, il se relève, s’appuie sur sa pioche, réfléchit. Il lisse sa barbe patriarcale, soupire, hoche la tête, tout à un discours intérieur.

Un homme bien enveloppé dans son manteau monte la route vers les sources et les vignes. Je dis : un homme, mais c’est Jésus, car ce sont sa démarche et son vêtement. Mais pour le vieillard, c’est un homme. Et l’homme interpelle Abraham :

« Puis-je m’arrêter ici ?

– L’hospitalité est sacrée. Je ne l’ai jamais refusée à personne. Viens. Entre. Que te soit doux le repos à l’ombre de mes vignes. Veux-tu du lait ? Du pain ? Je te donnerai ce que je possède ici.

– Et moi, que puis-je te donner ? Je n’ai rien.

– Celui qui est le Messie m’a tout donné, pour tous les hommes. Et quoi que je t’offre, ce ne sera rien par rapport à ce que lui m’a donné.

– Sais-tu qu’ils l’ont crucifié ?

– Je sais qu’il est ressuscité. Es-tu de ceux qui l’ont crucifié ? Je ne peux pas te haïr parce que lui ne veut pas de haine. Mais si je le pouvais, je te haïrais si tu l’étais.

– Je ne suis pas de ceux qui l’ont crucifié. Sois en paix. Tu sais donc tout de lui.

– Tout. Et Elisée… C’est mon fils, tu sais ? Elisée n’est plus revenu de Jérusalem. Il m’avait dit : “ Permets-moi de partir, père, car je quitte tous mes biens pour prêcher le Seigneur. J’irai à Capharnaüm à la recherche de Jean, et je m’unirai aux disciples fidèles. ”

– Ton fils t’a donc abandonné ? Alors que tu es si vieux et seul ?

– Ce que tu appelles abandon était mon rêve et fait ma joie. La lèpre ne m’avait-elle pas privé de lui ? Et qui me l’a rendu ? Le Messie. Alors est-ce que je le perds parce qu’il part annoncer le Seigneur ? Mais non ! Je le retrouverai dans la vie éternelle.

632.19

Mais tu parles d’une façon qui me donne des soupçons. Serais-tu un émissaire du Temple ? Viens-tu persécuter ceux qui croient au Ressuscité ? Frappe ! Je ne fuis pas. Je n’imite pas les trois sages[8] d’autrefois. Je reste. Car si je tombe pour lui, je le rejoins au Ciel et ma prière de l’an dernier est exaucée.

– C’est vrai. Tu disais alors : “ J’ai attendu le Seigneur avec impatience, et il s’est tourné vers moi. ”

– Comment sais-tu cela ? Es-tu un de ses disciples ? Etais-tu avec lui quand je l’en ai prié ? Ah ! Si c’est le cas, aide-moi à lui faire entendre mon cri, pour qu’il s’en souvienne. »

Il se prosterne, croyant parler à un apôtre.

« C’est moi, Abraham d’Engaddi, et je te dis : “ Viens. ” »

Jésus lui ouvre les bras en se manifestant ainsi et l’invite à s’y précipiter et à s’abandonner sur son cœur.

A ce moment, entre dans la vigne un enfant, suivi d’un jeune homme, en criant :

« Père ! Père ! Nous voici pour t’aider. »

Mais son cri d’enfant est couvert par le cri puissant du vieillard, un vrai cri de délivrance :

« Voilà ! Je viens ! »

Et Abraham se jette dans les bras de Jésus, en criant encore :

« Jésus, Messie saint ! Entre tes mains je remets mon esprit ! »

Mort bienheureuse ! Mort que j’envie ! Sur le cœur du Christ, dans la paix sereine de la campagne fleurie d’avril…

632.20

Jésus dépose avec calme le vieillard sur l’herbe fleurie qui ondule à la brise, au pied d’une rangée de vignes, et il dit aux enfants, étonnés et effrayés, tout près de pleurer :

« Ne pleurez pas. Il est mort dans le Seigneur. Bienheureux ceux qui meurent en lui ! Allez, mes enfants, prévenir les habitants d’Engaddi que le chef de la synagogue a vu le Ressuscité et que sa prière a été exaucée. Ne pleurez pas ! Ne pleurez pas ! »

Il les caresse en les conduisant à la sortie. Puis il revient près du défunt, lui remet en ordre la barbe et les cheveux, lui baisse les paupières restées mi-closes, met en place ses membres et étend sur lui le manteau qu’Abraham avait enlevé pour travailler.

Il reste jusqu’au moment où il entend des voix sur la route. Alors il se redresse. Splendide… Ceux qui accourent le voient. Ils crient. Ils hâtent le pas pour rejoindre Jésus. Mais lui se dérobe à leurs regards dans l’éclat d’un rayon plus vif du soleil.

VIII. Elie, l’essénien du Kérith.

632.21

L’âpre solitude de l’âpre montagne au fond de laquelle coule le Kérith. Elie est en prière, encore plus décharné et plus barbu. Il porte un vêtement de laine rêche, ni gris ni marron, qui le rend semblable aux rochers qui l’entourent.

Il perçoit un son, comme si c’était le vent ou le tonnerre. Il lève la tête : Jésus est apparu sur un rocher en équilibre au-dessus d’un précipice au fond duquel court le torrent.

« Le Maître ! »

Il se jette à terre, le visage contre le sol.

« C’est moi, Elie. Tu n’as pas senti le tremblement de terre[9] de la Parascève ?

– Si, je l’ai senti et je suis descendu à Jéricho et chez Nikê. Je n’ai trouvé personne de ceux qui t’aiment. J’ai demandé de tes nouvelles. Ils m’ont frappé. Puis j’ai senti une seconde fois la terre trembler, mais plus légèrement, et je suis revenu ici faire pénitence, en pensant que les digues de la colère céleste se sont ouvertes.

– C’étaient celles de la miséricorde divine. Je suis mort et ressuscité. Regarde mes plaies. Rejoins sur le Thabor les serviteurs du Seigneur et dis-leur que c’est moi qui t’ai envoyé. »

Il le bénit et disparaît.

IX. A Dorca et à son enfant, au château de Césarée de Philippe.

632.22

L’enfant de Dorca, soutenu par sa mère, fait ses premiers pas sur le bastion de la forteresse. Et Dorca, penchée comme elle l’est, ne voit pas apparaître le Seigneur. Mais quand elle lui laisse quelque liberté, elle le voit qui se met à marcher avec assurance et rapidité vers le coin du bastion. Elle se redresse donc pour courir afin de l’empêcher de tomber, et peut-être de mourir s’il passe à travers les mâchicoulis ou passages destinés aux armes offensives. Ce faisant, elle voit Jésus prendre l’enfant sur son cœur et l’embrasser. La femme n’ose faire un geste, mais elle pousse un cri. Un cri qui fait lever la tête aux personnes qui se tiennent dans les cours et attire les visages aux fenêtres :

« Le Seigneur ! Le Seigneur ! Le Messie est ici ! Il est vraiment ressuscité ! »

Mais avant que les gens ne puissent accourir, Jésus a déjà disparu.

« Tu es folle ! Tu as rêvé ! Un jeu de lumière t’aura fait voir un fantôme.

– Oh ! Il était bien vivant ! Voyez comme mon fils regarde dans cette direction, et comme il a dans ses mains une pomme belle comme son petit visage. Il la ronge avec ses quenottes en riant. Moi, je n’ai pas de pommes…

– Personne n’a des pommes mûres ces jours-ci, et si fraîches… constatent-ils avec émotion.

632.23

Interrogeons Tobie, suggèrent quelques femmes.

– Et que voulez-vous qu’il réponde ? Il sait à peine dire maman ! »

Les hommes se moquent d’elles. Mais elles se penchent sur le petit garçon et demandent :

« Qui t’a donné cette pomme ? »

Et l’enfant, qui sait à peine prononcer les mots les plus élémentaires, dit avec assurance, en riant de toutes ses petites dents et de ses gencives encore vides :

« Jésus.

– Oh !

– Hé ! vous l’appelez Yésaï ! Il sait dire son nom.

– Jésus-toi, ou Jésus le Seigneur ? Quel Seigneur ? Où l’as-tu vu ? »

Les femmes le harcèlent de questions.

« Là, le Seigneur. Jésus le Seigneur.

– Où est-il ? Où est-il allé ?

– Là. »

Il indique le ciel plein de soleil en riant de bonheur, et il mord sa pomme.

Pendant que les hommes s’éloignent en hochant la tête, Dorca dit aux femmes :

« Il était beau. Il semblait vêtu de lumière. Et il avait sur les mains la marque des clous, rouge comme un bijou dans tant de blancheur. Je l’ai bien vu, car il tenait l’enfant ainsi : »

Elle mime le geste de Jésus.

632.24

L’intendant accourt, se fait répéter le récit, réfléchit et conclut :

« Le psaume le dit bien[10] : “ Ta splendeur est chantée par la bouche des enfants, des tout-petits. ” Alors pourquoi pas la vérité ? Eux sont innocents. Quant à nous… souvenons-nous de ce jour… Mais non ! Je vais dans le village des disciples. Je vais voir si le Rabbi s’y trouve… Il était pourtant mort… Mais… »

Et sur ce “ mais… ” qu’il finit de conclure intérieurement, l’intendant s’en va, tandis que les femmes, exaltées, continuent de poser d’interroger le petit garçon, qui rit et répète :

« Jésus, là. Et puis là. Jésus Seigneur »

Et il indique le lieu où était Jésus, puis le soleil où il l’a vu disparaître, heureux, heureux.

X. Aux personnes rassemblées dans la synagogue de Cédès.

632.25

Les habitants de Cédès sont rassemblés dans la synagogue et discutent des derniers événements avec le vieux Matthias, le chef de la synagogue. La synagogue est plutôt obscure, car les portes sont fermées et les rideaux baissés sur les fenêtres, de lourds rideaux que le vent d’avril a du mal à faire bouger.

Un éclair illumine la pièce. Cela semble être un éclair, mais c’est la lumière qui précède Jésus. Sa manifestation frappe de stupeur une grande partie de l’assistance. Il ouvre les bras. Ses blessures aux mains et aux pieds sont bien visibles, car il apparaît sur la plus haute des trois marches qui conduisent à une porte fermée. Il dit :

« Je suis ressuscité. Je vous rappelle la discussion[11] que j’ai eue avec les scribes. A cette génération mauvaise, j’ai donné le signe que j’avais promis : celui de Jonas. A qui m’aime et est fidèle je donne ma bénédiction. »

Rien de plus. Il a disparu.

« Mais c’était lui ! D’où vient-il ? Il était bien vivant ! Il l’avait dit ! Voilà ! Maintenant, je comprends. Le signe de Jonas, ce sont les trois jours qu’il a passés dans les entrailles de la terre, puis la résurrection… »

Les commentaires forment un vrai brouhaha…

XI. A un groupe de rabbins, à Giscala.

632.26

Je vois un groupe venimeux de rabbins tenter de convaincre quelques hommes hésitants. Ils voudraient obtenir que ces derniers se rendent chez Gamaliel, qui s’est enfermé chez lui et refuse de voir qui que ce soit.

Ces hommes leur répliquent :

– « Nous vous le certifions, il n’est pas ici. Nous ne savons pas où il est. Il est venu, il a consulté des rouleaux, et il est reparti sans dire un mot. Il faisait peur tant il paraissait bouleversé et vieilli. »

De mauvaise grâce, les rabbins leur tournent le dos et s’éloignent en maugréant :

« Gamaliel est aussi fou que Simon ! Ce n’est pas vrai que le Galiléen est ressuscité ! Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai qu’il est Dieu. Ce n’est pas vrai. Rien n’est vrai. Nous seuls sommes dans le vrai. »

L’angoisse même avec laquelle ils répètent que ce n’est pas vrai montre leur peur que ce ne le soit, leur besoin de se rassurer.

Après avoir longé les murs de la maison, ils parviennent à côté de la tombe de Hillel. Aboyant toujours leurs négations, ils lèvent la tête… et s’enfuient en poussant les hauts cris. Jésus, qui est très bon avec les bons, est ici terrible de puissance. Il a les bras ouverts comme sur la croix. Les plaies des mains rougissent comme si elles suintaient du sang. Il ne dit pas un mot, mais il les foudroie du regard.

Les rabbins fuient, tombent, se relèvent, se blessent contre des arbres ou des pierres… Ils sont fous de peur. Ils ressemblent à des meurtriers qui se retrouvent en présence de leur victime.

XII. A Joachim et Marie, à Bozra.

632.27

« Marie ! Marie ! Joachim et Marie ! Venez, sortez ! »

Ceux-ci se trouvent dans une pièce paisible, éclairée par une lampe, l’une occupée à coudre, l’autre à faire des comptes. Ils lèvent la tête, se regardent… Joachim, blanc de peur, murmure :

« C’est la voix du Rabbi ! Il vient de l’autre vie… »

Craintive, la femme apeurée se serre contre l’homme.

Mais l’appel se répète et tous deux, en se tenant étroitement pour se donner du courage, osent sortir, aller dans la direction de la voix.

Dans le jardin, qu’éclaire la faucille de la nouvelle lune, Jésus resplendit. La lumière qui l’entoure, plus forte que plusieurs lunes, fait de lui un Dieu. Son sourire très doux et son regard plein d’amour en font un homme :

« Allez dire aux habitants de Bozra que vous m’avez vu vivant et réel. Racontez-le au Thabor, toi, Joachim, à ceux qui vont s’y rassembler. »

Après les avoir bénis, il disparaît.

« Mais c’était lui ! Ce n’était pas un rêve ! Demain, je pars en Galilée. Il a bien parlé du Thabor, n’est-ce pas ?… »

XIII. A Ephraïm, chez Marie, femme de Jacob.

632.28

La femme est en train de pétrir de la farine pour faire du pain. Elle se retourne en s’entendant appeler, et voit Jésus. Elle se prosterne aussitôt, le visage contre le sol, les mains par terre, muette d’adoration, un peu effrayée.

Jésus prend la parole :

« Tu diras à tous que tu m’as vu et que je t’ai parlé. Le Seigneur n’est pas soumis au tombeau. Je suis ressuscité le troisième jour, comme je l’avais promis. Persévérez, vous qui êtes dans ma voie, et ne vous laissez pas séduire par les paroles de ceux qui m’ont crucifié. Que ma paix soit avec toi. »

XIV. Chez Syntica à Antioche.

632.29

Syntica est occupée à plier des vêtements pour préparer un sac de voyage. C’est le soir, car une petite lampe, posée sur une table, diffuse une très relative lueur tremblante. La pièce s’illumine vivement. Etonnée, Syntica lève la tête pour voir ce qui arrive, d’où vient cette lumière si claire dans cette pièce toute close. Mais avant qu’elle ne voie, Jésus la devance :

« C’est moi. N’aie pas peur. Je me suis montré à plusieurs personnes pour les confirmer dans la foi. Je me montre à toi aussi, qui es obéissante et fidèle. Je suis ressuscité. Tu vois ? Je ne souffre plus. Pourquoi pleures-tu ? »

Devant la beauté du Glorifié, la femme ne trouve pas ses mots… Jésus lui sourit pour l’encourager et ajoute :

« Je suis ce même Jésus qui t’a accueillie[12] sur la route, près de Césarée. Tu savais parler à cette époque, alors que tu étais toute craintive et que j’étais pour toi l’Inconnu. Et maintenant, tu ne sais pas me dire un mot ?

– Seigneur ! Je m’apprêtais à partir… pour m’ôter du cœur tant d’inquiétude et de douleur…

– Pourquoi de la douleur ? Ne t’a-t-on pas annoncé que j’étais ressuscité ?

– On l’a annoncé et démenti. Mais je ne me suis pas laissée troubler par ces contradictions. Je savais que tu ne pouvais pas te décomposer dans un tombeau. J’ai pleuré sur ton martyre. J’ai cru, avant même qu’on ne m’en parle, à ta résurrection. Et j’ai continué de croire quand d’autres sont venus prétendre le contraire. Mais je voulais aller en Galilée. Je pensais : à lui, on ne peut plus faire de mal. Il est davantage Dieu qu’homme. Je ne sais si je m’exprime bien…

– Je comprends ta pensée.

– Et je me disais : je l’adorerai et je verrai Marie. Je supposais que tu ne resterais pas beaucoup parmi nous, de sorte que je hâtais mon départ. Je pensais : quand il sera retourné au Père, comme il disait, sa Mère sera un peu triste malgré sa joie, car c’est une âme, mais aussi une mère… Et j’essaierai de la consoler, maintenant qu’elle est seule… J’étais orgueilleuse !

– Non. C’était de la pitié. Je ferai part de ton désir à ma Mère. Mais n’y va pas. Reste là où tu es et continue à œuvrer pour moi, plus encore maintenant qu’avant. Tes frères, les disciples, ont besoin du travail de tous pour pouvoir propager ma doctrine. Tu m’as vu. Marie est confiée à Jean. N’aie plus aucune peine. La certitude de m’avoir vu et la puissance de ma bénédiction te permettront de fortifier ton âme. »

632.30

Syntica a un grand désir de l’embrasser, mais elle n’ose pas. Jésus lui dit :

« Viens. »

Elle s’enhardit alors et se traîne à genoux près de Jésus. Mais au moment de lui baiser les pieds, elle voit les deux plaies et retient son geste. En larmes, elle prend un coin du vêtement et le baise en murmurant :

« Que t’ont-ils fait ! » Puis une question : « Et Jean-Félix ? »

– Il est heureux. Il ne se souvient plus que de l’amour, et il vit en lui. Paix à toi, Syntica. »

Il disparaît.

La femme reste dans l’adoration, à genoux, le visage levé, les mains un peu tendues, des larmes sur le visage, un sourire sur les lèvres…

XV. Chez Zacharie le lévite.

632.31

Il est assis dans une petite pièce, l’air pensif, la tête penchée sur une main. C’est Zacharie, le lévite[13].

« Ne sois pas dubitatif. N’écoute pas les voix qui te troublent. Je suis la Vérité et la Vie. Regarde-moi. Touche-moi. »

Le jeune homme a levé la tête aux premières paroles, il a vu Jésus et a glissé à genoux. Il s’écrie :

« Pardonne-moi, Seigneur. J’ai péché. J’ai laissé le doute sur ta vérité s’installer en moi.

– Les coupables sont, plus que toi, ceux qui cherchent à séduire ton esprit. Ne cède pas à leurs tentations. Je suis un corps vivant et réel. Sens le poids et la chaleur, la consistance et la force de ma main. »

Il lui prend l’avant-bras et le lève avec force :

« Lève-toi et marche dans les voies du Seigneur, loin du doute et de la peur. Heureux seras-tu si tu sais persévérer jusqu’à la fin. »

Il le bénit et disparaît.

Le jeune homme, après un instant d’étourdissement émerveillé, se précipite hors de la pièce en criant :

« Mère ! Père ! J’ai vu le Maître. Ce que prétendent les autres n’est pas vrai ! Je n’étais pas fou. Ne continuez pas à croire au mensonge, mais bénissez avec moi le Très-Haut qui a eu pitié de son serviteur. Je pars. Je vais en Galilée. Je vais trouver quelques-uns des disciples. Je vais leur dire de croire qu’il est vraiment ressuscité. »

Il ne prend ni sac, ni nourriture ni vêtements. Il saisit son manteau et part en courant sans même laisser à ses parents le temps de revenir de leur stupeur et de pouvoir intervenir pour le retenir.

XVI. A une femme de la plaine de Saron, qui obtient la guérision de son fils malade.

632.32

Je vois une route du littoral. Il est possible que ce soit celle qui unit Césarée à Joppé, ou une autre, je l’ignore. Je sais que je vois de la campagne à l’intérieur et la mer à l’extérieur, bleu vif, après la ligne jaunâtre de la rive. La route est certainement une artère romaine, comme en témoigne son pavement.

Une femme en pleurs marche sur cette voie aux premières heures d’un matin serein. L’aurore est encore toute proche. La femme doit être très lasse, car elle s’arrête de temps à autre pour s’asseoir sur une borne milliaire ou sur la route. Puis elle se relève et poursuit son chemin, comme si quelque chose la poussait à se hâter, en dépit de sa fatigue.

Jésus, un voyageur couvert d’un manteau, vient à côté d’elle. La femme ne le regarde pas. Elle avance, absorbée dans sa douleur. Jésus lui demande :

« Pourquoi pleures-tu, femme ? D’où viens-tu ? Et où vas-tu ainsi toute seule ?

– Je viens de Jérusalem et je retourne chez moi.

– C’est loin ?

– A mi-chemin entre Joppé et Césarée.

– A pied ?

– Dans la vallée qui précède Modin, des voleurs ont pris mon âne et ce qu’il portait.

– Tu as été imprudente de voyager seule. Ce n’est pas l’habitude de faire route seul pour la Pâque.

– Je n’étais pas venue pour la Pâque. J’étais restée à la maison, car j’ai un enfant malade ; j’espère l’avoir encore… Mon mari était parti avec les autres. Je l’ai laissé prendre de l’avance et, quatre jours après, je me suis mise en chemin. Car j’ai pensé : “ Certainement, Jésus est à Jérusalem pour la Pâque. Je vais l’y chercher. ” J’avais un peu peur, mais je me suis dit : “ Je ne fais rien de mal. Dieu me voit. Je crois et je sais qu’il est bon. Il ne me repoussera pas, parce que… »

Elle s’arrête, comme apeurée, et jette un coup d’œil rapide sur l’homme qui marche près d’elle, si bien couvert qu’on voit à peine ses yeux, les yeux uniques de Jésus. Celui-ci prend la parole :

632.33

« Pourquoi te tais-tu ? Tu as peur de moi. Crois-tu que je sois un ennemi de celui que tu cherchais ? Car tu cherchais le Maître de Nazareth pour lui demander de venir chez toi guérir l’enfant, en l’absence de ton mari…

– Je vois que tu es un prophète. C’est bien cela. Mais quand je suis arrivée en ville, le Maître était mort. »

Les sanglots l’étouffent…

« Il est ressuscité. Ne le crois-tu pas ?

– Je le sais. Je le crois. Mais moi… je… Pendant quelques jours, j’ai espéré le voir, moi aussi… On dit qu’il s’est montré à certains. J’ai retardé mon départ… Chaque jour m’était une douleur car… mon enfant est si malade… Mon cœur était partagé… Partir pour le consoler au moment de la mort… Rester pour chercher le Maître… Je n’avais pas la prétention de lui demander de venir chez moi, mais de me promettre la guérison.

– Et tu aurais cru ? Tu penses que, de loin… ?

– Je crois. Ah ! s’il m’avait dit : “ Va en paix. Ton fils guérira ”, je n’aurais pas douté. Mais je ne le mérite pas, car… »

Elle sanglote, et presse son voile sur sa bouche comme pour s’empêcher de parler.

« Parce que ton mari est l’un des accusateurs et des bourreaux de Jésus-Christ. Mais Jésus-Christ est le Messie. Il est Dieu. Or Dieu est juste, femme. Il ne punit pas un innocent à cause d’un coupable. Il ne torture pas une mère parce que le père est pécheur. Jésus-Christ est la Miséricorde vivante…

– Oh ! Tu es peut-être l’un de ses apôtres ? Tu sais où il est ? Toi… Peut-être t’a-t-il envoyé me dire cela. Il a senti, il a vu ma douleur, ma foi, et il t’envoie à moi comme le Très-Haut a envoyé l’archange Raphaël à Tobie. Dis-le-moi s’il en est ainsi et, bien que je sois épuisée jusqu’à en être fiévreuse, je retournerai sur mes pas chercher le Seigneur.

– Je ne suis pas un apôtre. Mais les apôtres sont restés plusieurs jours encore à Jérusalem après sa Résurrection…

– C’est vrai. Je pouvais le leur demander.

– Certainement. Ils sont le prolongement du Maître.

– Je ne pensais pas qu’ils pourraient faire des miracles.

– Ils en ont fait encore…

– Mais maintenant… On m’a dit qu’un seul est resté fidèle, et je ne croyais pas…

– Si. C’est ton mari qui t’a tenu ces propos, pour se moquer de toi dans son délire de faux triomphateur. Mais moi, je te dis que tout homme peut pécher, car Dieu seul est parfait. Et il peut se repentir. Or s’il se repent, sa force grandit et Dieu augmente ses grâces en raison de sa contrition. Le Très-Haut n’a-t-il pas pardonné à David ?

632.34

– Mais qui es-tu ? Qui es-tu pour me parler avec tant de douceur et de sagesse, si tu n’es pas un apôtre ? Un ange, peut-être ? L’ange gardien de mon enfant ? Il a peut-être expiré et tu es venu me préparer… »

Jésus laisse tomber le manteau qui lui couvrait la tête et le visage et, passant de l’humble aspect d’un pèlerin ordinaire à sa majesté de Dieu-Homme, revenu de la mort, il dit avec une douce solennité :

« C’est moi. Je suis le Messie qu’on a crucifié en vain. Je suis la Résurrection et la Vie. Va, femme. Ton fils vit, car j’ai récompensé ta foi. Ton fils est guéri. Car si le Rabbi de Nazareth a achevé sa mission, l’Emmanuel continue la sienne jusqu’à la fin des siècles pour tous ceux qui ont foi, espérance et charité dans le Dieu un et trine, dont le Verbe incarné est une Personne qui, en raison du divin amour, a quitté le Ciel pour venir enseigner, souffrir et mourir pour donner la Vie aux hommes. Va en paix, femme. Et sois forte dans la foi, car le temps est venu où, dans une même famille, l’époux s’opposera à son épouse, le père à ses enfants et ces derniers à celui-là, par haine ou par amour pour moi. Mais bienheureux ceux que la persécution n’arrachera pas à ma Voie. »

Il la bénit et disparaît.

XVII. A des bergers sur le grand Hermon.

632.35

Un groupe de bergers séjournent avec leurs troupeaux sur les pentes de magnifiques pâturages. Ils discutent des événements de Jérusalem. Ils se disent avec peine : “ Nous n’aurons plus sur la terre l’ami des bergers ” et ils rappellent leurs nombreuses rencontres avec lui, ici ou là…

« Rencontres, soupire un vieux berger, que nous ne ferons jamais plus. »

Jésus apparaît comme s’il arrivait de derrière un bosquet enchevêtré où les grands troncs sont entourés de buissons bas qui cachent la vue du sentier. Ils ne le reconnaissent pas en cet homme solitaire et murmurent, en le voyant ainsi enveloppé dans un vêtement blanc :

« Qui cela peut-il être ? Un essénien ? Ici ? Un riche pharisien ? »

Ils sont perplexes.

Jésus leur demande :

« Pourquoi dites-vous que vous ne rencontrerez plus le Seigneur ? Car celui dont vous parlez, c’est le Seigneur.

– Nous le savons. Mais ignores-tu ce qu’on lui a fait ? Certains racontent qu’il est ressuscité, d’autres non. Mais même s’il est ressuscité, comme nous préférons le croire, maintenant il est parti. Comment peut-il désormais aimer et rester au milieu d’un peuple qui l’a crucifié ? Et nous qui l’aimions, même si nous ne l’avions pas tous connu, nous sommes tristes de l’avoir perdu.

– Il y a une manière de l’avoir encore auprès de vous. Il enseignait ce moyen.

– Oui, en agissant selon son enseignement. Alors on obtient le Royaume des Cieux et l’on est avec lui. Mais auparavant, il faut vivre et mourir. Or il n’est plus parmi nous pour nous réconforter. »

Ils hochent la tête.

« Mes petits-enfants, ceux qui mettent son enseignement en pratique et gardent sa doctrine dans leur cœur, c’est comme s’ils avaient Jésus dans le cœur. En effet Parole et Doctrine sont une seule et même science. Il n’était pas un Maître à enseigner des choses qui ne lui ressemblent pas. Par conséquent, Jésus vit en chaque homme fidèle à sa parole. Celui-ci n’en est donc pas séparé.

– Tu parles bien, mais nous sommes de pauvres hommes et… nous voudrions aussi le voir de nos yeux pour bien ressentir la joie… Moi, je ne l’ai jamais vu, et mon fils non plus, ni Jacob — celui-ci —, ni Melchias — celui-là —, pas plus que Jacques — cet autre —, ou Saül. Tu vois combien, parmi nous, ne l’ont pas vu ? Nous étions sans cesse à sa recherche, et quand nous arrivions, il était parti !

– Vous n’étiez pas à Jérusalem ce jour-là ?

– Oh si ! Mais quand nous avons appris ce qu’on voulait lui faire, nous nous sommes enfuis comme des fous sur les montagnes, pour revenir en ville après le sabbat. Nous ne sommes pas coupables de son sang, car nous n’étions pas dans la ville. Mais nous avons mal agi en étant lâches. Nous l’aurions vu, au moins, et salué. Il nous aurait sûrement bénis pour notre salut… Mais, vraiment, nous n’avons pas eu le courage de le voir endurer de tels tourments !

– C’est lui qui vous bénit maintenant. Regardez celui dont vous désirez connaître le visage. »

Il se manifeste, splendidement divin sur la verdure du pré. Devant leur stupeur qui les jette à terre, mais qui aussi cloue leurs pupilles sur le visage divin, il disparaît dans une lumière éblouissante.

XVIII. A Sidon, dans la maison de l’enfant aveugle-né.

632.36

L’enfant joue tout seul sous une tonnelle touffue. Il s’entend appeler, et se trouve face à Jésus. Bien peu craintif, il lui demande :

« Tu es le Rabbi qui m’a donné mes yeux[14] ? »

De ses yeux limpides d’enfant, d’un bleu pareil à ceux de Jésus, son regard plonge dans les yeux divins étincelants.

« C’est bien moi, mon enfant. Tu n’as pas peur de moi ? »

Il lui caresse la tête.

« Peur, non. Mais maman et moi, nous avons beaucoup pleuré quand mon père est revenu plus tôt que prévu, et nous a raconté qu’il s’était enfui parce qu’on avait attrapé le rabbi pour le tuer. Il n’a pas fait la Pâque et doit partir de nouveau pour la faire. Mais tu n’es pas mort, alors ?

– Je suis mort. Regarde mes blessures. Mort sur la croix. Mais je suis ressuscité. Tu diras à ton père de demeurer quelque temps à Jérusalem après la seconde Pâque, et de rester aux alentours de l’Oliveraie, à Bethphagé. Il trouvera là quelqu’un qui lui indiquera ce qu’il doit faire.

– Mon père pensait te chercher. A la fête des Tentes, il n’a pas pu te parler. Il voulait te dire qu’il t’aimait en raison des yeux que tu m’as donnés. Mais il n’a pas pu le faire, ni alors, ni maintenant…

– Il le fera en ayant foi en moi. Adieu, mon enfant. Paix à toi et à ta famille. »

XIX. Chez les paysans de Yokhanan.

632.37

Les champs de Yokhanan s’étendent sous le baiser de la lune. Silence absolu. Cette nuit étouffante oblige les paysans à garder ouverte au moins une porte de leur pauvre demeure pour ne pas mourir de chaleur dans les pièces basses où sont entassés trop de corps pour ce qu’elles peuvent contenir.

Jésus entre dans une pièce. Il semble que c’est la lune elle-même qui allonge son rayonnement pour lui étendre un tapis royal sur le sol de terre battue. Il se penche sur un dormeur, qui se tient à plat ventre dans un sommeil lourd de fatigue. Il l’appelle. Il passe à un autre, et à un suivant. Il les appelle tous, ses fidèles et pauvres amis. Il a la légèreté et la rapidité d’un ange qui vole. Il entre dans d’autres masures… Puis il va les attendre dehors, près d’un bouquet d’arbres.

Les paysans, encore à moitié endormis, sortent de leurs taudis. Deux, trois, un seul, cinq ensemble, quelques femmes. Ils sont stupéfaits d’avoir tous été appelés par une voix connue qui a dit à chacun les mêmes mots :

« Venez à la pommeraie. »

Ils s’y rendent, les hommes en finissant d’enfiler leurs pauvres vêtements, et les femmes d’arranger leurs tresses, et ils parlent doucement.

« Il m’a semblé que c’était la voix de Jésus de Nazareth.

– Peut-être son âme. Ils l’ont tué. L’avez-vous entendu dire ?

– Moi, je ne peux pas le croire. Il était Dieu.

– Pourtant Joël l’a vu sous la croix…

– On m’a raconté hier, pendant que j’attendais que le régisseur traite ses affaires, que ses disciples sont passés par Jezraël et qu’ils ont annoncé qu’il était vraiment ressuscité.

– Tais-toi ! Tu sais ce qu’a dit le maître : la flagellation attend celui qui tient ce genre de propos.

– La mort, peut-être. Mais ne serait-ce pas mieux plutôt que de souffrir ainsi ?

– Et il n’est plus là, désormais !

– Ils sont encore plus mauvais, maintenant qu’ils ont réussi à le tuer.

– Ils sont méchants parce qu’il est ressuscité. »

Ils parlent tout bas en se dirigeant vers le lieu qui leur a été indiqué.

632.38

« Le Seigneur ! s’exclame une femme en tombant la première à genoux.

– Son fantôme ! » s’écrient d’autres.

Certains prennent peur.

« C’est moi. Ne craignez rien. Ne criez pas. Avancez. C’est vraiment moi. Je suis venu confirmer votre foi, que je sais attaquée par d’autres. Vous voyez ? Mon corps fait de l’ombre parce que c’est un vrai corps. Vous ne rêvez pas, non. C’est bien ma vraie voix. Je suis ce même Jésus qui rompait le pain avec vous et vous montrait son amour. Maintenant aussi, je vous donne mon amour. Je vous enverrai mes disciples. Et ce sera encore moi, car ils vous donneront ce que je vous donnais et ce que je leur ai donné pour pouvoir me communiquer à ceux qui croient en moi.

Portez votre croix comme j’ai porté la mienne. Soyez patients. Pardonnez. Ils vous raconteront comment je suis mort. Imitez-moi. Le chemin de la douleur est le chemin du Ciel. Suivez-le avec paix et vous obtiendrez mon Royaume. Il n’y a pas d’autre voie que celle de la résignation à la volonté de Dieu, de la générosité, de la charité envers tous. S’il en avait existé une autre, je vous l’aurais indiquée. Moi, je suis passé par elle, car c’est la voie juste. Soyez fidèles à la Loi du Sinaï dont les dix commandements sont immuables, et à ma Doctrine. Il en viendra qui vous instruiront pour que vous ne soyez pas abandonnés aux menées des mauvais. Je vous bénis. Rappelez-vous toujours que je vous ai aimés et que je suis venu parmi vous avant et après ma glorification. En vérité, je vous dis que beaucoup auraient désiré me voir maintenant, et ne me verront pas. Beaucoup de grands. Je me montre à ceux que j’aime et qui m’aiment. »

Un homme ose dire :

« Alors… le Royaume des Cieux existe vraiment ? Tu étais vraiment le Messie ? Eux nous influencent…

– N’écoutez pas leurs paroles. Rappelez-vous les miennes, et faites bon accueil à celles de mes disciples, que vous connaissez. Ce sont des paroles de vérité. Et ceux qui les accueillent et les mettent en pratique, même s’ils sont serviteurs ou esclaves, seront habitants et cohéritiers de mon Royaume. »

Il les bénit en ouvrant les bras et disparaît.

632.39

« Oh ! Je n’ai plus peur de rien, moi !

– Moi non plus. Tu as entendu ? Même pour nous, il y a une place !

– Il nous faut être bons !

– Pardonner !

– Patienter !

– Savoir résister.

– Chercher les disciples.

– Il est venu chez nous, pauvres serviteurs…

– Nous le dirons à ses apôtres.

– Si Yokhanan le savait !

– Et Doras !

– Ils nous tueraient pour nous empêcher de parler !

– Mais nous nous tairons. Nous n’en parlerons qu’aux serviteurs du Seigneur.

– Michée, ne dois-tu pas te rendre avec cette charge à Séphoris ? Pourquoi n’irais-tu pas à Nazareth en parler…

– A qui ?

– A la Mère de Jésus. Aux apôtres. Ils seront peut-être avec elle… »

Ils s’éloignent en parlant de leurs projets.

XX. Sur les terres de Daniel, parent d’Elchias, avec Simon, le membre du Sanhédrin.

632.40

Elchias, le pharisien, est en train de discuter avec ses pareils pour savoir ce qu’il faut faire de Simon, le membre du Sanhédrin qui, devenu fou le vendredi saint, parle et dit trop de choses. Les avis divergent. Certains suggèrent de l’isoler dans quelque endroit désert où ses cris ne pourraient être entendus que par un serviteur très fidèle et partageant leurs idées ; d’autres, plus bienveillants et plus confiants, pensent qu’il s’agit d’un malaise passager et qu’il suffirait de le laisser là où il est.

Elchias répond :

« Ne sachant où le conduire, je l’ai amené ici. Mais vous savez que je doute beaucoup de mon parent Daniel… »

D’autres, plus mauvais encore qu’Elchias, s’exclament :

« Il veut fuir, aller en mer. Pourquoi ne pas le satisfaire ?

– Parce qu’il n’est pas capable de faire des actes ordonnés. Seul en mer, il périrait et aucun de nous n’est capable de mener une barque.

– Et même si c’était le cas ! Qu’arriverait-il au lieu du débarquement, avec ce qu’il dit ? Laissez-le choisir sa route… En présence de tous, et même de ton parent, fais en sorte qu’il lui indique sa volonté, et qu’il soit fait selon son désir. »

Cette proposition est approuvée. Elchias hèle un serviteur, et lui ordonne de faire venir Simon et d’appeler Daniel. Ils arrivent l’un et l’autre et, si Daniel a l’air d’un homme qui se sent mal à l’aise auprès de certaines gens, l’autre a vraiment l’air d’un fou.

« Ecoute-nous, Simon. Tu dis que nous te gardons prisonnier parce que nous voulons te tuer…

– Vous le devez, car tel est le commandement.

– Tu délires, Simon. Tais-toi et écoute. Où te semble-t-il que tu guérirais ?

– En mer. En mer. Au milieu de la mer. Là où il n’y a ni voix ni tombeau. Car les tombeaux s’ouvrent, et les morts en sortent. Ma mère dit…

– Tais-toi ! Ecoute : nous t’aimons comme notre chair. Veux-tu vraiment y aller ?

– Bien sûr que je le veux. Car ici les tombeaux s’ouvrent. Ma mère…

– Tu iras… Nous allons te conduire au bord de la mer, nous te donnerons une barque et tu…

– Mais c’est un homicide ! Il est fou ! Il ne peut s’y rendre seul ! s’écrie l’honnête Daniel.

– Dieu ne fait pas violence à la volonté de l’homme. Pourrions-nous faire ce que Dieu ne fait pas ?

– Mais il est fou ! Il n’a plus de volonté propre. Il est plus simplet qu’un nouveau-né ! Vous ne pouvez pas !…

– Tais-toi. Tu es un paysan, rien de plus. C’est nous qui savons… Demain, nous partirons pour la mer. Sois content, Simon. Pour la mer, comprends-tu ?

– Ah ! je n’entendrai plus les voix de la terre ! Plus les voix…Ah ! »

632.41

Un long cri, un spasme d’agitation, ses yeux et ses oreilles se ferment. Et un autre cri, celui de Daniel qui s’enfuit, terrorisé.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’arrive-t-il ? Arrêtez ce fou et cet imbécile ! Serions-nous tous en train de perdre la tête ? » s’exclame Elchias.

Mais après avoir couru quelques mètres, celui qu’Elchias appelle l’imbécile, c’est-à-dire son parent Daniel, se prosterne sur le sol, pendant que l’autre écume en une convulsion effrayante, et hurle :

« Faites-le taire ! Il n’est pas mort et il crie, il crie, il crie ! Plus que ma mère, plus que mon père, plus qu’il ne le faisait sur le Golgotha ! Là, là, vous ne le voyez pas ? »

Il indique l’endroit où se trouve Daniel, paisible, souriant, la tête levée.

Furieux, Elchias le rejoint et le secoue rudement sans s’occuper de Simon, qui se roule par terre en écumant et pousse des cris de bête au milieu du cercle terrifié des autres.

Elchias apostrophe Daniel :

« Visionnaire fainéant, veux-tu me dire ce que tu fais ?

– Laisse-moi. Maintenant, je te connais. Et je m’éloigne de toi. J’ai vu celui que vous voulez me faire croire mort. Il s’est montré bienveillant pour moi, terrible pour vous. Je pars. Plus que l’argent et n’importe quelle richesse, je protège mon âme. Adieu, maudit ! Et, si tu peux, fais en sorte de mériter le pardon de Dieu.

– Mais où vas-tu ? Moi, je ne veux pas !

– As-tu le droit de me garder prisonnier ? Qui te l’a donné ? Je t’abandonne ce que tu aimes et je m’apprête à suivre ce que j’aime. Adieu. »

Il lui tourne le dos et s’éloigne d’un bon pas, comme tiré par une force surhumaine, avant de descendre la pente verte des oliviers et des vergers.

Elchias est livide et pas lui seul. La colère les étrangle tous. Elchias menace de se venger sur son parent, sur tous ceux qui “ avec leurs frénésies ” prétendent que le Galiléen est vivant. Il veut parler, il veut agir…

Quelqu’un, je ne sais qui, intervient :

« Nous agirons, nous agirons, mais nous ne pourrons pas fermer toutes les bouches et tous les yeux de ceux qui parlent parce qu’ils voient. Nous sommes vaincus ! Notre crime nous accable. Maintenant arrive l’expiation… »

Pris d’une angoisse qui le rend semblable à un condamné qui gravit les marches d’un échafaud, il se frappe la poitrine.

« C’est la vengeance de Yahveh » ajoute-t-il.

La terreur millénaire d’Israël lui déforme la voix.

Pendant ce temps, blessé, écumant, effrayant, Simon fait entendre des cris de damné :

« Parricide[15], m’a-t-il dit ! Faites-le taire ! Parricide ! C’est ce que disait ma mère ! Les morts emploient-ils donc tous les mêmes mots ? »

XXI. A une femme de Galilée, qui obtient la résurrection de son mari.

632.42

La nouvelle lune, près de se coucher, est sur le point de faire disparaître son croissant encore mince derrière la bosse d’une montagne. Sa clarté est donc très relative, et elle ne dominera bientôt plus la vaste campagne.

Un voyageur marche cependant sur le chemin solitaire, un petit chemin, un sentier au milieu des champs plus qu’autre chose. Il tient, suspendue par un anneau, l’une de ces lanternes rudimentaires vieilles comme le monde qui servent généralement aux charretiers pour s’éclairer la nuit. Comme le verre n’est pas courant — je le crois même tout à fait inconnu, car il ne m’est jamais arrivé d’en voir dans aucune maison, que ce soit comme verre à boire, vase, ou protection aux fenêtres —, la flamme de cette lanterne est abritée par quelque chose qui peut être aussi bien du mica que du parchemin. Sa lueur est si faible qu’elle peut tout juste servir à créer un halo. Mais comme la lune se cache entièrement, la lumière de ce pauvre fanal paraît plus vigoureuse et apporte une clarté vacillante dans l’obscurité de la campagne.

Le voyageur marche sans s’arrêter…

L’aube commence à poindre à l’extrémité de l’horizon, mais si faiblement, pour l’instant, qu’elle n’éclaire rien, et le lumignon est encore nécessaire.

Près d’un petit pont attend ou se repose une autre personne bien emmitouflée dans son manteau. Hésitant, le voyageur au fanal, qui se dirige vers ce pont, fait halte. Il se demande s’il doit passer par là ou revenir en arrière, à l’endroit où le lit d’un petit torrent est garni de larges pierres qui peuvent servir à passer à pied sec.

La personne assise sur la rive rustique faite d’un tronc d’arbre qui a encore son écorce blanc-vert, lève la tête pour observer celui qui s’est arrêté. Elle se met debout et dit :

« N’aie pas peur de moi. Approche. Je suis un bon compagnon, pas un voleur. »

C’est Jésus. Je le reconnais à sa voix plus qu’à son aspect, encore voilé par le crépuscule profond que la lumière n’arrive pas à rompre jusqu’à l’endroit où se tient Jésus. Mais le voyageur hésite.

« Viens, femme. Ne crains rien. Nous allons faire un bout de chemin ensemble, et ce sera bon pour toi. »

La femme — je sais maintenant que c’est une femme — avance, vaincue par la douceur de la voix ou par une force secrète, mais elle hoche la tête en murmurant :

« Rien ne sera jamais plus bon pour moi. »

632.43

Ils marchent maintenant côte à côte sur le chemin, assez large pour permettre le passage de deux piétons. L’aube qui progresse découvre, d’un côté, une rigide forêt miniature de blés mûrs qui attendent d’être fauchés. De l’autre côté, ils sont déjà coupés et gisent en gerbes sur le champ dépouillé de sa gloire de moissons mûres.

« Maudites ! » lance à voix basse la femme en jetant un regard sur les gerbes étendues par terre.

Jésus se tait.

Le jour avance. La femme éteint sa pauvre lanterne et, ce faisant, découvre son visage dévasté par les larmes. Elle lève la tête pour regarder vers l’orient, où une ligne jaune-rose annonce le lever du soleil. Elle tend le poing dans cette direction, et reprend :

« Maudit sois-tu !

– Le jour ? C’est Dieu qui l’a fait, comme il a fait les blés. Ce sont des bienfaits de Dieu. Il ne faut pas les maudire… dit doucement Jésus.

– Mais moi je les maudis. Je maudis le soleil et les moissons. Et j’ai raison de le faire.

– N’ont-ils pas été bons pour toi pendant tant d’années ? Le premier n’a-t-il pas fait mûrir pour toi le pain quotidien, le raisin qui se change en vin, les légumes et les fruits du jardin, et n’a-t-il pas fait pousser l’herbe dans les pâturages pour nourrir les brebis et les agneaux dont le lait et la viande t’ont nourrie et avec la toison desquels tu as tissé tes vêtements ? Et le blé ne t’a-t-il pas donné le pain, à toi, mais également à tes enfants, à ton père et à ta mère, à ton époux ? »

Elle éclate en sanglots et pousse un cri :

« Je n’ai plus d’époux ! Ils l’ont tué ! Il était allé travailler, car nous avons sept enfants et le peu que nous possédions ne suffisait pas à nourrir dix personnes. Hier soir, il est arrivé en disant : “ Je suis fatigué, je ne me sens pas bien ”, et il s’est jeté sur le lit, brûlant de fièvre. Sa mère et moi l’avons secouru comme nous le pouvions. Nous avions l’intention d’appeler aujourd’hui le médecin de la ville… Mais il est mort après le chant du coq. Le soleil l’a tué. Je vais en ville chercher ce qu’il faut. A mon retour, je penserai à prévenir ses frères. J’ai laissé sa mère pour veiller son fils et mes enfants… et je suis partie pour faire ce qu’il convient… Et je ne devrais pas maudire le soleil brûlant et les blés ? »

Si elle était maîtresse d’elle-même au début, à tel point que je ne me doutais pas que c’était une femme et surtout une femme affligée, elle a maintenant laissé sa douleur rompre ses digues et déborder avec force. Elle confie tout ce qu’elle n’a pas dit chez elle “ pour ne pas réveiller ses enfants qui dorment dans la pièce voisine ”, tout ce qui lui pesait tellement sur le cœur que cela lui donnait l’impression qu’il allait éclater. Souvenirs d’amour, peur de l’avenir, douleur de veuve passent confusément comme des débris arrachés à la rive, sur l’eau gonflée d’un fleuve en crue…

632.44

Jésus la laisse parler. Car Jésus sait compatir à la douleur, il la laisse s’épancher, pour que la personne soit soulagée et que la fatigue qui succède au débordement de la douleur la rende capable d’écouter celui qui la console. Alors, il lui dit d’une voix douce :

« A Naïm, à Nazareth, et dans les villages situés entre les deux, il y a des disciples du Rabbi de Nazareth. Va les trouver…

– Et que veux-tu qu’ils fassent ? Si le Rabbi était encore là !… Mais eux ? Ce ne sont pas des saints ! Mon mari était à Jérusalem ce fameux jour… Et il sait… Oh non ! Il savait ! Il ne sait plus rien ! Il est mort !

– Que faisait ton mari ce jour-là ?

– Quand la clameur de la rue l’a réveillé, il a couru sur la terrasse de la maison où il se trouvait avec ses frères, et il a vu passer le Rabbi que l’on conduisait au Prétoire. Avec les autres Galiléens, il l’a suivi jusqu’à ce qu’il soit mort. On leur a jeté des pierres, à lui et aux autres, quand on a découvert qu’il était galiléen, là-haut sur la colline, et on les a repoussés plus bas. Mais ils sont restés là jusqu’à ce que tout soit accompli. Puis… ils s’éloignèrent… Et maintenant mon mari est mort. Ah ! Si au moins je savais que, grâce à sa pitié pour le Rabbi, il est en paix ! »

Jésus ne répond pas à ce désir, mais il dit :

« Dans ce cas, il aura vu qu’il y avait des disciples sur le Golgotha. Peut-être que tous les Galiléens se sont conduits comme ton mari ?

– Oh non ! Beaucoup, même de Nazareth, l’ont injurié. On le sait. Quelle honte !

– Alors, si beaucoup, même à Nazareth, n’ont pas éprouvé d’amour pour leur Jésus, si pourtant il leur a pardonné — et beaucoup se sanctifieront à l’avenir —, pourquoi veux-tu juger de la même manière les disciples du Christ ? Veux-tu être plus sévère que Dieu ? Dieu accorde beaucoup à ceux qui pardonnent…

– Il n’est plus là, le bon Rabbi ! Il n’est plus là ! Et mon mari est mort lui aussi…

– Le Rabbi a donné à ses disciples le pouvoir de faire ce que lui faisait.

– Je veux le croire. Mais lui seul était capable de vaincre la mort. Lui seul !

– Ne lit-on pas qu’Elie rendit l’esprit au fils de la veuve de Sarepta ? En vérité, je te dis qu’Elie était un grand prophète, mais que les serviteurs du Sauveur, qui est mort et ressuscité parce qu’il était le Fils du vrai Dieu incarné pour racheter les hommes, ont un pouvoir encore plus grand. La raison en est que, sur la croix, Jésus leur a pardonné leurs péchés à eux d’abord : il connaissait, par sa divine sagesse, la véritable douleur de leurs esprits contrits. Il les a sanctifiés après sa résurrection par un nouveau pardon et leur a infusé l’Esprit Saint pour qu’ils puissent me représenter dignement à la fois par la parole et par les actes, afin que le monde ne reste pas dans la désolation après mon départ. »

632.45

La femme recule vivement, stupéfaite. Elle rejette son voile en arrière pour bien voir son compagnon. Mais elle ne le reconnaît pas et croit avoir mal compris. Pourtant, elle n’ose plus parler…

« As-tu peur de moi ? Tu m’as d’abord pris pour un voleur prêt à te dépouiller de l’argent que tu caches dans ton sein, et qui est destiné à acheter le nécessaire pour la sépulture. Et tu as eu peur. Maintenant, redoutes-tu de savoir que je suis Jésus ? Et Jésus n’est-il pas celui qui donne et ne prend pas ? Celui qui sauve et ne détruit pas ? Reviens sur tes pas, femme. Je suis la Résurrection et la Vie. Linceul et aromates ne seront pas nécessaires pour celui qui n’est pas mort, qui n’est plus mort, car je suis celui qui vainc la mort et récompense celui qui a foi. Va ! Rentre chez toi ! Ton mari est vivant. Aucune foi en moi ne reste sans récompense. »

Il fait le geste de la bénir et de s’en aller.

La femme sort de sa stupéfaction. Elle ne demande rien, elle ne doute pas… Non. Elle tombe à genoux pour adorer. Puis, finalement, elle ouvre la bouche et, fouillant dans son sein, elle en tire une bourse, petite, une pauvre bourse de pauvres gens auxquels la misère interdit des honneurs solennels pour leurs morts, et elle dit :

« Je n’ai rien d’autre pour te montrer ma reconnaissance, pour t’honorer, pour…

– Je n’ai pas besoin d’argent, femme. Tu le porteras à mes apôtres.

– Oh oui ! J’irai avec mon mari… Mais que te donner alors, mon Seigneur ? Quoi ? Toi, qui m’es apparu… ce miracle… et moi, qui ne t’ai pas reconnu… qui étais si si fâchée… qui me suis montrée si injuste, jusqu’avec les merveilles qui m’entourent…

– Oui. Et tu ne pensais pas qu’elles sont parce que, moi, je suis, et que tout est bon de ce que Dieu a fait. Si le soleil n’avait pas existé, s’il n’y avait pas eu les blés, tu n’aurais pas eu cette grâce que tu viens d’obtenir.

– Mais quelle douleur, pourtant !… »

La femme pleure en y pensant.

Jésus sourit et lui montre ses mains :

« Voici une minime partie de ma souffrance. Et je l’ai consumée tout entière sans me plaindre, pour votre bien. »

La femme s’incline jusqu’au sol pour reconnaître :

« C’est vrai. Pardonne ma plainte. »

632.46

Jésus disparaît dans sa lumière habituelle et, quand elle se redresse, elle se découvre seule. Elle se lève, regarde autour d’elle. Rien ne peut gêner sa vue, car c’est maintenant plein jour, et il n’y a que des champs de moissons tout autour. La femme se dit à elle-même :

« Pourtant, je n’ai pas rêvé ! »

Le démon, peut-être, la tente pour la faire douter, et elle a un instant d’incertitude tandis qu’elle soupèse la bourse dans ses mains.

Mais sa foi a le dessus. Elle tourne le dos à la direction vers laquelle elle faisait route, pour revenir sur ses pas, rapide comme si le vent la portait, sans qu’elle se fatigue, le visage éclairé d’un bonheur plus grand que toute joie humaine, tant il est paisible. Elle répète à chaque instant :

« Comme le Seigneur est bon ! Il est vraiment Dieu ! Il est Dieu. Que soit béni le Très-Haut et celui qu’il a envoyé. »

Elle ne sait pas dire autre chose. Et sa litanie se mêle maintenant au chant des oiseaux.

La femme est tellement absorbée qu’elle n’entend pas les salutations de certains moissonneurs qui la voient passer et lui demandent d’où elle vient à cette heure…

L’un d’eux la rejoint et lui demande :

« Marc va-t-il mieux ? Tu es allée chercher le médecin ?

– Marc est mort au chant du coq, puis il est ressuscité, car le Messie du Seigneur a fait cela, répond-elle sans ralentir.

– La douleur l’aura rendue folle ! » murmure l’homme,

En hochant la tête, il rejoint ses compagnons qui ont commencé à faucher le blé.

Les champs se peuplent progressivement. Mais la curiosité triomphe chez beaucoup, et ils se décident à suivre la femme, qui ne cesse de hâter le pas.

632.47

Elle court, elle vole. Voici une très pauvre maison, basse, solitaire, perdue dans la campagne. Elle s’y dirige en serrant ses mains sur son cœur.

A peine y a-t-elle posé le pied qu’une vieille femme se jette dans ses bras en criant :

« Ma fille, quelle grâce du Seigneur ! Prends courage, ma fille, car ce que je dois te dire est chose si grande, si heureuse, que…

– Je le sais, mère. Marc n’est plus mort. Où est-il ?

– Tu le sais… mais comment ?

– J’ai rencontré le Seigneur. Je ne l’ai pas reconnu, mais lui m’a parlé et quand cela lui a plu, il m’a annoncé : “ Ton mari vit. ” Mais ici… quand ?

– J’avais ouvert la fenêtre, et je regardais le premier rayon de soleil qui tombait sur le figuier. Oui, c’est vraiment ainsi. Le premier rayon a touché alors le figuier contre la pièce… quand j’ai entendu un profond soupir, comme quelqu’un qui se réveille. Tout effrayée, je me suis retournée et j’ai vu Marc s’asseoir, repousser le drap que je lui avais posé sur le visage, et regarder vers le haut avec un visage… un visage… Puis il a tourné les yeux vers moi, et s’est exclamé : “ Mère, je suis guéri ! ” Moi… Il s’en est fallu de peu que je meure à mon tour ! Il m’a secourue et a compris qu’il avait été mort. Il ne se rappelle rien. Il assure qu’il se souvient du moment où on l’a mis au lit, mais ensuite de plus rien jusqu’à ce qu’il voie un ange, une espèce d’ange qui avait le visage du Rabbi de Nazareth et qui lui a dit : “ Lève-toi ! ” Et il s’est levé. Exactement à l’heure où le soleil surgissait tout entier.

– C’est l’heure à laquelle Jésus m’a annoncé : “ Ton mari vit. ” Oh ! mère, quelle grâce ! Comme Dieu nous a aimés ! »

632.48

Les arrivants les trouvent embrassées et en larmes. Ils croient que Marc est mort et que sa femme, dans un instant de lucidité, a compris son malheur. Mais Marc, qui entend les voix, apparaît, serein, avec un enfant dans les bras et les autres attachés à sa tunique, et il dit à haute voix :

« Me voici. Bénissons le Seigneur ! »

On l’assaille de questions et, comme toujours dans les réalités humaines, la contradiction s’élève. Les uns croient à une véritable résurrection, les autres — les plus nombreux — qu’il était tombé en catalepsie, mais qu’il n’était pas réellement mort. Certains admettent que le Christ est apparu à Rachel, d’autres prétendent que ce sont là des fables car “ Jésus est mort ”, et d’autres encore :

« Il est ressuscité, mais il est tellement indigné, il doit l’être, qu’il ne fait plus de miracles pour son peuple assassin.

– Dites ce que bon vous semble, lance l’homme, qui perd patience, et dites-le où vous voulez. Il suffit que ce ne soit pas ici, dans cette maison où le Seigneur m’a ressuscité. Et allez-vous-en, malheureux ! Veuille le Ciel vous ouvrir l’intelligence pour que vous croyiez. Mais pour l’instant, partez et laissez-nous en paix ! »

Il les pousse dehors et ferme la porte.

632.49

Il serre sur son cœur sa femme et sa mère avant de reprendre :

« Nazareth n’est pas loin. Je vais y proclamer le miracle.

– C’est ce que veut le Seigneur, Marc. Nous porterons cet argent à ses disciples. Allons bénir le Seigneur. Comme nous sommes. Nous sommes pauvres, mais lui aussi l’était, et ses apôtres ne nous mépriseront pas. »

Elle entreprend de lacer les sandalettes des enfants pendant que sa belle-mère jette quelques provisions dans un sac et ferme portes et fenêtres. Marc va faire je ne sais quoi.

Ils sortent dès qu’ils sont prêts et marchent rapidement, les plus petits portés dans les bras, les autres joyeux et un peu stupéfaits autour de leurs parents. Ils prennent la direction de l’est de Nazareth, on le devine aisément. Cet endroit se trouve peut-être encore dans la plaine d’Esdrelon, mais dans une région différente de celles des domaines de Yokhanan.

632.1

Elisa, la madre di Annalia, piange sconsolatamente nella sua casa, chiusa in una stanzetta dove è un lettino senza coperture, forse quello di Annalia. Tiene il capo abbandonato sulle braccia, a loro volta abbandonate, tese sul lettuccio come per abbracciarlo tutto. Il corpo grava sui ginocchi in posa di languore. Di vigoroso non c’è che il suo pianto.

Poca luce entra dalla finestra aperta. Il giorno da poco è risorto. Ma una luce viva si fa quando entra Gesù.

Dico: entra, per dire che è nella stanza mentre prima non c’era. E dirò sempre così per significare il suo apparire in un luogo chiuso, senza stare a ripetermi come Egli si scopra da dietro ad una grande luminosità che ricorda quella della Trasfigurazione, da dietro un fuoco bianco — mi si permetta il paragone — che pare liquefare muri e porte per permettere a Gesù di entrare col suo vero, respirante, solido Corpo glorificato: un fuoco, una luminosità che su Lui si rinchiude e lo nasconde quando se ne va. Però, dopo, piglia l’aspetto bellissimo di Risorto, ma Uomo, proprio Uomo, di una bellezza centuplicata rispetto a quella[1] che già aveva prima della Passione. È Lui, ma è il Lui glorioso, Re.

632.2

«Perché piangi, Elisa?».

Non so come la donna non riconosca la Voce inconfondibile. Forse il dolore l’intontisce. Risponde come se parlasse a un parente che forse l’ha raggiunta dopo la morte di Annalia.

«Hai sentito ieri sera quegli uomini? Egli non era nulla. Potere magico, ma non divino. Ed io che mi rassegnavo alla morte di mia figlia pensandola amata da un Dio, in pace… Me lo aveva detto!…», piange ancor più forte.

«Ma lo videro risorto in molti. Solo Dio da Se stesso può risuscitarsi».

«L’ho detto anche io a quelli di ieri. Lo hai sentito. Ho combattuto le loro parole. Perché le loro parole erano la morte della mia speranza, della mia pace. Ma essi — hai sentito? — essi hanno detto: “Tutta commedia dei suoi seguaci per non confessarsi folli. Esso è morto e ben morto, e putrido, l’hanno trafugato e distrutto, dicendo che è risorto”. Hanno detto così… E che per questo l’Altissimo ha mandato il secondo terremoto, per fare loro sentire la sua ira per la loro sacrilega menzogna. Oh! non ho più conforto!».

«Ma se tu vedessi il Signore risorto, coi tuoi occhi, e lo palpassi con le tue mani, crederesti?».

«Non ne sono degna… Ma certo che crederei! Mi basterebbe vederlo. Non oserei toccare le sue Carni perché, se così fosse, sarebbero carni divine, e una donna non può avvicinarsi al San­to dei Santi».

632.3

«Alza il capo, Elisa, e guarda Chi ti è davanti!».

La donna alza la testa canuta, il viso sfigurato dal pianto, e vede… Cade ancor più ribassata sui calcagni, si sfrega gli occhi, apre la bocca su un grido che vuol salire ma che lo stupore strozza in gola.

«Sono Io. Il Signore. Tocca la mia Mano. Baciala. Mi hai sacrificato la figlia. Lo meriti. E ritrova, su questa Mano, il bacio spirituale della tua creatura. È in Cielo. È beata. Dirai questo ai discepoli e questo giorno».

La donna è così affascinata che non osa il gesto, ed è Gesù stesso che le preme sulle labbra la punta delle sue dita.

«Oh! sei proprio risorto!!! Felice! Felice sono! Te benedetto che mi hai consolata!».

Si curva per baciargli i piedi e lo fa, e resta così.La luce soprannaturale fascia nel suo splendore il Cristo, e la stanza è vuota di Lui. Ma la madre ha il cuore pieno di incrollabile certezza.

II. A Maria di Simone a Keriot, con Anna madre di Joanna e il vecchio Anania.

632.4

La casa di Anna, madre di Joanna. La casa di campagna dove Gesù, accompagnato dalla madre di Giuda, operò il miracolo[2] di guarire Anna. Anche qui una stanza e una giacente sul letto. Una che è irriconoscibile, tanto è sfigurata da un’angoscia mortale. Il viso è consumato. La febbre lo divora accendendo i pomelli sporgenti, tanto le gote sono incavate. Gli occhi, in un cerchio nero, rossi di febbre e di pianto, sono socchiusi sotto le palpebre gonfie. Là dove non è rossore di febbre, è giallore intenso, verdastro, come per bile sparsa nel sangue. Le braccia scarne, le mani affilate, sono abbandonate sulle coperture che un ansito affrettato solleva.

Presso la malata, che altra non è che la madre di Giuda, è Anna, la madre di Joanna. Essa asciuga lacrime e sudore, agita un ventaglio di palma, muta le pezze bagnate in un aceto aromatizzato sulla fronte e sulla gola della malata, le carezza le mani, le carezza i capelli disciolti, divenuti in poco tempo più bianchi che neri, sparsi sul guanciale e incollati dal sudore sulle orecchie fatte trasparenti. E piange anche Anna, dicendo parole di conforto: «Non così, Maria! Non così! Basta! Egli… egli ha peccato. Ma tu, tu lo sai come il Signore Gesù…».

«Taci! Quel Nome… a me… detto a me… si profana… Sono la madre… del Caino… di Dio! Ah!». Il pianto quieto si muta in sfinito, lacerante singhiozzo. Si sente affogare, si abbranca al collo dell’amica, che la soccorre nel vomito bilioso che le esce dalla bocca.

«Pace! Pace, Maria! Non così! Oh! che dirti per persuaderti che Egli, il Signore, ti ama? Te lo ripeto! Te lo giuro sulle cose a me più sante: il mio Salvatore e la mia creatura. Egli me lo ha detto quando tu me lo portasti. Egli ha avuto per te parole e previdenze di amore infinito. Tu sei innocente. Egli ti ama. Sono certa, certa sono che darebbe Se stesso un’altra volta per darti pace, povera madre martire».

«Madre del Caino di Dio! Senti? Quel vento, là, fuori… Lo dice… Va per il mondo la voce… la voce del vento, e dice: “Maria di Simone, madre di Giuda, colui che tradì il Maestro e lo consegnò ai suoi crocifissori”. Senti? Tutto lo dice… Il rio, là fuori… Le tortore… le pecore… Tutta la Terra grida che io sono… No, non voglio guarire. Morire voglio!… Dio è giusto e non colpirà me nell’altra vita. Ma qui, no. Il mondo non perdona… non distingue… Folle divengo perché il mondo urla…: “Sei la madre di Giuda!”».

Ricade esausta sui guanciali. Anna la ricompone ed esce per portare via i panni sporcati…

Maria, ad occhi chiusi, esangue dopo lo sforzo fatto, geme: «La madre di Giuda! di Giuda! di Giuda!». Ansa, poi riprende: «Ma cosa è Giuda? Cosa ho partorito? Cosa è Giuda? Cosa ho…».

632.5

Gesù è nella stanza, che un tremulo lume rischiara perché troppo poca ancora è la luce del giorno per illuminare la stanza vasta, nella quale il letto è nel fondo, molto lontano dall’unica finestra. Chiama dolcemente: «Maria! Maria di Simone!».

La donna è quasi delirante e non dà peso alla voce. È assente, rapita nei gorghi del suo dolore, e ripete le idee che ossessionano il suo cervello, monotonamente, come il tic tac di un pendolo: «La madre di Giuda! Cosa ho partorito? Il mondo urla: “La madre di Giuda”…».

Gesù ha due lacrime nell’angolo degli occhi dolcissimi. Mi stupiscono molto. Non pensavo che Gesù potesse piangere ancora dopo che è risorto…

Si curva. Il letto è così basso, per Lui così alto! Pone la Mano sulla fronte febbrile, respingendo le pezze umide d’aceto, e dice: «Un’infelice. Questo e non altro. Se il mondo urla, Dio copre l’urlo del mondo dicendoti: “Abbi pace, perché Io ti amo”. Guardami, povera mamma! Raccogli il tuo spirito smarrito e mettilo nelle mie mani. Sono Gesù!…».

Maria di Simone apre gli occhi come uscendo da un incubo e vede il Signore, sente la sua Mano sulla sua fronte, porta le mani tremanti al viso e geme: «Non mi maledire! Se avessi saputo cosa generavo, mi sarei strappate le viscere per impedire che egli nascesse».

«E avresti peccato. Maria! oh! Maria! Non uscire dalla tua giustizia per la colpa di un altro. Le madri che hanno fatto il loro compito non devono tenersi responsabili del peccato dei figli. Tu lo hai fatto il tuo dovere, Maria. Dammi le tue povere mani. Sii quieta, povera mamma».

«Sono la madre di Giuda. Immonda sono come tutto ciò che quel demonio toccò. Madre di un demonio! Non mi toccare». Si dibatte per sfuggire alle Mani divine che la vogliono tenere.

Le due lacrime di Gesù le cadono sul volto tornato acceso di febbre. «Io ti ho purificata, Maria. Il mio pianto di pietà è su te. Su nessuno ho pianto da quando ho consumato il mio dolore. Ma su te piango con tutta la mia amorosa pietà». È riuscito a prenderle le mani e si siede, sì, proprio si siede sull’orlo del lettuccio, tenendo quelle mani tremanti fra le sue.

La pietà amorosa dei suoi fulgidi occhi accarezza, fascia, medica l’infelice, che si calma piangendo tacitamente e mormorando: «Non m’hai rancore?».

«Ho amore. Sono venuto per questo. Abbi pace».

«Tu perdoni! Ma il mondo! Tua Madre! Mi odierà».

«Ella pensa a te come a una sorella. Il mondo è crudele. È vero. Ma mia Madre è la Madre dell’Amore, ed è buona. Tu non puoi andare per il mondo, ma Ella verrà a te quando tutto sarà in pace. Il tempo pacifica…».

«Fammi morire, se mi ami…».

«Ancora un poco. Tuo figlio non seppe darmi nulla. Tu dammi un tempo del tuo soffrire. Sarà breve».

«Mio figlio ti ha dato troppo… L’orrore infinito ti ha dato».

«E tu il dolore infinito. L’orrore è passato. Non serve più. Il tuo dolore serve. Si unisce a queste mie piaghe, e le lacrime tue e il Sangue mio lavano il mondo. Tutto il dolore si unisce per lavare il mondo. Le tue lacrime sono fra il mio Sangue e il pianto di mia Madre, e intorno intorno è tutto il dolore dei santi che soffriranno per il Cristo e per gli uomini, per amor mio e degli uomini. Povera Maria!».

La adagia dolcemente, le incrocia le mani, la guarda calmarsi…

632.6

Rientra Anna e resta sbalordita sulla soglia.

Gesù, che si è rialzato, la guarda dicendo: «Hai ubbidito al mio desiderio. Per gli ubbidienti è pace. La tua anima mi ha compreso. Vivi nella mia pace».

Riabbassa gli occhi su Maria di Simone, che lo guarda fra un fluire di lacrime più calme, e le sorride ancora. Le dice ancora: «Poni tutte le tue speranze nel Signore. Egli ti darà tutte le sue consolazioni». La benedice e fa per andarsene.

Maria di Simone ha un grido appassionato: «Si dice che mio figlio ti ha tradito con un bacio! È vero, Signore? Se sì, lascia che io lo lavi baciandoti le Mani. Non posso fare altro! Altro non posso fare per cancellare… per cancellare…». Il dolore la riprende più forte.

Gesù, oh! Gesù non le dà le Mani da baciare, quelle Mani sulle quali la larga manica della veste candida ricade sino a metà del metacarpo nascondendo le ferite, ma le prende il capo fra le mani e si curva a sfiorare con le labbra divine la fronte bruciante dell’infelicissima fra tutte le donne, e le dice nel rialzarsi: «Le mie lacrime e il mio bacio! Nessuno ha avuto tanto da Me. Sta’ dunque nella pace che fra Me e te non c’è che amore». La benedice e, traversata la stanza sveltamente, esce dietro ad Anna, che non ha osato venire avanti, né parlare, ma che lacrima di emozione.

632.7

Quando però sono nel corridoio che conduce alla porta di casa, Anna osa parlare, fare la domanda che le è nel cuore: «La mia Joanna?».

«Da quindici giorni gode nel Cielo. Non l’ho detto là, perché troppo è il contrasto fra tua figlia e suo figlio».

«È vero! Grande strazio! Io credo ne muoia».

«No. Non subito».

«Ora avrà più pace. Tu l’hai consolata. Tu! Tu che più di tutti…».

«Io che più di tutti la compiango. Io sono la divina Compassione. Io sono l’Amore. Io te lo dico, donna: sol che Giuda mi avesse gettato uno sguardo di pentimento, Io gli avrei ottenuto il perdono di Dio…». Che tristezza sul volto di Gesù!

La donna ne è colpita. Parole e silenzi combattono sulle sue labbra, ma è donna, e la curiosità la vince. Chiede: «Ma è stata una… un… Sì, voglio dire: quel disgraziato peccò all’improvviso, o…».

«Da mesi peccava e nessuna mia parola, nessun atto mio valse a fermarlo, tanto era forte la sua volontà di peccare. Ma non dire questo a lei…».

«Non dirò!… Signore! Che ora quando Anania, fuggito senza neppure ultimare la Pasqua da Gerusalemme, la notte stessa del Parasceve, entrò qui urlando: “Tuo figlio ha tradito il Maestro e lo ha consegnato ai suoi nemici! Con un bacio lo ha tradito. E io ho visto il Maestro percosso e sputacchiato, flagellato, coronato di spine, caricato della croce, crocifisso e morto per opera di tuo figlio. E il nome nostro è urlato con trionfo osceno dai nemici del Maestro, e sono narrate le gesta di tuo figlio che, per meno del prezzo che costa un agnello, ha venduto il Messia, e con il tradimento di un bacio lo ha indicato alle guardie!”. Maria cadde a terra, nera di colpo, e il medico dice che si è sparso il suo fiele e crepato il suo fegato, e tutto il sangue ne è corrotto. E… il mondo è cattivo. Ella ha ragione… Ho dovuto trasportarla qui, perché venivano presso la casa in Keriot a gridare: “Tuo figlio deicida e suicida! Impiccato si è! E Belzebù ha preso la sua anima e persino il corpo è venuto a prendersi Satana”. È vero questo orrendo prodigio?».

«No, donna. Egli fu trovato morto, appeso ad un ulivo…».

«Ah! E gridavano: “Cristo è risorto ed è Dio. Tuo figlio ha tradito Dio. Sei la madre del traditore di Dio. Sei la madre di Giuda”. Di notte, con Anania e un servo fedele, l’unico che mi è rimasto perché nessuno ha voluto stare presso di lei… l’ho portata qui. Ma quei gridi Maria li sente nel vento, nel rumore della terra, in tutto».

«Povera madre! È orrendo, sì».

«Ma quel demonio non ha pensato a questo, Signore?».

«Era una delle ragioni che usavo a trattenerlo. Ma non è valso. Giuda giunse a odiare Dio non avendo mai amato di vero amore padre e madre né alcun altro suo prossimo».

«È vero!».

«Addio, donna. La mia benedizione ti conforti a sopportare gli scherni del mondo per la tua pietà per Maria. Bacia la mia Mano. A te la posso mostrare. A lei avrebbe fatto troppo male vedere questo». Getta indietro la manica scoprendo il polso trafitto.

Anna ha un gemito mentre sfiora appena con le labbra la punta delle dita.

632.8

Il rumore di una porta che si apre e un grido soffocato: «Il Signore!». Un uomo vecchiotto si prostra e resta così.

«Anania, buono è il Signore. È venuto a confortare la tua parente, a confortare noi pure», dice Anna per confortare anche il vecchiotto nella sua troppo grande emozione.

Ma l’uomo non osa far movimento. Piange dicendo: «Siamo di un sangue orrendo. Non posso guardare il Signore».

Gesù va a lui. Lo tocca sul capo dicendo le stesse parole già dette a Maria di Simone: «I parenti che hanno fatto il loro dovere non devono tenersi responsabili del peccato del parente. Fa’ cuore, uomo! Dio è giusto. La pace a te e a questa casa. Io sono venuto e tu andrai dove ti mando. Per la Pasqua supplementare i discepoli saranno a Betania. Andrai da loro e dirai che il dodicesimo giorno dalla sua morte tu vedesti il Signore a Keriot, vivo e vero, in Carne ed Anima e Divinità. Ti crederanno perché già molto sono stato con loro. Ma li confermerà nella fede sulla mia Natura divina sapermi in ogni luogo nello stesso giorno. E prima ancora, oggi stesso, andrai a Keriot chiedendo al sinagogo di raccogliere il popolo, e dirai alla presenza di tutti che Io sono venuto qui e che si ricordino le mie parole del commiato[3]. Certo ti diranno: “Perché non è venuto da noi?”. Risponderai così: “Il Signore mi ha detto di dirvi che, se aveste fatto ciò che Egli vi aveva detto di fare verso la madre incolpevole, Egli si sarebbe mostrato. Avete mancato all’amore, e il Signore non si è mostrato per questo”. Lo farai?».

«È difficile questo, Signore! Difficile a farsi! Ci tengono tutti per dei lebbrosi di cuore… Non mi ascolterà il sinagogo, e non mi lascerà parlare il popolo. Forse mi percuoterà… Pure lo farò, poiché Tu lo vuoi». Il vecchiotto non alza il capo. Parla stando curvo in profonda prostrazione.

«Guardami, Anania!».

L’uomo alza un volto tremebondo di venerazione.

Gesù è fulgido e bello come sul Tabor… La luce lo copre nascondendo il suo aspetto e il suo sorriso… E vuoto di Lui resta il corridoio, senza che nessuna porta si sia mossa a dargli varco.

I due adorano, adorano ancora, fatti tutta adorazione dalla manifestazione divina.

III. Ai bambini di Jutta con la mamma Sara.

632.9

Il frutteto della casa di Sara. I bambini che giuocano sotto gli alberi fronzuti. Il più piccolo che si rotola sull’erba presso un filare folto di pampini, gli altri più grandi che si rincorrono con gridi di rondini in festa, giuocando a nascondersi dietro le siepi e le viti e a scoprirsi a vicenda.

Gesù, eccolo là apparire presso il piccino al quale ha dato il nome[4]. Oh! santa semplicità degli innocenti! Jesai non si stupisce vedendolo là, all’improvviso, ma gli tende le braccine per essere preso in braccio, e Gesù lo prende: la massima naturalezza è nell’atto di entrambi.

Sopraggiungono correndo gli altri e — ancora una volta beata semplicità dei fanciulli! — e senza stupore si avvicinano a Lui, felici. Sembra che nulla sia mutato per loro. Forse non sanno. Ma, dopo la carezza di Gesù ad ognuno, Maria, la più grandicella e assennata, dice: «Allora non soffri più, Signore, ora che sei risorto? Ho avuto tanto dolore!…».

«Non soffro più. Vi sono venuto a benedire prima di salire al Padre mio e vostro, nel Cielo. Ma anche di là vi benedirò sempre, se sarete sempre buoni. Direte a quelli che mi amano che ho lasciato a voi la mia benedizione, oggi. Ricordate questo giorno».

632.10

«Non vieni in casa? C’è la mamma. A noi non crederanno», dice ancora Maria. Ma suo fratello non chiede. Grida: «Mamma, mamma. Il Signore è qui!…», e correndo verso la casa ripete quel grido.

Sara accorre, si affaccia… in tempo per vedere Gesù, bellissimo sul limite del frutteto, annullarsi nella luce che lo assorbe…

«Il Signore! Ma perché non chiamarmi prima?…», dice Sara appena può dire parola. «Ma quando? da dove è venuto? Era solo? Stolti che siete!».

«Lo abbiamo trovato qui. Un minuto prima non c’era… Dalla strada non è venuto e neppure dall’orto. E aveva in braccio Jesai… E ci ha detto di essere venuto a benedirci e a darci la benedizione per quelli che lo amano a Jutta e di ricordare questo giorno. E ora va in Cielo. Ma ci vorrà bene se saremo buoni. Come era bello! Aveva le mani ferite. Ma non gli fanno più male. Anche i piedi erano feriti. Li ho visti fra l’erba. Quel fiore lì toccava proprio la ferita di un piede. Lo colgo io…», parlano tutti insieme, accesi di emozione. Sudano persino nel­l’orgasmo di dire.

Sara li carezza mormorando: «Dio è grande! Andiamo. Venite. Andiamo a dirlo a tutti. Parlate voi, innocenti. Voi potete parlare di Dio».

IV. Al giovinetto Jaia, a Pella.

632.11

Il giovinetto lavora con ardore intorno a un carretto. Lo sta caricando di verdure colte in un’ortaglia vicina. L’asinello batte lo zoccolo sul suolo duro della via campestre.

Nel volgersi per prendere un canestro di lattughe vede Gesù che gli sorride. Lascia cadere il cesto a terra e si inginocchia sfregandosi gli occhi, incredulo di ciò che vede, e mormora: «Altissimo, non trarmi in illusione! Non permettere, Signore, che io sia ingannato da Satana con falsi aspetti seduttori. Egli è ben morto, il mio Signore! E sepolto fu e or dicono che fu trafugato il cadavere. Pietà, Signore altissimo! Mostrami la verità».

«Io sono la Verità, Jaia. Io sono la Luce del mondo. Guardami. Vedimi. Ti ho reso la vista[5] per questo, perché tu potessi testimoniare della mia potenza e della mia Risurrezione».

«Oh! È proprio il Signore! Tu sei! Sì! Tu sei Gesù!». Si trascina sui ginocchi per baciargli i piedi.

«Dirai che mi hai visto e parlato e che sono ben vivo. Dirai che mi hai visto oggi. La pace a te e la mia benedizione».

Jaia resta solo. Felice. Dimentica carretto e verdure. Inutilmente l’asino batte irrequieto la via e raglia protestando per l’at­tesa… Jaia è estatico.

632.12

Una donna esce dalla casa presso l’ortaglia e lo vede là, pallido di emozione con un volto assente. Grida: «Jaia! Che hai? Che ti è accaduto?». Accorre, lo scrolla. Lo riporta sulla terra…

«Il Signore! Ho visto il Signore risorto. Gli ho baciato i piedi e visto le piaghe. Essi hanno mentito. Era proprio Dio ed è risorto. Io avevo paura che fosse un inganno. Ma è Lui! È Lui!».

La donna trema per un brivido d’emozione e mormora: «Ne sei proprio sicuro?».

«Tu sei buona, donna. Per amor di Lui ci hai preso per servi, me e la madre mia. Non volere non credere!…».

«Se tu sei sicuro, credo. Ma era proprio carne? Era caldo? Respirava? Parlava? Proprio una voce aveva, o ti è parso?».

«Sicuro sono. Era carne tiepida di vivo, era voce vera, era respiro. Bello come Dio, ma Uomo, come me e te. Andiamo, andiamo a dirlo a quelli che soffrono o dubitano».

V. A Giovanni di Nobe.

632.13

Il vecchio è solo nella sua casa. Ma è sereno. Aggiusta una specie di sedia che si è schiodata da un lato, e sorride chissà a che sogno.

Un bussare all’uscio. Il vecchio, senza lasciare il suo lavoro, dice: «Avanti. Che volete, voi che venite? Ancora di quelli? Sono vecchio per cambiare! Anche se tutto il mondo mi urlasse: “È morto”, io dico: “È vivo”. Anche dovessi morire per dirlo. Avanti, dunque!».

Si rialza per andare alla porta, per vedere chi è che bussa senza entrare. Ma, quando è là presso, essa si apre e Gesù entra.

«Oh! Oh! Oh! Il mio Signore! Vivo! Ho creduto! Ed Egli viene a premiare la mia fede! Benedetto! Io non ho dubitato.

Nel mio dolore ho detto: “Se mi ha mandato l’agnello[6] per il banchetto di letizia, segno è che in questo giorno risorgerà”. Allora ho capito tutto. Quando Tu sei morto e la terra si è scossa, io ho capito ciò che ancor non avevo capito. E sono sembrato folle, a Nobe, perché, tramontato il sole del dì dopo il sabato, ho preparato il banchetto andando ad invitare dei mendichi e dicendo: “È risorto l’Amico nostro!”. Già si diceva che non era vero. Si diceva che ti avevano rubato, la notte. Ma io non ho creduto, perché da quando sei morto ho capito che morivi per risorgere, e che questo era il segno di Giona».

632.14

Gesù lo lascia parlare sorridendo. Poi chiede: «Ed ora vuoi ancora morire[7], o vuoi rimanere per testimoniare la mia gloria?».

«Ciò che Tu vuoi, Signore!».

«No. Ciò che tu vuoi».

Il vecchione pensa. Poi decide: «Sarebbe bello uscire dal mondo, dove Tu non sei più come prima. Ma rinuncio alla pace del Cielo per dire agli increduli: “Io l’ho veduto!”».

Gesù gli posa la mano sul capo benedicendolo e aggiungendo: «Ma presto sarà anche la pace, e tu verrai a Me col grado di confessore del Cristo».

E se ne va. Qui, forse per pietà del vecchio annoso, non ha dato al suo apparire e sparire forma meravigliosa, ma ha fatto in tutto come fosse il Gesù di un tempo, che entrava e usciva da una casa, umanamente.

VI. A Mattia, il solitario presso Jabes Galaad.

632.15

Lavora il vecchio intorno alle sue verdure e monologa: «Tutte ricchezze che ho per Lui. E Lui non le gusterà mai più. Inutilmente ho lavorato. Io credo che Egli era il Figlio di Dio, che è morto ed è risorto. Ma non è più il Maestro che si asside alla mensa del povero o del ricco e spartisce con uguale amore, forse, certo anzi, con più amore il cibo col povero che col ricco. Ora è il Signore Risorto. È risorto per confermare nella fede noi suoi fedeli. E quelli dicono che non è vero. Che nessuno è mai risorto da sé. Nessuno. No. Nessun uomo. Ma Lui sì. Perché Lui è Dio».

Batte le mani a scacciare i suoi colombi, che scendono a rapire semi nella terra di fresco vangata e seminata, e dice: «Inutile ormai che voi prolifichiate! Egli non gusterà più della vostra prole! E voi, inutili api? Per chi fate il miele? Avevo sperato almeno una volta di averlo con me, ora che sono meno misero. Tutto ha prosperato qui, dopo la sua venuta… Ah! ma con quei denari, che mai ho toccato, io voglio andare a Nazaret, da sua Madre, dirle: “Fammi tuo servo, ma lasciami qui dove sei, perché tu sei ancora Lui”…». Si asciuga una lacrima col dorso della mano…

632.16

«Mattia, hai un pane per un pellegrino?».

Mattia alza il capo ma, così a ginocchi come è, non vede chi parla dietro l’alta siepe che cinge la sua piccola proprietà, sperduta in quella solitudine verde che è questo luogo d’oltre Giordano. Ma risponde: «Chiunque tu sia, vieni, in nome del Signore Gesù». E si alza in piedi per aprire la chiudenda.

Si trova di fronte Gesù e resta con la mano sul chiavistello, senza poter fare più gesto.

«Non mi vuoi per ospite, Mattia? Lo hai fatto una volta[8]. Ti rammaricavi di non poterlo più fare. Sono qui e non mi apri?», sorride Gesù…

«Oh! Signore… io… io… non sono degno che il mio Signore entri qui… Io…».

Gesù passa la mano sopra la chiudenda e fa agire il catenaccio dicendo: «Il Signore entra dove vuole, Mattia».

Entra, si inoltra nell’umile ortaglia, va alla casa, sulla soglia dice: «Sacrifica dunque i figli dei tuoi colombi. Leva dalla terra le tue verdure, e il miele alle tue api. Spezzeremo insieme il pane e non sarà stato inutile il tuo lavoro, vano il tuo desiderio. E caro ti sarà questo luogo, senza che tu vada là dove presto sarà silenzio e abbandono. Io sono dovunque, Mattia. Chi mi ama è con Me, sempre. I miei discepoli saranno a Gerusalemme. Là sorgerà la mia Chiesa. Fa’ di esservi per la Pasqua supplementare».

«Perdonami, Signore. Ma non ho saputo resistere in quel luogo e sono fuggito. Ero giunto là a nona del giorno avanti Parasceve, e il giorno dopo… Oh! sono fuggito per non vederti morire. Per questo solo, Signore».

«Lo so. E so che sei tornato, uno dei primi, per piangere sul mio sepolcro. Ma esso era già vuoto di Me. So tutto. Ecco, Io mi siedo qui e riposo. Ho sempre riposato qui… E gli angeli lo sanno».

632.17

L’uomo si dà da fare, ma sembra si muova in una chiesa tanto si muove con gesti riverenti. Ogni tanto si asciuga una lacrima che vuol mescolarsi al suo sorriso, mentre va e viene per prendere i colombi, ucciderli, prepararli, e attizzare la fiamma, e cogliere e sciacquare le verdure, e disporre in un piatto i fichi primaticci, e apparecchiare sulla povera tavola con le stoviglie migliori. Ma, quando tutto è pronto, come può sedere a mangiare? Vuole servire e gli pare già molto, non vuole di più.

Ma Gesù, che ha offerto e benedetto, gli offre metà del piccione, che ha tagliato mettendo la carne su un pezzo di focaccia che ha intinto nel sugo.

«Oh! come a un prediletto!», dice l’uomo e mangia, piangendo di gioia e di emozione, senza levare gli occhi da Gesù che mangia… che beve, che gusta le verdure, le frutta, il miele, che gli offre il suo calice dopo avere sorbito un sorso di vino. Prima aveva bevuto sempre acqua.

Il pasto è finito.

«Sono ben vivo. Lo vedi. E tu sei ben felice. Ricordati che dodici giorni fa Io morivo per volere degli uomini. Ma che nullo è il volere degli uomini quando ad esso non consente il volere di Dio. Anzi, il contrario volere degli uomini strumento servile diviene del Volere eterno. Addio, Mattia. Poiché ho detto che meco sarà chi mi dette da bere quando ero il Pellegrino sul quale ancora era lecito ogni dubbio, così Io ti dico: tu avrai parte nel mio Regno celeste».

«Ma ora ti perdo, o Signore!».

«In ogni pellegrino vedi Me; in ogni mendico, Me; in ogni infermo, Me; in ogni bisognoso di pane, acqua e vesti, Me. Io sono in ognuno che soffre, e ciò che è fatto a chi soffre, a Me è fatto».

Apre le braccia benedicendo e scompare.

VII. Ad Abramo di Engaddi, che gli muore tra le braccia.

632.18

La piazza di Engaddi: tempio ipòstilo di palme fruscianti. La fontana: specchio al cielo d’aprile. I colombi: murmure basso di organo.

Il vecchio Abramo la traversa con gli arnesi del lavoro sulle spalle. Ancor più vecchio, ma sereno come chi ha trovato ristoro dopo molta tempesta. Traversa anche il resto della città, va alle vigne presso le fonti. Le belle vigne ubertose, già piene di promesse di raccolto dovizioso. Vi entra, si dà a sarchiare, a potare, a legare. Ogni tanto si rialza, si appoggia alla zappa, pensa. Si liscia la barba patriarcale, sospira, scrolla il capo in un interno discorso.

Un uomo molto ammantellato sale la strada verso le fonti e le vigne. Dico: un uomo. Ma è Gesù, perché la veste è quella e quello è l’incesso. Ma per il vecchio è: un uomo. E l’Uomo interpella Abramo dicendo: «Posso sostare qui?».

«Sacra è l’ospitalità. Non l’ho mai ricusata ad alcuno. Vieni. Entra. Ti sia dolce il riposo all’ombra delle mie viti. Vuoi latte? Pane? Ti darò ciò che possiedo, qui».

«E Io che ti posso dare? Non ho nulla».

«Colui che è il Messia mi ha dato tutto, per tutti gli uomini. E per quanto io dia, nulla do rispetto a quel che Egli mi ha dato».

«Lo sai che lo hanno crocifisso?».

«So che è risorto. Sei tu un crocifissore? Io non posso odiare perché Egli non vuole odio. Ma, potessi, ti odierei se tu lo fossi».

«Non sono un suo crocifissore. Sta’ in pace. Tu dunque sai tutto di Lui».

«Tutto. Ed Eliseo… È mio figlio, sai? Eliseo non è più tornato da Gerusalemme, dicendo: “Congedami, padre, perché io lascio ogni bene per predicare il Signore. Andrò a Cafarnao, a cercare di Giovanni, e mi unirò ai discepoli fedeli”».

«Tuo figlio ti ha dunque lasciato? Così vecchio e solo?».

«È il mio gaudio sognato questo che tu chiami abbandono. Non mi aveva fatto orbo di lui la lebbra? E chi me lo ha reso? Il Messia. E lo perdo forse perché egli predica il Signore? Ma no! Lo ritrovo anche nella vita eterna.

632.19

Ma tu parli in un modo che mi dai sospetto. Sei un emissario del Tempio? Vieni a perseguitare chi crede nel Risorto? Colpisci! Non fuggo. Non imito i tre saggi[9] del tempo lontano. Io resto. Perché, se cado per Lui, lo raggiungo in Cielo e si compie la mia preghiera dell’anno avanti questo».

«È vero. Tu hai detto allora: “Ho aspettato ansiosamente il Signore ed Egli a me si è rivolto”».

«Come lo sai? Sei uno dei suoi discepoli? Eri qui con Lui quando lo pregai? Oh! se tale sei, aiutami a fargli giungere il mio grido, perché Egli lo ricordi». Si prostra credendo di parlare a un apostolo.

«Sono Io, Abramo di Engaddi, e ti dico: “Vieni”». Gli apre le braccia, Gesù, manifestandosi, e lo invita a precipitarsi in esse, ad abbandonarsi sul suo Cuore.

Entra in quel momento nella vigna un fanciullo, seguito da un giovinetto, chiamando: «Padre! Padre! Eccoci a darti aiuto».

Ma il trillante grido del fanciullo è soverchiato dal grido possente del vecchio, un vero grido di liberazione: «Ecco! Io vengo!». E si getta Abramo fra le braccia di Gesù, gridando ancora: «Gesù, Messia santo! Nelle tue mani raccomando lo spirito mio!».

Morte beata! Morte che invidio! Sul Cuore di Cristo, nella pace serena della campagna fiorente nell’aprile…

632.20

Gesù depone con calma il vecchio sull’erba fiorita che ondeggia alla brezza, al piede di un filare, e dice ai fanciulli rimasti stupiti e spaventati, prossimi al pianto: «Non piangete. È morto nel Signore. Beati coloro che muoiono in Lui! Andate, fanciulli, ad avvisare quelli di Engaddi che il loro sinagogo ha visto il Risorto ed ha avuto da Lui esaudita la sua preghiera. Non piangete! Non piangete!». Li accarezza guidandoli all’u­sci­ta.

Poi torna presso l’estinto e gli ravvia barba e capelli, gli abbassa le palpebre rimaste socchiuse, gli compone le membra e gli stende sopra il mantello che Abramo si era levato per lavorare.

Resta sinché sente delle voci sulla via. Allora si raddrizza. Splendido… Quelli che accorrono lo vedono. Gridano. Aumentano la loro corsa per raggiungere Gesù. Ma Egli si invola ai loro sguardi nel fulgore di un raggio più vivo del sole.

VIII. A Elia, l’esseno del Carit.

632.21

La solitudine aspra dell’aspra montagna dove scorre nel fondo il Carit. Elia che prega, ancor più scarno e barbuto, vestito di una ruvida veste di lana né bigia né marrone, che lo fa simile ai massi che lo circondano.

Sente un suono come di vento o di tuono. Alza il capo. Gesù è apparso su un masso sospeso in bilico sul precipizio nel cui fondo scorre il torrente.

«Il Maestro!». Si getta al suolo anche col volto.

«Io, Elia. Non hai sentito il terremoto[10] di Parasceve?».

«L’ho sentito e sono sceso a Gerico e da Niche. Non ho trovato nessuno di quelli che ti amano. Ho chiesto di Te. Mi hanno percosso. Poi ho sentito un’altra volta tremare la terra, ma più leggermente, e sono tornato qui, in penitenza, pensando che si è aperta la diga dell’ira celeste».

«Della Misericordia divina. Io sono morto e risorto. Guarda le mie piaghe. Raggiungi sul Tabor i servi del Signore e di’ loro che Io ti ho mandato».

Lo benedice e scompare.

IX. A Dorca e al suo bambino, nel castello di Cesarea di Filippo.

632.22

Il bambino di Dorca, sostenuto dalla madre, fa i primi passi sul bastione della fortezza. E Dorca, curva come è, non vede apparire il Signore. Ma quando, avendo lasciato un poco libero il fanciullino, lo vede darsi a camminare sicuro e svelto verso l’angolo del bastione, si rialza per correre acciò egli non caschi e forse perisca passando fra le merlature o passaggi fatti ad arte per le armi di offesa. E, nel farlo, vede Gesù che si raccoglie sul cuore l’infante e lo bacia.

La donna non osa fare un gesto. Ma grida, forte. Un grido che fa alzare il capo a quelli delle corti e sporgere volti dalle finestre: «Il Signore! Il Signore! Il Messia è qui! È veramente risorto». Ma, prima che la gente possa accorrere, Gesù è già scomparso.

«Sei pazza! Sognavi! Uno scherzo di luce ti ha fatto vedere un fantasma».

«Oh! era ben vivo! Guardate mio figlio come guarda là e come ha nelle mani una mela bella come il suo piccolo volto. La rode coi dentini e ride. Io non ho mele…».

«Nessuno ha mele mature di questi giorni, e fresche co­sì…», dicono rimanendo scossi.

632.23

«Interroghiamo Tobia», dicono alcune donne.

«E che volete fare? Sa appena chiamare “mamma”!», deridono degli uomini.

Ma le donne si curvano sul fanciullino e dicono: «Chi ti ha dato la mela?».

E la bocca, che quasi non sa dire le più elementari parole, dice sicura, tutta in un ridere di dentini minuti e di gengive ancor vuote: «Gesù».

«Oh!».

«Eh! lo chiamate Jesai! Sa dire il suo nome».

«Gesù tu, o Gesù il Signore? Quale Signore? Dove lo hai visto?», incalzano le donne.

«Lì, il Signore. Gesù il Signore».

«Dove è? Dove è andato?».

«Là», indica il cielo pieno di sole e ride felice, e morde la sua mela.

E mentre gli uomini se ne vanno scrollando il capo, Dorca dice alle donne: «Era bello. Pareva vestito di luce. E aveva sulle mani il segno dei chiodi, rosso come una gemma in tanto candore. Ho visto bene perché teneva il bambino così», e fa l’atto di Gesù.

632.24

Accorre l’intendente, si fa ripetere la storia, pensa, conclude: «Il salmo lo dice[11]: “Sulla bocca dei fanciulli e dei lattanti hai posta la lode perfetta”. E perché no la verità? Essi sono innocenti. E noi… Ricordiamo questo giorno… Ma no! Io vado nel paese dei discepoli. Vado a vedere se là è il Rabbi… Eppure… Era morto… Mah!…».

E su questo «mah!», che finisce di concludersi internamente, l’intendente se ne va, mentre le donne, esaltate, continuano a far domande al piccino, che ride e ripete: «Gesù, là. E poi là. Gesù Signore», e indica il luogo dove era Gesù, poi il sole nel quale lo vide sparire, felice, felice.

X. Alle persone raccolte nella sinagoga di Cedes.

632.25

La gente di Cedes è raccolta nella sinagoga e discute col vecchio Mattia, il sinagogo, sugli ultimi avvenimenti. La sinagoga è piuttosto semibuia, perché le porte sono chiuse e le tende calate sulle finestre, tende pesanti che il vento d’aprile smuove appena.

Un lampo illumina la stanza. Sembra un lampo, ma è la luce che precede Gesù. E Gesù si manifesta allo stupore dei molti. Apre le braccia e ben visibili appaiono le ferite alle mani e ai piedi, perché si mostra sull’ultimo dei tre gradini che conducono ad una porta chiusa. Dice: «Io sono risorto. Vi ricordo la disputa[12] fra Me e gli scribi. Alla generazione malvagia ho dato il segno che avevo promesso. Quello di Giona. A chi mi ama e mi è fedele do la mia benedizione». Nulla più. È scomparso.

«Ma era Lui! Da dove? Eppure era vivo! Lo aveva detto! Ecco! Ora capisco. Il segno di Giona: tre giorni nelle viscere della Terra e poi la risurrezione…».

Brusio di commenti…

XI. Ad un gruppo di rabbi a Giscala.

632.26

Un gruppo velenoso di rabbi, che cercano di persuadere alle loro richieste alcuni uomini che titubano. Vorrebbero ottenere che questi andassero da Gamaliele, che si è chiuso nella sua casa e non vuole vedere nessuno.

Dicono questi uomini: «Vi diciamo che non è qui. Non sappiamo dove è. È venuto. Ha consultato dei rotoli. È partito. Non ha detto una parola. Faceva paura, tanto era stravolto e invecchiato», ribattono gli altri[13].

Con mal garbo i rabbi volgono le spalle a questi che parlano e se ne vanno dicendo: «Anche Gamaliele è pazzo come Simone! Non è vero che il Galileo è risorto! Non è vero. Non è vero! Non è vero che è Dio. Non è vero. Nulla è vero. Noi soli siamo nel vero». Lo stesso affanno col quale dicono che non è vero mostra la loro paura che vero sia, il bisogno di rassicurarsi.

Hanno costeggiato il muro della casa e sono verso la tomba di Illele. Sempre latrando le loro negazioni, alzano il volto… e fuggono con un grido. Il Gesù buonissimo coi buoni è là, terribile di potenza, a braccia aperte come sulla croce… Le piaghe alle mani rosseggiano come ancora gocciassero sangue. Non dice una parola. Ma i suoi sguardi fulminano.

I rabbi fuggono, cadono, si rialzano, si feriscono contro piante e sassi, folli, resi folli di paura. Sono simili a omicidi ricondotti alla presenza della vittima.

XII. A Gioacchino e Maria, a Bozra.

632.27

«Maria! Maria! Gioacchino e Maria! Venite fuori».

I due, che sono in una stanza quieta, illuminata da un lume, una intenta a cucire, l’altro a far conti, alzano il capo, si guardano… Gioacchino, sbiancando di paura, sussurra: «La voce del Rabbi! Viene dall’altra vita…». La donna si stringe spaurita all’uomo.

Ma l’appello si ripete e i due, tenendosi stretti per farsi coraggio a vicenda, osano uscire, andare in direzione della voce.

Nel giardino, che illumina il falcetto di una luna novella, splende, in una luce più forte di molte lune, Gesù. La luce lo circonda e lo fa Dio. Il sorriso dolcissimo e lo sguardo amorevole lo fanno Uomo: «Andate a dire a quei di Bozra che mi avete visto vivo e reale. E ditelo al Tabor, tu, Gioacchino, a quelli là convenuti». Li benedice. Scompare.

«Ma era Lui! Non era un sogno! Io… Domani vado in Galilea. Ha detto al Tabor, vero?…».

XIII. A Maria di Giacobbe, ad Efraim.

632.28

La donna sta intridendo della farina per fare del pane. Si volta sentendosi chiamare e vede Gesù. Volto a terra, mani a terra, muta di adorazione, un poco spaventata.

Gesù parla: «Dirai a tutti che mi hai visto e che ti ho parlato. Il Signore non è soggetto al sepolcro. Sono risorto al terzo giorno come avevo predetto. Perseverate, voi che state nella mia via, e non vi lasciate sedurre dalle parole di quelli che mi hanno crocifisso. La mia pace a te».

XIV. A Sintica, ad Antiochia.

632.29

Sintica sta preparando una sacca da viaggio. È sera, perché arde un lume piccolo, tremulo, dalla luce molto relativa, posato su una tavola presso la donna intenta a ripiegare delle vesti.

La stanza si illumina vivamente e Sintica alza il capo, stupita, a vedere cosa succede, donde viene quella luce così chiara in quella stanza tutta chiusa. Ma, prima che veda, Gesù la previene: «Sono Io. Non temere. Mi sono mostrato a molti per confermarli nella fede. Anche a te mi mostro, discepola ubbidiente e fedele. Sono risorto. Vedi? Non ho più dolore. Perché piangi?».

La donna, davanti alla bellezza del Glorificato, non trova le parole… Gesù le sorride per incoraggiarla e soggiunge: «Sono lo stesso Gesù che ti ha accolta[14] sulla via presso Cesarea. Sapesti parlare allora che eri tanto timorosa e che ti ero lo Sconosciuto. Ed ora non sai dirmi una parola?».

«O Signore! Io stavo partendo… Per levarmi dal cuore tanta inquietudine e dolore».

«Perché dolore? Non ti hanno detto che ero risorto?».

«Hanno detto e contraddetto. Ma delle loro contraddizioni non mi sono turbata. Io sapevo che Tu non potevi corromperti in un sepolcro. Ho pianto sul tuo martirio. Ho creduto, prima ancora che me la dicessero, alla tua risurrezione. E ho continuato a credere quando sono venuti altri a dire che non era vero. Ma volevo venire in Galilea. Pensavo: a Lui non posso fare più del male. Egli ora è più Dio che Uomo. Non so se so dir bene…».

«Capisco il tuo pensiero».

«E dicevo: lo adorerò, e vedrò Maria. Pensavo che Tu non rimarresti molto fra noi e affrettavo la partenza. Dicevo: quando sarà tornato al Padre, come diceva, sua Madre sarà un poco triste nella sua gioia. Perché è un’anima, ma è anche una madre… E io cercherò di consolarla, ora che è sola… Superba ero!».

«No. Eri pietosa. Dirò a mia Madre il tuo pensiero. Ma non venire là. Resta dove sei e continua a lavorare per Me. Ora più di prima. I tuoi fratelli, i discepoli, hanno bisogno del lavoro di tutti per poter propagare la mia dottrina. Mi hai visto. Maria è affidata a Giovanni. Ogni tua pena cada. Potrai fortificare il tuo spirito nella certezza di avermi visto e con la potenza della mia benedizione».

632.30

Sintica ha una grande voglia di baciarlo. Ma non osa. Gesù le dice: «Vieni». E lei osa strascinarsi a ginocchi presso Gesù e fa l’atto di baciargli i piedi. Ma vede le due piaghe e non osa. Prende il lembo della veste e la bacia piangendo. E mormora: «Cosa ti hanno fatto!».

Poi ha una domanda: «E Giovanni-Felice?».

«È felice. Non ricorda più altro che l’amore e vive in esso. La pace a te, Sintica». Scompare.

La donna resta nell’atto adorante, in ginocchio, il volto alzato, le mani un poco tese, delle lacrime sul volto, un sorriso sulla bocca…

XV. Al levita Zaccaria.

632.31

È in una piccola stanza. Pensieroso, sta seduto, col capo reclino su una mano, Zaccaria, il levita[15].

«Non essere dubbioso. Non accogliere le voci che turbano. Io sono la Verità e la Vita. Guardami. Toccami».

Il giovane, che ha alzato il viso alle prime parole e ha visto Gesù, ed è scivolato in ginocchio, grida: «Perdonami, Signore. Io ho peccato. Ho accolto in me il dubbio sulla tua verità».

«Più di te, colpevoli coloro che cercano di sedurre il tuo spirito. Non cedere alle loro tentazioni. Sono corpo vivo e reale. Senti il peso e il calore, la consistenza e la forza della mia Mano». Lo prende per un avambraccio e lo alza con forza dicendo: «Sorgi e cammina nelle vie del Signore. Fuori dal dubbio e dalla paura. E te beato se saprai perseverare sino alla fine». Lo benedice e scompare.

Il giovane, dopo qualche attimo di sbalordita meraviglia, si precipita fuori dalla stanza gridando: «Madre! Padre! Ho visto il Maestro. Non è vero ciò che dicono gli altri! Non ero folle. Non vogliate persistere a credere alla menzogna, ma benedite con me l’Altissimo che ha avuto pietà del suo servo. Io parto. Vado in Galilea. Troverò qualcuno dei discepoli. Vado a dire loro che credano. Che Egli è proprio risorto».

Non prende sacca con cibo né vesti. Si ammanta e corre via, senza dare tempo ai genitori di rinvenire dal loro stupore e potere intervenire per trattenerlo.

XVI. Ad una donna della piana di Saron, che ottiene la guarigione del figlio malato.

632.32

Una via litoranea. Forse quella che unisce Cesarea a Joppe, o un’altra. Non so. So che vedo campagne nell’interno e mare all’esterno, azzurro vivo dopo la linea giallastra della riva. La strada è certo un’arteria romana. La sua pavimentazione lo testimonia.

Una donna piangente va per essa nelle prime ore di un sereno mattino. L’aurora è da poco sorta. La donna deve essere stanchissima, perché ogni tanto si ferma sedendosi su una pietra miliare o sulla via. Poi si rialza e procede, come se qualcosa la spronasse ad andare, nonostante la grande stanchezza.

Gesù, un viandante ammantellato, gli si pone al fianco. La donna non lo guarda. Procede assorbita nel suo dolore. Gesù la interroga: «Perché piangi, donna? Da dove vieni? E dove vai così tutta sola?».

«Vengo da Gerusalemme e torno a casa mia».

«Lontano?».

«A mezza via tra Joppe e Cesarea».

«A piedi?».

«Nella valle, prima di Modin, dei ladroni mi hanno preso l’asi­no e quanto era su esso».

«Sei stata imprudente ad andar sola. Non usa venire soli per la Pasqua».

«Non ero venuta per la Pasqua. Ero rimasta a casa, perché ho, spero di averlo ancora, un bambino malato. Mio marito era andato con gli altri. Io l’ho lasciato andare avanti e quattro giorni dopo sono andata io. Perché ho detto: “Certo Egli è a Gerusalemme per la Pasqua. Lo cercherò”. Avevo un poco paura. Ma ho detto: “Non faccio nulla di male. Dio vede. Io credo. E so che è buono. Non mi respingerà, perché…”». Si arresta come impaurita e getta uno sguardo fugace sull’uomo che le cammina vicino, così tutto coperto che appena se ne vedono gli occhi, gli inconfondibili occhi di Gesù.

632.33

«Perché taci? Hai paura di Me? Credi tu che Io sia nemico di Colui che tu cercavi? Perché tu cercavi il Maestro di Nazaret, per chiedergli che venisse nella tua casa a guarire il fanciullo mentre tuo marito era assente…».

«Vedo che sei profeta. Così è. Ma, quando sono arrivata in città, il Maestro era morto». Il pianto la soffoca…

«È risorto. Non lo credi?».

«Lo so. Lo credo. Ma io… Ma io… Per qualche giorno ho sperato di vederlo anche io… Si dice che si è mostrato ad alcuni. E ho tardato a partire… ogni giorno uno spasimo, perché… è tanto malato il mio bambino… Il mio cuore diviso… Andare per consolarlo nella morte… Rimanere per cercare il Maestro… Non pretendevo che venisse alla mia casa. Ma che mi promettesse guarigione».

«E avresti creduto? Pensi che da lontano…».

«Credo. Oh! se mi avesse detto: “Va’ in pace. Tuo figlio guarirà”, io non avrei dubitato. Ma non lo merito, perché…», piange premendosi il velo sulla bocca come per impedirle di parlare.

«Perché tuo marito è uno degli accusatori e carnefici di Gesù Cristo. Ma Gesù Cristo è il Messia. È Dio. E Dio è giusto, donna. Non punisce un innocente per il colpevole. Non tortura una madre perché un padre è peccatore. Gesù Cristo è Misericordia viva…».

«Oh! tu sei forse un suo apostolo? Tu forse sai dove è Egli? Tu… Forse Egli ti ha mandato a me per dirmi questo. Ha sentito, ha visto il mio dolore, la mia fede, e mi ti manda così come

l’Altissimo mandò l’arcangelo Raffaele a Tobiolo. Dimmelo se così è, ed io, benché stanca fino alla febbre, rivolgerò indietro i miei passi per cercare il Signore».

«Non sono un apostolo. Ma a Gerusalemme sono rimasti ancora gli apostoli per molti giorni dopo la sua Risurrezione…».

«È vero. Potevo chiedere a loro».

«Così. Essi continuano il Maestro».

«Non credevo potessero fare miracoli».

«Li hanno fatti ancora…».

«Ma ora… Mi hanno detto che solo uno è rimasto fedele, e non credevo…».

«Sì. Tuo marito ti ha detto così, schernendoti nel suo delirio di falso trionfatore. Ma Io ti dico che l’uomo può peccare, perché solo Dio è perfetto. E può pentirsi. E, se si pente, la sua fortezza cresce, e Dio gli aumenta le sue grazie per la sua contrizione. Non perdonò forse a Davide il Signore altissimo?».

632.34

«Ma chi sei? Ma chi sei, che parli così dolce e sapiente, se apostolo non sei? Un angelo, forse? L’angelo del mio bambino. Egli è forse spirato e tu sei venuto a prepararmi…».

Gesù lascia cadere il manto, e dal capo e dal volto, e passando dall’aspetto dimesso di un comune pellegrino all’imponenza sua di Dio-Uomo, risorto da morte, dice con dolce solennità: «Sono Io. Il Messia invano crocifisso. Sono la Risurrezione e la Vita. Vai, o donna. Tuo figlio vive, perché Io ho premiato la tua fede. Tuo figlio è guarito. Perché, se il Rabbi di Nazaret ha finito la sua missione, l’Emanuele continua la sua sino alla fine dei secoli per tutti coloro che hanno fede, speranza e carità nel Dio uno e trino, di cui il Verbo incarnato è una Persona, che per divino amore ha lasciato il Cielo per venire a insegnare, a patire e morire per dare agli uomini la Vita. Va’ in pace, donna. E sii forte nella fede, perché il tempo è venuto che in una famiglia lo sposo sarà contro la sposa, il padre contro ai figli e questi a quello, per odio o per amore per Me. Ma beati quelli che persecuzione non strapperà dalla mia Via».

La benedice e scompare.

XVII. A dei pastori sul Grande Ermon.

632.35

Un gruppo di greggi e di pastori. Sono a sosta su delle pendici dai pascoli splendidi. E parlano degli avvenimenti di Gerusalemme. E sono afflitti, dicendo l’uno all’altro: «Non avremo più sulla Terra l’Amico dei pastori», e rievocano i molti incontri fatti or qua or là con Lui… «Incontri», dice un vecchio, «che non faremo mai più».

Gesù appare come mettesse piede in quel luogo da dietro un bosco intricato, dove i fusti alti sono abbracciati da macchioni bassi che celano la vista del sentiero. Non lo riconoscono nel­l’uomo solitario e mormorano vedendolo così avvolto in vesti candide: «Chi è? Un esseno? Qui? Un ricco fariseo?». Sono perplessi.

Gesù interroga: «Perché dite che non incontrerete più il Signore? Perché Colui di cui parlate è il Signore».

«Lo sappiamo. Ma tu non sai ciò che gli hanno fatto? Ora c’è chi dice che è risorto e chi no. Ma, anche che sia risorto, come noi preferiamo credere, ora se ne sarà andato. Come può più amare e rimanere framezzo ad un popolo che lo ha crocifisso? E noi che lo amavamo, anche se non tutti lo avevamo conosciuto, siamo tristi di averlo perduto».

«C’è un modo di averlo ancora. Egli lo insegnava».

«Oh, sì! Facendo ciò che Egli insegnava. Allora si ha il Regno dei Cieli e si è con Lui. Ma prima si deve vivere e poi morire. Ed Egli non è più fra noi per confortarci». Scrollano il capo.

«Figliuoli miei, coloro che vivono ciò che Egli ha insegnato, tenendo nel cuore il suo insegnamento, è come se avessero Gesù nel cuore. Perché Parola e Dottrina sono una cosa sola. Egli non era un Maestro che insegnasse cose che non fossero quale Egli era. Perciò, chi fa ciò che Egli ha detto, ha Gesù vivente in lui e non gli è diviso».

«Dici bene. Ma siamo poveri uomini e… vogliamo vedere anche con gli occhi per sentire bene la gioia… Io non l’ho visto mai, e mio figlio neppure, e non Giacobbe, quello. E non Melchia, quello. E non Giacomo, quello. E non Saul. Vedi, solo fra noi, quanti non lo hanno visto? Sempre lo cercavamo, e quando si arrivava Egli era partito».

«Non eravate a Gerusalemme quel giorno?».

«Oh! c’eravamo! Ma, quando abbiamo saputo cosa volevano fargli, siamo fuggiti come pazzi sui monti, tornando in città dopo il sabato. Non siamo colpevoli del Sangue di Lui, perché non eravamo nella città. Ma facemmo male ad essere vili. Lo avremmo visto, almeno, e salutato. Certo Egli ci avrebbe benedetti per il nostro saluto… Ma proprio non abbiamo avuto coraggio di guardarlo fra i tormenti…».

«Egli vi benedice ora. Guardate Colui del quale desiderate conoscere il Volto».

Si manifesta, splendidamente divino sul verde del prato. Davanti al loro stupore, che li getta a terra ma che anche inchioda le loro pupille sul Volto divino, Egli dispare in un fulgore di luce.

XVIII. Al bambino che era cieco nato, a Sidone.

632.36

Il fanciullo giuoca tutto solo sotto un folto pergolato. Si sente chiamare e si trova di fronte Gesù. Gli chiede, ben poco timoroso: «Ma Tu sei il Rabbi che mi ha dato gli occhi[16]?», e figge i suoi limpidi occhi di fanciullo, di un azzurro uguale a quelli di Gesù, negli sfavillanti occhi divini.

«Sono Io, fanciullo. Tu non hai paura di Me?». Lo carezza sul capo.

«Paura no. Ma io e la mamma abbiamo molto pianto quando il padre è tornato prima del tempo e ci ha detto che era fuggito perché avevano presso il Rabbi per farlo morire. Non ha fatto la Pasqua e deve partire di nuovo per farla. Ma non sei morto, allora?».

«Sono morto. Guarda le ferite. Morto sulla croce. Ma sono risorto. Dirai a tuo padre di trattenersi qualche tempo a Gerusalemme dopo la seconda Pasqua e di stare nei pressi dell’Uliveto, a Betfage. Là troverà chi gli dirà cosa fare».

«Mio padre pensava di cercarti. Per i Tabernacoli non ti poté parlare. Voleva dirti che ti vuol bene per gli occhi che mi hai dato. Ma non poté farlo, né allora né ora…».

«Lo farà con la fede in Me. Addio, fanciullo. La pace a te e alla tua famiglia».

XIX. Ai contadini di Giocana.

632.37

I campi di Giocana sotto il bacio della luna. Silenzio assoluto. Le povere dimore dei contadini, in una afosa notte che obbliga a tenere aperta almeno una porta per non morir di caldo nelle stanze basse, dove sono accatastati troppi corpi rispetto alla capienza del luogo.

Gesù entra in uno stanzone. Pare che sia la stessa luna che allunghi il suo raggio per fargli un tappeto regale sul suolo di terra battuta. Si curva su un dormente, che sta bocconi nel sonno pesante della fatica. Lo chiama. Passa a un altro e a un altro. Tutti chiama, quei suoi fedeli e poveri amici. Passa lieve e svelto come un angelo in volo. Entra in altri covili… Poi va ad attenderli fuori, presso un gruppo di piante.

I contadini, mezzo assonnati, escono dalle loro stamberghe. Due, tre, uno solo, cinque insieme, alcune donne. Sono stupiti di essere stati tutti chiamati così da una voce nota, che ha detto a tutti le stesse parole: «Venite al pometo». Vanno là, finendo di infilarsi le povere vesti gli uomini, o di puntarsi le trecce le donne, e parlano piano.

«A me è parsa la voce di Gesù di Nazaret».

«Forse il suo spirito. Lo hanno ucciso. Avete sentito?».

«Io non posso crederlo. Egli era Dio».

«Eppure Gioele lo vide passare sotto la croce anche…».

«A me hanno detto ieri, mentre aspettavo che il fattore trattasse i suoi mercati, che sono passati da Jezrael i discepoli e hanno detto che è risorto proprio».

«Taci! Sai cosa dice il padrone. È la flagellazione per chi dice questo».

«La morte, forse. Ma non sarebbe meglio, piuttosto di soffrire così?».

«E ora non c’è più Lui!».

«Sono anche più cattivi, ora che sono riusciti a ucciderlo».

«Sono cattivi perché è risorto».

Parlano piano, mentre vanno verso il punto che è stato detto loro.

632.38

«Il Signore!», grida una donna cadendo per la prima in ginocchio.

«Il suo fantasma!», gridano altri e qualcuno ha paura.

«Sono Io. Non temete. Non gridate. Venite avanti. Sono proprio Io. Sono venuto a raffermare la vostra fede, che so insidiata dagli altri. Vedete? Il mio Corpo fa ombra perché è vero corpo. Non sognate, no. La mia è vera voce. Sono lo stesso Gesù che spezzava con voi il pane e vi dava amore. Anche ora vi do amore. Vi manderò i miei discepoli. E sarò ancora Io, perché essi vi daranno ciò che Io vi davo e ciò che ho dato loro per poter comunicarmi a quelli che credono in Me. Sopportate la vostra croce come Io ho sopportato la mia. Siate pazienti. Perdonate. Vi diranno come sono morto. Imitatemi. La via del dolore è la via del Cielo. Seguitela con pace e avrete il Regno mio. Non c’è altra via fuor di quella della rassegnazione alla volontà di Dio, della generosità, della carità verso tutti. Ce ne fosse stata un’altra, Io ve la avrei indicata. Sono passato Io per questa, perché è la via giusta. Siate fedeli alla Legge del Sinai, che è immutabile nei suoi dieci comandi, e alla mia Dottrina. Verranno quelli che vi istruiranno perché non siate abbandonati alle mene dei malvagi. Io vi benedico. Ricordate sempre che vi ho amato e che sono venuto fra voi prima e dopo della mia glorificazione. In verità vi dico che molti avrebbero desiderio di vedermi ora, e non mi vedranno. Molti grandi. Ma mi mostro a coloro che amo e che mi amano».

Un uomo osa dire: «Allora… il Regno dei Cieli c’è proprio? Tu eri veramente il Messia? Essi ci suggestionano…».

«Non ascoltate le parole loro. Ricordate le mie e accogliete quelle dei miei discepoli a voi noti. Sono parole di verità. E chi le accoglie e pratica, ancorché qui sia servo o schiavo, sarà cittadino e coerede del Regno mio».

Li benedice aprendo le braccia e scompare.

632.39

«Oh! io… Non temo più nulla io!».

«E io neppure. Hai sentito? Anche per noi c’è un posto!».

«Bisogna essere buoni!».

«Perdonare!».

«Pazientare!».

«Saper resistere».

«Cercare i discepoli».

«Da noi, poveri servi, è venuto».

«Lo diremo ai suoi apostoli».

«Se lo sapesse Giocana!».

«E Doras!».

«Ci ucciderebbero perché non si parlasse».

«Ma noi taceremo. Solo ai servi del Signore lo diremo».

«Michea, tu non devi andare con quel carico a Sefori? Perché non vai a Nazaret a dire…».

«A chi?».

«Alla Madre. Agli apostoli. Forse saranno con Lei…».

Si allontanano bisbigliando i loro progetti.

XX. A Daniel, parente del fariseo Elchia, con il sinedrista Simone.

632.40

Elchia, il fariseo, sta discutendo con altri suoi pari cosa fare del sinedrista Simone che, impazzito il venerdì santo, parla e dice troppe cose. Le proposte sono diverse. Chi dice di isolarlo in qualche luogo deserto, dove le sue grida non possono essere sentite altro che da un servo fedelissimo e del loro stesso pensiero; chi, più benigno, confida che, essendo un malore passeggero, basterebbe lasciarlo lì dove è.

Elchia risponde: «L’ho portato qui non sapendo dove altro portarlo. Ma voi sapete che dubito forte del mio parente Daniel…».

Altri, più malvagi ancora di Elchia, dicono: «Vuole fuggire, andare per mare. Perché non accontentarlo?».

«Perché è incapace di atti ordinati. Solo in mare, perirebbe, e nessun di noi è capace di condurre una barca».

«E poi! Anche fosse! Che avverrebbe nel luogo di sbarco, con quello che egli dice? Lasciate scegliere a lui la via… Alla presenza di tutti, anche del tuo parente, fa’ che egli dica la sua volontà, e come egli vuole si faccia».

Viene approvata questa proposta, ed Elchia, chiamando un servo, ordina sia condotto Simone e chiamato Daniel.

Vengono l’uno e l’altro e, se Daniel ha l’aspetto di uomo che si sente a disagio presso certa gente, l’altro ha proprio l’aspetto di un mentecatto.

«Sentici, Simone. Tu dici che noi ti teniamo prigione perché vogliamo ucciderti…».

«Dovete. Perché tale è il comando».

«Tu deliri, Simone. Taci e ascolta. Dove ti pare che guariresti?».

«In mare. In mare. In mezzo al mare. Dove non è nessuna voce. Dove non è nessun sepolcro. Perché i sepolcri si aprono ed escono i morti e mia madre dice…».

«Taci! Ascolta. Noi ti amiamo. Come una carne nostra. Vuoi proprio andare là?».

«Certo che voglio. Perché qui i sepolcri si aprono e mia madre…».

«Andrai là. Ti condurremo al mare, ti daremo una barca e tu…».

«Ma è un omicidio il vostro! Egli è folle! Non può andar solo!», grida l’onesto Daniel.

«Dio non violenta la volontà dell’uomo. Potremmo noi fare ciò che non fa Dio?».

«Ma è folle! Non ha più volontà. È più stolto di un neonato! Non potete!…».

«Taci tu. Sei un agricoltore e non altro. Noi sappiamo… Domani partiremo per il mare. Sta’ lieto, Simone. Per il mare, capisci?».

«Ah! non sentirò più le voci della Terra! Non più le voci…

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Ah!», un grido lungo, uno spasimo di agitazione, un chiudersi d’occhi e d’orecchie. E un altro grido, quello di Daniel, che scappa via terrorizzato.

«Ma che è? Che avviene? Fermate quel pazzo e quello stolto! Stiamo forse perdendo tutti il senno?», urla Elchia.

Ma colui che Elchia chiama “lo stolto”, ossia il suo parente Daniel, dopo aver corso qualche metro, si prostra al suolo, mentre l’altro invece schiuma, là dove è, in una convulsione paurosa, e urla, urla: «Fatelo tacere! Non è morto e grida, grida, grida! Più di mia madre, più di mio padre, più che non facesse sul Golgota! Là, là, non vedete là?». Accenna a dove è Daniel, placido, sorridente, col volto levato dopo esser stato col volto al suolo.

Elchia lo raggiunge e lo scrolla rudemente, furente, senza occuparsi di Simone che si rotola a terra e spuma e ha urli bestiali fra il cerchio esterrefatto degli altri. Elchia apostrofa Daniel: «Visionario fannullone, vuoi dirmi che fai?».

«Lasciami. Ora ti conosco. E da te mi allontano. Ho visto, benigno a me, tremendo a voi, Colui che mi volete fare credere morto. Io me ne vado. Più che il denaro e ogni ricchezza, tutelo l’anima mia. Addio, maledetto! E, se puoi, fa’ di meritare il perdono di Dio».

«Ma dove vai? Dove? Io non voglio!».

«Hai diritto di tenermi prigioniero? Chi te lo ha dato? Ti abbandono ciò che ami e seguo ciò che amo. Addio», gli volge le spalle e se ne va, rapido come lo traesse una forza sovrumana, giù per la china verde di ulivi e frutteti.

Elchia, e non lui solo, è livido. L’ira li strozza tutti. Elchia minaccia vendetta sul parente, su tutti quelli che «con le loro frenesie», dice, asseriscono che il Galileo è vivente. Vuol dire, vuol dire…

Uno, non so chi sia, dice: «Faremo, faremo, ma non potremo chiudere tutte le bocche, e le pupille, che parlano perché vedono. Siamo vinti! Il delitto è su noi. Ora viene l’espiazione…», e si batte il petto, preso da un’angoscia che lo fa simile ad uno che salga gli scalini di un patibolo. «La vendetta di Jeové», dice ancora, ed è tutto il terrore millenario d’Israele che affiora nella sua voce.

Intanto, ferito, spumante, pauroso, Simone strepita con gridi da dannato: «Patricida, m’ha detto! Fatelo tacere! Tacere! Patricida[17]! La stessa parola di mia madre! I morti hanno dunque tutti le stesse parole?!…».

XXI. Ad una donna galilea, che ottiene la risurrezione del marito morto.

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La luna, quasi al suo tramonto, sta per nascondere il suo arco ancor sottile di luna novella dietro la gobba di un monte. E la sua luce è dunque molto relativa, e fra poco non sarà più sull’ampia campagna.

Eppure un viandante è sulla via solitaria. Una vietta, un viottolo fra i campi, più che altro. Cammina tenendo sospeso per un anello un rudimentale fanaletto, di quelli che, vecchi come il mondo, io credo, generalmente usano i carrettieri per farsi luce nella notte. Questo, non essendo il vetro cosa comune — anzi credo sia sconosciuto affatto, perché non mi è mai capitato di vederne in nessuna casa né come bicchiere, né come vaso, né come riparo alle finestre — ha per riparo alla fiamma qualcosa che può esser tanto mica come pergamena. La luce ne filtra debole tanto da servire appena a rischiarare un piccolo spazio intorno al lume. Però, come la luna si nasconde del tutto, la luce del povero fanale pare crescere di vigore e mettere un ballonzolante punto chiaro sul nero della campagna.

Il viandante cammina, cammina… Il cielo ha un principio di alba all’estremo orizzonte. Ma tanto tenue che, per ora, non illumina nulla, e il povero lumino serve ancora.

Presso un ponticello è in attesa, o in riposo, un altro viandante, tutto avvolto nel mantello.

Quello del fanale, diretto a quel ponte, si arresta dubitoso. È incerto se passare di là o tornare indietro, dove il greto di un torrentello ha larghe pietre che possono servire da passaggio fra la poca acqua del fondo.

Quello seduto sulla rustica sponda, fatta di un tronco con ancor sopra la corteccia bianco-verde, alza il capo osservando quello che si è fermato. Si alza in piedi e dice: «Non temere di Me. Vieni avanti. Sono un buon compagno, non un ladrone».

È Gesù. Lo riconosco alla voce più che all’aspetto, che è velato dal crepuscolo fondo, che il lume non serve a rompere sin là dove è Gesù. Ma la persona, ferma, dubita ancora.

«Vieni, donna. Non temere. Andremo insieme, anzi, per qualche tratto, e sarà bene per te».

La donna, ora so che è una donna, viene avanti, vinta dalla dolcezza della voce o da una forza arcana, e scrolla il capo avanzando e mormorando: «Non c’è più bene per me».

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Ora procedono fianco a fianco per il viottolo largo tanto da permettere solo il passaggio di due pedoni. L’alba che avanza mostra, a un lato della via, una rigida foresta in miniatura di grani maturi in attesa della falce. Sull’altro lato i grani, già segati, sono stesi in covoni sul campo spogliato della sua gloria di messi mature.

«Maledetti!», dice sottovoce la donna gettando uno sguardo sui covoni giacenti.

Gesù tace.

Il giorno avanza. La donna spegne il povero lume e, per farlo, scopre il viso devastato dal pianto. E alza il volto a guardare ad oriente, dove una riga giallo-rosa annuncia il levarsi del sole. Agita il pugno verso oriente e dice ancora: «E maledetto te!».

«Il giorno? Dio lo ha fatto. Come ha fatto il grano. Sono benefici di Dio. Non vanno maledetti…», dice dolcemente Gesù.

«E io li maledico. Maledico il sole e le messi. E ne ho ragione».

«Non ti sono stati buoni per tanti anni? Non ti ha maturato, il primo, il pane quotidiano, l’uva che si muta in vino, le verdure e le frutta dell’orto, e fatti crescere i pascoli per nutrire pecore e agnelli, del cui latte e carne ti cibasti e del cui vello ti tessi le vesti? E il grano non ha dato pane a te, ai tuoi figli, al tuo padre e alla tua madre, al tuo sposo?».

Un gran scoppio di pianto e un grido: «Non ho più sposo! Essi me lo hanno ucciso! Era andato ad opera, perché abbiamo sette figli e non ci bastava il poco che avevamo di nostro a sfamare dieci persone. E ieri, a sera, è venuto dicendo: “Sono stanco e balordo”, e si gettò sul lettuccio ardendo di febbre. Io e sua madre lo soccorremmo come si poteva, pensando di chiamare oggi il medico della città… Ma dopo il gallicinio mi è morto. Lo ha ucciso il sole. In città vado, sì. A prendere quanto occorre. Ad avvisare i fratelli penserò nel ritorno. Ho lasciato la madre a vegliare suo figlio e i miei figli… e io sono partita per quel che c’è da fare… E non devo maledire il sole ardente e i grani?».

Così contenuta come era prima, tanto che non avrei pensato fosse una donna, e una afflitta soprattutto, ora ha rotto le dighe al suo dolore, ed esso trabocca forte. Dice tutto quello che non ha detto nella sua casa «per non destare i fanciulli dormenti nella stanza vicina», tutto quello che le pesava tanto sul cuore da darle il senso che fosse per scoppiare. Ricordi d’amore, sgomento del futuro, spasimi di vedova, passano confusi come detriti di rapina sull’onda gonfia di un fiume in piena…

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Gesù la lascia parlare. Perché Gesù sa compatire il dolore, lo lascia sfogare, perché la creatura ne abbia sollievo e la stanchezza stessa, che succede all’irruenza del dolore, la renda capace di intendere chi la consola. Allora dice dolcemente: «A Naim e a Nazaret, e nei luoghi fra questo e quello, sono i discepoli del Rabbi di Nazaret. Va’ da loro…».

«E che vuoi che facciano? Se Egli ci fosse ancora!… Ma essi? Non sono santi essi! Mio marito era a Gerusalemme quel giorno. E sa… Oh! no! Sapeva! Non sa più nulla! È morto!».

«Che fece tuo marito quel giorno?».

«Quando il clamore della via lo destò, corse sulla terrazza della casa dove era coi suoi fratelli e vide passare il Rabbi, che veniva condotto al Pretorio, e con altri galilei lo seguì finché fu morto. Lo presero, lui e gli altri, a sassate, quando li scoprirono per galilei, là sul monte, e li respinsero più in basso. Ma furono là sinché non fu tutto compiuto. Poi… se ne vennero via… E ora è morto lui. Oh! almeno sapessi se per la sua pietà al Rabbi egli è in pace!».

Gesù non risponde a questo desiderio. Ma dice: «Avrà allora visto che dei discepoli erano sul Golgota. Forseché tutti i galilei furono come tuo marito?».

«Oh! no. Molti, e anche di Nazaret, lo insolentirono. Si sa. Vergogna!».

«E allora, se molti anche di Nazaret non ebbero amore per il loro Gesù, eppure Egli li ha perdonati, e molti si santificheranno in futuro, perché tu vuoi giudicare tutti ad un modo i discepoli di Cristo? Vuoi essere più severa di Dio, tu? Dio molto concede a chi perdona…».

«Non c’è più il Rabbi buono! Non c’è più! E mio marito è morto».

«Il Rabbi ha dato ai suoi discepoli il potere di fare ciò che Egli faceva».

«Voglio crederlo. Ma solo Lui vinceva la morte. Solo Lui!».

«E non si legge che Elia rendesse lo spirito al figlio della vedova di Sarepta? In verità ti dico che Elia era un grande profeta, ma che i servi del Salvatore, che è morto e risuscitato perché era il Figlio del Dio vero incarnatosi per redimere gli uomini, hanno ancora più grande potere, perché Egli sulla Croce li ha perdonati dei loro peccati per i primi, conoscendo per divina sapienza il vero dolore dei loro spiriti contriti, li ha santificati dopo la risurrezione con un nuovo perdono, ed ha loro infuso lo Spirito Santo perché potessero rappresentarmi degnamente e con la parola e con le azioni, acciò il mondo non rimanesse desolato dopo la mia dipartita da esso».

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La donna arretra vivamente, sbalordita. Getta indietro il velo per guardare bene il suo compagno. Non lo riconosce, però. Crede di aver capito male. Non osa però più parlare…

«Hai paura di Me? Prima mi credesti un ladrone pronto a carpirti i denari che hai in seno, utili a comperare quanto è necessario per la sepoltura. E avesti paura. Ora hai paura di sapermi Gesù? E non è Gesù Colui che dà e non prende? Colui che salva e non rovina? Torna indietro, donna. Io sono la Risurrezione e la Vita. Non sono necessari il sudario e gli aromi per colui che non è morto, che non è più morto, perché Io sono Colui che vince la morte e premia chi ha fede. Va’! Va’ alla tua casa! Tuo marito vive. Non una fede in Me resta senza premio». Fa l’atto di benedirla e andarsene.

La donna esce dal suo impietrimento. Non chiede, non dubita… Nulla. Cade a ginocchi, adorando. E poi, finalmente, apre la bocca e, frugandosi in seno, trae una borsa, piccola, una borsa smunta di povera gente alla quale la miseria interdice solenni onoranze ai suoi morti, e dice, offrendo la borsa: «Non ho altro… Altro per dirti la riconoscenza, per onorarti, per…».

«Non ho più bisogno di denaro, donna. Lo porterai ai miei apostoli».

«Oh! sì. Vi andrò col marito mio… Ma cosa allora darti, mio Signore? Cosa? Tu, apparire a me… questo miracolo… e io non riconoscerti… e io così inquieta… sì, ingiusta persino con le cose…».

«Sì. E non pensavi che esse sono perché Io sono, e che tutto buono è ciò che Dio fece. Se il sole non fosse stato, se i grani non fossero stati, non avresti avuto la grazia attuale».

«Ma quanto dolore però!…». La donna lacrima nel ricordarlo.

Gesù sorride e mostra le sue mani dicendo: «Questa è una parte minima del mio dolore. E l’ho consumato tutto, senza lagnarmene, per il bene vostro».

La donna si curva al suolo per confessare: «È vero. Perdona il mio lamento».

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Gesù dispare nella sua luce e quando ella alza il volto si vede sola. Sorge in piedi, gira lo sguardo. Nulla può costituire un ostacolo a vedere, perché ormai è luminoso il giorno e non ci sono che campi di messi intorno. La donna dice a se stessa: «Eppure non ho sognato!». Forse la tenta il demonio per farla dubitare, perché ha un attimo d’incertezza mentre soppesa la borsa fra le mani.

Ma poi vince la fede, e volge le spalle al luogo dove era diretta, tornando sui suoi passi, rapida come se il vento la portasse senza farle fare fatica, il volto irradiato di una gioia più grande che umana tanto è pacifica. Ripete ogni tanto: «Come è buono il Signore! Egli è veramente Dio! Egli è Dio. Sia benedetto l’Altissimo e Colui che Egli ha mandato». Non sa dire altro. E questa sua litania si mesce ora ai canti degli uccelli.

La donna è assorta in essa tanto da non sentire i saluti di alcuni mietitori, che la vedono passare e le chiedono da dove viene a quell’ora… Uno la raggiunge e le dice: «Marco sta meglio? Sei andata per il medico?».

«Marco è morto a gallicinio ed è risorto. Perché il Messia del Signore ha fatto questo», risponde essa andando sempre sveltamente.

«Il dolore l’ha resa folle!», mormora l’uomo e crolla il capo raggiungendo i compagni che hanno incominciato a falciare i grani.

I campi si popolano sempre più. Ma la curiosità vince molti, che si decidono a seguire la donna che accelera sempre più il passo.

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Va, va. Ecco una poverissima casetta, bassa, solitaria, spersa nella campagna. Vi si dirige, stringendosi le mani sul cuore.

Vi entra. Ma, appena vi ha posto piede, una vecchia le si getta fra le braccia gridando: «Oh! figlia mia, che grazia del Signore! Fa’ cuore, figlia, perché ciò che devo dirti è così grande, così felice, che…».

«Lo so, madre. Marco non è più morto. Dove è?».

«Tu sai… E come?».

«Ho incontrato il Signore. Non l’ho riconosciuto, ma Egli mi ha parlato e, quando gli è piaciuto, mi ha detto: “Tuo marito vive”. Ma qui… quando?».

«Avevo aperto la finestra allora e guardavo il primo raggio di sole sul fico. Sì, proprio così. Il primo raggio toccò allora il fico contro la stanza.… quando ho sentito un sospiro forte, come d’un che si sveglia. Mi sono voltata spaventata e ho visto Marco sedersi e gettare indietro il lenzuolo che gli avevo gettato sul volto e guardare in alto con un viso, un viso… Poi mi ha guardato e ha detto: “Madre! Io sono guarito!”. Io… Poco mancò non morissi io, ed egli mi soccorse, e capì che era stato morto. Non ricorda nulla. Dice che si ricorda sino a quando lo mettemmo a letto e poi nulla più sino al momento che vide un angelo, una specie d’angelo che aveva il viso del Rabbi di Nazaret e che gli disse: “Sorgi!”. E sorse. Proprio all’ora che il sole sorgeva tutto».

«All’ora che a me ha detto: “Tuo marito vive”. Oh! madre, che grazia! Come ci ha amato Dio!».

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Quelli che sopraggiungono le trovano abbracciate, in pianto. E credono che Marco sia morto e che la moglie abbia, in uno sprazzo di lucidità, compresa la sventura. Ma Marco, che sente le voci, appare, sereno, con un bambino fra le braccia e gli altri attaccati alla tunica, e dice forte: «Eccomi. Benediciamo il Signore!».

I sopraggiunti lo assediano di domande e, come sempre nelle cose umane, sorge la contraddizione. Chi crede ad una vera risurrezione e chi, i più, dicono che egli era solo caduto in torpore ma morto non era. Chi ammette che Cristo sia apparso a Rachele e chi dice che son tutte fole, perché «Egli è morto», dicono alcuni, e altri: «Egli è risorto, ma è tanto sdegnato, deve esserlo, che non fa più miracoli al suo popolo assassino».

«Dite ciò che vi pare», dice l’uomo perdendo la pazienza, «e ditelo dove vi pare. Basta che non lo diciate qui dove il Signore Gesù mi ha risorto. E andatevene, o infelici! E voglia il Cielo aprirvi la cervice a credere. Ma ora andatevene e lasciateci in pace». Li spinge fuori e chiude la porta.

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Si stringe al cuore la moglie e la madre e dice: «Nazaret non è lontana. Io vado là a proclamare il miracolo».

«Così vuole il Signore, Marco. Porteremo questi denari ai suoi discepoli. Andiamo a benedire il Signore. Così come stiamo. Siamo poveri, ma Egli pure lo era, e i suoi apostoli non ci sprezzeranno».

Si dà da fare ad allacciare i sandaletti ai bambini, mentre la madre getta qualche provvista in una borsa e chiude porte e impannate, e Marco va non so a che fare.

Escono quando sono pronti e vanno svelti, i più piccoli in braccio, gli altri lieti e un poco sbalorditi intorno, verso est, verso Nazaret, si capisce. Forse questo luogo è ancora nella piana di Esdrelon, ma in un punto diverso da quello dei poderi di Giocana.


Notes

  1. a accompli le miracle, au chapitre 395.
  2. mes paroles d’adieu, en 394.3.
  3. auquel il a donné son nom, en 76.9/10.
  4. je t’ai rendu la vue, en 358.10.
  5. S’il m’a envoyé l’agneau, en 576.2.
  6. veux-tu encore mourir, comme en 529.8.
  7. Tu l’as fait une fois, au chapitre 359.
  8. les trois sages, rappelés par lui-même en 390.6 ; ma prière, en 390.4.
  9. le tremblement de terre que Jésus lui avait prédit en 381.10.
  10. le dit bien, en Ps 8, 3.
  11. la discussion, en 342.6/7.
  12. qui t’a accueillie, en 254.4/7.
  13. Zacharie, le lévite, rencontré en 201.4 – 281.11.14 – 490.9/10 – 506.1 – 507.2.10/12.
  14. qui m’a donné mes yeux, en 473.2/6.
  15. Parricide, comme en 548.15, en référence à 520.6/11 et 535.11.

Note

  1. rispetto a quella, invece di da quella, è correzione di MV su una copia dattiloscritta.
  2. operò il miracolo, nel capitolo 395.
  3. le mie parole del commiato, in 394.3.
  4. al quale ha dato il nome, in 76.9/10.
  5. Ti ho reso la vista, in 358.10.
  6. mi ha mandato l’agnello, in 576.2.
  7. vuoi ancora morire, come in 529.8.
  8. Lo hai fatto una volta, nel capitolo 359.
  9. i tre saggi, da lui stesso ricordati in 390.6; la mia preghiera, in 390.4.
  10. il terremoto, predettogli da Gesù in 381.10.
  11. dice, in: Salmo 8, 3.
  12. la disputa, in 342.6/7.
  13. ribattono gli altri è quasi una ripetizione, che infatti MV cancella su una copia dattiloscritta.
  14. ti ha accolta, in 254.4/7.
  15. il levita, incontrato in: 201.4 - 281.11.14 - 490.9/10 - 506.1 - 507.2.10/12.
  16. mi ha dato gli occhi, in 473.2/6.
  17. Patricida, come in 548.15, con riferimento a 520.6/11 e 535.11.