97.1
Presque aussitôt après, je vois ce qui suit :
Encore la place du marché de Capharnaüm. Mais c’est à une heure plus chaude où le marché est déjà fini et il ne reste sur la place que des désœuvrés qui discutent et des enfants qui jouent.
Jésus, au milieu de son groupe, vient du lac vers la place, en caressant les enfants qui accourent à sa rencontre et en s’intéressant à leurs confidences.
Une petite fille lui montre une grande éraflure saignante sur son front et elle accuse son petit frère de la lui avoir faite.
« Pourquoi as-tu fait mal à ta sœur ? Ce n’est pas bien.
– Je ne l’ai pas fait exprès. Je voulais cueillir ces figues, et j’ai pris un bâton, mais il était trop lourd et il est tombé sur elle… Je les cueillais aussi pour elle.
– C’est vrai, Jeanne ?
– C’est vrai.
– Dans ce cas, tu vois bien que ton frère n’a pas voulu te faire du mal. Il voulait même te faire plaisir. Alors faites tout de suite la paix et donnez-vous un baiser. Les bons frères et même les bons enfants ne doivent jamais connaître la rancœur. Allons… »
En larmes, les deux enfants s’embrassent. Ils pleurent tous deux : l’une de la souffrance de l’égratignure, l’autre de la douleur d’avoir fait souffrir.
Jésus sourit devant ce baiser baigné de larmes.
« Voilà ! Maintenant, comme je vois que vous êtes sages, je vais vous cueillir des figues moi-même, et sans bâton. »
Je le crois bien ! Grand comme il est, avec ses longs bras, il y arrive sans peine. Il fait la cueillette et la distribution.
Une femme accourt :
« Prends, prends, Maître, je vais t’apporter du pain.
– Non, non, ce n’est pas pour moi. C’est pour Jeanne et Tobie. Ils en avaient envie.
– Et vous avez dérangé le Maître pour ça ? Ah ! Ils ne manquent pas de culot ! Pardonne-leur, Seigneur.
– Femme, c’était pour faire la paix… et je l’ai faite avec l’objet même du litige : les figues. Mais les enfants ne dérangent jamais. Les figues bien sucrées, c’est un plaisir pour eux, et ce qui fait mon plaisir à moi, c’est leur douce âme innocente. Elle m’enlève tant d’amertume…
– Maître… ce sont les seigneurs qui ne t’aiment pas, mais nous, le peuple, nous t’aimons bien. Eux, on les compte sur les doigts, alors que nous, nous sommes si nombreux !
– Je le sais, femme. Merci de ton réconfort. Que la paix soit avec toi. Adieu, Jeanne ! Adieu, Tobie ! Soyez gentils. Sans vous faire de mal et sans vous vouloir du mal, n’est-ce pas ?
– Oui, oui, Jésus » répondent les deux petits.