The Writings of Maria Valtorta

73. A Bethléem, dans la maison d’un paysan et dans la grotte de la Nativité.

73. In Bethlehem, in the house of a peasant

73.1

Une route de plaine, caillouteuse, poussiéreuse, desséchée par le soleil d’été. On passe au milieu d’oliviers plantureux tout couverts de petites olives à peine formées. Le sol, là où l’on n’a pas marché, a encore une couche des minuscules fleurs d’oliviers tombées après la fécondation.

Jésus avance avec ses trois disciples, en file indienne, le long du bord de la route où l’ombre des oliviers a gardé l’herbe encore verte et où il y a moins de poussière.

La route tourne à angle droit et, au-delà, monte légèrement vers une cuvette qui a la forme d’un grand fer à cheval et sur laquelle sont éparpillées des maisons et des maisonnettes assez nombreuses pour former une bourgade. Au point précis où le chemin fait un coude, il y a une construction cubique surmontée d’un petit dôme tout simple. Elle est complètement fermée et semble abandonnée.

« C’est là le tombeau de Rachel, dit Simon.

– Alors, nous sommes presque arrivés. Nous entrons tout de suite en ville ?

– Non, Judas. Je vais d’abord vous montrer un endroit… Puis nous entrerons dans la ville et, comme il fait encore jour et qu’il y aura un clair de lune, nous pourrons parler à la population, si elle veut écouter.

– Pourquoi voudrais-tu qu’elle ne t’écoute pas ? »

73.2

Ils sont arrivés au tombeau, ancien, mais bien conservé, blanchi à la chaux. Jésus s’arrête pour boire à un vieux puits tout proche.

Une femme lui offre l’eau qu’elle est venue puiser. Jésus l’interroge :

« Es-tu de Bethléem ?

– Oui, mais en ce moment, à l’époque des récoltes, je suis ici avec mon mari dans cette campagne pour m’occuper des jardins et des vergers. Et toi, tu es galiléen ?

– Je suis né à Bethléem, mais j’habite à Nazareth de Galilée.

– Persécuté, toi aussi ?

– La famille. Mais pourquoi dis-tu : “ Toi aussi ” ? Parmi les habitants de Bethléem, y a-t-il beaucoup de persécutés ?

– Tu ne le sais pas ? Quel âge as-tu ?

– Trente ans.

– Alors tu es né au moment même où … Ah, quel malheur ! Mais pourquoi est-il né ici, celui-là ?

– Qui ?

– Mais celui qui se prétendait le Sauveur. Malédiction aux imbéciles qui dans l’ivresse de la boisson ont vu des anges dans les nuages, ont entendu des voix du Ciel au milieu des bêlements des brebis et des braiments des ânes et qui, dans les nuées de l’ivresse prirent trois misérables pour les gens les plus saints de la terre. Malédiction sur eux et sur ceux qui auront cru en eux !

– Mais, avec toutes tes malédictions, tu ne m’expliques pas ce qui est arrivé. Pourquoi ces malédictions ?

– Parce que… Mais, dis-moi : où veux-tu aller ?

– A Bethléem, avec mes amis. J’y ai des intérêts. Je dois saluer de vieux amis et leur porter le salut de ma mère. Mais je voudrais d’abord apprendre bien des choses, parce que notre famille est absente depuis de nombreuses années. Nous avons quitté la ville quand j’avais quelques mois.

– Avant ce malheur, alors.

73.3

Ecoute, si tu ne dédaignes pas la maison d’un paysan, venez partager avec nous le pain et le sel, toi et tes compagnons. Nous parlerons pendant le souper et je vous logerai jusqu’au matin. La maison est petite, mais sur le sol de l’étable, il y a une bonne couche de foin. La nuit est chaude et sereine. Si tu veux, tu peux y dormir.

– Que le Seigneur d’Israël te récompense de ton hospitalité ! Je viendrai avec joie dans ta maison.

– Le pèlerin porte avec lui sa bénédiction. Allons. Je dois verser encore six amphores d’eau sur les légumes qui viennent de sortir.

– Je vais t’aider.

– Non, tu es un seigneur. Ta manière de faire me le prouve.

– Je suis un artisan, femme. Et celui-ci est un pêcheur. Ceux-ci sont judéens, fortunés et ont une situation. Pas moi. »

Il prend une amphore appuyée contre le petit muret du puits. Il l’attache et la descend.

Jean l’aide. Les autres aussi ne veulent pas être en reste. Ils demandent à la femme :

« Où est le jardin ? Montre-le-nous. Nous porterons les jarres.

– Que Dieu vous bénisse ! J’ai les reins rompus de fatigue. Venez… »

Alors, pendant que Jésus sort son broc, les trois compagnons descendent par un sentier… puis reviennent avec les deux brocs vides, les remplissent et repartent. Ils le font, non pas trois fois, mais bien une dizaine de fois. Et Judas dit en riant :

« Elle est en train de s’égosiller, à force de bénédictions. Nous donnons tant d’eau à la salade que la terre sera humide pendant au moins deux jours, et la femme ne se fatiguera pas les reins. »

Quand il revient pour la dernière fois, il dit :

« Maître, je crois cependant que nous sommes mal tombés.

– Pourquoi, Judas ?

– Parce qu’elle en veut au Messie. Je lui ai dit : “ Ne blasphème pas. Ne sais-tu pas que la plus grande grâce pour le peuple de Dieu, c’est le Messie ? Yahvé l’a promis à Jacob et après lui à tous les prophètes et justes d’Israël, et tu le hais ? ” Elle m’a répondu : “ Pas lui, mais ceux qui l’ont qualifié de Messie : des bergers ivres et de maudits devins d’Orient. ” Et puisque c’est toi…

– Peu importe. Je sais que je suis fait pour être pour beaucoup un signe d’épreuve et de contradiction. Lui as-tu dit qui je suis ?

– Non. Je ne suis pas sot. J’ai voulu préserver tes épaules et les nôtres.

– Tu as bien fait. Pas à cause des épaules, mais parce que je désire me manifester quand je le juge convenable. Allons. »

Judas le conduit au jardin.

73.4

La femme verse les trois derniers brocs et les conduit à une bâtisse ancienne au milieu du verger.

« Entrez, dit-elle, mon ma­ri est déjà à la maison. »

Ils s’avancent vers une cuisine basse et enfumée.

« Que la paix soit sur cette maison, salue Jésus.

– Qui que tu sois, que la bénédiction soit sur toi et sur les tiens. Entre ! » répond l’homme.

Et il apporte d’abord un bassin rempli d’eau pour que les quatre hommes se rafraîchissent et se lavent. Puis ils entrent tous et s’asseyent à une table grossière.

« Je vous remercie pour ma femme. Elle m’a raconté. Je n’avais jamais approché des Galiléens. On m’avait dit qu’ils étaient grossiers et querelleurs. Mais, vous, vous vous êtes montrés gentils et bons. Déjà fatigués… et tant travailler ! Vous venez de loin ?

– De Jérusalem. Ceux-ci sont judéens. Lui et moi, nous sommes de Galilée. Mais, crois-moi, homme : des bons et des mauvais, il y en a partout.

– C’est vrai. Moi, pour la première fois que je rencontre des Galiléens, je suis bien tombé. Femme, apporte à manger. Je n’ai que du pain, des légumes, des olives et du fromage. Je suis un paysan.

– Je ne suis pas un seigneur, moi non plus. Je suis menuisier.

– Toi ? Avec ces manières ? »

La femme intervient :

« Notre hôte est de Bethléem, je t’ai dit, et les siens ont été persécutés. Qui sait s’ils n’étaient pas riches et instruits comme l’étaient Josué d’Ur, Mathias, fils d’Isaac, Lévi, fils d’Abraham… pauvres malheureux !

– On ne t’a pas interrogée. Pardonnez-lui. Les femmes ba­vardent toujours plus que les moineaux, le soir.

– C’étaient des familles de Bethléem ?

– Comment ? Tu ne sais pas qui c’était, si tu es de Bethléem ?

– Nous avons fui alors que j’avais quelques mois… »

La femme, qui doit réellement être bavarde, se remet à parler :

« Il est parti avant le massacre.

– Eh ! Je le vois bien : autrement, il ne serait plus de ce monde. Tu n’y es jamais revenu ?

– Non.

73.5

– Quel grand malheur ! Tu en trouveras peu de ceux que, d’après ce que Sarah m’a dit, tu veux connaître et saluer. Beaucoup de morts, beaucoup de fugitifs, beaucoup… hélas ! Dispersés, et on n’a jamais su s’ils sont morts dans le désert ou s’ils ont péri en prison pour les punir de leur révolte. Mais était-ce une révolte ? Qui serait resté impassible en voyant égorger tant d’innocents ? Non, il n’est pas juste que Lévi et Elie soient encore vivants pendant que tant d’innocents sont morts !

– Qui sont-ils, ces deux hommes, et qu’ont-ils fait ?

– Mais… tu as au moins entendu parler du massacre ! Le massacre d’Hérode… Plus de mille bébés[1] dans la ville, un autre millier dans les campagnes. Et tous des garçons – ou plutôt à peu près tous car, dans leur furie, dans la nuit, dans la mêlée, les tueurs prirent même des petites filles, les arrachèrent de leurs berceaux, des lits de leurs mères, des maisons assiégées, et ils les transpercèrent, comme des gazelles en train de boire visées par un archer. Eh bien ! Tout cela, pourquoi ? Parce qu’un groupe de bergers qui, pour lutter contre le froid de la nuit, avaient bu à grandes gorgées une boisson, furent pris de délire et racontèrent qu’ils avaient vu des anges, entendu des chants, reçu un message… et nous dirent, à nous de Bethléem : “ Venez, adorez. Le Messie est né. ” Imagine-toi, le Messie dans une grotte !

En vérité, je dois dire que nous fûmes tous ivres, même moi, qui étais encore jeune homme, même ma femme qui n’avait que quelques années… car tous nous avons cru, et dans une pauvre femme de Galilée, nous avons voulu voir la Vierge qui enfante, celle dont ont parlé les prophètes. Mais elle était avec un grossier Galiléen. Sûrement son mari. Si elle était mariée, comment pouvait-elle être la “ Vierge ” ? Bref, nous avons cru. Cadeaux, adorations, maisons ouvertes pour les accueillir… Oh, on a bien su faire les choses. Pauvre Anne ! Elle y a perdu ses biens et la vie, et les enfants de sa fille aussi, la première, la seule à avoir été sauvée parce qu’elle avait épousé un marchand de Jérusalem, perdirent leurs biens, parce que la maison fut brûlée et tout leur domaine rasé sur ordre d’Hérode. C’est maintenant un champ inculte où paissent les troupeaux.

– Tout cela par la faute des bergers ?

– Non, par celle aussi de trois sorciers venus du royaume de Satan. Peut-être étaient-ils complices des trois… Et nous, imbéciles qui leur avons fait tant d’honneurs ! Ce pauvre chef de la synagogue ! Nous l’avons tué parce qu’il avait juré que les prophéties marquaient du sceau de la vérité les paroles des bergers et des mages…

– Tout cela est donc la faute des bergers et des mages ?

– Non, Galiléen, par notre faute aussi. A cause de notre crédulité. Il y avait si longtemps qu’on attendait le Messie ! Des siècles d’attente. Beaucoup de déceptions, les derniers temps avec les faux Messies. L’un était galiléen, comme toi, un autre s’appelait Théodas. Des menteurs ! Le Messie, eux ? Ce n’étaient que des aventuriers avides à la recherche de la fortune ! Cela aurait dû être pour nous une leçon. Au contraire…

73.6

– Et alors, pourquoi maudissez-vous tous les bergers et les mages ? Si vous jugez que, vous aussi, vous avez été des sots, vous devriez vous maudire, vous également. Mais la malédiction n’est pas permise par le commandement de l’amour. La malédiction attire la malédiction. Etes-vous certains que votre jugement est juste ? Ne pourrait-il pas être vrai que les bergers et les mages aient dit la vérité, révélée à eux par Dieu ? Pourquoi vouloir croire qu’ils ont été des menteurs ?

– Parce que les années de la prophétie n’étaient pas accomplies. Depuis, nous avons réfléchi… après que le sang qui avait rougi les vasques et les ruisseaux eut ouvert les yeux de notre intelligence.

– Est-ce que le Très-Haut n’aurait pas pu, par excès d’amour pour son peuple, anticiper la venue du Sauveur ? Sur quoi les mages basaient-ils leur affirmation ? Tu m’as dit qu’ils venaient d’orient…

– Sur leurs calculs au sujet d’une nouvelle étoile.

– Or n’est-il pas dit[2] : “ Une étoile naîtra de Jacob et un sceptre s’élèvera d’Israël ” ? Et Jacob n’est-il pas le grand patriarche et ne s’est-il pas arrêté dans cette terre de Bethléem qui lui était chère comme la prunelle de l’œil, parce que c’est là que mourut sa Rachel bien aimée ?

Et encore, n’est-il pas sorti de la bouche d’un prophète : “ Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines ” ? Isaï, le père de David, est né ici. Le surgeon sur la souche, sciée à la racine par l’usurpation des tyrans, n’est-ce pas la “ Vierge ” qui enfantera le Fils conçu non pas d’un homme – car alors elle ne serait plus vierge –, mais de la volonté de Dieu, par quoi il sera “ l’Emmanuel ”, car Fils de Dieu, il sera Dieu et, par conséquent, apportera Dieu au milieu du peuple de Dieu, comme son nom l’indique ?

Et, selon la prophétie, ne sera-t-il pas annoncé aux peuples des ténèbres, c’est-à-dire aux païens “ par une grande lu­mière ” ? Or l’étoile vue par les mages ne pourrait-elle pas être l’étoile de Jacob, la grande lumière des deux prophéties de Balaam et d’Isaïe ?

Et le massacre lui-même accompli par Hérode ne rentre-t-il pas dans les prophéties ? “ Un cri s’est élevé… C’est Rachel qui pleure ses fils. ” Il était écrit que les os de Rachel, dans son tombeau d’Ephrata, gémiraient et pleureraient à l’époque où, par le Sauveur, la récompense allait venir au peuple saint. Larmes qui se changeraient ensuite en un sourire céleste, comme l’arc-en-ciel que forment les dernières gouttes d’eau de l’orage, mais qui annonce : “ Voilà : le beau temps vous est accordé. ” »

– Tu es très instruit. Es-tu rabbi ?

– Je le suis.

– Je m’en rends bien compte. Il y a dans tes paroles lu­mière et vérité. Pourtant… Trop de blessures saignent encore sur cette terre de Bethléem pour le Messie, vrai ou faux… Je ne lui conseillerais même pas de venir ici. Cette terre le repousserait comme on repousse un bâtard à cause de qui les vrais enfants sont morts. D’ailleurs… si c’était lui… il est mort avec les autres qu’on a égorgés.

73.7

– Où habitent maintenant Lévi et Elie ?

– Tu les connais ? »

L’homme a des soupçons.

« Je ne les connais pas. Leur visage m’est inconnu, mais ce sont des malheureux et j’ai toujours pitié des malheureux. Je veux aller les trouver.

– Hum ! Tu seras le premier depuis presque six lustres. Ils sont encore bergers, au service d’un riche hérodien de Jérusalem qui s’est approprié les biens de beaucoup d’habitants qui ont été tués… Il y a toujours des profiteurs ! Tu les trouveras avec leurs troupeaux sur les hauteurs en direction d’Hébron. Mais, un conseil : ne te fais pas voir des habitants de Bethléem en train de leur parler. Tu aurais à t’en repentir. Nous les supportons parce que… parce qu’il y a l’hérodien. Sinon…

– Ah ! La haine ! Pourquoi haïr ?

– Parce que c’est juste ; ils nous ont fait du mal.

– Ils ont cru bien faire.

– Mais ils ont mal agi, alors qu’ils souffrent ! Nous devions les tuer, comme ils ont fait tuer par leur folie. Mais nous étions hébétés… et après, il y a eu l’hérodien.

– Alors sans lui, vous les auriez tués, même après le premier mouvement de vengeance, encore compréhensible ?

– Maintenant encore nous les tuerions si nous ne redoutions pas leur maître.

– Homme, je te le dis : ne hais pas. Ne désire pas le mal. Ne désire pas faire le mal. Il n’y a là aucune faute mais, même s’il y en avait, pardonne. Au nom de Dieu pardonne. Dis-le aux autres habitants de Bethléem. Quand la haine tombera de vos cœurs, le Messie viendra ; alors vous le connaîtrez, car il est vivant. Il l’était déjà quand le massacre eut lieu, je vous le dis. Ce ne fut pas par la faute des bergers et des mages, mais par la faute de Satan que ce carnage a eu lieu. Le Messie vous est né, ici. Il est venu apporter la lumière à la terre de ses pères. Fils d’une mère vierge de la race de David, c’est dans les ruines de la maison de David qu’il a ouvert au monde le fleuve des grâces éternelles, qu’il a ouvert à l’homme le chemin de la vie…

– Va-t’en, va-t’en, hors d’ici ! Tu es un partisan de ce faux Messie qui ne pouvait être que faux, puisqu’il nous a apporté le malheur, à nous de Bethléem. Tu le défends, par conséquent…

– Silence, homme, je suis judéen et j’ai des amis haut placés. Tu pourrais te repentir de cette insulte. »

Judas bondit, saisit le paysan par son vêtement, le secoue avec violence. Il bout de colère.

« Non, non, allez-vous-en ! Je ne veux pas d’ennuis ni avec les habitants de Bethléem, ni avec Rome et Hérode. Partez, maudits, si vous ne voulez pas que je vous fasse quelque chose dont vous vous souviendrez ! Dehors !…

– Partons, Judas. Ne réagis pas. Laissons-le sur sa rancœur. Dieu ne pénètre pas là où il y a de la haine. Partons.

– Oui, partons, mais vous me le paierez !

– Non, Judas, non. Il ne faut pas parler ainsi. Ce sont des a­veugles… Il y en aura tant sur ma route !… »

73.8

Ils sortent en suivant Simon et Jean qui sont déjà dehors et parlent avec la femme dans un coin de l’étable.

« Pardonne à mon mari, Seigneur. Je ne croyais pas faire tant de mal… Tiens. » Elle donne des œufs. « Tu les mangeras demain matin. Ils sont frais, d’aujourd’hui. Je n’ai rien d’autre… Pardon. Où vas-tu dormir ? »

– Ne t’inquiète pas. Je sais où aller. Va en paix en raison de ta bonté. Adieu. »

Ils font quelques pas en silence, puis Judas explose :

« Pourquoi ne te fais-tu pas adorer ? Pourquoi ne pas faire toucher terre à ce dégoûtant blasphémateur ? Par terre ! Terrassé, pour avoir mal agi envers toi, le Messie… Ah ! Moi, je l’aurais fait ! Les Samaritains, on les réduit en cendres par le miracle. Il n’y a que cela qui les convainc.

– Ah ! Combien de fois je l’entendrai dire ! Mais devrais-je réduire en cendres chaque personne qui pèche contre moi !… Non, Judas. Je suis venu pour créer, pas pour détruire.

– D’accord, mais en attendant, ce sont les autres qui te dé­truisent. »

Jésus ne réplique pas.

Simon demande :

« Où allons-nous maintenant, Maître ?

– Venez avec moi. Je connais un endroit.

– Mais si tu n’es jamais venu ici depuis que tu as fui, comment le connais-tu ? demande Judas, encore sous le coup de la colère.

– Je le connais. Il n’est pas beau. Mais j’y suis venu une autre fois. Ce n’est pas à Bethléem. Un peu en dehors… Allons dans cette direction. »

Jésus marche à l’avant, suivi de Simon, puis de Judas, enfin de Jean…

73.9

Dans le silence que rompt seulement le crissement des san­dales sur les graviers du sentier, on entend un sanglot.

« Qui pleure ? » demande Jésus en se retournant.

Alors Judas :

« C’est Jean. Il a eu peur.

– Non, je n’ai pas peur. J’avais déjà la main sur le coutelas que j’ai à la ceinture… mais je me suis souvenu de ton : “ Ne tue pas, pardonne. ” Tu le dis toujours…

– Dans ce cas, pourquoi pleures-tu ? demande Judas.

– Parce que je souffre de voir que le monde ne veut pas de Jésus. Il ne le reconnaît pas et ne veut pas le connaître. Quelle douleur ! Comme si on me faisait pénétrer dans le cœur des é­pines enflammées. Comme si j’avais vu piétiner ma mère et cracher au visage de mon père… Plus encore… Comme si j’avais vu les chevaux des Romains manger dans l’Arche sainte et coucher dans le Saint des Saints.

– Ne pleure pas, mon Jean. Tu le diras, cette fois et d’innombrables autres fois : “ Il était la lumière venue briller au milieu des ténèbres, mais les ténèbres ne l’ont pas comprise. Il est venu dans le monde fait par lui, et le monde ne l’a pas connu. Il est venu dans sa ville, dans sa maison, et les siens ne l’ont pas reçu. ” Ah, ne pleure pas comme ça !

– Cela n’arrive pas en Galilée ! Soupire Jean.

– Alors, pas davantage en Judée, réplique Judas. Jérusalem en est la capitale et il y a trois jours qu’on t’y saluait comme Messie par des “ Hosannas ”. Ici… c’est un village de bergers grossiers, de paysans, de jardiniers… il ne faut pas se baser sur eux. Même les Galiléens, allons, ne seront pas tous bons. Du reste, Judas le faux Messie, d’où était-il ? On disait…

– Assez, Judas. Il ne faut pas se troubler. Moi, je suis calme. Soyez-le, vous aussi. Judas, viens ici. Je dois te parler. »

Judas le rejoint.

« Prends la bourse. Tu feras les courses pour demain.

– Et, pour l’instant, où logerons-nous ? »

Jésus sourit et se tait.

73.10

La nuit est descendue. La lune revêt tout de blancheur. Les rossignols chantent dans les oliviers. Un ruisseau ressemble un ruban d’argent sonore. Des prés fauchés arrive une odeur de foin : chaude, presque charnelle, pourrais-je dire. Quelques mugissements. Quelques bêlements. Et des étoiles, des étoiles, des étoiles… un semis d’étoiles sur le voile du ciel, un baldaquin de joyaux vivants sur les collines de Bethléem.

« Mais ici !… Ce sont des ruines. Où nous conduis-tu ? Ce n’est plus la ville.

– Je le sais. Viens, suis le ruisseau, derrière moi. Encore quelques pas, et puis… et puis je t’offrirai le logement du Roi d’Israël. »

Judas hausse les épaules et garde le silence.

Encore quelques pas, puis voilà un tas de maisons en ruines, des restes d’habitations… Un antre, entre deux fentes de hautes murailles.

Jésus dit :

« Avez-vous de l’amadou ? Allumez. »

Simon allume une lanterne qu’il tire de sa besace et la donne à Jésus.

« Entrez, dit le Maître, en levant la lumière, entrez. C’est la chambre de la nativité du Roi d’Israël.

– Tu te trompes, Maître ! C’est une caverne nauséabonde. Ah ! Pour moi, je n’y reste sûrement pas ! Elle me dégoûte : humide, froide, fétide, pleine de scorpions, de serpents peut-être…

– Et pourtant, mes amis : ici, la nuit du 25 du mois d’Encénie, naquit de la Vierge, Jésus le Christ, l’Emmanuel, le Verbe de Dieu fait chair pour l’amour de l’homme : moi, qui vous parle. A cette époque comme aujourd’hui, le monde fut sourd aux voix du Ciel qui s’adressaient au cœur… et il a repoussé la Mère… et ici… Non, Judas, ne détourne pas les yeux d’un air dégoûté de ces chauves-souris qui volent, de ces lézards verts, de ces toiles d’araignées. Ne relève pas avec dégoût ton beau vêtement brodé pour qu’il ne se souille pas sur le sol, couvert d’excréments d’animaux. Ces chauves-souris sont les petites-filles de celles qui furent les premiers jouets qui s’agitèrent sous les yeux du Bébé, pour lequel les anges chantaient le “ Gloria ” que les bergers entendirent, ivres de rien d’autre que d’une joie extatique, de la vraie joie. Ces lézards couleur émeraude furent les premières couleurs qui frappèrent ma pupille, les premières après la blancheur du vêtement et du visage de ma Mère. Ces toiles d’araignées for­mèrent le baldaquin de mon berceau royal. Quant à ce sol, tu peux le fouler sans dédain… il est couvert d’excréments, mais il est sanctifié par son pied à elle, la Sainte, la Grande Sainte, la Pure, l’Inviolée, la Mère de Dieu, celle qui enfanta parce qu’elle devait enfanter, qui enfanta parce que Dieu, et non pas l’homme, le lui dit et la rendit enceinte de lui-même. Elle, la Femme immaculée, l’a foulé aux pieds. Tu peux y mettre tes pas. Et que Dieu veuille que par la plante de tes pieds te monte au cœur la pureté qui émana d’elle… »

73.11

Simon s’est agenouillé. Jean va droit à la crèche et pleure, la tête appuyée sur elle. Judas est abasourdi… puis, vaincu par l’émotion et sans plus penser à son bel habit, il se jette sur le sol, saisit un pan du vêtement de Jésus, l’embrasse et se frappe la poitrine en disant :

« Ah ! Aie pitié, bon Maître, de l’aveuglement de ton serviteur ! Mon orgueil tombe… Je te vois comme tu es. Non pas le roi que je pensais, mais le Prince éternel, le Père du siècle à venir, le Roi de la paix. Pitié, mon Seigneur et mon Dieu ! Pitié !

– Oui, tu as toute ma pitié. Nous allons maintenant dormir à l’endroit où dormirent l’Enfant et la Vierge, là où Jean a pris la place de la Mère en adoration, là où Simon ressemble à mon père putatif. Ou bien, si vous préférez, je vous parlerai de cette nuit…

– Oh oui, Maître, fais-nous connaître ton épanouissement en ce monde !

– Pour qu’il soit une perle lumineuse dans nos cœurs et pour que nous puissions le redire au monde.

– Et pour vénérer ta Mère, non seulement pour avoir été ta mère, mais pour être… ah, pour être la Vierge !

C’est d’abord Judas qui a parlé, puis Simon, puis Jean là tout près de la crèche ; sur son visage, les larmes se mêlent aux sourires.

« Venez sur le foin. Ecoutez… »

Jésus leur raconte alors la nuit de sa naissance :

“ … la Mère qui était déjà sur le point d’enfanter, vint, sur l’ordre de César Auguste et sur l’avis du délégué impérial, Publius Sulpicius Quirinus, alors que Sentius Saturninus était gouverneur de la Palestine. L’avis ordonnait le recensement de tous les habitants de l’Empire. Excepté les esclaves, ils de­vaient se rendre sur leur lieu d’origine pour s’inscrire sur les registres de l’Empire. Joseph, époux de la Mère, était de la race de David, tout comme elle. Obéissant donc à cet avis, ils quittèrent Nazareth pour venir à Bethléem, berceau de la race royale. Le temps était froid… ”

Jésus continue le récit et tout cesse ainsi.

73.1

A stony, dusty, flat road, dried up by the summer sun. It runs alongside huge olive-trees, all laden with small newly formed olives. The ground, that has not been trodden on, is strewn with a layer of minute little olive flowers, which have fallen off after pollination.

Jesus, with the three disciples, proceeds in single file along the edge of the road, where the grass is still green, protected by the shade of the olive-trees and consequently there is less dust.

The road turns at a right angle, after which it climbs easily towards a large valley shaped like a horseshoe, on which numerous houses are strewn forming a small town. At the right angle turn of the road, there is a square building surmounted by a little low dome. It is all closed up, as if it were abandoned.

«That is Rachel’s sepulchre» says Simon.

«In that case, we have almost arrived. Are we going into town at once?»

«No, Judas, I want to show you a place first… Then we will go into town, and since there is still clear daylight and it will be an evening of moonlight, we will be able to speak to the people. If they will listen to us.»

«Do You think they will not listen to You?»

73.2

They have reached the sepulchre, an ancient but well preserved monument, well whitewashed.

Jesus stops to drink at a rustic well nearby. A woman who has come to draw water offers Him some. Jesus asks her: «Are you from Bethlehem?»

«I am. But now at harvest time, I live in the country here with my husband, to look after the vegetable gardens and the orchards. Are You a Galilean?»

«I was born in Bethlehem, but I live at Nazareth in Galilee.»

«Are You persecuted, too?»

«The family is. But why do you say: “You too”? Are there many people persecuted among the Bethlehemites?»

«Don’t You know? What age are You?»

«Thirty.»

«Then You were born exactly when… oh! what a calamity! But why was He born here?»

«Who?»

«The One they said was the Saviour. Cursed be the fools who, drunk as they were, thought the clouds were angels and the bleating and braying were voices from Heaven, and in the haze of drunkenness they mistook three miserable people for the holiest people on the earth. Cursed be they! And cursed be those who believe them.»

«But, with all your cursing, you are not telling Me what happened. Why are you cursing?»

«Because… Listen: where are You going?»

«To Bethlehem with My friends. I have business there. I must visit some old friends and take them the greetings of My Mother. But I would like to know many things before, because we have been away, we of the family, for many years. We left the town when I was only a few months old.»

«Before the catastrophe, then.

73.3

Listen, if You do not loathe the house of a peasant, come and share our bread and salt with us. You and Your companions. We will talk during supper and I will put you all up for the night. My house is small. But above the stable there is a lot of hay, all piled up. The night is clear and warm. If You want, You can sleep there.»

«May the Lord of Israel reward your hospitality. I will be happy to come to your house.»

«A pilgrim brings blessings with him. Let us go. But I shall have to pour six jars of water on the vegetables which have just come up.»

«And I will help you.»

«No, You are a gentleman, Your behaviour says so.»

«I am a worker, woman. This one is a fisherman. Those two Judaeans are well off and employed. I am not.» And He picks up a jar, which was lying flat on its big belly near the very low wall of the well, He ties it to the rope, and lowers it into the well.

John helps Him. Also the others wish to be as helpful and they ask the woman: «Where are the vegetables? Tell us and we will take the jars there.»

«May God bless you! My back is broken with fatigue. Come…»

And while Jesus is pulling up His jar, the three disciples disappear along a little path… and come back with two empty ones which they fill up and then go away. And they do not do that three, but ten times. And Judas laughing says: «She is shouting herself hoarse, blessing us. We have given so much water to her salad, that the soil will be damp for at least two days, and the woman will not have to break her back.» When he comes back for the last time, he says: «Master, I am afraid we have been unlucky.»

«Why, Judas?»

«Because she has it in for the Messiah. I said to her: “Don’t curse. Don’t you know that the Messiah is the greatest grace for the people of God? Yahweh promised Him to Jacob, and after him to all the Prophets and the just people in Israel. And you hate Him?” She replied: “Not Him. But the one whom some drunken shepherds and three cursed diviners from the East called ‘Messiah’”. And since that is You…»

«It does not matter. I know I am placed as a trial and contradiction for many. Did you tell her who I am?»

«No, I am not a fool. I wanted to save Your back and ours.»

«You did well. Not because of our backs. But because I wish to show Myself when I think the time is right. Let us go.»

Judas leads Him as far as the vegetable garden.

73.4

The woman empties the last three jars and she then takes Him towards a rustic building in the middle of the orchard. «Go in» she says. «My husband is already in the house.»

They look into a low smoky kitchen. «Peace be to this house» greets Jesus.

«Whoever You are, may You and Your friends be blessed. Come in» replies the man. And he takes out to them a basin of water that they may refresh and clean themselves. Then they all go in and sit round a rough table.

«Thank you for helping my wife. She told me. I had never dealt with Galileans before and I was told that they are rough and quarrelsome. But you have been kind and good. Although already tired… you worked so hard. Are you coming from far?»

«From Jerusalem. These two are Judaeans. The other one and I are from Galilee. But, believe Me, man: you will find good and bad everywhere.»

«That’s true. I, the first time I have met Galileans, I have found them to be good. Woman: bring the food. I have but bread, vegetables, olives and cheese. I am a peasant.»

«I am not a gentleman Myself. I am a carpenter.»

«What? You? With Your manners?»

The woman intervenes: «Our guest is from Bethlehem, I told you, and if His relations are persecuted, they were probably rich and learned, like Joshua of Ur, Matthew of Isaac, Levi of Abraham, poor people!…»

«You have not been questioned. Forgive her. Women are more talkative than sparrows in the evening.»

«Were they Bethlehemite families?»

«What? You do not know who they are, and You come from Bethlehem?»

«We ran away when I was a few months old…»

The woman who must be really loquacious, resumes speaking: «He went away before the massacre.»

«Eh! I see that. Otherwise He would not be in this world. Have You never been back?»

«No, never.»

73.5

«What a calamity! You will not find many of those Sarah said You want to meet and visit. Many were killed, many ran away, many… who knows!… missing, and it has never been known whether they died in the desert or were killed in jail as a punishment for their rebellion. But was it a rebellion? And who would have remained inactive allowing so many innocents to be slaughtered? No, it is unfair that Levi and Elias should still be alive when so many innocents are dead!»

«Who are those two, and what did they do?»

«Well… at least You will have heard of the slaughter. The slaughter by Herod… Over a thousand babies[1] slaughtered in town, almost another thousand in the country. And they were all, or almost all, males, because in their fury, in the darkness, in the scuffle, the killers tore away from their cradles, from their mother’s beds, from the houses they assailed, also some baby girls, and they pierced them like sucking baby gazelles shot down by archers. Well: why all that? Because a group of shepherds, who had obviously drank a huge quantity of cider to stand the intense night cold, in a frenzy of excitement, stated they had seen angels, heard songs, received instructions… and they said to us of Bethlehem: “Come. Adore. The Messiah is born”. Just imagine: the Messiah in a cave! In all sincerity, I must admit that we were all drunk, even I, then an adolescent, also my wife, then only a few years old… because we all believed them, and in a poor Galilean woman we saw the Virgin Mother mentioned by the Prophets. But She was with Her husband, a rough Galilean! If She was the wife, how could She be the “Virgin”? To cut a long story short: we believed. Gifts, worshipping… houses opened to give them hospitality!…

Oh! They played their roles very well! Poor Anne! She lost her property and her life, and also the children of her oldest daughter, the only one left because she was married to a merchant in Jerusalem, lost all their property because their house was burned down and the whole holding was laid waste by Herod’s order. Now it is an uncultivated field where herds feed.»

«And was it entirely the shepherds’ fault?»

«No, it was the fault also of three sorcerers who came from Satan’s kingdom. Perhaps they were accomplices of the three… And we foolishly felt proud of so much honour! And the poor arch-synagogue! We killed him because he swore that the prophecies confirmed the truth of the shepherds’ and sorcerer’ words…»

«It was therefore the fault of the shepherds and of the sorcerers?»

«No, Galilean. It was also our fault. The fault of our credulity.

The Messiah had been expected for such a long time! Centuries of expectation. And there had been many disappointments recently because of false Messiahs. One of them was a Galilean, like You, another one was named Theudas. Liars! They… Messiahs! They were nothing but greedy adventurers hunting for a stroke of luck! We should have learned the lesson. Instead…»

73.6

«Well, then, why do you curse all the shepherds and sorcerers?

If you consider yourselves fools, too, then you ought to be cursed as well. But the precept of love forbids cursing. One curse attracts another curse. Are you sure you are right? Could it not be true that the shepherds and the sorcerers spoke the truth, revealed to them by God? Why do you carry on believing they were liars?»

«Because the years of the prophecy were not complete. We thought about it afterwards… after our eyes had been opened by the blood that reddened basins and rivulets.»

«And could the Most High not have advanced the coming of the Saviour, out of an excess of love for His people? On what did the sorcerers found their statement? You told Me they came from the East…»

«On their calculations concerning a new star.»

«Is it not written[2]: “A star from Jacob takes the leadership, a sceptre arises from Israel”? Is Jacob not the great Patriarch and did he not stop in the land of Bethlehem as dear to him as his eyes, because his beloved Rachel died there? And did the mouth of a Prophet not say: “A shoot springs from the stock of Jesse, a scion thrusts from his roots”? Jesse, David’s father, was born here. Is the shoot on the stock, cut at its roots by tyrannical usurpation, is it not the “Virgin” Who will give birth to Her Son, conceived not by deed of man, otherwise She would not be a virgin, but by divine will, whereby He will be the “Emmanuel” because: Son of God, He will be God and bring God among the people of God, as His name proclaims? And will He not be announced, as the prophecy says, to the people walking in darkness, that is to the pagans, “by a great light”? And the star the Magi saw, could it not be the star of Jacob, the great light of the two prophecies of Balaam and Isaiah? And the very massacre ordered by Herod, does it not come within the prophecies? “A voice is heard in Ramah… It is Rachel weeping for her children”. It was written that tears should ooze from Rachel’s bones in her sepulchre at Ephrathah when, through the Saviour, the reward would come to the holy people. Tears which were to turn into celestial laughter, just as the rainbow is formed by the last drops of the storm, but it says: “Here, the sky is clear again”»

«You are a learned man. Are You a rabbi?»

«Yes, I am.»

«And I perceived it. There is light and truth in Your words. But… Oh! too many wounds are still bleeding in this land of Bethlehem because of the true or false Messiah… I would never advise Him to come here. The land would reject Him as it rejects a stepson who caused the death of the true children. In any case… if it was Him… He died with the other slaughtered children.»

73.7

«Where do Levi and Elias live now?»

«Do You know them?» The man becomes suspicious.

«I do not know them. Their faces are unknown to Me. But they are unhappy, and I always have mercy on the unhappy. I want to go and see them.»

«Well, You will be the first one after about thirty years. They are still shepherds and they work for a rich Herodian from Jerusalem, who has taken possession of a lot of the property belonging to the people killed… There is always someone making a profit! You will find them with their herds on the high grounds towards Hebron. But this is my advice: don’t let anyone from Bethlehem see You speaking to them. You would suffer from it. We bear them because… because of the Herodian. Otherwise…»

«Oh! Hatred! Why hate?»

«Because it is just. They have done us harm.»

«They thought they were doing good.»

«But they did harm. Let them be harmed. We should have killed them, as they had so many people killed through their stupidity. But we had become stupid ourselves and later… there was the Herodian.»

«So, even if he had not been there, after the first desire for revenge, which was still excusable, would you have killed them?»

«We would kill them even now, if we were not afraid of their master.»

«Man, I tell you, do not hate. Do not wish evil things. Do not be anxious to do evil things. There is no fault here. But even if there was, forgive. Forgive in the name of God. Tell the other people of Bethlehem as well. When your hearts are free from hatred, the Messiah will come; you will know Him then, because He is alive. He already existed when the massacre took place. I am telling you. It was Satan’s fault, not the fault of the shepherds and of the sorcerers that the massacre took place. The Messiah was born here for you, He came to bring the Light to the land of His fathers. The Son of a Virgin Mother of the line of David, in the ruins of the house of David, He granted a stream of Graces to the world, and a new life to mankind…»

«Go away! Get out of here! You are a follower of that false Messiah, Who could but be false, because He brought misfortune to us here in Bethlehem. You are defending Him, so…»

«Be silent, man. I am a Judaean and I have influential friends. I could make you feel sorry for your insult» bursts out Judas, getting hold of the peasant’s garments, and shaking him in a fit of violent anger.

«No, No, out of here! I don’t want trouble with the people of Bethlehem or with Rome or Herod. Go away, you cursed ones, if you don’t want me to leave my mark on you… Out!»

«Let us go, Judas. Do not react. Let us leave him in his hatred. God will not enter where there is bitter hatred. Let us go.»

«Yes, we will go. But you will pay for it.»

«No, Judas, do not say that. They are blind… We shall meet so many on My way.»

73.8

They go out following Simon and John, who are already outside, speaking to the woman, round the corner of the stable.

«Forgive my husband, Lord. I did not think I was going to cause so much trouble… Here, take these. You will eat them tomorrow morning. They are newly laid. I have nothing else… Forgive us. Where will You sleep?» (She gives Him some eggs).

«Do not worry. I know where to go. Go and peace be with you for your kindness. Goodbye.»

They walk a short distance, without speaking, then Judas bursts out: «But You… Why not make him worship You? Why did You not crush that filthy swearer down in the mud? Down on the ground! Crushed because he showed no respect for You, the Messiah… Oh! That is what I would have done! Samaritans should be reduced to ashes by means of a miracle! It is the only thing that will shake them.»

«Oh! How many times will I hear that said! But if I should reduce to ashes for every sin against Me!… No, Judas. I have come to create, not to destroy.»

«Yes! And in the meantime they are destroying You.»

Jesus does not reply.

Simon asks: «Where are we going now, Master?»

«Come with Me, I know a place.»

«But if You have never been here after You left, how can You know?» asks Judas, still angry.

«I know. It is not a beautiful place. But I have been there before. It is not in Bethlehem… it is a little outside… Let us turn this way.»

Jesus is in front, followed by Simon, then Judas and John is last…

73.9

In the silence, broken only by the rustling of their sandals on the small grains of gravel of the path, someone sobbing can be heard.

«Who is crying?» asks Jesus turning around.

And Judas: «It’s John. He has been frightened.»

«No, I was not frightened. I had already laid my hand on the knife under my belt… Then I remembered the words You keep repeating: “Do not kill, forgive”.»

«Why are you crying, then?» asks Judas.

«Because I suffer seeing that the world does not love Jesus. They do not know Him, and they do not want to know Him. Oh! It is such a pain! As if someone tore my heart with burning thorns. As if I had seen someone treading on my mother or spitting upon my father’s face… Even worse… As if I had seen Roman horses eating in the Holy Ark and resting in the Holy of Holies.»

«Do not cry, My dear John. You shall say it for this present time and for endless times in future: “He was the Light and He came to enlighten darkness; but darkness did not know Him. He came to the world that had been made for Him, but the world did not know Him. He came to His own town, to His domain, but His own people did not accept Him”. Oh! Do not cry like that!»

«That does not happen in Galilee!» says John sighing.

«Well, not even in Judaea» says Judas. «Jerusalem is the capital and three days ago it sang hosannas to You, Messiah! You cannot judge from this place of coarse peasants, shepherds and market gardeners. Also the Galileans, mind you, are not all good. After all, where did Judas, the false Messiah, come from? They said…»

«That is enough, Judas. There is no use in getting angry. I am calm. Be calm, too. Judas, come here. I want to speak to you.» Judas goes near Him. «Take this purse. You will do the shopping for tomorrow.»

«And for the time being, where are we going to lodge?»

Jesus smiles, but does not reply.

73.10

It is dark. Everything is white in the moonlight. The nightingales sing amongst the olives-trees. A brook is a silvery resounding ribbon. One can smell the scent of hay of the mown fields: a warm, I would say, carnal smell. Bellows and bleats can be heard. And stars, stars and stars… stars strewn on the heavenly curtain, a canopy of living gems, spread over the hills of Bethlehem.

«But here!… There is nothing but ruins here! Where are You taking us? The town is over there.»

«I know. Come. Follow the rivulet, behind Me. A few more steps and then… then I will offer you the abode of the King of Israel.»

Judas shrugs his shoulders and becomes quiet.

A few more steps, then a heap of ruined houses: the remains of houses… A cave between the clefts of a big wall.

Jesus asks: «Have You any tinder? Light it.»

Simon lights a small lamp which he has taken out of his knapsack and he gives it to Jesus.

«Come in» says the Master lifting the lamp. «Come in. This is the nativity room of the King of Israel.»

«You must be joking, Master! This is a filthy den. Ah! I am not going to stay here! I loathe it: it is damp, cold, stinking, full of scorpions and perhaps also snakes…»

«And yet… My friends, here the night of the twenty-fifth of Chislev, Feast of the Lights, Jesus Christ, was born of the Virgin, the Emmanuel, the Word of God made flesh, for the love of man: I Who am speaking to you . Also then, as now, the world was deaf to the voices of Heaven speaking to the hearts of men… and it rejected the Mother… and here… No, Judas, do not avert your eyes in disgust from those fluttering noctules, from those green lizards, from those cobwebs, do not lift with disgust your beautiful embroidered mantle, lest it may trail on the ground covered with animal excrement. Those noctules are the daughters’ daughters of the ones that were the first toys to be tossed before the eyes of the Child, for Whom the angels sang the “Gloria” heard by the shepherds, intoxicated only by an ecstatic joy, a true joy. The emerald green of those lizards was the first colour to strike My eyes, the first, after My Mother’s white face and dress. Those cobwebs were the canopy of My royal cradle. This ground… oh! you may tread on it without disdain… It is littered with excrement… but it is sanctified by Her foot, the foot of the Holy, the Most Holy, Pure, Immaculate Mother of God, Who gave birth, because She was to give birth, because God, not man, told Her and covered Her with His shadow. She, the Faultless One, trod on it. You can tread on it, too. And may the purity diffused by Her, by the will of God, rise from the soles of your feet to your heart…»

73.11

Simon is on his knees. John goes straight to the manger and cries, leaning his head against it. Judas is terrified… he is overcome by emotion, and no longer worried about his beautiful mantle, he kneels on the ground, takes the edge of Jesus’ tunic and kisses it and beats his breast saying: «Oh! My good Master, have mercy on the blindness of Your servant! My pride vanishes… I see You as You are. Not the king I was thinking of. But the Eternal Prince, the Father of future centuries, the King of peace. Have mercy, my Lord and my God, have mercy on me!»

«Yes, you have all My mercy! Now we will sleep where the Infant and the Virgin slept, over there where John has taken the place of the adoring Mother, here where Simon looks like My putative father. Or, if you prefer so, I will speak to you of that night…»

«Oh! yes, Master, tell us of Your birth.»

«That it may be a bright pearl shining in our hearts. And we may tell the whole world.»

«And we may venerate Your Virgin Mother, not only as Your Mother, but also as… as the Virgin!»

Judas was the first to speak, then Simon and then John, whose face smiles and cries, near the manger.

«Come and sit on the hay. Listen,…» and Jesus tells them of the night of His birth. «…as the Mother was near Her time to have Her Child, a decree was issued by the imperial delegate Publius Sulpicius Quirinus on instructions from Caesar Augustus, when Sentius Saturninus was governor of Palestine. The decree stated that a census had to be taken of all the people of the empire. Those who were not slaves were to go to their places of origin and register in the official rolls of the empire. Joseph, the spouse of the Mother, was of the line of David and the Mother was also of David’s line. In compliance with the decree, they left Nazareth and came to Bethlehem, the cradle of the royal family. The weather was severe…».

Jesus continues the story and it all ends in this way.


Notes

  1. Mille bébés… : Maria Valtorta écrivit sur un feuillet inséré dans le fascicule de la copie dactylographiée : “ En ce qui concerne les Innocents tués dans le massacre d’Hérode : leur nombre exact est de 32. Parmi ceux-ci, 18 furent tués dans la ville même de Bethléem et 14 dans les campagnes alentour. Parmi ces enfants, il y eut aussi 6 petites filles que les sicaires n’identifièrent pas comme telles étant donné que tous, aussi bien garçons que filles, étaient vêtus de la même façon. Ce à quoi il faut ajouter la hâte de tuer et l’obscurité de la nuit. Comme cela se produit souvent, le paysan exagère et défigure la réalité. Beaucoup de légendes fausses se sont ainsi créées en se substituant à la vérité. ” Exception faite de cette considération sur l’exagération du paysan, la note de Maria Valtorta est la retranscription, pas tout à fait textuelle et peut-être faite de mémoire, d’une note du 28 février 1947 (rapportée dans le volume des “ Cahiers de 1945 à 1950 ”) ; mais les chiffres diffèrent : 320 au lieu de 32, 188 au lieu de 18, 132 au lieu de 14, 64 au lieu de 6.
  2. n’est-il pas dit. Voir Gn 35, 15-20, Nb 24, 15-17 ; 1 S 17, 12 ; Is 7, 14 ; 9, 1 ; 11, 1 ; Jr 31, 15. Ces références bibliques, que nous avons citées selon l’ordre canonique des livres, comprennent aussi bien les expressions citées que les événements mentionnés.

Notes

  1. Over a thousand babies… The real number of babies killed is thirty-two, eighteen of which in the actual town of Bethlehem and fourteen in the nearby country. Also six baby girls were slaughtered as the hired cut-throats could not tell them from baby boys because they were dressed alike, and also because of the darkness and their hurry to kill, The peasant, as is often the case, exaggerates. The above detailed information is given by M.V. on a separate sheet added to the original manuscript.
  2. Is it not written: the order of the quotations is listed according to the Bible. Genesis 35:15-20; Numbers 24:15-17; 1Samuel 17:12; Isaiah 7:14; 9:1; 11:1; Jeremiah 31:15.